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03/09/2024 | FRANCE | N°19/02517

France | France, Cour d'appel d'Angers, Chambre a - civile, 03 septembre 2024, 19/02517


COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE







CM/CG

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 19/02517 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ETRE



jugement du 19 Novembre 2019

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 17/04170





ARRET DU 03 SEPTEMBRE 2024





APPELANTE :



Madame [F] [C] épouse [K]

née le 21 Avril 1969 à [Localité 7]

[Adresse 9]

[Localité 4]



Représentée par Me Inès RUBINEL de la S

ELARL LX RENNES-ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 193779 et par Me Jennifer KNAFOU, substituant Me Jean-François SALPHATI, avocats plaidants au barreau de PARIS





INTIMEES :



COVEA PRO...

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

CM/CG

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 19/02517 - N° Portalis DBVP-V-B7D-ETRE

jugement du 19 Novembre 2019

Tribunal de Grande Instance du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 17/04170

ARRET DU 03 SEPTEMBRE 2024

APPELANTE :

Madame [F] [C] épouse [K]

née le 21 Avril 1969 à [Localité 7]

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée par Me Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 193779 et par Me Jennifer KNAFOU, substituant Me Jean-François SALPHATI, avocats plaidants au barreau de PARIS

INTIMEES :

COVEA PROTECTION JURIDIQUE, anciennement dénommée SA DAS et venant aux droits et obligations de la société DAS ASSURANCES MUTUELLES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

MMA IARD agissant en la personne de son représentant légal domicilié

en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

MMA VIE ASSURANCES MUTUELLES agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

S.A. MMA VIE agissant en la personne de son représentant légal domicilié

en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentés par Me Audrey PAPIN, substituant Me Philippe LANGLOIS, avocats au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71200025

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 10 octobre 2023 à 14H00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente qui a été préalablement entendue en son rapport et devant Monsieur WOLFF, conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. WOLFF, conseiller

Greffière lors des débats : Madame LEVEUF

Greffier lors du prononcé : Monsieur DA CUNHA

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 03 septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MULLER, conseillère faisant fonction de présidente et par Tony DA CUNHA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Mme [C] épouse [K] (ci-après Mme [K]) était salariée depuis 2004 des Mutuelles du Mans assurances dites MMA et exerçait depuis 2007 les fonctions d'inspecteur développement à la direction régionale de [Localité 10].

Elle a bénéficié d'un dispositif d'aide et de soutien à la mobilité externe et a signé, d'une part, le 19 novembre 2014 un «accord de rupture amiable du contrat de travail» avec la SA MMA iard prévoyant que cette rupture serait effective le 31 décembre 2014 au soir, date de remise de tous les éléments de son solde de tout compte, d'autre part, le 30 décembre 2014 un «traité de nomination d'agent général MMA avec la direction des réseaux MMA la nommant en qualité d'agent général à effet du 1er janvier 2015 à l'agence de [Localité 8] République, ce mandat à durée indéterminée comportant une période probatoire de deux ans et rappelant qu'elle a choisi de financer son droit d'exercice selon l'option à 60 %.

Suite à l'avis défavorable à sa nomination définitive émis le 13 juillet 2016 par le comité de parrainage institué par l'accord contractuel 2006 passé entre les sociétés du groupe MMA et le SAGAMM, syndicat des agents généraux MMA, la direction des réseaux MMA lui a notifié, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 19 juillet 2016, qu'elle ne serait pas confirmée à l'issue de sa période probatoire et que son mandat serait rompu à effet du 31 décembre 2016, ce sans en préciser les motifs.

Elle a contesté cette décision, qui a néanmoins été maintenue, ainsi que certaines des conditions de son retrait autres que le montant de l'indemnité de cessation de mandat qui a fait l'objet d'un accord.

Par acte d'huissier en date du 6 décembre 2017, elle a fait assigner les sociétés MMA iard SA, MMA iard assurances mutuelles, MMA vie SA et MMA vie assurances mutuelles devant le tribunal de grande instance du Mans afin de faire constater le caractère abusif de la rupture de son mandat d'agent général et d'obtenir, en l'état de ses dernières conclusions, le paiement à titre de dommages et intérêts des sommes de 60 906,74 euros représentant les frais engagés pour le lancement de l'activité de l'agence, de 40 328,60 euros correspondant à la perte de valeur de l'indemnité compensatrice due à des problèmes inhérents à l'agence occultés par les MMA, de 110 000 euros au titre de sa perte d'ancienneté en tant que salariée des MMA, de 477 192 euros au titre de sa perte de chance de se constituer un capital, de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral et d'image et d'une somme non chiffrée au titre du préjudice relatif aux frais liés au local de l'agence, la publication du jugement à intervenir dans un journal de diffusion nationale et un journal de diffusion locale aux frais des MMA sous astreinte et l'octroi d'une indemnité de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés DAS SA et DAS assurances mutuelles sont intervenues volontairement à l'instance au soutien des prétentions des MMA.

Par jugement en date du 19 novembre 2019, le tribunal a :

- condamné les sociétés MMA iard assurances mutuelles, MMA iard SA, MMA vie assurances mutuelles, MMA vie SA, DAS SA et DAS assurances mutuelles à payer à Mme [K] les sommes de 823 euros et 38 euros,

- débouté Mme [K] pour le surplus,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné les sociétés MMA iard assurances mutuelles, MMA iard SA, MMA vie assurances mutuelles, MMA vie SA, DAS SA et DAS assurances mutuelles in solidum aux dépens, ainsi qu'à verser à Mme [K] une indemnité de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties défenderesses de leur demande reconventionnelle d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclaration en date du 24 décembre 2019, Mme [K] a relevé appel de ce jugement en ce qu'il a condamné les sociétés MMA iard assurances mutuelles, MMA iard SA, MMA vie assurances mutuelles, MMA vie SA, DAS SA et DAS assurances mutuelles à lui payer les sommes de 823 euros et 38 euros, les a condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à lui verser une indemnité de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile et l'a déboutée pour le surplus, intimant ces sociétés.

La SA Covea protection juridique, anciennement dénommée DAS, a déclaré venir aux droits et obligations de la société DAS assurances mutuelles.

Les intimées ont formé appel incident des condamnations prononcées à leur encontre et du rejet de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2023, conformément à l'avis de clôture et de fixation adressé par le greffe aux parties le 1er juin 2023.

Dans ses dernières conclusions n°3 en date du 19 juillet 2022, Mme [K] demande à la cour, au visa des articles L. 540-1 du code des assurances, 1780, 1103 et suivants du code civil, du contractuel MMA 2006 et de ses annexes, de la recevoir en son appel et en ses contestations et demandes, y faisant droit, de réformer le jugement entrepris en ses dispositions visées à l'acte d'appel, de le confirmer en ce qu'il a retenu que les sociétés MMA avaient engagé leur responsabilité et que leur décision de ne pas la titulariser était entachée d'un vice de procédure lui ayant causé un préjudice et, statuant de nouveau, de :

- juger que les sociétés MMA iard assurances mutuelles, MMA iard SA, MMA vie assurances mutuelles, MMA vie SA et Covea protection juridique ne l'ont jamais mise en garde avant de lui notifier la rupture de son mandat d'agent général,

- juger qu'elles ont agi de façon déloyale,

- juger qu'elles fondent leur décision sur un avis du comité de parrainage ayant violé le règlement intérieur prévu à l'annexe 14 du contractuel MMA 2006 en la privant de la possibilité d'être entendue et assistée par un représentant SAGAMM ou un agent MMA de son choix et en ne lui communiquant pas cet avis,

- juger que la rupture de son mandat d'agent général est fautive et abusive

en conséquence,

- condamner in solidum les sociétés MMA iard assurances mutuelles, MMA iard SA, MMA vie assurances mutuelles, MMA vie SA et Covea protection juridique à lui verser les sommes suivantes, à parfaire :

56 829,01 euros au titre des frais engagés pour l'installation et le départ de l'agence de [Localité 8] suite à la rupture du mandat

34 781,60 euros au titre de la perte de la valeur de l'indemnité compensatrice due à des problèmes inhérents à l'agence et qui ont été occultés par les MMA

110 000 euros au titre de sa perte d'ancienneté en tant que salariée des MMA

préjudice relatif aux frais liés au local de l'agence de [Localité 8] : réservé, pour mémoire

147 558 euros au titre de la perte de chance de se constituer un capital

20 000 euros au titre du préjudice moral et du préjudice d'image

- ordonner la publication de l'arrêt à intervenir, aux frais de ces sociétés dans un journal de diffusion nationale ainsi que dans un journal de diffusion locale et ce dans un délai d'un mois à compter de la signification dudit arrêt, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard

- débouter les sociétés MMA iard assurances mutuelles, MMA iard SA, MMA vie assurances mutuelles, MMA vie SA et Covea protection juridique de leur appel incident et de toutes leurs demandes à son encontre

- les condamner in solidum à lui verser la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de son conseil.

