COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 251 DU HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 12/ 01975
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 7 novembre 2012- Section Activités Diverses.
APPELANTE
SELARL BIODOM ANALYSES Clinique les Eaux Claires Moudong Sud 97122 BAIE MAHAULT Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉE
Madame Fabienne X......Représentée par Maître Betty NAEJUS de la SCP NAEJUS-HILDEBERT, (Toque 108) substituée par Maître TROUPEL, avocat au barreau de la GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 2 juin 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 18 août 2014, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé au 8 septembre 2014.
GREFFIER Lors des débats : Madame Marie-Luce Kouamé, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme Fabienne X...a été embauchée en qualité de technicienne de laboratoire au coefficient 290 par le laboratoire d'analyses médicales la SELARL BIODOM ANALYSES par contrat de travail à durée indéterminée du 04 juin 2003 prenant effet à compter du 1er juillet 2003, moyennant une rémunération nette de 1 400 euros pour 151, 67 heures de travail par mois.
Il était indiqué dans ce contrat que les gardes du dimanche ou des jours fériés et les nuits seraient rémunérées à hauteur de 76 euros bruts par garde.
Faisant suite à la demande de normalisation de ses horaires de travail formulée par Mme Fabienne X..., un avenant au contrat a été établi par l'employeur le 31 janvier 2005 aux fins de mettre celui-ci en conformité avec les dispositions de la convention collective nationale des laboratoires d'analyses médicales extrahospitaliers no 3114 du 03 février 1978.
Il est inscrit dans cet avenant, sous le paragraphe 3. 3 " Cycles-horaires ", que les horaires de travail de Mme X...s'établissent sur un cycle de plusieurs semaines de travail et que cette modulation des horaires ne pourra pas conduire à une durée de travail inférieure à 35 heures en moyenne au terme du cycle. La durée hebdomadaire du travail de l'intéressée pourra varier entre des limites minimales de 28 heures et maximales de 42 heures stipulées dans le cadre d'un planning horaire établi au maximum sur 6 jours ou nuits consécutifs de travail (incluant des gardes) sur plusieurs semaines. La durée journalière est limitée à 10 heures et l'amplitude de la journée de travail est limitée à 12 heures.
Il est également indiqué sous le paragraphe 3. 5 " Gardes " de cet avenant que pour les besoins de continuité du service à la clientèle, il pourra être demandé à Mme X..., dans le cadre de ses horaires hebdomadaires habituels, d'effectuer des gardes, de jour ou de nuit, en semaine, le week-end ou pendant des jours fériés et sous réserve pour le laboratoire SELARL BIODOM ANALYSES de respecter les fréquences maximales de ces gardes ainsi que les périodes de repos fixées par les dispositions conventionnelles.
L'article 4 intitulé " RÉMUNÉRATION " précise que la rémunération brute mensuelle lissée sur le cycle de travail défini par l'employeur (...) sera composée d'une partie fixe et de majorations de salaires liées à la réalisation de gardes.
Le paragraphe 4. 2 relatif aux majorations de salaire précise également que les gardes que Mme X...sera amenée à effectuer obligatoirement sur place et dans le cadre de ses horaires réguliers (travail des dimanches et jours fériés, travail de nuit) seront dorénavant rémunérées selon les dispositions conventionnelles en vigueur et selon le temps de travail effectué pendant ces gardes.
Par lettre recommandée dont l'avis de réception a été délivré le 24 avril 2007, Mme X...entreprit, alors qu'elle ne faisait plus partie du personnel du laboratoire, de réclamer à son ex-employeur un complément de salaires dû au titre de la période du 1er juillet 2003 au 28 février 2005 en contrepartie des gardes effectuées durant cette période, et ce par application de la convention collective précitée.
Aucune réponse ne fut apportée à sa demande.
