COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 112 DU VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 00727
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 18 février 2013- Section Activités Diverses.
APPELANT
Monsieur Frank X... ... 14550 BLAINVILLE SUR ORNE Représenté par Maître Celine CARSALADE (Toque 55), avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉE
SARL FORMA FORM FITNESS LURIN 97133 SAINT-BARTHELEMY Représentée par Maître Sandrine JABOULEY-DELAHAYE (Toque 13), avocat au barreau de la GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 3 février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Françoise Gaudin, conseiller, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 mars 2014.
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Il résulte des pièces versées aux débats les éléments suivants.
Il était conclu le 2 juin 2010, entre les parties, un contrat de travail à durée indéterminée par lequel M. X... était engagé, à compter de cette date, en qualité d'éducateur sportif moyennant une rémunération brute mensuelle de 2 037, 19 euros pour 151, 67 heures travaillées.
Dans une attestation manuscrite en date du 27 septembre 2010, M. Z... en sa qualité de gérant de la Société Forma Form Fitness, s'engageait à prendre en charge le retour de la moto de M. X... sur Rouen, ainsi que le billet avion retour de celui-ci à la date du 10 octobre 2010. Il était précisé qu'après discussion des parties, le contrat CDI de M. X... serait converti en CDD prenant fin le 6 octobre 2010. Il était indiqué qu'en cas de non-respect de ses engagements, la Société Forma Form Fitness s'engageait à reprendre M. X... en CDI. Ce document porte la mention bon pour accord signé par M. X....
Par la suite un contrat à durée déterminée " pour surcroît temporaire d'activité " était conclu entre les parties et antidaté du 2 juin 2010. Il prévoyait l'engagement de M. X... en qualité d'éducateur sportif à compter du 2 juin 2010 pour une durée déterminée prenant fin le 6 octobre 2010, avec les mêmes conditions de rémunération et de durée mensuelle du temps de travail que dans le précédent contrat.
Un certificat de travail et une attestation ASSEDIC étaient établis le 6 octobre 2010 par l'employeur.
Le 5 avril 2011 M. X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre devant lequel il entendait être indemnisé pour la rupture de son contrat de travail, ainsi que pour travail dissimulé et harcèlement moral et obtenir paiement d'heures supplémentaires.
Par jugement du 18 février 2013, la juridiction prud'homale déboutait M. X... de l'ensemble de ses demandes.
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Par conclusions en date du 23 juillet 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et sollicite paiement des sommes suivantes :-12 223, 14 euros correspondant à 6 mois de salaire brut, en réparation de son préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, intervenu au motif qu'il refusait les agissements de harcèlement moral,-8 148, 76 euros correspondant à 4 mois de salaire brut, à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct, à savoir le caractère vexatoire de la rupture du contrat,-923, 10 euros au titre des heures supplémentaires effectuées du 30 août 2010 au 3 octobre 2010.
À titre subsidiaire, au cas où la cour ne retiendrait pas la nullité du licenciement, M. X... réclame paiement des sommes suivantes :-8 148, 76 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse-8 148, 76 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct, à savoir le caractère vexatoire de la rupture du contrat de travail,-923, 10 euros au titre des heures supplémentaires. Il réclame en tout état de cause paiement de la somme de 6000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 16 septembre 2013, la Société Forma Form Fitness sollicite la confirmation du jugement entrepris et le rejet de l'ensemble des demandes de M. X... en faisant valoir que les faits, moyens et prétentions, objet de la présente instance ont déjà été présentés devant le juge pénal dans le cadre d'une instance correctionnelle et que par jugement en date du 26 janvier 2012 la juridiction pénale à relaxé M. Z..., ainsi que la Société Forma Form Fitness du chef des poursuites initiées, à savoir délit de harcèlement moral et délit de travail dissimulé, en l'absence de matérialité des faits reprochés. La Société Forma Form Fitness invoque l'autorité de la chose jugée qui s'impose au juge civil.