Dans leurs dernières conclusions en date du 10 juin 2020, les sociétés MMA iard assurances mutuelles, MMA iard SA, MMA vie assurances mutuelles, MMA vie SA et Covea protection juridique (anciennement DAS SA et venant aux droits de la société DAS assurances mutuelles) demandent à la cour de débouter Mme [K] de son appel, ainsi que de ses demandes, de les recevoir en leur appel incident, ainsi qu'en leurs demandes et, y faisant droit, de :

à titre principal, au visa des articles R. 511-2 du code des assurances et 1103 nouveau (ex-1134) du code civil, du décret n°96-902 du 15 octobre 1996 et de la convention fédérale conclue le 16 avril 1996 entre la FNSAGA et la FFSA,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les sociétés MMA iard assurances mutuelles, MMA iard SA, MMA vie assurances mutuelles, MMA vie SA, DAS SA et DAS assurances mutuelles à payer à Mme [K] les sommes de 823 euros et 38 euros, les a condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à verser à Mme [K] une indemnité de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile et les a déboutées de leur demande reconventionnelle d'indemnité sur le fondement du même texte,

- juger que leur décision de non-titularisation de Mme [K] à l'issue de sa période d'essai n'est ni abusive, ni fautive,

- la débouter, en conséquence, de l'ensemble de ses prétentions,

à titre subsidiaire, au visa de l'article 1353 nouveau (ex-1315 du code civil),

- dire et juger que Mme [K] ne justifie ni du principe, ni du quantum des préjudices allégués,

- la débouter, en conséquence, de l'ensemble de ses prétentions, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

à titre infiniment subsidiaire,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes plus amples,

en toute hypothèse,

- condamner Mme [K] à leur payer une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du même code au profit d'ACR avocats.

Sur ce,

Sur le caractère abusif de la rupture du mandat d'agent général

Au regard de l'accord contractuel 2006 rappelant que le mandat d'agent général peut être rompu dans les conditions prévues par l'article L. 540-1 du code des assurances et qu'il 'cesse notamment... lors de la période probatoire librement par l'une ou l'autre des parties avec préavis de 3 mois', le tribunal a considéré que :

- au terme de la période d'essai de deux ans destinée à leur permettre d'apprécier les qualités et capacités professionnelles de leur nouvel agent, les sociétés MMA étaient en droit de ne pas titulariser Mme [K] sans avoir à motiver leur décision, sous réserve de respecter le délai de préavis et de ne pas faire dégénérer en abus ce droit de ne pas titulariser,

- pour prétendre avoir été victime d'un abus de droit, Mme [K] soulève trois moyens :

le défaut d'information préalable et complet sur l'état du portefeuille repris

Ce moyen doit être rejeté car, si les sociétés MMA ne rapportent pas la preuve de ce qu'elles auraient préalablement à la signature du contrat fait connaître à Mme [K] ses objectifs pendant la période probatoire et lui auraient communiqué par écrit les éléments d'information concernant le portefeuille repris conformément à la convention passée le 16 avril 1996 entre les sociétés d'assurance et les agents généraux, il n'est pas démontré que ce défaut d'information à l'occasion de la formation du contrat soit la cause de la non-titularisation de Mme [K] au terme de la période d'épreuve, d'autant que celle-ci ayant exercé durant dix ans des fonctions de responsabilité au sein des MMA en relation directe avec les agents généraux aurait pu disposer de tous ces éléments d'information et ne justifie pas les avoir réclamés

le défaut d'avertissement

L'assureur qui met un terme à la période probatoire n'est pas tenu d'adresser d'avertissement à son agent, l'arrêt de la Cour de cassation en sens contraire invoqué par Mme [K] correspondant à un cas particulier non transposable en l'espèce

le vice de procédure

En saisissant le comité de parrainage du cas de Mme [K] pour avis sur son bilan d'activité au terme de ses dix-huit premiers mois de fonction en vue de statuer sur sa nomination définitive, les sociétés MMA reconnaissent nécessairement que cet avis entrait dans les attributions du comité et elles devaient donc contractuellement se soumettre au règlement intérieur fixant son fonctionnement, qui prévoit que 'dès lors que le comité de parrainage est susceptible d'émettre un avis de nature à mettre en cause la pérennité du mandat d'agent général, l'agent doit avoir la possibilité d'être entendu par le comité et informé de la possibilité qui lui est offerte de se faire assister', alors qu'elles ne contestent pas, et en tous cas ne rapportent pas la preuve contraire, que Mme [K] n'avait pas été informée de la tenue de la séance du comité du 13 juillet 2016 et n'avait donc pas été en mesure de présenter ses observations, de sorte que leur décision est entachée d'un vice de procédure constitutif d'une faute engageant leur responsabilité dans la mesure où Mme [K] a pu subir un préjudice.

Moyens des parties

L'appelante fait valoir que :

- au regard de l'article L. 540-1 du code des assurances, texte d'ordre public auquel renvoie l'accord contractuel conclu entre les MMA et le SAGAMM, la révocation injustifiée ou abusive d'un agent général donne lieu à l'octroi de dommages et intérêts, ce qui implique que les juges du fond exercent un contrôle sur les motifs de la rupture pour juger si celle-ci est ou non abusive

- il ressort de l'arrêt rendu le 30 mai 1995 par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation, dont le tribunal n'a pas précisé à quel titre il ne serait pas transposable au litige alors que le débat ne portait nullement sur la très courte durée du préavis contrairement à ce que prétendent les MMA, que, pour ne pas être sanctionnée pour rupture abusive du mandat d'agent général, la compagnie doit, durant la période probatoire, mettre en garde clairement et par écrit l'agent de corriger son comportement sur les points qu'elle juge essentiels, comme le rappelle d'ailleurs la jurisprudence postérieure ; or la rupture de son mandat n'a été précédée d'aucune mise en garde écrite, ce que ne contestent pas les MMA qui n'ont jamais fait savoir qu'elles n'était pas satisfaites du travail accompli, ses objectifs en matière de souscription étant largement atteints malgré les difficultés rencontrées, ni même cru devoir lui notifier ses objectifs spécifiques pendant sa période probatoire, lesquels n'ont pas été discutés avec son parrain, ce en violation du traité de nomination, et ont estimé de manière vexatoire que sa révocation n'avait pas à être justifiée durant cette période bien que, comme tout contrat, le mandat s'exécute de bonne foi et de façon loyale

- si, en cours d'instance, les MMA ont tenté de justifier la rupture de son mandat en communiquant une seule page d'un compte-rendu du comité de parrainage du 13 juillet 2016, non signée et ne précisant pas l'identité des personnes qui ont siégé ni les éléments soumis au comité et fondant son avis défavorable, elles n'ont nullement respecté la procédure contractuellement prévue car, en violation du règlement intérieur, elles ne lui ont pas donné la possibilité d'être entendue par ce comité et assistée comme l'a d'ailleurs retenu le tribunal qui a, toutefois, commis une erreur d'appréciation en jugeant que ses chances d'obtenir sa titularisation si elle avait été entendue étaient faibles au motif que les MMA n'étaient pas tenues de suivre un avis, même favorable, du comité alors qu'elles ne produisaient rien d'autre que cet avis irrégulier