Elle saisissait en conséquence le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir paiement de ce complément de salaires. L'affaire a été radiée par ordonnance du 23 novembre 2010 et rétablie par requête déposée au greffe le 22 juillet 2011 par l'intéressée.
Mme X..., représentée, demandait à la juridiction prud'homale de :
1/ condamner la société BIODOM ANALYSES au paiement des sommes suivantes :-21 135, 61 euros à titre de rappel de salaires pour la période de juillet 2003 à février 2005,-5 000 euros à titre d'indemnité pour non-respect du repos compensateur,-3 691, 20 euros à titre de prime de 13ème mois pour la période de 2005 à 2007, 2/ dire que ces sommes seront productives d'intérêts à compter de la mise en demeure du 24 avril 2007, 3/ ordonner sous astreinte de 100 euros par jour de retard la remise des fiches de paye rectifiées du 1er juillet 2003 à février 2005 pour tenir compte de ce rappel, 4/ ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans caution, 5/ condamner le laboratoire BIODOM ANALYSES à lui payer la somme de 1 302 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, 6/ condamner le même aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire du 7 novembre 2012, la juridiction prud'homale a fait droit aux demandes de Mme X..., a dit que les rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R 1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mois de salaires calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, sont de droit exécutoires en application de l'article R 1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élevant à 2 041, 40 euros, a condamné la SELARL BIODOM ANALYSES à payer à cette dernière la somme de 21 131, 61 euros au titre du rappel de salaires et celle de 2 500 euros à titre d'indemnité pour non-respect du repos compensateur, a dit que ces sommes seront productives d'intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2011, a ordonné à la SELARL BIODOM ANALYSES la remise à Mme X...de la totalité des bulletins de paye rectifiés de juillet 2003 à février 2005 inclus, sous astreinte fixée à 100 euros par jour de retard pour l'ensemble des documents et prenant effet 15 jours après la notification du jugement, s'est réservée expressément le droit de liquider l'astreinte, a condamné la société BIODOM ANALYSES à payer à Mme X...la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, et a débouté les deux parties de leurs autres demandes ou prétentions.
Par déclaration enregistrée le 3 décembre 2012, la SELARL BIODOM ANALYSES a interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions no2 notifiées à l'intimée le 16 septembre 2013 et réitérées à l'audience du 2 juin 2014, la société BIODOM ANALYSES, représentée, demande à la cour, au visa de l'article L 31 71-1 du code du travail et de la convention collective, de :- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- dire et juger qu'elle verse au débat l'ensemble des éléments permettant de reconstituer les horaires de travail réalisés par Mme X...pour la période de juin 2003 au 31 janvier 2005,- dire et juger, après avoir constaté l'erreur de dénomination de l'employeur, que Mme X...n'effectuait que des astreintes conformément aux dispositions de l'article 1. 4 de la convention collective nationale des laboratoires d'analyses médicales du 3 février 1978,- dire et juger que l'employeur a respecté les dispositions légales et conventionnelles concernant la durée du travail,- débouter Mme X...de sa demande de rappel d'arriérés de salaire pour gardes et de dommages-intérêts pour non-respect du repos compensateur,- la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle rappelle en premier lieu que le laboratoire d'analyses médicales a été ouvert en juin 2003 dans l'enceinte de la clinique LES EAUX CLAIRES située à Jarry (Baie-Mahault) ; que Mme X...a donc été recrutée pour exercer les fonctions de technicienne coefficient 290, au sein de ce laboratoire à compter du 1er juillet 2003 ; que le contrat de travail prévoyait un horaire de 35 heures par semaine, la possibilité d'effectuer des gardes le dimanche et les jours fériés en contrepartie d'un salaire de 1 300 euros nets plus 76 euros par garde ; que par courrier en date du 27 février 2007, cette dernière a démissionné de son poste, ayant trouvé un travail similaire dans un autre laboratoire ; que contre toute attente, elle lui adressait un courrier la mettant en demeure de lui régler, sous dix jours, la somme de 21 134, 31 euros correspondant à des gardes non rémunérées conformément aux dispositions de la convention collective applicable.
