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11/03/2013 | FRANCE | N°11/01249

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 11 mars 2013, 11/01249


BR-JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 88 DU ONZE MARS DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 11/ 01249
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 12 avril 2011, section Agriculture.
APPELANT
Monsieur Bryant X... C/ o Maison Albert Y......97130 CAPESTERRE BELLE EAU Représenté par M. Ernest DAHOME, délégué syndical ouvrier.

INTIMÉE

SARL A...-Z..., ...97120 SAINT-CLAUDE Représentée par son gérant M. Tino Z...

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'artic

le 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Janvier 2013, en audience publique, l...

BR-JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 88 DU ONZE MARS DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 11/ 01249
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 12 avril 2011, section Agriculture.
APPELANT
Monsieur Bryant X... C/ o Maison Albert Y......97130 CAPESTERRE BELLE EAU Représenté par M. Ernest DAHOME, délégué syndical ouvrier.

INTIMÉE

SARL A...-Z..., ...97120 SAINT-CLAUDE Représentée par son gérant M. Tino Z...

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Janvier 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 11 mars 2013
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Il résulte des pièces versées aux débats que M. X... a travaillé en qualité d'ouvrier agricole, en 2005 pour la S. C. A. EXPLOITATION CHANGY (bulletins de paie d'octobre à décembre 2005), en 2006 pour la SCA A...- Z...(bulletins de paie d'août à décembre 2006), en 2007 pour la S. A. R. L. A...-Z...(bulletins de paie de janvier et février 2007), puis pour le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS POUR L'INSERTION ET LA QUALIFICATION AGRICOLE DE GUADELOUPE dénommé G. E. I. Q. (bulletins de paie de mars à août 2007).
Alors que M. X... travaillait au service de la S. A. R. L. A...-Z..., un contrat de travail à durée déterminée à été conclu le 26 février 2007 dans le cadre d'un " contrat d'accompagnement dans l'emploi ", avec le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS G. E. I. Q.
Le 23 décembre 2009, M. X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre aux fins d'obtenir paiement, par la SCA A...- Z..., de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail, un rappel de rémunération et des indemnités de fin de contrat.
Par jugement du 12 avril 2011, la juridiction prud'homale, constatant qu'il n'y avait pas eu de procédure de licenciement à l'encontre de M. X... et que celui-ci avait signé un contrat de travail avec le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS alors qu'il travaillait sous contrat pour la S. A. R. L. A...-Z..., et retenant que le salarié ne justifiait pas ses dires en ce qui concerne le travail supplémentaire qu'il aurait effectué et qui n'aurait pas été payé, et qu'il ne donnait pas la preuve qu'il ait effectué un travail dissimulé, le déboutait de l'ensemble de ses demandes.
Par déclaration du 31 août 2011, M. X... interjetait appel de cette décision.
****
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 19 mars 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats du 21 mai 2012, M. X... expliquait que dans un premier temps il avait été embauché par contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, non écrit, en qualité d'ouvrier agricole, à compter du 28 octobre 2005, par la S. C. A. EXPLOITATION CHANGY dont le gérant était M. Tino Z.... Il avait travaillé ainsi jusqu'au 2 décembre 2005 sur la plantation CHANGY, à CAPESTERRE BELLE-EAU, pour le compte de la S. C. A. EXPLOITATION CHANGY dont le siège était situé à BAILLIF.
Il indiquait que 8 mois plus tard, le 8 août 2006, Monsieur Tino Z..., cette fois-ci en sa qualité de gérant de la SCA A...- Z..., procédait à son réembauchage dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, non écrit, le siège de la SCA A...- Z...étant situé à ...à SAINT CLAUDE.
M. X... constatait qu'à partir du 1er janvier 2007, il était mentionné sur ses fiches de paye non plus le nom de la SCA A...- Z..., mais celui de la S. A. R. L. A...-Z..., son employeur ne lui ayant fourni aucune explication sur cette modification de dénomination. Il travaillait ainsi jusqu'au 28 février 2007, date à laquelle la S. A. R. L. A...-Z...lui remettait un dernier bulletin de salaire. Cependant à compter du 1er mars 2007, il continuait toujours à travailler pour le compte de la S. A. R. L. A...-Z....
Il précisait que le 26 février 2007, la S. A. R. L. A...-Z..., sans l'en informer, prenait sur elle d'entamer des démarches pour l'inscrire dans une structure dénommée : GROUPEMENT D'EMPLOYEURS POUR L'INSERTION ET LA QUALIFICATION AGRICOLE DE GUADELOUPE. Étant originaire d'Haïti et analphabète, il ne disposait d'aucune information sur cet organisme, dont il ne connaissait même pas l'existence. Selon lui la S. A. R. L. A...-Z...mettait tout en oeuvre pour que son contrat de travail puisse être transféré au GROUPEMENT D'EMPLOYEURS à compter du 1er mars 2007. C'est la S. A. R. L. A...-Z...qui l'emmenait au siège du GROUPEMENT D'EMPLOYEURS pour signer ce contrat de travail. Toutefois il était toujours affecté par la suite sur l'exploitation de la S. A. R. L. A...-Z.... Le contrat de travail conclu avec le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS étant un contrat de travail à durée déterminée, ledit groupement mettait fin au dit contrat le 31 août 2007.
M. X... faisait savoir que dès son premier contrat avec le gérant de la SCA A...- Z..., il travaillait au-delà de la durée légale du temps de travail, son employeur le rémunérant en dessous de ses heures réellement travaillées.
Il sollicitait l'infirmation du jugement déféré, et entendait voir condamner la S. A. R. L. A...-Z...à lui payer les sommes suivantes :-1 015, 77 euros de rappel de salaire pour la période du 28 octobre 2005 au 2 décembre 2005 et du 8 août 2006 au 28 février 2007,-101, 58 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel de salaire,-24, 09 euros d'heures supplémentaires,-2, 41 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur ces heures supplémentaires,-7 525, 86 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive,-1 254, 31 euros d'indemnité compensatrice de préavis,-125, 43 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis,-1 254, 31 euros d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,-7 525, 86 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,-404, 95 euros de prime de fin d'année pour 2005, 2006 et 2007,-5 000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il réclame en outre la remise sous astreinte de la lettre de licenciement, du certificat de travail rectifié, de la fiche de paye concernant le préavis et de l'attestation ASSEDIC rectifiée.