Subsidiairement la Société Forma Form Fitness conteste l'existence de tout acte pouvant être considéré comme du harcèlement moral, et fait valoir qu'il n'existe aucune heure supplémentaire effectuée à la demande de l'employeur, ou sollicitée par le salarié qui aurait été payée et n'aurait pas été déclarée sur les bulletins de salaire. Sollicitant le rejet de l'ensemble des demandes de M. X..., la Société Forma Form Fitness soutient que celui-ci a provoqué la novation de son CDI en CDD afin d'éviter de démissionner et de respecter un préavis, le salarié étant à l'origine de la rupture des relations contractuelles.
Elle explique que M. X... a nové son CDI en CDD pour transformer sa démission, en terme de CDD, cette décision devant produire des effets d'une démission.
La Société Forma Form Fitness sollicite paiement de la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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Motifs de la décision :
Sur le harcèlement moral :
Pour démontrer la réalité du harcèlement moral qu'il invoque, M. X... rappelle certains faits qu'il a reprochés à son employeur dans un courrier recommandé avec accusée réception en date du 28 octobre 2010, par lequel il a dénonce le CDD « pour surcroît temporaire d'activité », ainsi que son solde de tout compte.
M. X... expose ainsi que M. Z... n'a pas hésité à lui reprocher devant les clients, de tutoyer ceux-ci, alors qu'il était en très bons termes avec eux. Il ajoute que M. Z... aurait affirmé à plusieurs reprises qu'il fera en sorte qu'il ne retrouve pas d'emploi, fondant sa menace sur le fait qu'il a un lien de parenté avec le gérant du supermarché U situé sur l'île, et sur une pseudo « solidarité entre patrons ».
Il cite également un message de type SMS que M. Z... lui a envoyé sur son téléphone portable et dont le contenu a été constaté par huissier de justice le 16 février 2011. Selon le procès-verbal de constat qui a été dressé, M. X... a reçu le 19 octobre 2010 sur son téléphone mobile le message suivant : « juste un petit conseil, je pense que c'est toi qui devrais bien réfléchir avant de revenir ici, je suis très correct mais il ne faut pas me pousser ».
Il ressort des pièces versées aux débats, que M. X... a fait délivrer, le 17 février 2011, à la Société Forma Form Fitness et à M. Z..., une citation à comparaître devant le tribunal correctionnel de Basse-Terre pour répondre des délits de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et de harcèlement moral.
Dans l'exposé des faits de travail dissimulé mentionnés dans cette citation il était indiqué que les heures supplémentaires ainsi que les 25 % du tarif des cours particuliers avaient toujours été payés en liquide par la Société Forma Form Fitness, raison pour laquelle ces paiements n'apparaissaient sur aucun bulletin de paie. Il était ajouté que M. Z... remettait chaque mois au salarié une enveloppe contenant le montant des heures supplémentaires en espèces avec mention du calcul de ces heures supplémentaires. Il était produit un tableau des heures supplémentaires et des cours particuliers effectués par M. X... ainsi que copie des enveloppes remises par M. Z... au dos desquelles étaient mentionnés les calculs des heures supplémentaires et des cours particuliers. Il était en outre fait état dans la citation d'un rapport d'expertise graphologique.
En ce qui concerne les faits de harcèlement moral objet des poursuites, il était exposé dans la citation à comparaître que M. Z... avait peu à peu adopté un comportement agressif qui s'était transformé en véritable harcèlement moral, et qu'à ce titre M. X... avait rappelé, dans un courrier recommandé avec avis de réception en date du 28 octobre 2010, les agissements de harcèlement moral dont il avait été victime pendant la durée de son contrat de travail. Il était ajouté que l'apogée de ce harcèlement avait été atteint lorsque M. Z... avait indiqué à M. X... qu'il souhaitait rompre son contrat de travail, et que devant le refus de ce dernier, M. Z... a jugé utile, faisant fi des dispositions les plus élémentaires du code de travail, de remplacer un contrat de travail à durée indéterminée par un contrat de travail à durée déterminée.
Il apparaît ainsi que les éléments de fait servant de base aux poursuites pénales initiées par M. X..., sont exactement les mêmes que ceux soumis à la cour dans le cadre de la présente instance.
Or par son jugement du 26 janvier 2012, le tribunal de grande instance de Basse-Terre, saisi par la citation sus-énoncée, statuant en matière correctionnelle, sur les poursuites initiées par M. X..., a relaxé la Société Forma Form Fitness et M. Z....