- sur le fond, le comité ne disposait manifestement pas de tous les éléments puisque le compte-rendu mentionne de façon erronée qu'elle était 'en congé pour création d'entreprise' alors qu'elle avait signé un accord de rupture amiable de son contrat de travail avec les MMA ; en outre, les éléments ayant, selon cet avis, motivé la décision des MMA sont contredits par ceux en sa possession car elle a été confrontée à d'importantes difficultés dont elle a informé les MMA dès janvier 2015, liées à de graves anomalies dans la gestion du portefeuille par son prédécesseur, aux nombreuses résiliations de clients mécontents en découlant et au départ de 4 salariés sur 5 avant sa prise de fonction et a été mise devant le fait accompli faute d'avoir bénéficié avant la signature de son traité de nomination de l'information concernant l'agence reprise (historique de l'agence, encaissement et commissionnement, revenu net des trois dernières années, résultats sinistres des trois derniers exercices, situation économique et démographique du portefeuille, modalités de reprise et de cession de l'agence, rendement attendu, potentiel de développement du portefeuille de l'agence), cette information étant légalement et contractuellement due, en vertu de la convention FNSAGA/FFSA du 16 avril 1996, texte d'ordre public, par les MMA sur qui pèse la charge de la preuve et qui, tenues d'exécuter spontanément cette obligation, n'en étaient pas exonérées par sa qualité d'ancienne salariée, d'autant que l'agence de [Localité 8] n'a jamais fait partie de son secteur géographique, de sorte que les MMA qui l'ont trompée quant au portefeuille repris sont à l'origine des soi-disant insuffisances relevées et sont donc mal venues à invoquer une première année décevante, ayant d'ailleurs reconnu que les difficultés qu'elle a rencontrées étaient dues à des éléments ne pouvant lui être imputés et confié, après sa révocation, le portefeuille de l'agence, non rentable structurellement, non pas à un, mais à quatre agents généraux exerçant en société sur plusieurs agences, ce qui a réduit les charges ; au demeurant, l'année 2015 ne peut être qualifiée de 'décevante' au vu des appréciations favorables voire félicitations qu'elle a reçues et de l'article consacré à son agence dans la revue interne des MMA pour saluer son idée novatrice de vente privée ; en 2016, les objectifs de souscription fixés étaient pour la plupart largement atteints sur la période du 1er janvier au 1er mai et systématiquement en progression, étant rappelé que les résultats s'apprécient dans leur globalité, surtout pour un agent en période probatoire, donc encore en formation, et que la réalisation de 100 % des objectifs n'a jamais été présentée comme une condition sine qua non de sa titularisation, et elle a à nouveau été félicitée avant de faire l'objet le 12 juillet 2016, soit la veille de la réunion du comité, d'une inspection générale sur la dimension comptable et financière dont les conclusions étaient très satisfaisantes, de sorte que la décision de ne pas la titulariser est incompréhensible et a surpris l'inspecteur agricole de la compagnie ; quant à ses soi-disant difficultés relationnelles avec des collègues, qui apporteraient 'une ombre supplémentaire au tableau', elle s'inscrit en faux contre cette affirmation qui ne repose sur rien, ayant entretenu d'excellentes relations avec plusieurs agents MMA des alentours durant son mandat sans qu'aucun reproche lui ait été fait à cet égard et continuant à entretenir des relations mêmes amicales avec certains depuis sa révocation ; enfin, la prétendue perte de valeur de l'agence à la cessation de ses fonctions n'a pu fonder l'avis du comité de parrainage s'agissant de chiffres connus postérieurement et serait à reprocher aux MMA plutôt qu'à elle comme exposé ci-dessus, outre que la valeur de l'indemnité compensatrice au 31 décembre 2016 ne peut refléter ses performances car la majorité des contrats professionnels souscrits en 2016 sont à effet du 1er janvier de l'année suivante ; d'une manière générale, il est difficile de soutenir qu'après 11 ans d'exercice des fonctions d'inspecteur développement qui consistent notamment à aider les agents généraux à faire monter en compétence leurs collaborateurs et augmenter leur chiffre d'affaires, elle aurait été incapable de développer le portefeuille de l'agence ou aurait eu des difficultés relationnelles

- la rupture de son mandat est donc abusive car elle n'est justifiée par rien et les MMA ont eu une attitude déloyale et empreinte de mauvaise foi à son égard comme ancienne salariée à qui elles ont caché la situation de l'agence et du portefeuille pour lesquels elle renonçait à son statut et à ses évolutions de carrière et comme agent général qu'elles ont entretenu jusqu'au dernier moment dans l'illusion d'une titularisation sans lui permettre d'adapter sa manière de travailler afin de répondre aux exigences de sa mandante ni de faire valoir ses observations devant le comité de parrainage dont l'avis ne contient que des contrevérités.

En réponse à l'appel incident, elle souligne que l'argumentation des MMA qui reconnaissent sa non-convocation devant le comité de parrainage en violation du règlement mais considèrent qu'il s'agit d'un 'vice de forme', ce que le tribunal n'a pas dit, et que rien ne permet de conclure que sa présence à la séance de ce comité aurait changé l'avis de ce dernier, tout en continuant à justifier leur position par ce seul avis défavorable, basé d'ailleurs sur des éléments erronés, rend inopérante l'affirmation du tribunal selon laquelle les MMA n'étaient pas tenues de suivre cet avis et revient à nier l'existence du principe du contradictoire et de l'égalité des armes entre les parties.

Les intimées soutiennent que la non-titularisation de Mme [K] à l'issue de sa période probatoire ne peut pas être qualifiée d'abusive car :

- en droit, en application des articles R. 511-2 du code des assurances qui permet l'exercice des fonctions d'agent général d'assurance à titre provisoire pour une durée de deux ans au plus non renouvelable, 2 de l'annexe au décret n°96-902 du 15 octobre 1996 qui renvoie aux accords entre sociétés d'assurance et syndicats d'agents généraux pour la définition des règles applicables aux traités de nomination, ce qui est l'objet de l'accord contractuel MMA - SAGAMM 2006, et 1103 (anciennement 1134) du code civil, à l'exclusion de l'article L. 540-1 du code des assurances qui ne concerne que les contrats de nomination à durée indéterminée sans période d'essai, la jurisprudence dominante autorise les parties à mettre fin au mandat d'agent général d'assurance pendant la période probatoire sans avoir à justifier et motiver cette décision, ce en respectant le préavis contractuel et sous la seule réserve de ne pas faire dégénérer en abus ce droit de ne pas titulariser, et l'assureur n'est pas davantage tenu d'adresser un avertissement à son agent

- en l'espèce, conformément à ces dispositions, le traité de nomination de Mme [K] était assorti d'une période probatoire d'une durée de deux années, normale pour un contrat intuitu personae, pendant laquelle chaque partie était libre de mettre fin au mandat à la seule condition de respecter un préavis de 3 mois, ce qu'elles ont fait régulièrement par courrier recommandé du 19 juillet 2016 à effet du 31 décembre 2016

- Mme [K] ne rapporte pas la preuve du caractère abusif qu'elle invoque et ne peut se prévaloir de l'arrêt de la Cour de cassation du 30 mai 1995 qu'elle cite, demeuré isolé et se comprenant simplement par le très court préavis de moins d'un mois dont a bénéficié dans cette affaire l'agent non titularisé

- par ailleurs, conformément au contractuel MMA, le comité de parrainage, instance paritaire, a examiné la situation de Mme [K] dans sa séance du 13 juillet 2016 dont elles communiquent normalement la page 8 du procès-verbal qui seule la concerne et a rendu, non sans louer d'abord ses efforts en dépit des difficultés rencontrées, un avis défavorable à sa titularisation indiquant que 'les réalisations sont en deçà des objectifs fixés et le portefeuille n'a pas commencé son redressement' et qu''un certain nombre de difficultés concernant [son] relationnel [...] avec ses collègues MMA de la place et des environs remontent et apportent une ombre supplémentaire au tableau', de sorte que la décision de non-titularisation qui vise cet avis n'a pas été prise à la légère et sans éléments objectifs mais a été dictée par les données de l'activité de l'agence analysées par ce comité, confirmées par la perte de valeur du portefeuille entre l'entrée en fonctions de Mme [K] (543 034 euros) et sa cessation de fonctions (485 064 euros), étant rappelé qu'aucune compagnie ne se sépare de gaieté de coeur d'un agent car il s'agit d'un investissement perdu et d'un échec

- le seul grief retenu par le jugement dont appel réside en la non-convocation de Mme [K] devant le comité de parrainage, ce qui est exact et qualifié de vice de forme, mais rien ne permet de dire que sa présence à la séance de ce comité aurait changé l'avis de ce dernier

- le moyen tiré du défaut d'information préalable et complet sur l'état du portefeuille repris a été à juste titre écarté par le jugement car Mme [K], professionnelle de l'assurance depuis plusieurs années et en lien avec les agents généraux du réseau MMA, était au fait des éléments composant l'agence pour laquelle elle présentait sa candidature et, à défaut, aurait justifié avoir réclamé ces informations, étant précisé que le rôle de l'agent général est de faire face aux aléas afférents à la vie de son agence, qui est une entreprise, tels que la démission d'un collaborateur, et qu'il est normal qu'il acquitte une indemnité d'entrée en fonctions qui lui confère le droit de gérer et fructifier le portefeuille de clients et de contrats appartenant à la compagnie mandante, avec pour corollaire la perception d'une indemnité de cessation de fonctions lorsqu'il abandonne son droit de créance sur ce portefeuille

- en définitive, la non-titularisation de Mme [K] à l'issue de sa période probatoire est conforme à la loi, au statut et aux accords entre les parties et ne procède d'aucune faute.