Elle expose ensuite que le laboratoire doit répondre aux demandes d'analyses présentées par les différents services de la clinique et notamment par son service d'urgences ; que pour faire face à cette organisation, il a été mis en place un service d'astreintes ; que durant la période 2004-2005, l'activité du laboratoire ne justifiait pas la présence permanente d'un technicien 24 heures sur 24, mais simplement une réponse adaptée aux demandes éparses des différents services, ce que permettait l'intervention du technicien dans les 20 minutes suivant l'appel.
Elle fait remarquer à la cour que sur cinq techniciens, seules Mmes Y...et X...ont intenté une action contre elle, alors que les autres salariés, également techniciens de laboratoire, ont été soumis au même régime des astreintes durant ladite période ; qu'à cet égard, les autres salariés et deux médecins urgentistes confirment cette organisation.
Elle rappelle que la convention collective nationale de laboratoire d'analyses médicales no 3114 prévoit le dispositif des astreintes qui peuvent être rémunérées de manière forfaitaire à la suite d'un accord entre le salarié et son employeur et que l'arrêt de la cour de cassation du 9 décembre 1998 précise que les heures d'astreinte à domicile doivent être décomptées et indemnisées indépendamment des heures habituelles de travail, ce qui a été le cas pour Mme X....
Elle attire l'attention de la cour sur le système informatique central qui comporte un module de traçabilité complète de tout ce qui est réalisé informatiquement et à partir des automates de l'entreprise ; que la traçabilité démarre à l'ouverture du dossier enregistré et demeure tout au long du processus de traitement des bilans sanguins ; qu'à chaque étape, l'informatique garde en trace l'identité de celui qui est intervenu lors de la mise en route du traitement des données, de la validation biologique par le médecin et du rendu des résultats jusqu'à la la facturation ; que la cour peut donc suivre, sur l'informatique, la validation et l'intervention de Mme X...sur les automates du laboratoire, ce qui correspond à ses temps de travail effectif, (pièces B1- semaine du 23 août au 30 août 2003, B2- semaine du 6 octobre au 13 octobre 2003, B3 semaine du 13 novembre au 22 novembre 2003, B4, C et D), pièces qui l'autorisent à dire que Mme X...effectuait des horaires de travail et des gardes-astreintes conformes aux dispositions légales et conventionnelles.
Elle insiste sur la fiabilité de son système informatique qui est commun à bon nombre de laboratoires dont la liste est produite, fiabilité qui est confirmée par la société HISTONE.
Elle dit également que l'attestation de Mme Z..., infirmière, n'est pas crédible dans la mesure où elle ne répond pas aux conditions de l'article 202 du code de procédure civile et que l'intéressée n'effectuait que du travail de nuit, en qualité de remplaçante, dans des services situés à un ou deux étages en dessous du laboratoire ; que de surcroît, la cour pourra constater qu'aucun bilan ou prélèvement pour la période concernée n'est intervenu à la demande du service où travaillait Mme Z....
S'agissant du non-respect du repos compensateur, elle conclut que si Mme X...prétend avoir travaillé plus de 12 jours d'affilée sans respect du repos compensateur hebdomadaire, en prenant comme exemple la période allant du 19 janvier 2004 au 31 janvier 2004, il est certain que l'ensemble de ses tâches aurait nécessairement une trace informatique dans la mesure où tout examen doit être enregistré ; qu'il n'est pas dans l'intérêt pour l'entreprise de conserver un salarié dans les locaux pour effectuer un seul acte d'urgence dans la journée ; qu'il est démontré par les listings produits pour la dite période que les affirmations de Mme X...sont fausses.
