MJB-VF
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 86 DU VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 12/ 01493
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 5 juillet 2012- Section Commerce.
APPELANT
Monsieur Laurent X......... 97100 BASSE-TERRE Représenté par Maître Roland EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (Toque 96), avocat au barreau de la Guadeloupe
INTIMÉE
LE CABANON 6 rue Lardenoy 97100 BASSE TERRE Représenté par Maître Gérald CORALIE (Toque 90), avocat au barreau de la Guadeloupe
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, et Madame GAUDIN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller, Mme Françoise GAUDIN, conseiller.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 17 février 2014, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé au 24 février 2014
GREFFIER Lors des débats Madame Juliette GERAN, adjointe administrative principale, faisant fonction de greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE :
M. Laurent X... a été engagé par la SARL LE CABANON par contrat à durée indéterminée du 1er octobre 2008 en qualité de cuisinier polyvalent moyennant une rémunération brute de 1 321, 05 euros pour 35 heures hebdomadaires.
Par déclaration enregistrée le 10 mars 2010, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Basse ¿ Terre aux fins d'obtenir la condamnation de son employeur au paiement des sommes suivantes :
1 283, 25 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, 1 738, 81 à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, 1 283, 25 euros à titre d'indemnité pour préavis, 12 000 euros pour rupture abusive du contrat de travail.
Il sollicita également la remise d'une lettre de licenciement, du certificat de travail, de bulletins de paie et de l'attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.
Par jugement du 05 juillet 2012, considérant que la rupture du contrat de travail est imputable à M. X..., la juridiction prud'homale a débouté celui-ci de l'ensemble de ses demandes, a débouté la SARL LE CABANON de sa demande reconventionnelle et a condamné le demandeur aux dépens.
Par déclaration reçue le 06 septembre 2012, M. X... a interjeté appel de cette décision.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par conclusions déposées le 18 février 2013, soutenues à l'audience des plaidoiries, M. X..., représenté, demande à la cour de :
infirmer le jugement du 05 juillet 2012,
condamner la SARL LE CABANON aux sommes suivantes :
*1 283, 25 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
* 1 738, 81 à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
* 1 283, 25 euros à titre d'indemnité pour préavis,
* 12 000 euros pour rupture abusive du contrat de travail.- lui ordonner la remise d'une lettre de licenciement, du certificat de travail, de bulletins de paie et de l'attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document.
Il soutient qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal le 09 avril 2009 qui s'avère être sans cause réelle et sérieuse, car aucune procédure n'a été suivie ; qu'il ne peut être soutenu qu'il a démissionné puisqu'il a écrit une première lettre à son employeur le 10 avril 2009 qui est très explicite et qui relate les faits, notamment le licenciement verbal du 09 avril 2009 ; que de surcroît, ce dernier qui lui adresse un courrier le 20 avril 2009 ne prendra aucune mesure à son égard au bout de 11 jours d'absence.
Il rappelle que la jurisprudence a clairement posé le principe que la démission ne se présume pas.
Il fait observer que la SARL LE CABANON tente par tout moyen de faire croire à une démission le 08 avril 2009, alors que ces propres attestations divergent sur la période.
Par conclusions récapitulatives signifiées à l'appelant le 23 septembre 2013, la SARL LE CABANON, représentée, demande à la cour de : débouter M. X... de toutes ses demandes, confirmer la décision querellée en toutes ses dispositions, condamner le même aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose qu'après avoir été embauché le 1er octobre 2008, M. X... a démissionné de son poste et que par lettre du 20 avril 2009, elle finissait par constater son absence depuis 11 jours. Elle met en avant plusieurs arrêts de la chambre sociale de la cour de cassation sur la démission.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la démission et le licenciement verbal
La démission est l'acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. La démission ne présume pas.
Par ailleurs, le salarié qui se prétend licencié verbalement, doit en rapporter la preuve.
En tout état de cause, l'employeur qui considère le contrat de travail comme rompu du fait du salarié doit mettre en ¿ uvre la procédure de licenciement. A défaut, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l'espèce, M. X... dit qu'il y a licenciement verbal.
Pour sa part, la SARL LE CABANON soutient que celui-ci a démissionné.
En l'espèce, l'hypothèse de la démission ne peut se justifier par le seul envoi d'une mise en demeure le 20 avril 2009 alors que le 07 mai suivant, M. X... rappelait à son employeur son refus de le recevoir, de lui donner les motifs de son licenciement verbal et de lui remettre les documents relatifs à sa période d'activité.