Réponse de la cour

Il n'est pas contesté que la période probatoire de deux ans fixée aux conditions particulières du traité de nomination de Mme [K] en qualité d'agent général MMA à l'agence de [Localité 8] République est conforme à l'article R. 511-2 I 2° du code des assurances prévoyant que l'activité de distribution en qualité d'intermédiaire d'assurance ou de réassurance et d'intermédiaire d'assurance à titre accessoire peut être exercée contre rémunération par les agents généraux d'assurance, personnes physiques ou personnes morales, titulaires d'un mandat ou chargées à titre provisoire pour une durée de deux ans au plus non renouvelable des fonctions d'agent général d'assurance.

S'il résulte de l'article L. 540-1 du même code que le contrat passé entre les entreprises d'assurance et leurs agents généraux, sans détermination de durée, peut toujours cesser par la volonté d'une des parties contractantes, qu'une telle résiliation peut donner lieu à des dommages-intérêts qui sont fixés conformément à l'article 1780 du code civil et que les parties ne peuvent renoncer à l'avance au droit éventuel de demander de tels dommages-intérêts, la stipulation d'une période probatoire donne à chacune des parties contractantes le droit de mettre fin au mandat à tout moment au cours de cette période sans avoir à motiver sa décision ni à caractériser une cause légitime, mais sous réserve, d'une part, de respecter le délai de préavis applicable, qui en l'occurrence est fixé à trois mois par l'accord contractuel 2006 et ne fait pas l'objet du litige, d'autre part, de ne pas commettre d'abus dans l'exercice de ce droit.

Dans l'appréciation de l'abus du droit de révoquer, dont la preuve incombe à l'agent général révoqué en période probatoire, il est tenu compte notamment du respect par celui-ci de ses obligations de suivre la formation et les recommandations de l'entreprise d'assurance en vue de son adaptation au réseau et du respect par cette dernière de son obligation de l'avertir d'avoir à corriger les insuffisances constatées sur les points qu'elle juge essentiels.

En l'espèce, il ne peut qu'être constaté qu'en violation des conditions particulières de son traité de nomination stipulant que 'Vos objectifs à réaliser pendant votre période probatoire seront discutés avec votre parrain et votre Directeur Régional et vous seront confirmés par ce dernier, par courrier séparé', Mme [K] n'a jamais, si ce n'est discuté avec son parrain M. [G], du moins reçu confirmation écrite de ses objectifs spécifiques pendant sa période probatoire, ainsi qu'elle l'affirme sans être spécialement démentie par les intimées qui ne produisent aucun document contraire.

Cependant, il ressort des pièces communiquées par Mme [K] elle-même qu'elle disposait d'objectifs de production chiffrés 'négociés dans le cadre du plan commercial', qu'une discussion s'est instaurée sur les 'objectifs de [son] projet d'entreprise', ses 'réussites', les 'difficultés rencontrées', ses 'perspectives' et 'sa volonté de se recentrer sur les objectifs stratégiques de la Compagnie' lors du bilan intermédiaire de période probatoire, dit BIPP, du 12 janvier 2016, et qu'un nouveau BIPP a été effectué le 15 juin 2016, de sorte que, si elle laisse désormais entendre que ce manquement formel de ses mandantes a pu l'empêcher de répondre à leurs exigences ou attentes, elle ne le démontre pas.

Aucune déloyauté des MMA n'est donc caractérisée à cet égard.

Par ailleurs, le courrier recommandé en date du 19 juillet 2016 par lequel a été notifiée à Mme [K] la rupture de son mandat d'agent général non titulaire indique que 'Conformément au CONTRACTUEL, le bilan de [sa] période probatoire a été soumis pour avis au Comité de Parrainage du 13 juillet 2016' et vise, en tête de ses considérants, l'avis émis par ce comité, mais sans préciser son caractère défavorable ni son contenu.

Selon le compte-rendu versé aux débats, les éléments ayant motivé cet avis sont les suivants :

'L'investissement humain que Mme [K] a mis en oeuvre est incontestable, notamment lors des premiers mois de son arrivée avec une situation de reprise complexe liée notamment à la démission de collaborateurs de l'agence.

Après quelques mois d'activités, eu égard entre autres aux difficultés relationnelles avec l'ex-agent, la décision de relocaliser cet unique point de vente à quelques mètres de l'adresse initiale a demandé beaucoup d'efforts à [F] [K] au détriment

d'une activité commerciale prévue et attendue, et d'une nécessité de se mettre à niveau notamment sur le plan technique en pros. A ce jour, cette agence à étage est un bel outil de travail et une vitrine MMA visible sur la place.

Sur le plan organisationnel, des points sont perfectibles (analyse des tableaux de bord...) afin d'éviter de vivre des situations d'urgence (suivi des dossiers sous surveillance, utilisation du budget MBA, etc...)

Depuis le début de l'année 2016, la structure est enfin stabilisée avec une organisation (collaboratrices, plan de formation, plan d'actions commerciales...) posée permettant une amélioration de l'activité commerciale sur les axes stratégiques après une année 2015 décevante.

Toutefois, les réalisations sont en deçà des objectifs fixés et le portefeuille n'a pas commencé son redressement. Par ailleurs, un certain nombre de difficultés concernant le relationnel de Mme [K] avec ses collègues MMA de la place et des environs remontent et apportent une ombre supplémentaire au tableau.

Compte tenu de ces éléments, le Comité de Parrainage émet un avis défavorable à la nomination définitive de Mme [F] [K] en qualité d'Agent en l'agence de [Localité 8] REPUBLIQUE, à effet du 01.01.2017.'

Le comité de parrainage est, selon l'accord contractuel 2006 et le règlement intérieur de ce comité figurant en annexe 14, une instance de 'concertation' qui 'comporte 8 membres désignés pour moitié par le Président de MMA et pour moitié par le Président du SAGAMM' pour une durée d'un an renouvelable, qui 'donne son avis après examen notamment sur : les candidatures des nouveaux agents généraux' et dont 'les avis consultatifs [...] sont consignés dans un procès-verbal et communiqués à MMA, au SAGAMM et aux Agents, pour ce qui les concerne' ; ses membres 'sont tenus à la confidentialité des délibérations' et aucun 'ne peut siéger si le dossier évoqué le concerne'.

Il n'y a donc pas d'anomalie à ce que les MMA n'aient pas produit le compte-rendu intégral de la réunion du comité de parrainage du 13 juillet 2016, mais seulement la page relative à la délibération concernant Mme [K], sans celle mentionnant l'identité des membres ayant siégé à cette réunion dès lors qu'il n'est pas prétendu que l'un des membres du comité dont la composition est connue au sein de l'entreprise d'assurance ne pouvait prendre part à cette délibération.

En revanche, il n'est pas contesté que, en violation du règlement intérieur stipulant que 'dès lors que le Comité de Parrainage est susceptible d'émettre un avis de nature à mettre en cause la pérennité du mandat d'Agent général, l'Agent doit avoir la possibilité d'être entendu par le comité et informé de la possibilité qui lui est offerte de se faire assister dans les conditions ci-dessus définies', c'est-à-dire 'par un représentant du SAGAMM ou un Agent MMA de son choix', Mme [K] n'a nullement eu la possibilité d'être entendue par ce comité, ni a fortiori de se faire assister.

Dans la mesure où, bien qu'elles ne soient aucunement liées par l'avis défavorable du comité et ne se prévalent d'ailleurs pas dans le cadre de l'actuelle instance des difficultés relationnelles de l'agent général qui y sont évoquées, les MMA soutiennent que la décision de non-titularisation de Mme [K] visant cet avis a été dictée par les données de l'activité de l'agence de [Localité 8] République analysées par le comité, il ne peut qu'en être déduit qu'elles ont manqué de loyauté à son égard en ne lui permettant pas de présenter des éléments actualisés sur la réalisation des objectifs fixés pour l'année 2016 et des explications sur les raisons pour lesquelles ils n'auraient pas été atteints le cas échéant, voire de souligner les enjeux personnels de sa titularisation puisqu'elle n'était pas alors simplement 'en congé pour création d'entreprise' comme noté au compte-rendu, mais avait signé un accord de rupture amiable de son contrat de travail avec les MMA dans le cadre d'une mobilité externe.

