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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRET No 183 DU VINGT SIX MAI DEUX MILLE QUATORZE AFFAIRE No : 13/ 00617
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 22 mars 2013- Section Commerce.
APPELANTES GIE AREMA Immeuble CMA CGM-Zone Portuaire-JARRY 97122 BAIE-MAHAULT Représenté par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la Guadeloupe
GIE MANUGUA Immeuble Rhino-Voie Principale-ZI Jarry Baie-Mahault 97122 France-Guadeloupe Représenté par Maître Thierry AMOURET (Toque 95) substitué par Maître BESJA, avocat au barreau de la Guadeloupe
INTIMÉ Monsieur René X...
... 97139 ABYMES Représenté par Madame Marie-Agnès Y...(Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 7 avril 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Françoise Gaudin, conseiller, Mme Marie-josée Bolnet, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 26 mai 2014 GREFFIER Lors des débats : Madame Marie-Luce Kouamé, greffier. ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure : :
Le 13 octobre 2011, M. René X...a saisi le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir à l'encontre de « MANAGUA GIE/ AREMA » la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, et paiement de rappels de salaire et d'indemnités de rupture du contrat de travail. Au cours de l'instance prud'homale le GIE MANUGUA était régulièrement représenté par son conseil, Me Thierry AMOURET, avocat au barreau de la Guadeloupe, et concluait au rejet de l'ensemble des demandes de M. X.... Par jugement du 22 mars 2013 la juridiction prud'homale condamnait « MANAGUA GIE/ AREMA » à payer à M. X...les sommes suivantes :-1 633, 19 euros à titre d'indemnité de requalification,-2 881, 44 euros à titre de rappel de salaire,-8 198, 80 euros à titre de rappel de la prime d'ancienneté-819, 88 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés liée à la prime d'ancienneté,-288, 14 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,-3 266, 40 euros à titre d'indemnité de départ à la retraite,-3 266, 40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-326, 64 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,-11 432, 40 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-19 558, 28 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1 633, 19 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la convention collective. Il était en outre ordonné la remise à M. X...du certificat travail, des fiches de paie rectifiées et d'une attestation Pôle Emploi conforme ainsi que la régularisation auprès des organismes sociaux, le tout sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement. Par déclaration du 19 avril 2013, le GIE AREMA interjetait appel de cette décision. Par déclaration du 23 avril 2013, le GIE MANUGUA interjetait appel à son tour de la même décision.
Les 2 instances d'appel étaient jointes.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 6 décembre 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, le GIE AREMA sollicite l'infirmation du jugement déféré et la condamnation de M. X...à lui payer la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. À l'appui de sa demande, le GIE AREMA invoque l'absence de lien contractuel entre elle-même et M. X.... Il fait état des déclarations de M. X..., reprises par les juges prud'homaux, desquelles il résulte que le requérant a été embauché en septembre 1996 par le GIE MANUGUA, en qualité de docker occasionnel, qu'en 2009 ce GIE a rencontré des difficultés économiques qui l'obligèrent à solliciter l'ouverture d'une sauvegarde, que dans ce contexte, ledit GIE s'est rapproché d'un second groupement ayant la même activité afin de créer en 2010, une structure unique plus adaptée aux contraintes économiques inhérentes à l'activité de manutention portuaire, que c'est ainsi qu'a été créé le GIE AREMA. M. X...a lui-même indiqué que les partenaires sociaux, employeurs et syndicats se sont accordés sur la liste des dockers occasionnels auxquels le GIE devaient faire appel, un accord d'entreprise arrêtant cette liste ayant été signé, mais M. X...ne figurait pas sur cette liste. Le GIE AREMA fait également état de son registre du personnel et de l'accord d'entreprise mentionnée par M. X..., desquels il résulte qu'il n'était pas son salarié.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 29 janvier 2014 auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, le GIE MANUGUA sollicite la réformation du jugement déféré et entend voir rejeter les demandes de M. X.... Il réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. À l'appui de ses demandes, le GIE MANUGUA expose qu'il appartient au secteur d'activité défini par décret dans lequel le recours au contrat à durée déterminée d'usage est possible, faisant valoir qu'il est d'usage constant, pour l'emploi de docker, de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée. Le GIE MANUGUA invoque la loi 92-496 du 9 juin 1992 modifiant le régime du travail dans les ports maritimes et prévoyant expressément que les ouvriers dockers sont rangés en 2 catégories : les ouvriers dockers professionnels, et les ouvriers dockers occasionnels. Il invoque également la convention collective nationale de la manutention portuaire négociée le 31 décembre 1993 qui s'applique aux ouvriers dockers occasionnels définis comme « une main-d'oeuvre d'appoint à laquelle il n'est fait appel qu'en cas d'insuffisance du nombre des dockers professionnels ». Elle invoque encore la convention collective de la manutention portuaire en Guadeloupe du 31 juillet 1995, étendue par arrêté du 16 avril 1999, qui confirme que « l'activité de manutention portuaire constitue un secteur d'activité où il est d'usage constant de recourir au CDD d'usage en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de certains emplois ». Elle fait valoir que la succession de contrats est justifiée par des raisons objectives qui s'entend de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.