****
Par conclusions reçues au greffe de la Cour le 16 mai 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats du 12 mai 2012, la S. A. R. L. A...-Z..., représentée par son gérant, M. Tino Z..., sollicitait la confirmation du jugement entrepris faisant valoir que les demandes de M. X... étaient dénuées de tout fondement et ne s'appuyaient que sur des allégations invérifiables et de pures inventions.
La S. A. R. L. A...-Z...exposait que M. X... avait été embauché par la SCA A...- Z...le 8 août 2006 et que le 1er janvier 2007, suite à un transfert d'exploitation, M. X... et les autres salariés avaient été transférés à la S. A. R. L. A...-Z...avec le maintien de leurs avantages acquis, une note d'information ayant été remise à tous les salariés.
Elle expliquait que M. X..., dans le cadre d'une démarche personnelle, avait signé un contrat de travail le 26 février 2007 avec le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS alors qu'il travaillait au sein de la S. A. R. L. A...-Z.... Elle rappelait que pour signer un contrat avec le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS il fallait être inscrit à l'ANPE depuis au moins 6 mois, fournir une attestation d'inscription, une pièce d'identité, une carte de séjour pour les étrangers, ce que le salarié devait effectuer lui-même, et qu'en aucun cas l'employeur aurait pu l'effectuer à sa place. Selon la S. A. R. L. A...-Z...M. X... avait lui-même abandonné son poste de travail.
Elle précisait qu'elle n'avait signé aucune convention de mise à disposition avec le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS pour M. X..., les accords ou contrats signés entre le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS et celui-ci ne concernant en aucun cas la S. A. R. L. A...-Z....
Elle contestait la demande de rappel de salaire, expliquant que M. X... avait des problèmes de santé, était souvent absent, que les jours d'absence n'étaient pas rémunérés et qu'il était tout à fait normal que certains mois ses fiches de paye fassent apparaître un nombre d'heures inférieur au temps de travail mensuel complet. Elle ajoutait que le seul mois où M. X... avait effectué du travail supplémentaire, celui-ci avait été payé, et que si celui-ci affirmait avoir travaillé d'autres mois au-delà de la durée légale, il n'avait qu'à prouver ses dires.
Elle faisait valoir que M. X... n'ayant pas été licencié par la S. A. R. L. A...-Z...mais ayant de lui-même abandonné son poste de travail, il ne pouvait lui être dû de dommages intérêts pour rupture du contrat de travail, ni indemnité de préavis, ni indemnité pour non respect de la procédure de licenciement.
Elle contestait la demande d'indemnité pour travail dissimulé, en expliquant que toutes les formalités concernant l'embauche et les déclarations de salaires de M. X... avaient été effectuées. Pour les primes de fin d'année elle exposait que pour l'année 2005 elle n'était pas concernée, puisque M. X... ne faisait pas partie de son personnel, et qu'en 2007 le salarié ayant abandonné son poste de travail en cours d'année, aucune prime de fin d'année ne lui était due.