Par conclusions notifiées le 27 novembre 2013 à la société appelante, Mme X..., représentée, demande à la cour, à titre principal, de constater l'irrecevabilité de l'appel de la société BIODOM ANALYSES, au visa des articles 409 et 410 du code de procédure civile, celle-ci ayant acquiescé au jugement du 7 novembre 2012, et, à titre subsidiaire, de confirmer en toutes ses dispositions cette décision sauf en ce qu'elle ne lui a alloué que la somme de 2 500 euros pour non-respect du repos compensateur et ne lui a pas attribué les sommes dues au titre du 13ème mois, de statuer à nouveau sur ces demandes en condamnant le laboratoire d'analyses à lui payer la somme de 5 000 euros, ainsi que celle de 3 691, 20 euros au titre de ladite prime, de dire que ces sommes dues seront productives d'intérêts à compter de la mise en demeure du 15 mai 2007, et en tout état de cause, de condamner la SELARL BIODOM ANALYSES à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant également ceux de première instance.
Elle soutient d'abord l'irrecevabilité de l'appel en indiquant que préalablement à cet recours, la SALARL BIODOM ANALYSES lui a fait parvenir sa fiche de paie de novembre 2012 sur laquelle figure le rappel de salaires de 21 135, 61 euros.
S'agissant des arriérés de salaires au titre des gardes, elle se fonde sur les dispositions de l'article 1. 1. 3. 1 de la convention collective nationale qui précise que le temps de travail effectif quotidien est limité à 10 heures. Elle rappelle que ce document précise aussi que le temps de garde est assimilé à un temps de travail qui doit être rémunéré en tant que tel.
Or, il est certain qu'elle travaillait au-delà des 10 heures de travail quotidien réglementaire puisqu'en sus de ses horaires, elle effectuait des gardes ; qu'en effet, à titre d'exemple, pour la période du 1ER août 2003 au 31 novembre 2003, elle effectuait des gardes de nuit du lundi au vendredi, de 18 heures à 8 heures, soit un volume de 14 heures par jour ; que le dimanche 28 décembre 2003, elle a pris son poste à 7 heures du matin et a terminé le lendemain à 8 heures du matin, ce qui lui a fait un temps de travail de 25 heures ; qu'ainsi, elle réalisait des gardes comprises 12 heures et 25 heures.
Elle rappelle les dispositions 1. 5. 1 et 1. 5. 2 de la convention collective qui traite du travail de nuit et du travail de garde le dimanche et les jours fériés autres que le 1er mai, lesquels donnent lieu à une majoration de salaire qui ne saurait être inférieure à 50 % du montant du salaire horaire réel ; que les fiches de paie délivrées révèlent que les gardes ont été rémunérées sur une base forfaitaire de 76 euros par garde.
Aux arguments de l'employeur qui prétend que les astreintes ne sont pas considérées comme étant un travail effectif, car elle pouvait rentrer à son domicile pour vaquer à ses occupations, elle fait observer à la cour en premier lieu que le contrat de travail du 04 juin 2003, établi avant la signature de l'avenant, mentionnait 35 heures de travail par semaine, des gardes le dimanche et des gardes les jours fériés ; que les bulletins de paye correspondant à cette même période font apparaître des gardes rémunérées sur une base forfaitaire de 76 euros bruts par garde, quel que soit le jour de la semaine.
Elle soutient qu'en dépit de ce qui est dit par le laboratoire, il ne s'agit pas en l'espèce d'une erreur de plume confondant " astreintes " avec " gardes ", alors que du propre aveu de l'employeur (conclusions pages 3 et 4), il est dit que le laboratoire fonctionnait 24 heures sur 24 pour pouvoir répondre rapidement aux demandes des équipes urgentistes ; que c'est l'organisation étroite entre le laboratoire et les différents services de la clinique qui a nécessité la mise en place de ce système de gardes, information qui a disparu, depuis, des conclusions écrites de la société appelante.