Or Mme [K] justifie que M. [V], inspecteur MMA à la direction régionale agences de [Localité 10], lui a adressé ses 'félicitations ! / ICSPL... (entre autres)' lorsqu'il lui a transmis sa situation au 29 mai 2016 par mail du 3 juin 2016, que, de fait, les résultats de l'agence tels qu'il ressortent du tableau «production axes stratégiques du 1er janvier au 29 mai 2016» joint à ce message sont en nette amélioration, à effectif constant (4,2 collaborateurs et 1 agent, soit 5,2 ETP), par rapport à ceux du même tableau sur la période du 1er janvier au 1er mai 2016 dans les rubriques 'Total Pro. Ent. Flottes' (réalisation de 38 366 euros en 5 mois sur un objectif annuel de 65 000 euros représentant 31 038 euros sur cette période, contre 20 232 euros sur un objectif de 27 268 euros sur 4 mois, l'essentiel de la progression étant enregistré sur les produits 'ICSPL') et 'PJ Professionnels' (réalisation de 4 330 euros en 5 mois sur un objectif annuel de 4 000 euros, contre 1 915 euros sur 4 mois), alors qu'elle avait déjà atteint plus de 100 % des objectifs de période dans d'autres rubriques, même si ce n'est pas le cas dans toutes, qu'elle a d'ailleurs suivi deux formations, l'une intitulée «Entreprises et professionnels : responsabilité et assurance» du 19 au 20 avril 2016, l'autre intitulée «La visite de risques et la prévention des risques sur le marché des professionnels : les bonnes ficelles» du 31 mai au 1er juin 2016 et qu'elle s'est donc employée à satisfaire une des attentes de ses mandantes, sur laquelle M. [X], inspecteur réseau, avait mis l'accent dans son courrier du 15 février 2016 relatif au BIPP du 12 janvier précédent, à savoir 'compléter [sa] formation sur les risques pros/entreprise pour plus d'efficacité'.

Elle justifie également que le rapport de l'inspection générale sur la dimension comptable et financière, réalisée à l'agence le 12 juillet 2016, soit la veille de la réunion du comité de parrainage, a conclu : 'Le suivi et la gestion de la trésorerie sont maîtrisé. Une nette amélioration dans le suivi de la comptabilité, ce domaine est satisfaisant' et qu'elle s'est donc attachée à mettre en pratique sa volonté, exprimée lors de ce BIPP comme rappelé dans le courrier susvisé, de se 'recentrer sur les objectifs stratégiques de la Compagnie en améliorant [son] organisation personnelle pour travailler plus efficacement et de là performer [ses] résultats commerciaux', d'autant qu'elle affirme, sans être démentie, que la majorité des contrats professionnels souscrits en 2016 sont à effet du 1er janvier 2017, de sorte que l'évaluation de son indemnité de cessation de mandat au 31 décembre 2016, soit 485 064 euros hors contribution au développement durable et de qualité, ne reflète pas entièrement ses performances faute de prendre en compte ces contrats et que la perte de valeur de son portefeuille d'agent général, alléguée par les MMA, par rapport au montant de son droit d'exercice à l'entrée au 1er janvier 2015, chiffré à 552 279 euros dans le traité de nomination et révisé à 543 034 euros selon avenant signé le 15 avril 2015, est à relativiser.

En outre, il est constant qu'à la reprise de l'agence, elle a dû faire face à de sérieuses difficultés qui ne lui sont pas imputables, liées non seulement aux démissions successives de quatre des cinq anciens salariés de l'agence (la collaboratrice chargée du développement de l'agence en mars 2014, le collaborateur chargé du développement épargne et la collaboratrice de l'accueil en avril 2014, la responsable sinistre en décembre 2014), ce qui est inhabituel, mais aussi à des anomalies qu'elle a détectées dans les dossiers de son prédécesseur M. [M] et signalées à M. [X] les 27 janvier, 9 et 10 avril 2015, le tout s'étant traduit par de nombreuses résiliations de clients mécontents (99 en janvier 2015 selon son mail adressé le 20 février 2015 à M. [X], s'ajoutant à celles constatées entre l'estimation initiale du portefeuille repris et le 31 décembre 2014 et prises en compte dans le cadre de la révision du droit d'exercice à la baisse) et ayant mobilisé son énergie, au détriment du développement de son activité commerciale, pour recruter et former du personnel et 'redorer l'image de l'agence qui a pris un coup important'.

Or, au regard de la convention signée le 16 avril 1996 entre la Fédération nationale des syndicats d'agents généraux d'assurances dite FNSAGA et la Fédération française des sociétés d'assurances dite FFSA, qui prévoit :

'Les entreprises d'assurances s'engagent à ce que le nouvel agent général bénéficie d'une information préalable complète, fournie par l'entreprise d'assurances mandante. L'agent général précédemment titulaire doit apporter toutes informations en sa possession, sans réserve d'aucune sorte.

Cette information préalable porte sur :

' l'historique,

' la composition du portefeuille,

' l'encaissement et le commissionnement,

' le revenu net durant les trois dernières années,

' les résultats sinistres des trois derniers exercices,

' la situation économique et démographique du portefeuille, (reçu synthèse et structure du portefeuille le 1er septembre 2015)

' les modalités de reprise et de cession de l'agence.

Selon les modalités définies en annexe I.

L'entreprise doit fournir au postulant ces informations par écrit avant signature du traité de nomination, dans un délai suffisant pour qu'il en prenne pleinement connaissance.

Le postulant disposera en outre d'un compte d'exploitation prévisionnel indicatif de l'agence sur trois ans.',

les MMA ne justifient pas, comme cela leur incombe, avoir fourni, par écrit et avant la signature du traité de nomination, une information sur tous ces points à Mme [K] qui admet uniquement avoir reçu les listings du portefeuille de l'agence par plusieurs mails de M. [X] en date du 9 décembre 2014, puis la structure économique et démographique du portefeuille le 1er septembre 2015, alors que sa qualité d'ancienne salariée de l'entreprise n'exonérait nullement ses mandantes de cette obligation et qu'il n'est pas démontré que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, ses précédentes fonctions d'inspecteur développement lui permettaient d'avoir régulièrement accès à ces éléments concernant l'agence de Fougères République qui, comme elle l'indique sans être contredite, n'a jamais fait partie de son secteur géographique.

Certes, Mme [K] n'a exprimé, dans ses différents mails d'alerte envoyés peu après sa prise de fonction, aucune surprise ni aucun reproche quant au personnel de l'agence qui comptait à nouveau plusieurs 'collaboratrices' le 9 avril 2015 (voir son mail de ce jour), ce qui permet de conclure qu'elle n'ignorait pas les démissions des anciens salariés, à tout le moins celles de mars et avril 2014, et, rappelant dans son mail du 9 avril 2015 que 'certaines résiliations, retraits et faits nous ont été cachés lors de la reprise du portefeuille' (sic, et non 'm'ont') par M. [M] qui en avait connaissance, tels un retrait de 310 000 euros d'une assurée, la résiliation des 14 contrats d'un autre et 'la détention de parts sociales dans une société de courtage alors qu'il a indiqué à moi, au réseau MMA et aux avocats chargés de la cession du portefeuille courtage qu'il n'avait pas de parts sociales dans une structure de courtage', elle s'y est plainte à M. [X] d'être 'confront[é]e à la passivité de monsieur [M] à clarifier la situation du portefeuille', ce qui montre que son manque d'information procède aussi de faits imputés à son prédécesseur et étrangers à ses mandantes.

Il n'en reste pas moins que les MMA ne lui ont pas délivré une information préalable et complète en l'état des éléments dont elles avaient connaissance sur la situation de l'agence reprise, le seul fait qu'elle n'ait pas réclamé cette information antérieurement à sa révocation étant insuffisant a établir que cette obligation a été entièrement remplie.

En tout état de cause, postérieurement au courrier de M. [X] en date du 15 février 2016 indiquant avoir 'constaté que les engagements contenus dans votre projet d'entreprise et les actions menées en 2015 ont été globalement respectés, même si vous avez pu rencontrer des difficultés du fait d'une succession difficile liée notamment au conflit avec Mr [M] dans la reprise du portefeuille de courtage et également à cause des démissions successives des anciens salariés de l'agence' et 'en ce début d'année 2016, [...] ne pouv[oir] que vous encourager à poursuivre la mise en place de votre organisation avec une équipe désormais au complet', il n'est justifié d'aucune mise en garde, ni même réserve sérieuse, adressée à Mme [K] sur la qualité et les résultats du travail par elle accompli et spécifiant les points à améliorer.

M. [L] [P], inspecteur agricole MMA à la direction régionale souscription de [Localité 10], à qui Mme [K] a demandé le 19 juillet 2016 de ne pas diffuser la nouvelle de sa non-titularisation lors de sa venue à l'agence le surlendemain, lui a d'ailleurs répondu qu'il comprenait son désarroi car il avait lui-même été surpris par cette décision.