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Par arrêt du 10 septembre 2012, la Cour de céans constatait qu'en première instance le litige avait opposé M. X... à la SCA A...- Z..., et que si celle-ci n'avait pas comparu, bien que régulièrement convoquée par le greffe de la Cour par lettre recommandée, dont l'avis de réception avait été retourné signé par son destinataire, la S. A. R. L. A...-Z...intervenait volontairement en cause d'appel, les demandes de M. X... n'étant alors dirigées que contre celle-ci.
La Cour relevait que l'examen des pièces versées aux débats montrait que le contrat de travail à durée déterminée conclu le 26 février 2007 dans le cadre d'un " contrat d'accompagnement dans l'emploi ", avait été signé d'une part par M. X... et d'autre part par le Président du GROUPEMENT D'EMPLOYEURS. Par ailleurs la convention entre l'État et ce GROUPEMENT D'EMPLOYEURS, en date du 1er mars 2007, faisait apparaître que M. X... était bénéficiaire du RMI.
Rappelant que la réglementation régissant les contrats d'accompagnement dans l'emploi, prévoyait que ce type de contrat avait pour objet de faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi (articles L 5134-20 et suivants du code du travail), et que M. X... travaillait déjà à l'époque où ce contrat d'accompagnement dans l'emploi avait été conclu, la Cour en déduisait qu'il apparaissait que ledit contrat résultait d'une fraude.
À fin de déterminer les conditions de conclusions de ce contrat d'accompagnement dans l'emploi, d'en vérifier sa validité, et d'identifier le ou les auteurs de la fraude, afin de vérifier la sincérité de l'une ou l'autre des versions des parties, la Cour décidait d'organiser deux mesures d'instruction, à savoir une mesure de comparution personnelle des parties telle que prévue par les articles 184 et suivants du code de procédure civile, et d'autre part une mesure d'enquête telle que prévue par les articles 204 et suivants du même code, au cours de laquelle serait entendu M. Michel TOLA, Président du GROUPEMENT D'EMPLOYEURS. Il était ainsi ordonné la comparution personnelle des parties, à savoir d'une part M. X..., et d'autre part la S. A. R. L. A...-Z...représentée par son gérant M. Tino Z..., ainsi qu'une mesure d'enquête aux fins de procéder à l'audition du président du groupement d'employeurs, M. Michel TOLA.