Elle dit aussi que les tracés informatiques ne peuvent pas comptabiliser l'intégralité du temps de présence effective des salariés au sein de l'entreprise, et encore moins le temps de trajet apparemment décompté en cas d'astreinte ; que s'il fallait croire lesdits relevés informatiques, elle aurait travaillé la journée du 13 janvier 2004 de 11h 20 à 14 h 50, soit uniquement trois heures ; qu'il faut noter par ailleurs que ce système informatique ne fonctionnait pas en continu puisqu'entre minuit et deux heures du matin, il lançait les sauvegardes et s'initialisait ; que durant ce temps de coupure, les examens réalisés ne pouvaient être reproduits que manuellement ; que ce même système ne pouvait enregistrer toutes ses attributions dans la mesure où elle était technicienne de laboratoire au sein de la clinique LES EAUX CLAIRES effectuant des prélèvements au sein des cinq services de la clinique, répondant aux sollicitations du service des urgences et effectuant également les prélèvements sur les patients qui se présentaient pour leur bilan préopératoire, les ensemencements et la partie bactériologie ; il est évident que compte-tenu de l'ensemble de ses tâches et du nombre de ses déplacements dans tous les services, situés à des étages différents, elle ne pouvait se munir de l'ordinateur pour l'enregistrement de toutes ses interventions.
Elle n'entend pas remettre en cause la validité du tracé informatique quant aux analyses biologiques et l'attestation de la société HISTONE qui précise d'ailleurs que le traçage et la sauvegarde ne valent que pour les actions sur le logiciel. Il faut donc en déduire que ce dispositif informatique n'est pas prévu pour témoigner du temps de présence effective des salariés.
Elle maintient qu'à l'époque, les effectifs du laboratoire étant moindre (3 techniciens de laboratoire), il n'était pas possible d'être simplement d'astreinte, il fallait pouvoir réaliser, par exemple le dimanche, des gardes de 7 heures du matin au lundi suivant 8 heures ; que son temps de travail se déroulait de la manière suivante : 1/ relève du collègue de la nuit, 2/ maintenance de tous les automates, 3/ prélèvement des patients dans chaque service, y compris les bébés, 4/ analyse des prélèvements qu'elle avait elle-même effectuée, 5/ technique de la bactério (c'est-à-dire de la veille et du jour), 6/ classement et distributions des résultats, 7/ répondre à tous moments aux urgences pour y récupérer des prélèvements, 8/ récupérer des pré-opérés, et prélèvements des patients externes.
Elle attire l'attention de la cour sur le fait que l'employeur ne produit pas les relevés des communications téléphoniques attestant des appels réalisés dans le cadre des astreintes ; qu'il lui était aussi servi durant les gardes de nuit un dîner ; que le témoignage de Mme Z..., conforme, conserve toute sa force probante, car celle-ci, contrairement à ce qui est dit par le laboratoire BIODOM, n'a jamais travaillé aux urgences mais était uniquement infirmière remplaçante dans plusieurs services de la clinique tels que les services de gynécologie et de chirurgie viscérale ayant recours au laboratoire à toute heure.
Elle dit également qu'il est surprenant que la SELARL BIODOM attende six ans de procédure pou présenter les attestations de salariés toujours placés sous son autorité ; que la cour ne manquera pas de retenir que l'employeur était bel et bien conscient d'avoir enfreint ses obligations puisqu'il a fini par lui proposer un avenant à son contrat de travail en lui adressant un courrier en date du 31 janvier 2005 en ces termes : " nous vous confirmons les termes de l'entretien que nous avons eu ce jour et qui fait suite à votre demande de normalisation de vos horaires de travail ceci en conformité avec les dispositions légales et conventionnelles en matière de durée de travail, de récupération et de garde " (cf pièce no10).