Du tout, il résulte que, si les réalisations de l'agence restaient pour partie en-deçà des objectifs fixés au 1er semestre 2016 et si son portefeuille n'avait pas encore retrouvé sa valorisation du 1er janvier 2015, les MMA n'ont pas permis loyalement à Mme [K] de corriger ces insuffisances de résultats et de démontrer sa capacité à assurer le redressement du portefeuille de l'agence dans le contexte d'une situation de reprise particulièrement complexe en 2015 et non imputable à celle-ci qui n'en avait pas été complètement informée avant la signature de son traité de nomination et avait accompli d'indéniables efforts pour y remédier.

Leur décision de ne pas titulariser Mme [K] à l'issue de sa période probatoire procède donc d'un abus de droit de nature à engager leur responsabilité, même s'il n'est pas rapporté la preuve du caractère purement vexatoire de cette décision à l'égard de leur ancienne salariée ni de leur intention de tromper celle-ci quant au portefeuille de l'agence reprise ou de l'entretenir jusqu'au dernier moment dans l'illusion d'une titularisation.

Le jugement entrepris sera, dès lors, infirmé en ce qu'il a uniquement retenu que cette décision est entachée d'un vice de procédure constitutif d'une faute, tenant au seul fait que Mme [K] n'a pas été mise en mesure de présenter ses observations devant le comité de parrainage appelé à donner un avis sur sa titularisation.

Sur le préjudice indemnisable

La titularisation de l'agent général à l'issue de la période probatoire n'étant pas un événement dont la réalisation est certaine, l'abus de droit commis par les MMA dans l'exercice de leur droit de révocation a tout au plus privé Mme [K] d'une chance d'obtenir sa titularisation comme l'a exactement considéré le tribunal.

Mme [K] ne peut donc prétendre à indemnisation qu'à la mesure de la chance perdue, et non de l'intégralité de son préjudice.

Ses derniers résultats connus sont ceux mentionnés au tableau «production axes stratégiques du 1er janvier au 29 mai 2016» comme suit :

objectif

réalisation

objectif réalisé

Total Pro. Ent. Flottes

31 038 €

38 366 €

124 %

PJ Professionnels

1 742 €

4 330 €

249 %

Santé + Prév. Pro & Coll

13 172 €

19 084 €

145 %

Retraite Collective

3 880 €

- €

PROD. Assurance VIE

171 938 €

228 775 €

133 %

PROD. UC

16 254 €

6 280 €

39 %

PROD. Retraite VA Annualisées

6 880 €

- €

Arb. Ent. UC + Transf. Fourg. UC

23 400 €

12 788 €

55 %

PROD. Prévoyance VIE

2 667 €

2 122 €

80 %

AN Prévoyance IARD

68

24

35 %

AN PJ Particuliers

24

17

71 %

Ces éléments montrant que les objectifs sur la période étaient globalement atteints, avec des disparités entre les produits, la chance perdue apparaît sérieuse même si le redressement du portefeuille n'était pas encore assuré à la fin de l'année 2016 et sera estimée à 50 %, le jugement étant infirmé en ce que, ne prenant en compte que la chance qu'aurait eue Mme [K], si elle avait pu être entendue par le comité de parrainage, d'influer sur son avis pour obtenir sa titularisation, il l'a jugée faible et évaluée à 10 %.

Les frais engagés pour l'installation et le départ de l'agence

Le tribunal a retenu les frais inutilement exposés par Mme [K] pour déménager de Nantes à Fougères et revenir à Nantes, soit 8 230 euros, et les frais du constat d'huissier qu'elle a fait établir le 31 décembre 2016 à son départ de l'agence, soit 378,74 euros, mais non les frais de déménagement du mobilier de ses bureaux (3 200 euros) lors du transfert de l'agence en décembre 2015 du [Adresse 5] au [Adresse 3] car il y a lieu de penser que les factures produites, portant la mention 'comptabilisé' et un numéro d'enregistrement, ont été acquittées par l'entreprise et passés en charges de l'agence, donnant lieu de surcroît à récupération de la TVA, ni les frais d'achat des logiciels (2 785 euros et 1 500 euros) que les MMA ont refusé de conserver car les factures produites ne correspondent pas aux sommes réclamées et ont, là encore, été établies au nom de l'agence et enregistrées dans sa comptabilité, ni les intérêts bancaires et frais de courtage (29 825 euros) afférents au prêt professionnel souscrit pour financer le droit d'exercice et primes de l'assurance souscrite à l'occasion de ce prêt (8 708 euros) car Mme [K] ne fait référence à aucune pièce justificative à cet égard, ni les frais de publicité et de communication pour le développement de l'agence (6 280 euros) car il n'est produit aucune facture se rapportant à ces dépenses qui, au surplus, ont dû être prises en charge par l'entreprise.

Les frais de déménagement

En appel, Mme [K] limite sa demande aux frais engagés pour déménager personnellement de [Localité 4] à [Localité 8] le 14 août 2014, soit 4 800 euros TTC selon facture de l'entreprise Jaunasse Montfort déménagements, et de [Localité 8] à [Localité 10] les 23 et 24 décembre 2016, soit 3 430 euros HT selon facture de l'entreprise Roussel Mickael déménagements.

Elle ne saurait obtenir la prise en charge du coût du déménagement d'août 2014 qui est antérieur à la signature de son traité de nomination et dépourvu de tout lien de causalité avec son mandat et, a fortiori, avec la rupture de son mandat, mais seulement de celui de décembre 2016 qui est directement lié à la cessation de son mandat.

À la mesure de la chance perdue, elle a droit à une indemnité de 1 715 euros.

Les frais de logiciels

Mme [K] réitère sa demande relative au logiciel d'assurance pour stockage de données (5 postes) Novaxel à hauteur de 2 785 euros et au logiciel de commissionnement des collaborateurs à hauteur de 1 530 euros au motif que ces logiciels que les MMA ont refusé de reprendre ne sont pas réutilisables en dehors de l'agence.

Toutefois, la pièce n°35 qu'elle vise à ces deux titres concerne uniquement le logiciel Novaxel et correspond au contrat de licence et d'abonnement aux services Novaxel MMA (36 mois) conclu le 8 juin 2015 avec l'entreprise Visiativ software pour un montant de 2 785 euros TTC comprenant le pack 3 pour 6 utilisateurs (licence d'un coût de 1 530 euros et 3 ans de service d'un coût de 765 euros) et l'installation (mise en route du serveur et des postes) d'un coût de 490 euros et à la facture de la licence établie à sa livraison le 24 septembre 2015 pour le montant de 1 530 TTC prévu au contrat.

Sa demande ne peut donc prospérer au titre du logiciel de commissionnement pour lequel elle ne produit aucun justificatif.

Concernant le logiciel Novaxel que les MMA ne contestent pas n'avoir pas repris bien qu'il ne soit pas réutilisable hors de l'agence, s'il importe peu que les frais y afférents aient été enregistrés dans la comptabilité de l'agence dès lors que Mme [K] exerçait à titre personnel, ils ne peuvent être considérés comme inutilement exposés que sur la période postérieure à la rupture du mandat à effet du 1er janvier 2017 puisque jusqu'à cette date celle-ci a eu l'usage effectif de ce logiciel à partir de fin septembre 2015 dans le cadre de son activité au sein de l'agence, de sorte que le préjudice effectivement subi s'établit à 1 338,75 euros correspondant au coût du pack 3 (licence et abonnement) rapporté à 21 mois, hors frais d'installation.

À la mesure de la chance perdue, Mme [K] a droit à une indemnité de 669,38 euros.

Les intérêts du prêt professionnel

Mme [K] réitère sa demande d'un montant de 29 825,84 euros arrondi à 29 825 euros représentant le coût total des intérêts au taux de 1,970 % l'an du prêt professionnel d'un montant de 418 000 euros sur une durée de 84 mois qu'elle a souscrit auprès de la Banque populaire de l'ouest pour financer l'acquisition du portefeuille d'assurances de l'agence, l'acquisition de matériel mobilier et les frais d'avocat liés à l'opération.