L'attestation de M. Y..., sans pertinence, ne fait que reprendre l'information donnée par l'employeur sur l'absence de son salarié.
L'attestation de M. Z... versée aux débats par l'employeur relate le fait d'une mauvaise farce provoquée par M. X... au cours de la semaine du 29 mars 2009 et pour laquelle il lui aurait été demandé de s'expliquer le jour même. Celui-ci ne se serait plus présenté depuis cette date. Si cette attestation ne prouve pas la volonté déterminée de M. X... de démissionner, elle conforte l'idée qu'il y a bien eu des reproches faits par l'employeur à son salarié à cette période, ce qui explique amplement l'envoi de la lettre du 10 avril 2009 par M. X... à l'employeur s'inquiétant des motifs du licenciement verbal dont il a fait l'objet le 09 avril précédent, trouvant cette mesure extrêmement sévère.
Dans ses deux lettres, celles du 10 avril 2009 et du 07 mai 2009, cohérentes entre elles mais surtout avec les contenus de l'attestation de M. Z... et de la mise en demeure adressée par l'employeur le 20 avril 2009, M. X... fait état d'un licenciement décidé verbalement le 09 avril 2009 par l'employeur.
La SARL LE CABANON ne conteste pas expressément avoir reçu ces deux lettres et n'a engagé par la suite aucune procédure de licenciement à l'égard de son salarié.
Ces éléments permettent à la cour de conclure que les conditions d'une démission ne sont pas réunies, qu'il n'est pas rapporté la volonté claire et non équivoque de démissionner de M. X..., mais que la rupture du contrat de travail résulte effectivement d'un licenciement verbal intervenu le 09 avril 2009, licenciement qui par sa seule forme est irrégulier.
Ce licenciement s'analyse en conséquence en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnité compensatrice de congés payés
M. X... a été embauché le 1er octobre 2008.
La SARL LE CABANON ne prouve pas de prise de congés par celui-ci d'octobre 2008 à avril 2009.
Les bulletins de paie versés aux débats par l'appelant, correspondant à cette période, font apparaître l'existence de 20 jours de congés acquis à son profit.
Il est fait droit à la demande en allouant à l'intéressé la somme de 1 283, 25 euros par application de l'article L. 3141-26 du code du travail.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Il est fait droit à la demande formulée à ce titre en allouant à M. X... la somme 1 283, 25 euros, par application de l'article L. 1234-1 du code du travail, celui-ci ayant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise.
Sur l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Par application de l'article L. 1235-5 du code du travail, le salarié ayant moins de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise peut prétendre, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'en cas d'inobservation de la procédure de licenciement, à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.
M. X... a vu, du jour au lendemain, son contrat de travail interrompu sans qu'il ait été porté préalablement à sa connaissance les motifs de la rupture. Par ce fait, il s'est donc trouvé sans ménagement dans une situation extrêmement délicate n'ayant plus d'activité et plus de salaire.
Il lui est donc alloué la somme de 1738, 81 euros pour non-respect de la procédure de licenciement, et celle de 2 000 euros pour licenciement sans cause et sérieuse.
Sur la remise des documents
La demande est justifiée pour le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi qui seront établis par l'employeur conformément à la présente décision. Elle ne l'est pas pour la lettre de licenciement et les bulletins de paie car le dossier de M. X... contient tous les bulletins de paie correspondant à sa période d'activité et l'arrêt suffit pour justifier du licenciement
L'astreinte n'apparaît pas opportune pour la seule remise du certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi. La demande s'y rapportant est rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Infirme le jugement du 05 juillet 2012 ;
Et statuant à nouveau,
Dit que la rupture du contrat de travail du 1er octobre 2008 résulte d'un licenciement verbal intervenu le 09 avril 2009 ;
Dit que ce licenciement, irrégulier, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SARL LE CABANON, en la personne de son représentant légal, à payer à M. Laurent X... les sommes suivantes :
1 283, 25 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
1 283, 25 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
1738, 81 à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
2 000 euros pour licenciement sans cause et réelle sérieuse,
Ordonne à la SARL LE CABANON la remise à M. Laurent X... du certificat de travail et de l'attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;
Rejette le surplus de demandes ;
Condamne la SARL LE CABANON aux dépens ;
Le greffier, Le président,