VF-MJB
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE ARRET No 221 DU TRENTE JUIN DEUX MILLE QUATORZE AFFAIRE No : 13/ 00749
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 25 avril 2013- Section Commerce.
APPELANTE SARL CEGESTOUR résidence Les Boucaniers-Bât. D 97118 SAINT-FRANCOIS Représentée par Maître Patrick ADELAIDE (Toque 1), avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉE Madame Aurélie X...
... 97118 SAINT-FRANCOIS
Représentée par Maître Philippe MATRONE de la SELARL DERAINE JEAN-MARC (Toque 23), avocat au barreau de la GUADELOUPE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2013/ 001788 du 15/ 11/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 mai 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, et Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 30 juin 2014 GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier. ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Yolande Modeste, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat à durée déterminée et à temps partiel signé le 30 avril 2009, mademoiselle Aurélie X... a été recrutée en qualité de réceptionniste au niveau 1 échelon 1 par la société CENESTOUR, exploitant un hôtel situé à Saint-François.
Le contrat était prévu pour une durée de quatre mois, prenant fin le 31 août 2009. Ayant donné satisfaction, mademoiselle X... bénéficiait à compter du 1er septembre 2009 d'un contrat à durée indéterminée prévoyant une durée mensuelle de travail de 140 heures minimum et 152 heures maximum, son niveau de classification demeurait inchangé. Le 15 février 2010, celle-ci ne s'est pas présentée à son poste de travail pour cause de maladie. Le 17 février 2010, de retour dans l'entreprise munie d'un certificat médical justifiant son absence, elle trouva son poste occupé par une autre salariée.
Une employée, déférant aux consignes de l'employeur, lui demandait alors de quitter les lieux et de se représenter le samedi 20 février suivant. Mademoiselle X... tenta d'obtenir des explications de son employeur joint par téléphone, lequel décidait de maintenir sa décision. Refusant cette injonction, mademoiselle X... se maintenait dans les locaux, considérant que son départ pourrait être interprété comme un abandon de poste. Elle finit par obtempérer lorsqu il lui fut remis un nouveau planning de travail. Elle fit toutefois constater par un médecin des blessure provoquées le 17 février 2010 dans le hall de l'entreprise.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 mars 2010, elle tenta de dénoncer les violations du droit travail dont elle s'estima victime ledit jour. Sans obtenir de réponse de l'employeur, elle fut convoquée à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire signifiée le 19 mars 2010. L'entretien s'est tenu le 29 mars 2010.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 1er avril 2010, la société GENESTOUR notifiait à l'intéressée son licenciement pour faute grave. Contestant cette mesure, mademoiselle X... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de voir dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de surcroît vexatoire, et de condamner la société CEGESTOUR au paiement de diverses sommes. Par jugement du 25 avril 2013, la juridiction prud'homale a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes suivantes :-7 767, 60 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,-3 883, 80 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct résultant de la perte définitive de son emploi,-1 294, 60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-930, 30 euros à titre de rappel de salaire.
Elle a également débouté l'intéressée du surplus de ses demandes, débouté l'employeur de l'intégralité de ses demandes, a dit que les rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R 14 54-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de salaire sont de droit exécutoire en application de l'article R 14 54-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élevant à 1 294, 60 euros, et a condamné la partie défenderesse aux dépens de l'instance. Par déclaration enregistrée le 22 mai 2013, la SARL CEGESTOUR a interjeté appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Par conclusions no1 signifiées à la partie adverse le 20 janvier 2014 et réitérées à l'audience du 05 mai 2014, la société CEGESTOUR demande à la cour de dire et juger valide le licenciement, fondé sur une faute grave caractérisée par les griefs reprochés à mademoiselle X... et corroborée par les diverses pièces versées aux débats, d'infirmer en conséquence le jugement du 25 avril 2013 en toutes ses dispositions, débouter mademoiselle X... de toutes ses demandes et de condamner celle-ci au paiement de la somme de 3 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés par l'avocat constitué en application de l'article 699 du code de procédure civile. Elle soutient que la procédure de licenciement a été régulièrement suivie et que les motifs de licenciement exposées dans la lettre de licenciement constituent une faute grave caractérisée