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M. X...conclut à la confirmation du jugement entrepris. Il produit un certain nombre de contrats de travail à durée déterminée passés avec le GIE MANUGUA, des bulletins de salaires délivrés par ce dernier ainsi qu'une attestation ASSEDIC et un certificat de travail.
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Motifs de la décision :
Il ressort des pièces versées aux débats, en particulier celles produites par M. X..., qu'un certain nombre de contrats ont été conclus pendant la période du janvier 2006 à février 2010, dans lesquels il est précisé que M. X...était engagé en qualité d'ouvrier docker par le GIE MANUGUA, et qu'il s'agit de contrats à durée déterminée d'usage constant. Dans le certificat de travail que le GIE MANUGUA a délivré à M. X..., il est indiqué que celui-ci a été employé en qualité d'ouvrier docker par contrats à durée déterminée d'usage constant, du 2 septembre 1996 au 28 février 2010. L'attestation ASSEDIC délivrée par le GIE MANUGUA mentionne le montant des 12 derniers salaires versés à M. X..., de février 2009 à janvier 2010, et précise qu'il s'agit de contrats à durée déterminée d'usage constant. L'examen des bulletins de salaires produits montre que l'emploi de M. X...est discontinu, les horaires travaillés chaque mois étant très variable. L'usage constant de contrats à durée déterminée, pour l'emploi de dockers occasionnels a été constaté par les partenaires sociaux, notamment les syndicats ouvriers MASU et CGTG, qui ont signé la convention collective départemental du 31 juillet 1995, étendue par arrêté du 16 avril 1999, et qui prévoit en son article 9- B que les signataires de la convention conviennent que l'activité de manutention portuaire constitue un secteur d'activité où il est d'usage constant de recourir au contrat de travail à durée déterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de certains emplois. La loi 92-496 du 9 juin 1992 prévoit elle-même, dans son article 1er, le recours à des dockers occasionnels (article L. 511-2- III- 2ème alinéa du code des ports maritimes).
L'accord collectif du 30 juin 2009 relatif au champ d'application et aux bénéficiaires de la convention collective nationale de la manutention portuaire du 31 décembbre 1993, prévoit dans son article 1er que les dockers occasionnels constituent une main-d'oeuvre d'appoint à laquelle il n'est fait appel qu'en cas d'insuffisance du nombre des dockers professionnels. L'usage de contrats à durée déterminée en l'espèce est justifié par des conditions objectives matérielles, à savoir le caractère fluctuant du trafic maritime et la variation continue de la charge d'activité de chargement et déchargement des navires. Les contrats à durée déterminée conclus entre le GIE MANUGUA et M. X..., répondant aux critères de l'article L. 1242-2- 3o du code du travail, ils ne peuvent être requalifiés en contrat à durée déteminée. En conséquence M. X...sera débouté de ses demandes de paiement d'indemnité de requalification, de prime d'ancienneté, et d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail.
Dans son tableau relatif au rappel de salaire de juin 2006 à février 2010, dont M. X...entend obtenir paiement, ce dernier fixe des montants " à percevoir ", sans en justifier le bien fondé, étant relevé que les bulletins de salaires versés au débat, indiquent le nombre d'heures travaillées, celles qui sont travaillées le dimanche et diverses primes, et qu'il n'apparaît pas que des prestations de travail n'étaient pas rémunérées. M. X...ne produisant aucun élément permettant de remettre en cause les salaires versés, sera également débouté de sa demande de rappel de salaire. L'équité n'implique pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs, La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré, Et statuant à nouveau, Déboute M. X...de l'ensemble de ses demandes, Laisse les dépens à sa charge. Déboute les parties appelantes de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président,