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À la date fixée pour la comparution personnelle des parties, à savoir le 16 novembre 2012 à 10 heures, seul M. X... était présent. Il était constaté que M. X... comprenait et parlait difficilement le français. En présence d'une interprète en langue créole, M. X..., de nationalité haïtienne, expliquait qu'à compter de 2005 il avait travaillé pour M. Tino Z... pendant 3 mois à Capesterre Belle-Eau, en 2006 il avait encore travaillé dans différentes exploitations, sur la commune de Capesterre Belle-Eau, pour M. Tino Z..., dans le cadre de différentes sociétés. Il travaillait pour des périodes de 20 jours ou un peu plus, mais il était toujours payé 905, 80 euros. Il précisait qu'il avait arrêté de travailler pour M. Tino Z... en août 2007, ses fonctions avaient consisté, au début à transporter les régimes de bananes et à les mettre dans un chariot, mais en mars ou avril 2007 il avait été blessé, et son travail avait changé, il coupait alors les bananes pour les laver, les peser et les emballer.
Il indiquait qu'il avait reçu le contrat devant le lier avec le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS par la poste, et que le géreur de M. Tino Z... était venu chez lui pour le lui faire signer. Il avait renvoyé ledit contrat par la poste à Baie-Mahault. Il était ensuite allé dans cette ville pour voir le G. E. I. Q. afin de s'assurer que c'était bien cette société qui avait envoyé le contrat. Il avait vu au service de comptabilité, la personne qui faisait les fiches de paye. Le contrat devait être renouvelé, ce qui n'a pu être fait car il y avait eu par la suite un cyclone. Il se trouvait alors au chômage et n'a plus jamais retravaillé, ayant été opéré du genou en 2008. Il a ensuite pris sa retraite en 2012.
Il expliquait que M. Tino Z... voulait qu'il signe le contrat avec le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS car cette société devait toucher de l'argent pour ce contrat, faisant savoir que lui n'avait pas eu d'augmentation de salaire. Il précisait qu'avant la signature du contrat avec le G. E. I. Q. comme après la signature dudit contrat, il avait toujours travaillé sur la même exploitation, ajoutant qu'auparavant M. Tino Z... lui avait toujours donné des fiches de paye mais pas de contrat.
Il exposait qu'en janvier et février 2007 il travaillait toute la semaine, y compris le samedi pour M. Tino Z... mais il précisait que quand il travaillait 24 jours il n'était payé que 20 jours. Il avait ainsi travaillé pour M. Tino Z... à compter du mois d'août 2006 jusqu'en 2007 sans interruption.
Le président du GROUPEMENT D'EMPLOYEURS ne pouvait être entendu, la convocation qui lui avait été adressée par lettre recommandée avec avis de réception, avait été retournée par les services de la Poste sans toutefois qu'ait été apposé un motif de non distribution.
Les parties étaient à nouveau convoquées par lettres recommandées avec avis de réception à l'audience du 28 janvier 2013, pour débattre au fond à la suite de la mesure d'instruction.
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M. X... représenté par M. DAHOME, s'en tenait à ses conclusions et déclarations précédentes.
M. Tino Z..., comparaissait tant en sa qualité de gérant de la S. A. R. L. A...-Z...que de la S. C. A. A...-Z.... Il faisait savoir qu'il n'avait jamais été chez M. X... dont il ne connaissait pas la maison, ayant 150 personnes sur ses exploitations. Il indiquait qu'il travaillait beaucoup avec le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS, qu'il demandait à celui-ci un salarié pour une période déterminée, le GROUPEMENT lui proposait alors une personne pour 2 ans maximum, 90 % de ces salariés étaient intégrés dans l'exploitation.
M. Tino Z... faisait savoir qu'en février 2007 M. X... n'était pas dans son entreprise, et que la mise à disposition par le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS avait été faite en sa faveur et non pour la S. A. R. L. A...-Z....
Il indiquait que dans le contrat de travail signé par M. X... il était mentionné : « M. X...Bryant affirme qu'il est, à la date d'entrée en fonction dans notre groupement, libre de tout engagement, tant à l'égard de la législation du travail, qu'à l'égard d'autres employeurs ». Il soutenait que M. X... et le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS n'étaient liés ni à la S. A. R. L. A...-Z..., ni à la S. C. A. A...-Z..., mais qu'ils étaient liés à l'exploitant M. Tino Z....
En ce qui concerne les absences de M. X..., M. Tino Z... précisait que le temps de travail de celui-ci figurait sur ses bulletins de salaire, qu'il n'y avait donc pas de mention des absences, le salarié étant souvent absent sans justifications. Bien qu'il ait accumulé les absences sans justificatif, M. X... n'avait pas été licencié, le tort de l'entreprise étant de ne pas lui avoir demandé de reprendre son poste.
Il indiquait que si la fiche de paye attestait 154 heures de travail, ceci ne correspondait pas au temps de travail effectif, mais à un travail à la tâche, une tâche correspondant à 7 heures.
En ce qui concerne le travail dissimulé M. Tino Z... indiquait que M. X... avait été déclaré le 8 août 2006 et le 1er janvier 2007, précisant que cela avait été fait le 19 avril 2007 par la S. A. R. L. A...-Z....
Motifs de la décision :