par les différentes pièces versées aux débats ; qu'en effet, il est reproché à mademoiselle X... d'avoir réceptionné un courrier recommandé qui ne lui était pas destiné, en portant le nom et en imitant la signature du destinataire, la gérante de la société CEGESTOUR, madame Cristina Y... ; que ledit courrier à été retrouvé quelques jours plus tard dans la boîte aux lettres d'une société voisine, étant précisé que mademoiselle X... en était l'expéditeur, ce courrier rappelant à l'employeur l'incident du 17 février 2010 ; qu'il est prouvé que mademoiselle X... est la seule personne à avoir réceptionné la lettre recommandée, comme en atteste, de manière circonstanciée, madame Fabienne Z... présente le jour de la réception du pli ; que dès lors, elle est à l'origine des mentions incriminées sur le bordereau de distribution du facteur ; qu'elle n'a eu aucun mal à reconnaître le document dont elle était l'auteur ; que nonobstant le fait que son comportement n'a pas été de nature à entraîner des poursuites pénales, celui-ci est emprunt d'une grande duplicité ; que la cour ne pourra que constater la véracité du fait reproché. Elle dit également que mademoiselle X... tente vainement de faire admettre à la cour que l'incident du 17 février est à l'origine de son licenciement alors que c'est elle qui a provoqué un esclandre à la réception de l'hôtel et qui a prétendu par la suite avoir été agressée physiquement par monsieur Y..., l'époux de la gérante et propriétaire des murs de l'hôtel ; que ces accusations d'agression, nullement fondées, sont anéanties par le témoignage de monsieur A... qui rappelle les circonstances de l'incident du 17 février et démontre le caractère déloyal de la salariée vis-à-vis de son employeur.
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Par conclusions notifiées à l'appelante le 17 avril 2014 et soutenues à l'audience de plaidoiries, mademoiselle X... demande à la cour de :- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,- au fond, constater que les griefs allégués au sein de la lettre de licenciement sont subjectifs, non établis, et inexistants,- constater que le licenciement a été entouré de circonstances brutales et manifestement vexatoires le rendant abusif et générant un préjudice distinct,- constater que la société CEGESTOUR a de fait sciemment porté atteinte à ses droits, à sa dignité et à son avenir professionnel,- condamner la société CEGESTOUR à lui payer la somme de 15 535, 20 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,- confirmer le jugement du 25 avril 2013 dans ses autres dispositions,- condamner la société à lui payer la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle expose que les motifs allégués par la société CEGESTOUR sont fantaisistes ; qu'il s'agit d'une pure invention destinée à donner un semblant d'habillage à une expulsion de l'entreprise par l'époux de la gérante ; qu'il n'est nullement établi qu'elle ait réceptionné le pli recommandé et encore moins imité la signature de madame Y... ; que le courrier litigieux n'est en fait que celui adressé à l'employeur le 8 mars 2010 et retraçant les circonstances violentes dans lesquelles l'employeur a tenté de la chasser de son poste de travail et de lui imposer un changement de planning sauvage impliquant sept jours de travail consécutif sans respect du préavis légal de sept jours ; qu'il semble opportun, face à de telles accusations, de s'interroger sur les motivations qu'elle aurait à soustraire un tel courrier alors qu'elle en est l'expéditeur et que de toute évidence, la société destinataire par erreur aurait forcément remis sans tarder au destinataire effectif le pli litigieux compte tenu de la proximité géographique des deux entreprises. S'agissant de la prétendue violation de l'interdiction formelle faite aux réceptionnistes de signer les courriers recommandés, elle affirme n'avoir jamais signé le moindre avis de réception et encore moins celui qu'elle a elle-même expédié à son employeur le 8 mars 2010. Elle fait d'ailleurs observer que la société CEGESTOUR est dans l'incapacité de justifier de l'existence d'une interdiction. Elle insiste sur le véritable motif de son licenciement qui se trouve dans son refus de quitter son poste de travail comme lui enjoignait l'employeur le 17 février 2010 et dans le dépôt de plainte consécutif pour violences volontaires constatées par certificat médical.
Elle attire l'attention de la cour sur les dispositions du contrat de travail partiel remis le 1er septembre 2009 établies en violation des dispositions impératives de l'article L 3123-14 du code du travail, qui prévoient que le contrat de travail salarié à temps partiel doit mentionner la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Elle ajoute qu'elle a été insultée et agressée par l'époux de la gérante qui n'a pourtant aucune qualité dans l'entreprise, ses agissements étant destinés à l'impressionner psychologiquement et à l'humilier ; qu'il est donc indiscutable de confirmer l'indemnité spécifique accordée en réparation du préjudice subi.
