La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/09/2024 | FRANCE | N°20/00313

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 02 septembre 2024, 20/00313


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







YW/TD

ARRET N°



AFFAIRE N° RG 20/00313 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EUKA



Jugement du 19 novembre 2019

Tribunal de Grande Instance du Mans

n° d'inscription au RG de première instance : 17/03774





ARRET DU 02 SEPTEMBRE 2024



APPELANTE :



SA AXA FRANCE IARD

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Pierre LANDRY de la SCP PIERRE LANDRY AVOCATS, avocat au barreau du MANS

r>


INTIME :



Monsieur [U] [G]

né le 04 Août 1961 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représenté par Me Jean-yves BENOIST substitué par Me Anne CESBRON de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocats au ba...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

YW/TD

ARRET N°

AFFAIRE N° RG 20/00313 - N° Portalis DBVP-V-B7E-EUKA

Jugement du 19 novembre 2019

Tribunal de Grande Instance du Mans

n° d'inscription au RG de première instance : 17/03774

ARRET DU 02 SEPTEMBRE 2024

APPELANTE :

SA AXA FRANCE IARD

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Pierre LANDRY de la SCP PIERRE LANDRY AVOCATS, avocat au barreau du MANS

INTIME :

Monsieur [U] [G]

né le 04 Août 1961 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean-yves BENOIST substitué par Me Anne CESBRON de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocats au barreau du MANS - N° du dossier 20150087

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du 13 novembre 2023 à 14 H 00, M. WOLFF, Conseiller ayant été préalablement entendux en son rapport, devant la Cour composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

M. WOLFF, Conseiller

Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme LEVEUF

Greffier lors du prononcé : M. DA CUNHA

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 2 septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Tony DA CUNHA, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [U] [G] possède une propriété située au lieu-dit [Adresse 3] à [Localité 5] (72), au sein de laquelle il exerce une activité d'éleveur et d'entraîneur de chevaux de course. Courant 2006, il y a fait réaliser des travaux d'aménagement et de goudronnage du chemin d'accès et de la cour d'exploitation, lesquels ont été confiés à la société Sablé Laval Environnement. Cette société était alors assurée auprès de la société Axa France IARD (Axa), société anonyme, avant de l'être auprès de la société Aviva Assurances (Aviva). La société Sablé Laval Environnement a sous-traité une partie des travaux à la société Heulin Routes et Canalisations, devenue ensuite la société Eurovia Atlantique.

Invoquant l'apparition de désordres, M. [G] a fait assigner devant le tribunal de grande instance du Mans, par actes d'huissier de justice des 31 octobre, 2 novembre et 8 novembre 2017, Me [D] [Z], en sa qualité de mandataire au redressement judiciaire de la société Sablé Laval Environnement, ainsi qu'Axa, Aviva et la société Eurovia Atlantique.

Par jugement du 19 novembre 2019, le tribunal, retenant que les désordres relevaient de la garantie décennale, a notamment :

Condamné Axa, in solidum avec la société Eurovia Atlantique, à verser à M. [G], au titre de la garantie décennale :

La somme de 107 673,88 euros HT, devant être actualisée au jour du jugement en fonction de la variation de l'indice BT01 depuis le 29 mars 2017, outre les intérêts au taux légal sur la somme ainsi indexée à compter du jugement ;

La somme de 1831,43 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

Condamné in solidum Axa, Aviva et la société Eurovia Atlantique aux dépens, ainsi qu'à verser à M. [G] la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Axa a relevé appel de ces chefs du jugement par déclaration du 18 février 2020, en intimant uniquement M. [G].

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 octobre 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2022, Axa demande à la cour :

D'infirmer le jugement ;

De dire et juger que sa garantie n'est pas mobilisable ;

De rejeter toute demande dirigée contre elle par M. [G] ;

De condamner M. [G] à la restitution de toutes les sommes perçues en conséquence de l'exécution provisoire du jugement ;

De condamner M. [G] aux dépens, et à lui verser la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Axa soutient que :

Les conditions générales qui sont produites sont bien celles qui forment avec les conditions particulières le contrat d'assurance.

