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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 66 DU QUATRE MARS DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 11/ 01247
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 30 juin 2011- Section Commerce.
APPELANTE
Madame Yunesys X...... 97190 LE GOSIER Comparante en personne
INTIMÉE
Sarl ANTIGUA PAPER GROUP Espace d'Affaires DOM'ALTEUM Imm. la Palmeraie-Moudong Nord 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Jean-yves BELAYE (Toque 3) substitué par Maître DESBONNES, avocat au barreau de la Guadeloupe
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 janvier 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller Mme Françoise GAUDIN, conseiller
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 04 mars 2013
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie FRANCILLETTE, greffier
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Madame Valérie FRANCILLETTE, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Faits et procédure :
Par contrat de travail du 2 mai 2006, la Société ANTIGUA PAPER GROUP engageait Mme Yunexys X... pour exercer les fonctions d'attachée commerciale moyennant une rémunération fixe mensuelle de 1000 euros bruts outre une commission de 8 % sur le chiffre d'affaires résultant de l'intervention directe de Mme X....
Par courrier du 13 juin 2007, Mme X... notifiait à son employeur la rupture de son contrat de travail dont elle imputait la responsabilité à ce dernier.
Le 5 mai 2008 Mme X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive ainsi que des indemnités de fin de contrat et un rappel de salaire.
Par jugement du 30 juin 2011, la juridiction prud'homale jugeait que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme X... était une démission. Celle-ci était déboutée de ses demandes, et était condamnée à payer à la Société ANTIGUA PAPER GROUP la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 1er septembre 2011, Mme X... interjetait appel de cette décision.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 12 mars 2012, auxquelles il était fait référence lors de l'audience des débats, Mme X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et entend voir juger que la rupture du contrat de travail est imputable à la Société ANTIGUA PAPER GROUP, et voir en conséquence requalifier cette rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle demande paiement des sommes suivantes :-4 778, 62 euros à titre d'arriérés de salaire,-2 452 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-1 961, 60 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,-2 452 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure,-20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-2 559, 30 euros à titre de contrepartie financière à l'obligation de non-concurrence. Elle entend voir condamner la Société ANTIGUA PAPER GROUP à lui remettre sous astreinte ses bulletins de salaire de mai à juillet 2007, son certificat travail et son attestation ASSEDIC.
Subsidiairement à défaut de requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, elle demande paiement des sommes suivantes :-3 678 euros correspondant au salaire du mois de mai 2007 et de la première quinzaine de juin 2007,-1961 euros à titre de congés payés,-706, 20 euros d'arriéré de salaire sur le mois de mars 2007,-188, 24 euros d'arrièré de salaire sur le mois d'avril 2007, sollicitant en outre la remise sous astreinte des documents de fin de contrat.
Elle réclame enfin paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses demandes Mme X... expose qu'après avoir fixé sa rémunération à 1000 euros bruts mensuels avec des commissions de 8 % sur le chiffre d'affaires, son employeur portait sa rémunération à 1250 euros bruts mensuels outre les frais de déplacement à hauteur de 350 euros sur justificatifs, puis le 12 mai 2007 lui faisait signer un nouvel avenant à son contrat de travail ramenant le taux de commissions de 8 à 5 %.
Elle explique qu'en mars 2007 la Société ANTIGUA PAPER GROUP exigeait d'elle qu'elle démissionne, ce qu'elle a refusé et que n'étant pas parvenu à obtenir son départ volontaire sans indemnité, le directeur de la Société ANTIGUA PAPER GROUP s'est mis à la harceler pour la pousser la démission. Ainsi le 2 avril 2007 la Société ANTIGUA PAPER GROUP faisait couper sa ligne téléphonique. Le 30 avril 2007 elle adressait un courrier à la Société ANTIGUA PAPER GROUP en dénonçant notamment le retard de paiement de ses salaires, le non paiement de ses commissions de mars 2007 et de ses frais professionnels ainsi que l'absence de remise de ses bulletins de salaire depuis janvier 2007.