Dans ces conditions, l'autorité de la chose jugée au pénal s'imposant au juge civil, la relaxe de la Société Forma Form Fitness et de M. Z... ne permet pas de retenir à leur encontre les faits de harcèlement moral et de travail dissimulé reprochés dans le cadre de la présente instance.
En conséquence M. X... doit être débouté de sa demande d'annulation de la rupture du contrat de travail qu'il prétend être intervenue au motif qu'il refusait les agissements de harcèlement moral.
Sur le paiement d'heures supplémentaires :
La juridiction pénale, dans son jugement du 26 janvier 2012 a relaxé la Société Forma Form Fitness et M. Z..., au motif que les pièces produites par M. X..., à savoir l'extrait d'agenda et le tableau réalisé par lui, n'établissaient en rien l'existence d'heures supplémentaires, et que les enveloppes invoquées par ce dernier ne permettaient pas de démontrer la réalité des versements en espèces effectuées.
Dans ces conditions, au regard du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur l'instance civile, il ne peut être retenu l'accomplissement d'heures supplémentaires qui n'auraient pas figuré sur les bulletins de paie.
Sur la rupture du contrat de travail :
M. X... ayant été engagé par la Société Forma Form Fitness dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, pour exercer un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, le contrat à durée déterminée qui a été conclu par les parties pour remplacer le contrat à durée indéterminée n'a pu produire aucun effet, puisqu'il a été établi en violation des dispositions de l'article L. 1242-2 du code du travail, le motif d'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ayant été fallacieusement mentionné sur ledit contrat. Dans ce cas, et en application des dispositions de l'article L. 1245-1 du code du travail, ce contrat est en tout état de cause réputé à durée indéterminée.
L'employeur, en délivrant au salarié, le 6 octobre 2010, un certificat travail et une attestation Pôle Emploi, a mis fin au contrat de travail. En l'absence de lettre de licenciement, cette rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. X... ayant moins de 6 mois d'ancienneté à la date de la rupture du contrat de travail, ne peut, en application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail, bénéficier de l'indemnité minimale équivalente à 6 mois de salaire prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail.
M. X... n'a fourni aucun élément permettant d'apprécier l'étendue du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail, puisqu'il n'a pas précisé la durée de la période de chômage qu'il a pu subir, ni fourni aucune justification d'une telle période, étant relevé qu'il résulte des pièces versées aux débats que M. X... a repris par la suite, à Saint-Barthélemy, une activité de coach sportif qu'il exerçait en hôtels, villas et yachts. En conséquence son indemnisation sera limitée à 3000 euros.
Sur le préjudice distinct :
M. X... entend obtenir indemnisation pour le caractère vexatoire de la rupture du contrat de travail.
Il résulte d'une note manuscrite figurant en pièces " C1 " de l'intimée, que M. X... a subordonné l'engagement écrit de changement de CDI en CDD, à la condition de prise en charge du rapatriement complet de sa moto en France, à Rouen, avec prise en charge de la mise en caisse et la prise en charge de son retour prévu pour le 10 octobre 2010. Il précise dans cette note qu'en cas de non-paiement par la Société Forma Form Fitness de ces conditions, cela annule l'accord conclu et obligera la Société Forma Form Fitness à le reprendre en CDI.
Il ressort de ce document que la transformation du CDI de M. X... en CDD, a fait l'objet d'une négociation, et que la rupture du contrat de travail aux termes du CDD, ne présente pas de caractère brutal, ni vexatoire.
M. X... sera donc débouté de sa demande d'indemnisation pour préjudice distinct.
Les demandes de M. X... étant partiellement fondées, il paraît inéquitable de laisser à sa charge la totalité des frais irrépétibles qu'il a exposés. Il lui sera alloué la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de M. X... pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Et statuant à nouveau sur ce chef de demande,
Condamne la Société Forma Form Fitness à payer à M. X... la somme de 3000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la Société Forma Form Fitness à payer à M. X... la somme de 2000 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens sont à la charge de la Société Forma Form Fitness,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.