Les travaux de voirie qui ont été réalisées par la société Sablé Laval Environnement relèvent incontestablement des travaux de génie civil. Or une telle activité se trouve expressément en dehors des prévisions du contrat d'assurance qu'elle a conclu avec la société. Cela ressort des conditions particulières du contrat, qui stipule en toutes lettres que n'est pas accordée la garantie formulée à l'article 10 des conditions générales, relatif à la responsabilité décennale pour travaux de génie civil en cas d'atteinte à la solidité. Les travaux de génie civil sont eux-mêmes définis à l'article 37.29 de ces conditions générales, qui vise notamment les voiries et réseaux divers. Cela fait écho à l'article L. 243-1-1 du code des assurances, qui liste les exceptions à l'obligation d'assurance édictée à l'article L. 241-1 du même code, et désigne en particulier les voiries, les ouvrages piétonniers et les réseaux divers. De surcroît, les travaux litigieux ne sont pas, au sens de l'article 37.29 des conditions générales, l'accessoire d'un ouvrage, et ne s'apparentent pas à la situation dans laquelle l'ouvrage est accessoire à un ouvrage soumis à l'obligation d'assurance.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 juillet 2020, M. [G] demande à la cour :

De confirmer le jugement ;

De condamner Axa aux dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [G] soutient que :

Les conditions générales produites par Axa ne sont pas opposables. Cette pièce n° 9 ne correspond pas aux conditions générales visées par les conditions particulières. Aucune référence n'y est indiquée. En outre, elles ne sont ni signées ni paraphées par l'assurée. Elles n'ont donc aucune valeur contractuelle. Il convient dès lors de se référer uniquement aux conditions particulières.

Ces dernières indiquent expressément en page 2, au sujet des activités déclarées, que constitue une activité de bâtiment l'activité de voirie et réseaux divers de desserte privative d'un bâtiment. Or en l'espèce, il n'est pas contestable que les travaux litigieux concernaient la desserte privative d'un bâtiment. Ils devront donc être qualifiés de travaux de bâtiment, lesquels sont bien garantis par Axa au titre de l'article 8.

S'il était retenu l'opposabilité des conditions générales, les conditions particulières priment sur celles-ci. Or ces conditions particulières qualifient de travaux de bâtiment les travaux de voirie et réseaux divers de desserte privative d'un bâtiment.

Le contrat d'assurance a été conclu le 29 juin 2005, soit avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005. Or il existait avant cette ordonnance une distinction entre les travaux de bâtiment, soumis à l'obligation d'assurance, et les travaux de génie civil, non soumis à cette obligation, et la Cour de cassation avait déjà qualifié à plusieurs reprises les travaux de voirie de travaux de bâtiment soumis à l'obligation d'assurance.

Subsidiairement, la voie d'accès et la cour qui ont fait l'objet des travaux litigieux sont incontestablement accessoires au centre équestre au sens de l'article L. 243-1-1 du code des assurances, puisqu'elles permettent de relier ce centre à la voie publique tout en desservant la piste d'entraînement des chevaux. Elles sont donc soumises à l'assurance décennale.

MOTIVATION

Sur l'opposabilité des conditions générales produites par Axa

Il se déduit de l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que sont opposables à l'assuré les conditions générales dont il reconnaît avoir pris connaissance et qu'il a acceptées avant le sinistre (3e Civ., 21 septembre 2022, pourvoi n° 21-21.014).

Il est ainsi constant de longue date que la mention, figurant dans les conditions particulières signées par le souscripteur d'un contrat d'assurance, par laquelle ce dernier reconnaît avoir reçu un exemplaire du contrat, composé desdites conditions particulières et de conditions générales désignées par leur référence, établit que ces conditions générales, bien que non signées, ont été portées à la connaissance de l'assuré et lui sont, par conséquent, opposables (1re Civ., 17 novembre 1998, pourvoi n° 96-15.126, Bull. 1998, I, n° 316).

En l'espèce, les conditions particulières du contrat Multigaranties Entreprise de Construction produites par Axa et signées le 29 juin 2005 stipulent sur leur première page, précédant ainsi la signature de la société Sablé Laval Environnement :

« Ces Conditions Particulières jointes aux Conditions Générales et aux annexes référencées ci-dessous, dont le souscripteur reconnaît avoir reçu un exemplaire, constituent le contrat d'Assurance.

(Références CG n° 46102 B ) . »

Après que M. [G] a soulevé dans ses conclusions du 27 juillet 2020 que la pièce n° 9 d'Axa, qui correspondait à la copie des conditions générales Multigaranties Entreprise de Construction produites alors par celle-ci, ne comportait aucune référence, Axa a communiqué une nouvelle copie (pièce n° 12), au contenu identique, mais laissant cette fois-ci apparaître, au dos de sa dernière page, notamment la mention « Réf. 460102 B ». Cette deuxième copie, qui porte la même référence que celle visée par les conditions particulières du contrat d'assurance, n'a pas été contestée ensuite par M. [G].

Il en résulte que les conditions générales constituant la pièce n° 12 d'Axa sont opposables à M. [G], dès lors que la mention, qui figure dans les conditions particulières avant la signature de la société Sablé Laval Environnement, et par laquelle cette dernière reconnaît avoir reçu un exemplaire des conditions générales désignées par leur référence, établit que ces conditions, bien que non signées, ont été portées à la connaissance de l'assurée et acceptées par celle-ci.