Sur les demandes de M. X... fondées sur la rupture du contrat de travail avec la S. A. R. L. A...-Z...:

Dans ses conclusions écrites, la S. A. R. L. A...-Z...reconnaît que M. X... a été embauché par la S. C. A. A...-Z...à compter du 8 août 2006, et que le 1er janvier 2007, suite à un transfert d'exploitation, M. X... et tous les autres salariés avaient été transférés à la S. A. R. L. A...-Z...avec le maintien de leurs acquis, une note d'information ayant été remise à tous les salariés.
Effectivement il est versé aux débats des bulletins de paie délivrés à M. X... par la S. C. A. A...-Z...à compter du 8 août 2006 jusqu'au 31 décembre 2006, puis les bulletins de paie avaient été délivrés par la S. A. R. L. A...-Z...pour le mois de janvier et le mois de février 2007.
Il apparaît ainsi que M. X... travaillait dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, auquel il a été mis fin le 26 février 2007.
Il y a lieu de relever que M. X... n'a jamais notifié une quelconque démission à son employeur, et que ce dernier ne lui a notifié aucun licenciement et ne l'a jamais mis en demeure de reprendre son emploi.
Il ressort des pièces versées aux débats et des explications fournies par les parties, qu'en réalité, par le biais d'un contrat d'accompagnement à l'emploi établi par le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS, M. Tino Z... a souhaité continuer à utiliser les services de M. X... par l'intermédiaire de ce groupement, par convention de mise à disposition, ce qui lui permettait notamment de ne plus avoir de lien contractuel avec M. X..., et de bénéficier d'un " contrat aidé " financièrement par la puissance publique et d'exonération de cotisations sociales (cf. articles L 5134-30 et L 5134-31 du code du travail, tels qu'applicables à l'époque du contrat).

Il ne peut être sérieusement soutenu que M. X..., qui, lors de sa comparution personnelle, s'est montré incapable de lire le contrat de travail le concernant, établi par le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS, ait pris l'initiative de souscrire un contrat à durée déterminée avec cet organisme, alors qu'il bénéficiait par ailleurs d'un contrat à durée indéterminée auprès de la S. A. R. L. A...-Z....

Au demeurant le contrat d'accompagnement dans l'emploi qui est destiné à faciliter l'insertion professionnelle des personnes sans emploi (article L 5134-20 du code du travail), ne correspondait nullement à la situation de M. X..., lequel avait déjà un emploi, et si dans ledit contrat il est mentionné que M. X... est bénéficiaire du RMI, il y a lieu de rappeler que celui-ci ne sait pas lire le français, et qu'il n'a pu inventer un tel stratagème pour obtenir un emploi précaire.
La conclusion, le 26 février 2007, d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi et le 1er mars d'une convention entre d'une part le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS, et d'autre part l'État, concernant M. X... en tant que salarié, apparaît constituer une manoeuvre permettant d'une part à l'employeur d'obtenir une aide financière de l'État, d'autre part de transformer le contrat à durée indéterminée dont bénéficiait M. X... en contrat à durée déterminée.
Comme l'a expliqué M. X... lors de sa comparution personnelle, la conclusion de ce contrat ne procède pas de son initiative personnelle, mais lui a été demandé par le géreur de l'exploitation de M. Tino Z....
La conclusion de ce contrat d'accompagnement dans l'emploi auprès du GROUPEMENT D'EMPLOYEURS, à l'initiative de M. Tino Z... s'analyse en une rupture du contrat de travail à durée indéterminée dont bénéficiait M. X..., ladite rupture devant être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Compte tenu du préjudice subi par M. X..., qui a perdu le bénéfice de son contrat à durée indéterminée, et des manoeuvres utilisées pour arriver à cette fin, il lui sera alloué à titre d'indemnisation la somme de 7525, 86 euros correspondants à 6 mois de salaires tels que calculés sur la base d'un emploi à temps complet.
Aucune procédure de licenciement n'ayant été mise en oeuvre, et aucun conseiller du salarié n'ayant pu en conséquence assister M. X... lors d'un entretien préalable, il sera alloué à ce dernier une indemnité de 1254, 32 euros, équivalente à un mois de salaire, à titre d'indemnité pour procédure irrégulière.