Comme le relèvent les intimées, elle ne produit qu'un extrait du contrat de crédit émis le 15 janvier 2015, à savoir les trois premières pages des conditions particulières, sans le tableau d'amortissement ni les conditions générales, et ne fournit aucune explication ni pièce justificative sur l'incidence qu'a pu avoir la rupture de son mandat sur l'exigibilité du solde du prêt et son remboursement, alors qu'il lui était possible d'employer la somme de 291 038,40 euros qu'elle ne disconvient pas avoir perçue au titre de l'indemnité de cessation de mandat pour rembourser le prêt, éventuellement par anticipation, et que les intérêts acquittés jusqu'à la date de la rupture de son mandat ne correspondent pas à un préjudice indemnisable puisqu'ils sont la contrepartie de la mise à disposition des fonds empruntés sans lesquels elle n'aurait pu acquitter le droit d'exercice conditionnant sa nomination en qualité d'agent général.

Sa demande à ce titre ne peut donc qu'être rejetée.

L'assurance du prêt professionnel

En appel, Mme [K] porte le montant total de sa demande à ce titre à 14 080,27 euros se décomposant en la somme de 6 160,08 euros qui représente le coût total des cotisations du contrat d'assurance «Novità emprunteur» souscrit auprès de la société Generali iard à effet du 1er janvier 2015 sur une durée de 84 mois en garantie d'un capital emprunté de 209 000 euros et en celle de 7 920,19 euros qui représente le coût total des primes du contrat d'assurance sur la vie «Perenim» souscrit auprès de la société Afi Esca à effet du 1er janvier 2015 sur une durée de 84 mois en garantie d'un capital emprunté de 209 000 euros.

Si elle objecte justement aux intimées qu'elle n'a pas souscrit 'une double garantie auprès de deux assureurs pour le même prêt et le même montant', mais deux assurances portant chacune sur la moitié du capital emprunté, elle ne produit là encore que des extraits sur une ou deux page(s) des conditions particulières de ces contrats d'assurance et ne justifie pas de l'incidence qu'a pu avoir la rupture de son mandat sur le paiement des cotisations et primes d'assurance qui ne sont dues qu'autant qu'il reste un capital emprunté à garantir.

Sa demande à ce titre ne peut donc qu'être également rejetée.

Les frais d'huissier de justice

Mme [K] réitère sa demande d'un montant de 378,74 euros au titre du coût du procès-verbal de constat dressé le 30 décembre 2016 à sa demande par la SCP Christophe Eugène, Jérôme Quero & Isabelle Sallaber, huissiers de justice associés, pour réaliser un inventaire du mobilier de l'agence à son départ en l'absence d'inventaire contradictoire avec les MMA.

À l'appui de leur appel incident, les intimées ne développent aucun moyen concernant ces frais qui ne font pas partie de ceux qu'elles présentent comme des frais inhérents au choix personnel de l'intéressée de quitter son statut de salariée pour exercer l'activité indépendante d'agent général.

Le premier juge a donc, à bon droit, intégré ces frais au préjudice de Mme [K].

À la mesure de la chance perdue, celle-ci a droit à une indemnité de 189,37 euros.

La perte de valeur de l'indemnité compensatrice

Admettant que son calcul initial était erroné, Mme [K] réduit sa demande à ce titre en appel à la somme de 34 781,60 euros correspondant à la différence entre, d'une part, la somme de 325 820 euros qui représente, non pas la 'valeur du portefeuille acquis en début de mandat' comme elle le prétend, mais, comme l'expliquent les intimées, la part de 60 % du montant du droit d'exercice qu'elle a choisi de financer à son entrée en fonction tel qu'il résulte, non pas du traité de nomination, mais de l'avenant en date du 15 avril 2015 (543 034 euros), d'autre part, la somme de 291 038 euros qui représente, non pas la 'valeur du portefeuille en fin de mandat', mais de la même manière 60 % de l'indemnité de cessation de mandat (485 064 euros) hors contribution au développement durable et de qualité.

Elle soutient que, faute d'avoir bénéficié de l'information préalable à sa nomination qui lui était due par les MMA, elle a été contrainte de reprendre une agence désorganisée en raison de faits antérieurs à sa prise de fonction (salariés démissionnaires, contrats défaillants), que, si ces dysfonctionnements qui ne lui sont pas imputables n'avaient pas existé, elle aurait pu davantage se consacrer au développement de l'agence plutôt qu'au recrutement et à la formation en urgence de collaborateurs et à l'actualisation des contrats existants et que la dévalorisation du portefeuille correspond aux pertes qu'elle a supportées pendant la première année du fait de ces dysfonctionnements occultés par les MMA et se trouve donc être la conséquence directe des fautes commises par celles-ci.

Les intimées considèrent que, la valeur du portefeuille à la cessation de fonction de l'agent général n'étant que le résultat de la gestion de celui-ci dont le rôle est aussi de gérer les imprévus tels que les démissions de collaborateurs et de réorganiser son entreprise, Mme [K] est seule responsable du fait que le portefeuille a perdu de sa valeur pendant sa gestion et que ce sont elles qui, en définitive, subissent une perte en reprenant un portefeuille dévalorisé.

Or, comme précisé ci-dessus, même si les MMA n'ont pas rempli complètement leur obligation d'information préalable envers Mme [K], cette dernière n'ignorait pas à sa prise de fonction les démissions des anciens salariés de l'agence, à tout le moins les trois de mars et avril 2014 qui revêtent une ampleur inhabituelle, tandis que la dernière de décembre 2014 est contemporaine de la signature du traité de nomination mais pas nécessairement antérieure en l'absence de plus amples précisions sur sa date, et elle ne démontre pas que les anomalies qu'elle a détectées après sa prise de fonction dans les dossiers de son prédécesseur qu'elle va jusqu'à accuser d'avoir dissimulé des résiliations et retraits lors de la reprise du portefeuille étaient connues de ses mandantes qui n'en sont pas l'auteur.

Dès lors, quand bien même les difficultés que Mme [K] a objectivement rencontrées en 2015 du fait de ces démissions et anomalies qui ne lui sont aucunement imputables ont pu participer, au demeurant dans des proportions non établies, à la diminution constatée de la valeur du portefeuille entre sa reprise de l'agence et la cessation de son mandat, la perte en résultant qui préjudicie d'abord aux MMA, propriétaires du portefeuille, n'apparaît pas en lien de causalité suffisante avec l'abus de droit commis par celles-ci.

Le jugement doit donc être confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande à ce titre.

La perte d'ancienneté en tant que salariée

A supposer que la perte de son ancienneté de 11 années en tant que salariée des MMA, pour laquelle Mme [K] sollicite une indemnité chiffrée à deux années de son dernier salaire, soit 110 000 euros, au motif qu'elle se retrouve depuis sa révocation sans emploi ni possibilité de prétendre à une allocation chômage ni espoir de retrouver, à 51 ans, un poste d'un niveau équivalent à son ancien emploi de cadre, n'ait pas été entièrement compensée par l'indemnité de rupture amiable d'un montant brut de 32 142 euros qu'elle a perçue en vertu de l'accord de rupture amiable de son contrat de travail en date du 19 novembre 2014, ce qui n'est aucunement démontré, elle est dépourvue de tout lien de causalité avec son mandat d'agent général et, a fortiori, avec la rupture de son mandat puisqu'elle résulte de son choix personnel, dès avant la signature de son traité de nomination, de renoncer à son emploi salarié.

La perte de revenus dont il est, en réalité, demandé réparation à ce titre fait double emploi avec celle alléguée sous l'intitulé 'perte de chance de se constituer un capital', qui sera examinée ci-après.

Le jugement doit donc être confirmé par substitution de motifs en ce qu'il a débouté Mme [K] de sa demande à ce titre.

Les frais liés au nouveau local de l'agence

Il est constant que Mme [K] a, pour les besoins de son activité d'agent général et avec l'accord des MMA, fait l'acquisition d'un immeuble au [Adresse 3] à [Localité 8] qui a été aménagé pour accueillir les nouveaux locaux de l'agence.

Elle demande de réserver ce poste de préjudice, non chiffré, au motif que, depuis sa révocation, ce local est loué par les MMA dans l'attente de l'arrivée du nouvel agent, sans certitude sur la reconduite du bail après cette arrivée.

Cependant, elle ne précise pas même la nature du préjudice qu'elle pourrait subir à cet égard, et en particulier le type de frais dont elle pourrait réclamer remboursement, alors qu'il ressort des pièces qu'elle produit que la nouvelle équipe de quatre agents généraux qui a pris sa suite occupe toujours ce local en 2022.

Il n'y a donc pas lieu de réserver sa demande à ce titre, ce par ajout au jugement entrepris puisque le tribunal a uniquement estimé n'avoir pas à se prononcer sur cette demande non chiffrée dont il n'était pas saisi.