Elle justifie l'imputabilité de la rupture reprochée à son employeur, en faisant état d'un harcèlement moral dont elle a été victime, mais aussi de la privation des moyens matériels nécessaires à l'exercice de ses fonctions et du non paiement de ses salaires et commissions, s'agissant de graves manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles rendant impossible la continuation de son contrat de travail.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 14 septembre 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société ANTIGUA PAPER GROUP sollicite la confirmation du jugement entrepris et entend voir constater que la rupture du contrat de travail résulte de la démission de Mme X.... Elle demande qu'il soit ordonné à celle-ci de restituer ses différents documents, catalogues et échantillons, et qu'elle soit condamnée à lui payer la somme de 1700 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice économique subi en raison du caractère abusif de la rupture. Elle réclame en outre paiement de la somme de 800 euros au titre des dépenses téléphoniques de la salariée, et de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société ANTIGUA PAPER GROUP explique qu'elle a constaté que la ligne téléphonique mobile attribuée Mme X... était utilisée à des fins principalement personnelles, et également utilisée par des personnes étrangères à l'entreprise comme l'époux de la salariée. Selon l'employeur Mme X... lui aurait fait part de sa perte de motivation et lui aurait demandé de la licencier pour un motifs lui permettant de bénéficier des prestations ASSEDIC, ce qui lui a été refusé.
L'employeur conteste le harcèlement moral qui lui est reproché, en faisant valoir que les simples remarques fait sur les erreurs commises par Mme X... ne peuvent être regardées comme constitutives d'un harcèlement moral.
La Société ANTIGUA PAPER GROUP explique que les salaires de Mme X... n'ont jamais été établis en retard pour une raison inhérente à l'entreprise, mais que les retards évoqués par la salariée sont uniquement du fait de celle-ci qui communiquait tardivement ses encaissements, lesquels constituent les pièces nécessaires au calcul des primes et commissions versées mensuellement.
En ce qui concerne le salaire du mois d'avril, l'employeur indique que Mme X... a été absente 7 jours et demi et qu'en mai elle a été absente au total 18 jours de manière toujours injustifiée, et qu'il a été réclamé par courrier à la salariée, la restitution avant le 30 avril 2007, du véhicule mis à sa disposition par l'entreprise, lui notifiant qu'elle récupérerait ses avantages dès son retour à son poste. La Société ANTIGUA PAPER GROUP en conclut qu'elle ne peut voir sa responsabilité engagée dans la rupture du contrat de travail de Mme X..., la mauvaise fois de celle-ci étant caractérisée.
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Motifs de la décision :
Mme X... qui a comparu en personne à l'audience des débats, n'a produit aucune pièce à l'appui de ses demandes.
Dans sa lettre du 13 juin 2007 par laquelle elle notifie à son employeur la rupture du son contrat de travail dont elle lui impute la responsabilité, elle rappelle qu'il l'a d'abord engagée une première fois en qualité d'attachée commerciale du 2 mai au 12 juin 2006, et puis qu'il a alors rompu son contrat de travail en raison d'une période d'essai non concluante, ce qui ne l'a pas empêché de la réembaucher le 28 septembre 2006 avec effet rétroactif au 2 mai 2006.
Dans ce courrier elle reproche à son employeur d'avoir voulu rompre à nouveau le contrat de travail pour des problèmes économiques, et exiger d'elle qu'elle démissionne, ce qu'elle aurait refusé. Elle soutient alors que son employeur a décidé de l'empêcher de travailler en lui supprimant son téléphone professionnel, outil indispensable à son activité, puis aurait décidé de ne plus payer ni commissions ni frais professionnels, ces faits intervenant dans un climat de harcèlement à son égard, ce qui l'a amenée à suspendre son activité.
Cependant il ne résulte d'aucune des pièces versées aux débats de quelconques faits pouvant être constitutifs de harcèlement moral.