Sur les demandes de rappels de rémunération de M. X... :

En vertu des dispositions de l'article L 1224-2 du code du travail, et dans la mesure où un accord est intervenu entre la S. A. R. L. A...-Z...et la S. C. A. A...-Z...pour le transfert des salariés de celle-ci au profit de celle-là avec maintien des avantages acquis, la première société citée est tenue au paiement des dettes salariales contractées par la seconde.
En l'absence de contrat de travail écrit, le salarié est présumé être embauché à temps complet. Il résulte de l'examen des bulletins de salaire
délivrés à M. X... que depuis son embauche en août 2006, il est rémunéré pour des durées mensuelles de travail variables allant de 82 heures à 154 heures, sans que jamais il ne soit fait mention sur les bulletins de salaire de journées d'absences ou de jours de congés. Il s'en déduit que l'employeur a failli à son obligation de fournir du travail à son employé pour la durée pour laquelle celui-ci était embauché. Par suite la demande de M. X... tendant à obtenir paiement des heures de travail correspondant à un temps complet, est justifiée. Toutefois il ne peut être tenu compte de la réclamation formée au titre de l'année 2005, laquelle ne peut concerner ni la S. A. R. L. A...-Z..., ni la S. C. A. A...-Z...puisqu'à cette époque M. X... travaillait pour la S. C. A. EXPLOITATION CHANGY. Il ne peut donc être alloué à M. X... que la somme de 962, 21 euros au titre du rappel de salaire pour un travail à temps complet. Sur ce montant il est dû à M. X... une indemnité de congés payés de 96, 22 euros.
Par ailleurs le bulletin de salaire du mois de novembre 2006 fait apparaître un temps de travail de 154 heures. Il en résulte que M. X... a nécessairement accompli des heures de travail au-delà de de la durée légale. Il sera alloué au titre de ces heures supplémentaires la somme de 24, 09 euro, outre 2, 41 euros à titre d'indemnité de congés payés sur ce rappel d'heures supplémentaires.
Il sera alloué en outre M. X... au titre de l'indemnité de préavis, la somme de 1254, 31 euros correspondants à un mois de salaire, outre la somme de 125, 43 euros à titre d'indemnité de congés payés sur le préavis.
Il résulte du protocole d'accord du 25 octobre 2004, versé aux débats et signé d'une part par les employeurs adhérents des groupements de producteurs KARUBANA et BANAGUA, et d'autre part par le syndicat CGTG des ouvriers agricoles de la banane, qu'une prime de fin d'année était allouée à ces derniers, ce que ne conteste pas la S. A. R. L. A...-Z.... En conséquence il sera fait droit à la demande de M. X... tendant au paiement d'une prime de fin d'année pour les années 2006 et 2007, une telle prime n'étant pas due par la S. A. R. L. A...-Z...pour l'année 2005, puisqu'alors M. X... travaillait pour la Société S. C. A. EXPLOITATION CHANGY.
Ainsi compte tenu d'un calcul prorata temporis en fonction de la période effectivement travaillée au cours des années 2006 et 2007, il sera alloué à M. X... la somme de 344, 28 euros à titre de rappel de prime de fin d'année.
Sur le travail dissimulé :
Pour contester les faits de travail dissimulé qui lui sont reprochés, la S. A. R. L. A...-Z...fait valoir que toutes les formalités concernant l'embauche de M. X... et les déclarations de salaires ont été effectuées et que si le numéro de sécurité sociale du salarié n'apparaît pas sur ses fiches de paye, c'est parce que l'intéressé ne l'a pas fourni lors de son embauche, et qu'une demande était en cours à la sécurité sociale.
À titre de justification la S. A. R. L. A...-Z...produit un formulaire diffusé sur le site internet de l'URSSAF, correspondant à la Déclaration Unique d'Embauche, sur lequel les différentes rubriques concernant M. X... ont été remplies avec mention

