COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 125 DU TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 00647
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 22 mars 2013, section commerce.
APPELANTE
Mademoiselle Valérie X... ... 97118 SAINT-FRANCOIS Comparante en personne, assistée de M. Luc Y..., délégué syndical ouvrier
INTIMÉE
SAS MARIFA 27 rue du Moulin 92800 PUTEAUX Représentée par NARFEZ substituant la SELARL LEPELTIER (TOQUE 6), avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère. qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 mars 2014 puis le délibéré a été prorogé au 31 mars 2014
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette Z..., Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme Valérie X... a été embauchée par la S. A. S. MARIFA le 11 janvier 2008 par contrat verbal en qualité de femme de chambre.
Par requête reçue le 16 décembre 2011, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir paiement par son employeur d'une indemnité de congés payés de 1 813, 39 euros au titre de la période 2008-2009.
En cours d'instance, ont été présentées d'autres demandes qui sont les suivantes :
-1 280, 09 euros à titre de dommages-intérêts pour congés annuels non octroyés,- la remise d'un avenant à son contrat de travail indiquant clairement dans son article 1er qu'elle a été embauchée le 11 janvier 2008, à raison de 151, 67 heures et pour un salaire de 1 280, 09 euros,- la condamnation de l'employeur à la remise de ce document sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ladite astreinte commençant à courir deux mois après le jugement.
Par jugement du 22 mars 2013, la juridiction prud'homale a débouté l'intéressée de l'intégralité de ses demandes, a également débouté la S. A. S. MARIFA, de sa prétention fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme X... aux entiers dépens.
Par déclaration remise au greffe de la cour le 22 avril 2013, Mme X... a relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 14 octobre 2013 et soutenues à l'audience des plaidoiries du 03 février 2014, celle-ci, représentée, demande à la cour de :- infirmer le jugement entrepris,- condamner la S. A. S. MARIFA à lui payer : * les congés annuels 2009-2010 et 2010-2011 à concurrence de la somme de 1 804, 31 ¿, * des dommages-intérêts pour congés annuels non octroyés pour un montant de 1 280, 09 euros,- ordonner la remise d'un avenant à son contrat de travail verbal qui indique clairement dans son article 1 qu'elle a été embauchée le 11 janvier 2008 à raison de 151, 67 heures pour un salaire de 1 280, 09 euros comme il est indiqué dans les pièces no01, 02 et 03 et qui modifie le contenu de l'article 4, en supprimant la phrase " ces horaires pourront toutefois être modifiées en raison des nécessités de service ce qu'elle déclare accepter par avance expressément ",- condamner la S. A. S. MARIFA en la personne de son représentant légal à une astreinte de 50 euros par jour de retard qui commencera à courir un mois après le jugement,- débouter la S. A. S. MARIFA de toutes ses demandes.
Elle soutient que l'employeur aurait dû lui proposer un avenant à son contrat de travail initial, au lieu d'un nouveau contrat de travail à temps plein à partir de novembre 2011, étant précisé que les horaires sont un élément essentiel du contrat de travail qui ne peut être modifié qu'avec l'accord du salarié.
Elle explique également que les congés payés sont prévus dans la période de référence du 1er juin de l'année précédente au 31 mai de l'année en cours selon les dispositions des articles L. 3141-11 et R. 3141-3 du code du travail, que dans ses 6 premiers bulletins de salaires, il n'est pas indiqué qu'elle ait pris ceux-ci, que l'employeur fait l'amalgame entre les jours de congés payés et ses jours de récupération, que la cour constatera l'absence d'informations relatives aux congés au bas des bulletins de salaire, que ce n'est qu'à partir de l'année 2010 que l'employeur a décidé d'y faire apparaître des jours de repos et de les qualifier de congés payés prétendus pris mensuellement, ce qui est contraire aux dispositions des articles L. 1242-14 à L. 1242-16 du code du travail.