La perte de chance de se constituer un capital

Au motif qu'elle se retrouve sans emploi du fait de la rupture abusive de son mandat d'agent général, Mme [K] sollicite sous cet intitulé l'indemnisation d'une perte de revenus calculée, non plus sur sept ans comme en première instance, mais sur deux ans et basée, non plus sur le résultat net moyen des deux années d'exercice de son mandat chiffré à 95 438,40 euros par an, mais sur le résultat net du dernier exercice s'élevant à 73 779 euros, soit la somme de 145 558 euros.

Comme l'observent les intimées, l'interdiction de rétablissement pendant une durée de trois ans dans un rayon de 50 kilomètres des points de vente de l'agence, telle que prévue en contrepartie de l'indemnité de cessation de mandat par les «conditions générales du traité de nomination de l'agent général MMA» constituant l'annexe 1 de l'accord contractuel 2006 MMA - SAGAMM, conformément au statut des agents généraux d'assurances résultant de la convention fédérale conclue le 16 avril 1996 entre la FNSAGA et la FFSA homologuée par le décret n°96-902 du 15 octobre 1996, n'empêchait nullement Mme [K] d'exercer une activité de présentation au public des opérations d'assurance en dehors de la zone limitée concernée par cette interdiction, donc de se rétablir aussitôt dans la région de Nantes qu'elle a rejointe fin 2016 ainsi que l'a exactement retenu le tribunal, ni d'exercer une autre activité dans le domaine des assurances.

Elle a, d'ailleurs, transféré son activité de courtier en assurance à son domicile de Petit-Mars en se faisant inscrire le 2 janvier 2017 au registre du commerce et des sociétés de Nantes et radier concomitamment de celui de Rennes, puis a créé la SAS Wimanis qui exerce depuis le 10 juillet 2017 à la même adresse une activité de 'conseil en gestion, stratégie, organisation, prévention, développement des entreprises, formation professionnelle sous toutes ses formes, conseil et la gestion de la formation à distance, organisation de salons et de conférences, édition de solutions digitales professionnels ou techniques' (sic) pour laquelle elle a été immatriculée le 6 septembre 2017 au registre du commerce et des sociétés de Nantes.

S'il n'est pas exclu, a priori, que les conditions de la rupture abusive de son mandat aient pu affecter sa capacité à retrouver, à plus ou moins bref délai, un niveau de revenus équivalent à celui que lui procurait son activité d'agent général d'assurance MMA ayant généré un résultat fiscal bénéficiaire de 73 779 euros en 2016, elle ne fournit aucun élément sur les raisons pour lesquelles elle a cessé définitivement son activité de courtier en assurance le 31 décembre 2019 en se faisant radier du registre du commerce et des sociétés le 13 janvier 2020, n'a perçu aucune rémunération pendant l'exercice de son mandat de présidente de la SAS Wimanis du 6 septembre 2017 au 4 juillet 2019 ainsi qu'en a attesté l'expert comptable de cette société et a quitté cette fonction qui est occupée depuis le 26 septembre 2019 par M. [A].

Si elle prétend que 'son état de santé et sa réputation ont été entachés par cette révocation', elle n'en justifie pas, le mail qu'elle a adressé le 26 décembre 2016 à Mme [O] [I] de la direction des réseaux MMA indiquant 'Mon état de santé, tant psychique et physique, s'est dégradé depuis Jeudi dernier et mon médecin m'interdit tout autre choc ou tension émotionnelle en l'attente d'analyses complémentaires. Je ne suis plus en mesure de continuer les échanges (vous trouverez mon arrêt de travail en pièce jointe)' étant, à lui seul et en l'absence de tout certificat médical, insuffisant à rapporter la preuve de problèmes de santé liés à la rupture abusive de son mandat et expliquant l'évolution postérieure de sa situation professionnelle.

Elle ne produit pas non plus le moindre avis d'imposition permettant de connaître son niveau réel de revenus à partir de 2017.

En l'état, sa demande à ce titre ne peut être accueillie, le jugement étant confirmé en ce qu'il l'a rejetée.

Le préjudice moral et le préjudice d'image

Comme l'a déjà relevé le tribunal, Mme [K] ne justifie en rien de son allégation, contestée par les intimées, selon laquelle la rupture abusive de son mandat a porté atteinte à sa crédibilité et à son image de professionnel de l'assurance et créé un doute dans l'esprit de la clientèle sur ses compétences professionnelles, voire son intégrité, d'autant qu'elle démontre avoir conservé, après l'annonce de la rupture de son mandat, des relations de confiance avec son parrain M. [G] et plusieurs agents généraux MMA tels que MM. [Z], [U], [B] et [W].

Le préjudice d'image invoqué n'est donc pas caractérisé.

En revanche, la rupture abusive du mandat de Mme [K] est, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, à l'origine d'un incontestable préjudice moral en ce qu'elle ne lui a pas permis de comprendre les raisons de sa non-titularisation, de ce fait douloureusement vécue, même si celles-ci lui ont été données oralement lors d'un 'entretien téléphonique d'une heure avec le Directeur des réseaux le 29/08/2016' suite à sa demande d'audience avec ce dernier, puis par écrit dans des 'courriers à Me [H], notamment celui du 21/11/2016' ainsi qu'il ressort du courrier adressé par les MMA à son nouveau conseil Me [E] le 13 février 2017 et n'ayant appelé aucun démenti de la part de ce dernier bien que le courrier du 21 novembre 2016 ne soit pas versé aux débats.

Ce préjudice moral justifie l'octroi d'une indemnité de 5 000 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [K] au titre du préjudice d'image et infirmé en ce qu'il a rejeté celle au titre du préjudice moral.

En outre, en l'absence de préjudice d'image caractérisé, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Mme [K] tendant à la publication sous astreinte de la décision à intervenir, laquelle est motivée exclusivement par le souci de permettre à celle-ci de 'se reconstruire et depouvoir commencer une nouvelle activité professionnelle salariée loin des rumeurs et des doutes créés par sa révocation'.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

En définitive, les intimées qui ne contestent pas assumer ensemble la responsabilité de la décision de non-titularisation de Mme [K] seront condamnées in solidum à verser à celle-ci les seules sommes de 2 573,75 euros (1 715 + 669,38 + 189,37) en réparation de sa perte de chance de ne pas exposer de frais de déménagement, de logiciel devenu inutilisable et d'inventaire par huissier et de 5 000 euros en réparation du préjudice moral.

Sur les demandes annexes

Parties perdantes, notamment sur leur appel incident, les intimées supporteront in solidum les entiers dépens d'appel, ainsi qu'une somme fixée, en considération de l'équité et de la situation respective des parties, à 5 000 euros au titre des frais non compris dans ces dépens exposés par l'appelante en vertu de l'article 700 1° du code de procédure civile, sans pouvoir bénéficier du même texte, le jugement étant, par ailleurs, confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 en première instance.

Par ces motifs,

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les sociétés MMA iard assurances mutuelles, MMA iard SA, MMA vie assurances mutuelles, MMA vie SA, DAS SA et DAS assurances mutuelles à payer à Mme [K] les sommes de 823 euros et 38 euros et a débouté Mme [K] de ses demandes au titre des frais de logiciels et du préjudice moral.

Le confirme pour le surplus.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la rupture du mandat d'agent général MMA de Mme [K] à l'issue de sa période probatoire procède d'un abus de droit qui lui a fait perdre une chance, estimée à 50 % (cinquante pour cent), d'obtenir sa titularisation.

En conséquence, condamne in solidum les sociétés MMA iard assurances mutuelles, MMA iard SA, MMA vie assurances mutuelles, MMA vie SA et Covea protection juridique (anciennement DAS SA et venant aux droits de la société DAS assurances mutuelles) à verser à Mme [K] les sommes de 2 573,75 euros (deux mille cinq cent soixante treize euros et soixante quinze cents) en réparation de sa perte de chance de ne pas exposer de frais de déménagement, de logiciel devenu inutilisable et d'inventaire par huissier et de 5 000 (cinq mille) euros en réparation de son préjudice moral.

Déboute Mme [K] de sa demande indemnitaire au titre des frais liés au nouveau local de l'agence.

Condamne in solidum les sociétés MMA iard assurances mutuelles, MMA iard SA, MMA vie assurances mutuelles, MMA vie SA et Covea protection juridique à verser à Mme [K] la somme de 5 000 (cinq mille) euros en application de l'article 700 1° du code de procédure civile en appel.

Les déboute de leur demande au même titre.

Les condamne in solidum aux entiers dépens d'appel, qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

T. DA CUNHA C. MULLER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Angers
Formation : Chambre a - civile
Numéro d'arrêt : 19/02517
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;19.02517 ?
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