En premier lieu Mme X... ne justifie pas que le taux de ses commissions ait été réduit par avenant au contrat de travail.
Par contre il ressort d'un courrier en date du 17 avril 2007 adressé par l'employeur à Mme X..., qu'il a été demandé régulièrement à celle-ci de prendre soin de la rédaction des bons de commande ; il était constaté une nouvelle fois des erreurs au niveau des calculs desquels il résultait des encaissement erronés, des références précises étant citées par l'employeur. Il était relevé également que les bons de commande de Mme X... étaient illisibles et difficiles à traiter, l'employeur lui exprimant une nouvelle fois son mécontentement.
Par un courrier du 26 avril 2007, l'employeur faisait savoir à Mme X... qu'il avait tenté de la joindre sur son portable depuis le 12 avril 2007, mais que ses appels étaient restés sans réponse. Il était rappelé que dans le cadre de l'aide qui lui avait été apportée, il lui avait été confié un véhicule appartenant à la Société ANTIGUA PAPER GROUP de marque Citroën C2 que la salariée avait sollicité du fait que son mari était au chômage et que le couple avait uniquement un véhicule personnel. Il était indiqué à Mme X... que la Société ANTIGUA PAPER GROUP était sans nouvelles d'elle depuis 2 semaines environ et qu'elle craignait que le véhicule soit utilisé à des fins personnelles et de ce fait détourné pour une utilisation autre que pour ses déplacements professionnels.
Mme X... était avisée que sans restitution, avant le 30 avril 2007, il serait déposé plainte auprès des services de police.
Dans un courrier du 7 mai 2007, l'employeur, répondant à une lettre du 30 avril 2007 de Mme X..., indiquait à celle-ci qu'il ne lui avait jamais demandé sa démission en mars 2007. Il rappelait que le travail de Mme X... posait des problèmes d'ordre administratif puisque dans la majorité des cas, ses bons de commandes étaient erronés (faute de code ou de désignation, manque d'informations et des erreurs de calcul " dans les hors-taxes et les TTC " et ce malgré l'achat de 3 machines à calculer qui lui ont été fournies, ces erreurs faisant perdre un temps précieux à l'entreprise, tant au niveau administratif que comptable et au niveau logistique des livraisons, car il fallait sans cesse apporter des rectifications.
Il était fait savoir également que les salaires de Mme X... et ses commission étaient réglés dans leur totalité jusqu'au 28 février 2007, mais qu'au 31 mars 2007 son salaire avait été versé partiellement car l'entreprise n'avait pu intégrer dans sa trésorerie un certain nombre d'encaissements clients, le contrat de travail prévoyant que les commissions seraient payées avant le 15 de chaque mois sur bordereau récapitulatif comprenant toutes les facturations encaissées par la société.
Il était fait savoir à Mme X... que si elle se plaignait d'un certain retard dans le règlement de ses salaires, celui-ci était dû au fait qu'elle n'était jamais arrivée à établir un listing exact de ses commissionnements en temps et en heure et que le rapprochement avec des documents de gestion avait été retardé d'autant. Il était également indiqué à la salariée que ses bulletins de paie était à sa disposition chez Mme Y....
Il était précisé à Mme X... que sa ligne téléphonique avait été volontairement coupée dans le sens de l'émission des appels, parce que l'employeur s'est aperçu que son époux se servait de son téléphone professionnel à des fins personnelles, et qu'il était attendu une explication franche de la part de la salariée, ce qui ne fut pas le cas, relevant que l'époux de Mme X... avait malencontreusement fait le numéro de l'employeur et s'était d'ailleurs excusé de l'avoir dérangé pour rien.
À la suite de cette révélation, et après une altercation téléphonique avec son supérieur, il était rappelé à Mme X... qu'elle avait fait savoir qu'elle n'était plus motivée pour travailler pour la Société ANTIGUA, et qu'elle avait alors demandé à être licenciée, ceci afin de pouvoir être indemnisée par les ASSEDIC, et qu'il lui avait été répondu qu'il n'y avait pas de raison valable dans l'immédiat de la licencier, et que si elle n'était plus motivée, cette démission serait acceptée.