Par conclusions notifiées le 09 janvier 2014, la société S. A. S. MARIFA, représentée, demande à la cour de :- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme X... de l'intégralité de ses demandes,- condamner celle-ci à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle explique qu'elle exploite un hôtel connu sous l'enseigne commerciale " Résidence MARIFA " sis au Gosier et dont l'activité est étroitement lié au tourisme, qu'elle est donc tributaire des variations de la saison touristique, que c'est dans ce contexte qu'elle a embauché Mme X... à compter du 11 janvier 2008 en qualité de femme de chambre, qu'il était prévu entre les parties qu'elle ferait appel à l'intéressée en fonction de l'activité de l'hôtel, que celle-ci a été embauchée pour un temps partiel en qualité d'extra, que les bulletins de salaires de 2008 en témoignent, qu'en 2009, elle était moins présente dans l'entreprise, n'ayant travaillé que 6 mois sur douze et jamais à temps plein, que ce n'est qu'à compter de 2010 qu'elle a travaillé de manière régulière tout en demeurant à temps partiel, en moyenne 101, 56 heures par mois comme il ressort des bulletins de paie communiqués, qu'en 2011, cette moyenne s'est élevée à 115, 65 heures.
Elle précise que donnant satisfaction, elle lui a, à plusieurs reprises, proposé un emploi à temps complet, ce qu'elle a refusé, au motif qu'elle avait plusieurs employeurs, qu'ayant ensuite changé d'avis, elle lui a proposé successivement deux contrats de travail à durée indéterminée et à temps plein qu'elle a refusé de signer, le premier ne comportant pas d'article faisant référence à son ancienneté, et le second déclarant qu'elle serait embauchée à temps complet.
Elle fait observer à la cour que pour prouver qu'elle aurait travaillé à temps complet dès son embauche, elle n'a produit qu'une seule fiche de paie mettant en exergue un nombre d'heures mensuelles de 151, 67 euros, que la moyenne d'heures travaillées révèle qu'il s'agit bien d'un temps partiel et que le fait de proposer un contrat de travail à temps plein constitue bien une modification dans l'intérêt de la salariée.
Elle ajoute que pour les congés payés de 2009 à 2011, ceux-ci ont été payés sur la base du dixième des sommes perçues chaque année par Mme X....
Elle conclut que les congés ont été accordés et payés et aucune demande de dommages-intérêts ne peut aboutir.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions écrites et à la décision de premiers juges.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR L'AVENANT AU CONTRAT DE TRAVAIL VERBAL DU 11 JANVIER 2008
Si l'absence de contrat de travail écrit fait présumer que l'emploi est à temps complet, l'employeur qui conteste cette présomption, peut rapporter la preuve, d'une part, qu'il s'agissait d'un emploi à temps partiel (durée exacte du travail et répartition sur la semaine ou le mois), d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur.
Par ailleurs, l'article L. 3123-1 du code du travail stipule qu'est considéré comme salarié à temps partiel le salarié dont la durée du travail est inférieure : 1o A la durée légale du travail ou, lorsque cette durée est inférieure à la durée légale, à la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou à la durée du travail applicable dans l'établissement, 2o A la durée mensuelle résultant de l'application, sur cette période, de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou de la durée du travail applicable dans l'établissement, 3o A la durée de travail annuelle résultant de l'application, sur cette période de la durée légale du travail, soit 1607 heures, ou si elle est inférieure, de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche ou l'entreprise ou de la durée du travail applicable dans l'établissement.
En l'espèce, il résulte des bulletins de salaire de janvier 2008 à décembre 2011 (pièces no1 à 38 de l'intimée), du tableau établi par ses soins faisant apparaître un nombre d'heures effectuées par année (pièce no42) et de la lettre du 28 octobre 2011 adressée par la S. A. S. MARIFA à Mme X... (pièce no39) que celle-ci a été employée à temps partiel de janvier 2008 à décembre 2011 pour avoir réalisé :
- du 11 janvier 2008 au 31 mai 2008, du 16 juillet 2008 au 31 août 2008 et du 1er décembre 2008 au 31 décembre 2008 : 729, 7 heures durant l'année 2008,
- du 1er janvier 2009 au 31 janvier 2009, du 1er avril 2009 au 30 avril 2009, et du 1er juin 2009 au 30 juin 2009 et du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009 : 292, 75 heures durant l'année 2009,
- du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010 : 1218, 80 heures durant l'année 2010,
- du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2011 : 1387, 87 heures durant l'année 2011.