Elle conclut que les autres sommes réclamées et allouées par les premiers sont justifiées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LE LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE :
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les termes de la lettre de licenciement fixent les limites du litige. En l'espèce, la lettre de licenciement est rédigée en ces termes :
" Mademoiselle, nous vous avons reçu le 29 mars 2010 pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre. Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de vous licencier.
Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants : au mépris d'une interdiction formelle faite aux réceptionnistes de signer les courriers recommandés qui ne leur sont pas adressés, vous avez le 17 mars 2010, signé le récépissé d'un courrier recommandé adressé à Mme Y... Christina. Ainsi que le prouve le récépissé de la poste, vous avez écrit Y... dans le cadre où il est demandé d'écrire le nom du destinataire s'il réceptionne personnellement l'envoi ou, dans le cas contraire, de son mandant, et vous avez imité sa signature. À la fin de votre temps de travail, vous avez déposé ledit courrier dans la boîte aux lettres de la société EURODOM-INVEST, entreprise locataire dans le même centre d'affaires. L'expéditeur du courrier en question n'étant autre que vous-même, votre intention de nuire n'en est que plus manifeste. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise. Sans tenir compte de l'esclandre que vous avez fait le 17 février 1910 à la réception de notre établissement et devant des clients.
Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture, et nous tenons à votre disposition pour votre certificat de travail et reçu pour solde de tout compte ainsi que les salaires et indemnités de congés payés qui vous sont dûs. Nous vous signalons à cet égard qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous avons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé. Nous vous prions de recevoir Mademoiselle l'expression de notre considération distinguée. "
L'examen des pièces versées au débat permet à la cour de constater que les premiers juges ont fait une juste appréciation des faits pour décider que la faute grave n'était pas constituée en l'espèce. Tout d'abord, l'employeur ne rapporte pas la preuve de l'interdiction faite à toute réceptionniste de signer les avis de réception de plis recommandés qui ne leur sont pas destinés. Le contrat de travail de mademoiselle Amélie X... ne mentionne pas davantage cette interdiction. Ensuite, si le témoignage de madame Z... signale que le 17 février 2010, elle a pu voir le facteur remettre à mademoiselle Amélie X... du courrier destiné à l'hôtel, cette personne ne dit pas expressément avoir vu celle-ci signer un quelconque avis de réception. Enfin, il n'est pas établi le fait que mademoiselle Amélie X... ait volontairement déposé dans la boîte aux lettres d'une société voisine le courrier qu'elle destinait à son employeur. L'intérêt qu'elle poursuivrait en agissant ainsi, n'est pas démontré. Il est en revanche plus facile d'admettre que le comportement de mademoiselle X... du 17 établissant de légères blessures et le dépôt de plainte consécutif contre monsieur Y... pour violences volontaires ont pu pousser l'employeur à vouloir rompre au plus vite le récent contrat de travail à durée indéterminée dont bénéficiait la salariée, en " organisant la faute grave ".
février 2010, l'établissement d'un certificat médical
Au vu de ces éléments, aucune faute grave n'est donc caractérisée. Aucune cause réelle et sérieuse n'est davantage rapportée. Dès lors, le jugement du 25 avril 2013 est confirmé sur ce point. SUR L'INDEMNITÉ POUR LICENCIEMENT ABUSIF :
Mademoiselle X... ne démontre pas par des éléments pertinents que sa demande de 15 535, 20 euros est justifiée. La décision des premiers juges a pris en compte à la fois l'ancienneté de l'intéressée et les conditions de son licenciement. La décision est donc confirmée sur le montant de l'indemnité.
SUR L'INDEMNITE DE PRÉAVIS, LE SALAIRE, ET LES DOMMAGES-INTÉRÊTS POUR PRÉJUDICE DISTINCT : Les sommes allouées au titre de ces différentes demandes n'étant pas contestées dans leur montant par la société appelante, la décision est confirmée. SUR LES FRAIS IRREPETIBLES :
l'équité commande d'allouer la somme de 400 euros à mademoiselle Amélie X... au titre des frais qu'elle a engagés dans la présente instance pour la défense de ses intérêts. Succombant à l'instance, la société CEGESTOUR est condamnée aux éventuels dépens.
PAR CES MOTIFS La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement du 25 avril 2013 en toutes ses dispositions ; Condamne la SARL CEGESTOUR, en la personne de son représentant légal, à payer à Mademoiselle Aurélie X... la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la SARL CEGESTOUR aux éventuels dépens ;
Le greffier, Le président,