d'une date prévisible d'embauche au 8 août 2006. Toutefois ce formulaire rempli et imprimé à partir du site de l'URSSAF n'est pas daté et ne peut à lui seul justifier de la déclaration effective d'embauche de M. X.... Au demeurant aucun numéro de sécurité sociale ne figure sur les bulletins de salaire délivrés tant par la S. C. A. A...-Z...que par S. A. R. L. A...-Z..., alors que sur les bulletins de paie délivrés par le GROUPEMENT D'EMPLOYEURS, le numéro de sécurité sociale de M. X... apparaît dès le mois de mars 2007.

Il se déduit de ces constatations que la S. A. R. L. A...-Z...n'a pas rempli ses obligations quant à la déclaration d'embauche de M. X... auprès de l'URSSAF, et a persisté dans son abstention pendant plusieurs mois jusqu'à ce qu'un contrat aidé soit conclu, permettant ainsi une exonération des cotisations sociales. En conséquence, compte tenu de l'abstention volontaire de la S. A. R. L. A...-Z..., celle-ci sera condamnée à payer l'indemnité forfaitaire correspondant à 6 mois de salaire prévue par l'article L8223-1 du code du travail, fixée en l'espèce à la somme de 7525, 86 euros.
Sur la remise des documents de fin de contrat :
S'il est versé aux débats une attestation ASSEDIC établie par la S. C. A. A...-Z...pour les mois de travail effectués par M. X... au cours de l'année 2006, il n'a pas été délivré ce type d'attestation à M. X..., pour 2007, par la S. A. R. L. A...-Z.... Celle-ci devra donc procéder à la remise de cette attestation qui devra être conforme aux dispositions du présent arrêt.
Par ailleurs les mêmes observations doivent être faites pour le certificat de travail. Ainsi la S. A. R. L. A...-Z...sera tenue de délivrer un certificat de travail à M. X... ainsi qu'une fiche de paye correspondant au préavis.
Le présent arrêt constatant la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, et reconnaissant à cette rupture le caractère de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu d'ordonner la délivrance d'une lettre de licenciement.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais irrépétibles qu'il a exposés, il lui sera alloué la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que la rupture du contrat de travail de M. X... est imputable à la S. A. R. L. A...-Z..., et qu'elle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la S. A. R. L. A...-Z...à payer à M. X... les sommes suivantes :
-962, 21 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 8 août 2006 au 28 février 2007,

-96, 22 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur ce rappel de salaire,

-24, 09 euro au titre des heures supplémentaires,
-2, 41 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur les heures supplémentaires,
-7 525, 86 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-1 254, 31 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
-125, 43 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
-1 254, 31 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement,
-7 525, 86 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
-344, 28 euros au titre de la prime de fin d'année,
-300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne à la S. A. R. L. A...-Z...de remettre à M. X..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, un certificat de travail, ainsi qu'une fiche de paye concernant le préavis, et une attestation Pôle Emploi, le tout conforme aux dispositions du présent arrêt, chaque jour de retard passé le délai imparti étant assorti d'une astreinte de 50 euros,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de la S. A. R. L. A...-Z...,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01249
Date de la décision : 11/03/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-03-11;11.01249 ?
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