La cour retient également que Mme X... n'a pas été placée dans l'impossibilité de prévoir le rythme de travail puisque celle-ci ne conteste pas les indications du courrier du 28 octobre 2011 de l'employeur selon lesquelles elle était aussi au service d'autres employeurs.
Il doit donc être admis que le contrat à durée indéterminée verbal, ayant pris effet le 11 janvier 2008, prévoyait un travail à temps partiel au profit de Mme X....
Le jugement querellé sur le temps partiel est confirmé.
S'agissant de l'avenant proprement dit, la société MARIFA verse au débat un contrat de travail à durée indéterminée daté du 23 novembre 2011qui stipule en son article 1 que Mme X... a été engagée en qualité de femme de chambre le 11 janvier 2008 à temps partiel et à compter du 1er décembre 2011 en contrat à temps plein pour une durée indéterminée, avec indication que celle-ci bénéficiera de sa date initiale d'entrée dans l'entreprise, que la durée de travail est fixée à 35 heures par semaine, soit 151, 67 heures mensuelles, que ces horaires pourront être modifiés en raison des nécessités de service ce que Mme Valérie X... s'engage à accepter par avance expressément, moyennant un salaire mensuel brut forfaitaire de 1 395 euros payable en fin de mois.
La cour considère que ce contrat du 23 novembre 2011, même renommé avenant, ne peut être valable car, s'il retient à juste titre qu'à partir du 11 janvier 2008, Mme X... a été embauchée à temps partiel et qu'elle l'est à temps plein à compter du 1er décembre 2011, en revanche, l'employeur ne peut exiger de Mme X... une acceptation anticipée de la modification des horaires de travail en raison des nécessités du service. La modification de la durée légale de travail peut entraîner corrélativement une diminution du salaire et dans ce cas il y a modification du contrat de travail qui nécessite l'accord de la salariée au moment où cette modification est envisagée.
Dès lors, le jugement entrepris de ce chef est infirmé.
Il est fait partiellement droit à la demande de Mme X..., en ordonnant à la S. A. S. MARIFA la remise d'un avenant au contrat de travail verbal du 11 janvier 2008, reprenant les dispositions du projet de contrat du 23 novembre 2011, à l'exception de celles relatives à la modification des horaires de travail.
Il n'est pas opportun d'ordonner une astreinte dans la mesure où l'employeur était déjà disposé à proposer un travail à temps plein à l'intéressée.
SUR L'INDEMNITÉ DE CONGES PAYES POUR LES PÉRIODES DE 2008, 2009, 2010 et 2011
Les salariés à temps partiel ont droit aux congés payés dans les mêmes conditions que les salariés à temps complet, tant en termes de durée qu'en termes d'indemnité, par application des articles L. 3141-3, L. 3141-4 et L. 3141-22 du code du travail.
Dès lors qu'un salarié a travaillé effectivement un mois, il a droit à deux jours et demi ouvrables de congés payés. Il n'y a pas lieu de réduire le nombre de jours ouvrables à due proportion de l'horaire pratiqué.
Mme X... demande qu'il lui soit versé la somme de 1804, 31 euros correspondant à l'indemnité de congés payés calculée sur la base du salaire prévu pour un travail à temps plein et propose le calcul suivant : (1280, 09 euros + 1 280, 09 euros)-755, 87 euros = 1 804, 31 euros.
Elle sollicite cette somme en page 3 de ses conclusions au titre des années 2008-2009, et sans manquer de se contredire, en page 4, elle ne la réclame qu'au titre des années 2009-2010 et 2010-2011.