Il est également fait savoir à Mme X... que son époux n'avait pas à téléphoner à l'employeur afin d'exiger sur un ton très agressif le « licenciement rapide » de son épouse.
In fine il était constaté que Mme X... n'était pas décidée à donner sa démission, et qu'en conséquence elle était invitée formellement à reprendre sa place au sein de l'entreprise, et qu'il allait de soi que son véhicule lui serait restitué, le téléphone ne lui étant rendu que sous certaines conditions. Il était précisé que son salaire fixe était viré comme d'habitude, déduction faite de ses absences non justifiées, mais que ses commissions ne lui seraient pas réglées, faute d'encaissements.
Il n'apparaît ainsi aucun fait de harcèlement moral ni aucun manquement de l'employeur à ses obligations, les simples remarques faites par l'employeur sur les erreurs commises par Mme X... ne peuvent être considérées comme constitutives d'un tel harcèlement, ne caractérisant nullement un exercice anormal et abusif des pouvoirs d'autorité, de direction et de contrôle de l'employeur.
Par ailleurs la restriction de l'usage de la ligne téléphonique de Mme X... s'explique pas une utilisation abusive, extra professionnelle de cette ligne. Quant à la demande de restitution du véhicule confié à Mme X..., elle s'explique par l'absence prolongée de l'intéressée afin d'éviter une utilisation à des fins non professionnelles.
Enfin les retards de paiement de commissions s'expliquent par l'absence de communication des listings de commandes de la part de la salariée.
En conséquence dans la mesure où ne sont pas démontrés de manquements graves de l'employeur à ses obligations, ni de faits de harcèlement moral pouvant lui être reprochés, la rupture du contrat de travail notifiée par Mme X... par lettre du 13 juin 2007 ne peut être considérée comme imputable à l'employeur, ladite lettre s'analysant en une démission.
Il en résulte que Mme X... ne peut prétendre à aucune indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ni aucune indemnité de fin de contrat telle l'indemnité de préavis
Mme X... ne fournissant aucun décompte des commandes passées et des commissions correspondantes qui lui sont dues, il ne peut être fait droit à sa demande de rappels de salaires.
Par contre l'employeur ne justifiant pas avoir réglé à Mme X... d'indemnité de congés payés au cours de l'année écoulée, il sera alloué à la salariée à ce titre la somme de 1961, 60 euros correspondant à 24 jours de congés payés acquis au cours de la période travaillée.
L'employeur, par les pièces produites ne justifiant pas avoir établi des bulletins de salaires pour les mois de mai et juin 2007 (la fiche correspondant à ce dernier mois ne faisant apparaître aucun montant, ni même les absences de la salariée), sera condamné sous astreinte à remettre lesdits bulletins à Mme X..., ainsi que son certificat travail (celui versé au débat n'étant pas signé) et une attestation Pôle Emploi sur laquelle il sera mentionné la démission de la salariée.
L'employeur ne justifiant pas du montant des facturations téléphoniques correspondant à l'utilisation extra professionnelle de la ligne de Mme X..., ni du préjudice que lui aurait causé la brusque rupture du contrat de travail, sera débouté de sa demande de dommages intérêts pour préjudice économique.
L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme X... au titre de l'indemnité de congés payés et de la remise des bulletins de salaire de mai et juin 2007, de son certificat travail et de son attestation Pôle Emploi,
Le réformant sur ces chefs de demandes et statuant à nouveau,
Condamne la Société ANTIGUA PAPER GROUP à payer à Mme X... la somme de 1961, 60 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
Dit que la Société ANTIGUA PAPER GROUP devra remettre à Mme X... ses bulletins de paie des mois de mai et juin 2007, ainsi que son certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi, dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, et que passé ce délai chaque jour de retard sera assorti d'une astreinte de 50 euros,
Dit que les dépens sont partagés par moitié entre les parties,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.