Sur la garantie d'Axa

Il est constant que, comme le jugement l'a retenu sans être critiqué sur ce point, la responsabilité de la société Sablé Laval Environnement, pour laquelle la garantie de son assureur Axa est recherchée, est engagée sur le fondement de l'article 1792 du code civil. M. [G] invoque d'ailleurs toujours cette responsabilité décennale dans ses conclusions.

À cet égard, les conditions particulières du contrat d'assurance litigieux stipulent notamment, à leur page 4 :

« Les garanties précisées aux articles des Conditions Générales suivants sont acquises pour les activités déclarées à l'article 1.2 des présentes Conditions Particulières.

[']

ARTICLE 8 Responsabilité décennale pour travaux de bâtiment.

[']

N'est pas accordée la garantie formulée à l'article suivant :

ARTICLE 10 Responsabilité décennale pour travaux de génie civil en cas d'atteinte à la solidité. »

Il en résulte que tribunal ne peut être suivi en ce qu'il s'est fondé sur l'article 10, expressément non inclus dans le contrat d'assurance, pour retenir la garantie d'Axa. Seule l'article 8 est susceptible de s'appliquer dans ce litige où c'est la responsabilité décennale qui est en cause.

Or selon l'article 37.27 de ces mêmes conditions générales, auquel l'article 8 invoqué par M. [G] renvoie par un astérisque, « pour l'application du présent contrat, sont considérés comme travaux de bâtiment les travaux dont l'objet est la réalisation, partielle ou totale, d'ouvrages à caractère immobilier à l'exclusion :

[']

' des voiries et réseaux divers ['] sauf si l'un ou l'autre de ces ouvrages est l'accessoire d'un ouvrage à caractère immobilier relevant des travaux de bâtiment et qu'il fait l'objet d'une même opération de construction ».

Aux termes de l'article 37.29, ces voiries et réseaux divers relèvent des travaux de génie civil, pour lesquels l'assurance de responsabilité décennale n'a pas été souscrite.

Toutes ces stipulations ne sont pas contredites par les conditions particulières. On ne peut se référer à cet égard à l'article 1.2 de ces dernières, dont l'objet est limité à la déclaration par la société Sablé Laval Environnement de son activité professionnelle selon une nomenclature spécifique, et ne concerne pas la définition du champ de la garantie.

Elles ne sont pas davantage contraires à l'obligation d'assurance édictée à l'article L. 241-1 du code des assurances, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, en vigueur à compter du 9 juin 2005 et applicable au contrat litigieux conclu le 29 juin 2005 ainsi qu'au marché de travaux. En effet, cette ordonnance, rendant caduque la jurisprudence antérieure, a créé dans le même code l'article L. 243-1-1, qui prévoit expressément que « les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement ['] sont ['] exclus des obligations d'assurance ['], sauf si l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance ».

Ainsi, les travaux litigieux, qui peuvent être qualifiés de travaux de voirie et qui, seuls alors à avoir été réalisés, n'étaient pas accessoires à la construction d'un ouvrage soumise à l'obligation d'assurance, n'étaient pas couverts, au titre de la responsabilité décennale, par le contrat d'assurance souscrit par la société Sablé Laval Environnement auprès d'Axa.

Le jugement sera donc infirmé en ses dispositions soumises à la cour en ce qui concerne Axa, et les demandes indemnitaires dirigées par M. [G] contre celle-ci seront rejetées.

Sur la demande de restitution

Il est constant que l'obligation de restituer les sommes versées en vertu d'une décision de première instance résulte de plein droit de l'infirmation de cette décision, peu important que les sommes aient été perçues à la suite d'une mesure d'exécution forcée, et qu'il n'y pas lieu le cas échéant de statuer sur la demande de restitution de ces sommes (2e Civ., 21 mars 2019, pourvoi n° 17-31.395). Il n'y a donc pas lieu en l'espèce de condamner M. [G] à restituer à Axa les sommes qu'elle lui a versées en conséquence de l'exécution provisoire du jugement.

Sur les frais du procès

Les dispositions du jugement sur frais du procès seront, pour ce qui concerne Axa, infirmées, sans que cela n'atteigne la condamnation des autres parties aux dépens.

M. [G] sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.

Il n'apparaît pas néanmoins inéquitable que chaque partie conserve la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

INFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, pour ce qui concerne la société Axa France IARD ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Rejette les demandes indemnitaires dirigées par M. [U] [G] contre la société Axa France IARD ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution faite par la société Axa France IARD ;

Condamne M. [U] [G] aux dépens de la procédure d'appel ;

Rejette les autres demandes des parties.

LE GREFFIER P / LA PRESIDENTE

EMPÊCHÉE

Tony DA CUNHA Yoann WOLFF


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 20/00313
Date de la décision : 02/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-02;20.00313 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award