L'intimée n'a argumenté que sur la période de 2009 à 2011.
Compte-tenu de cette imprécision, la cour ne retient que les demandes formulées au titre des années 2009, 2010 et 2011, étant précisé qu'il a déjà été versé à Mme X... au titre de l'indemnité de congés payés, sans que cela ne soit contesté, la somme de 755, 87 euros correspondant en partie aux 10 % de l'année 2008 (6 220, 86 euros de salaires 2008 x 10 % = 622, 04 euros).
La cour relève que les seuls bulletins de paie de janvier et d'avril 2009 produits ne comportent aucune indication de prise de congés, ni d'indemnité versée, que ceux de juin 2009 à août 2009 ne font mention d'aucune prise de congés mais font apparaître sur chaque bulletin une indemnité de congés payés à hauteur de 10 % du salaire brut.
Ceux de janvier 2010 à décembre 2010 ne comportent pas d'avantage de prise de congés dans la rubrique ad'hoc mais font également apparaître le paiement d'une indemnité de 10 %.
Ceux de janvier 2011 à novembre 2011 font aussi mention du paiement d'une indemnité de 10 % au titre des congés du mois correspondant, sans pour autant qu'il y ait l'indication d'une prise de congés effective.
Le bulletin de décembre 2011 n'indique ni l'indemnité, ni la prise de congés.
Dans ses conclusions, au paragraphe " congés payés ", Mme X... fait le reproche à l'employeur de confondre les jours de congés et les jours de récupération dont elle a bénéficié et de faire apparaître, à partir de 2010, sur les bulletins de paie des jours de repos assimilés à des jours de congés, ce qui permet à la cour de déduire que Mme X... a bénéficié, à compter de 2010, de congés payés qui n'auraient pas été retranscrits en tant que tels par l'employeur au bas des bulletins de salaire des années concernées.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de faire droit à la demande de Mme X... à concurrence de la somme de 139, 34 ¿ résultant du calcul suivant : (2 731, 71 euros de salaires bruts de janvier et d'avril 2009 et de décembre 2011 x 10 %-133, 84 = (755, 87 euros indemnité versée-622, 04 euros indemnité de 2008).
SUR LES DOMMAGES-INTÉRÊTS POUR CONGES PAYES NON-OCTROYÉS
Eu égard aux dispositions des articles L. 3141-12, L. 3141-14, D. 3141-5 et D. 3141-6 du code du travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement (c cass. ch soc du 13 juin 2012).
Mme Valérie X... réclame des dommages-intérêts pour congés annuels non octroyés à hauteur de 1 280, 09 euros.
La S. A. S. MARIFA ne justifie pas avoir satisfait à ses obligations, notamment, avoir porté à la connaissance de son employée, au moins deux mois avant son ouverture, la période de prise de congés.
Le jugement entrepris de ce chef est infirmé. Il est partiellement fait droit à la demande à concurrence de la somme de 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement du 22 mars 2013 sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme Valérie X... relatives à l'indemnité compensatrice de congés payés au titre de la période de 2009 à 2011, à l'avenant et aux dommages-intérêts ;
Et statuant à nouveau,
Condamne la S. A. S. MARIFA, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme Valérie X... la somme supplémentaire de 139, 34 ¿ au titre de l'indemnité de congés payés pour la période de 2009 à 2011 ;
Condamne la S. A. S. MARIFA, en la personne de son représentant légal, à payer à Mme Valérie X... la somme 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la privation de congés annuels ;
Ordonne à la S. A. S. MARIFA, la remise d'un avenant au contrat de travail verbal du 11 janvier 2008 reprenant les dispositions du projet de contrat du 23 novembre 2011, à l'exception de celles relatives à l'acceptation anticipée de la modification des horaires de travail en raison des nécessités du service ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette le surplus de demandes ;
Condamne la S. A. S. MARIFA, aux dépens ;