Sur le repos compensateur, elle explique qu'il lui arrivait de travailler durant 12 jours d'affilée ce qui est vérifiable pour la semaine 3, du 26 au 31 janvier 2004, ayant travaillé du lundi au vendredi, puis selon le planning du week-end, le samedi matin et le dimanche de 7 heures du matin à 8 heures le lundi suivant, revenant ce même jour à son poste de 14 heures à 18 heures, après une garde de 25 heures ; que dès lors, les horaires de travail auxquels elle était assujettie, méconnaissaient les dispositions de l'article L 3132-1 du code du travail interdisant d'occuper un salarié plus six jours par semaine ; que le repos hebdomadaire doit donc avoir une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles doit s'ajouter le repos minimum qui est, sauf dérogation, de 11 heures consécutives, ce qui fait un repos hebdomadaire de durée minimale de 35 heures ; que privée de ce repos, c'est à bon droit qu'elle sollicite des dommages-intérêts à hauteur de 5 000 euros.
Elle conclut qu'à partir de 2005 jusqu'à son départ du laboratoire, elle n'a plus bénéficié de la prime du 13ème mois qui était versée en deux fois, au mois de juin et au mois de décembre sous le libellé prime exceptionnelle, à l'inverse de Mme Y..., ce qui est contraire au principe fondamental dégagé par la jurisprudence " à travail égal salaire égal ".
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR L'ACQUIESCEMENT :
Eu égard aux dispositions de l'article 410 du code de procédure civile, le fait d'exécuter une partie du paiement ordonné par les premiers juges ne constitue pas la preuve de l'intention de la partie perdante d'accepter la décision. En l'espèce, le laboratoire BIODOM ANALYSES s'est abstenu de verser l'intégralité des sommes au paiement desquelles il a été condamné, à savoir celles de 2 500 euros et 1 200 euros. Seule la somme de 21 135, 61 euros semble avoir été versée pour faire suite à l'exécution provisoire de droit attachée à la décision querellée qui n'affectait qu'une partie de la condamnation à hauteur de neuf mois de salaires.
Dès lors, la demande formulée à ce titre est rejetée.
SUR LE RAPPEL DE SALAIRES DE JUILLET 2003 A FÉVRIER 2005 :
Après examen des pièces versées aux débats, la cour considère que les premiers juges ont fait une très juste analyse de la situation de Mme X...et une parfaite application de la loi contractuelle et de la convention collective nationale des laboratoires d'analyses médicales extra hospitaliers no 3114 du 03 février 1978, en se rapportant aux dispositions de l'article 9 de cette convention distinguant garde et astreinte, au contrat de travail signé le 04 juin 2003 faisant état de gardes rémunérées, en se référant également à l'avenant au contrat intervenu le 31 janvier 2005 par lequel il est encore question d'effectuer des gardes dans le respect des dispositions de la convention collective précitée. Aucune disposition contractuelle ne prescrivait d'astreintes. Ayant procédé à l'examen exhaustif des documents produits, les premiers juges ont également relevé, à juste titre, l'aveu même de l'employeur exprimé dans son premier jeux de conclusions du 15 septembre 2013 (page 4) d'avoir poursuivi l'objectif d'un fonctionnement permanent de l'entreprise 24 heures sur 24, et considéré que les listings produits ne pouvaient qu'indiquer au mieux les heures, les dates et les patients concernés par les analyses dont le suivi n'est pas contesté mais qui ne permettent nullement de prouver le temps de présence du salarié au sein de l'entreprise pour y exercer ses heures de service, ses gardes.
Il est important de rappeler également que tout laboratoire d'analyse est équipé d'un Système d'Information pour Laboratoire (SIL) qui gère l'ensemble des traitement des données et des activités du laboratoire. Les nombreuses éditions " traçabilité " versées pour justifier des heures de présence effective de Mme X...au sein de l'entreprise ne sont que la traduction d'une partie de l'activité du salarié, ne retraçant que les heures de validation des automates ou analyseurs, c'est-à-dire, le résultat de l'examen médical préalablement sollicité. Ces automates sont reliés au logiciel de gestion qui permet nécessairement de créer le dossier médical du patient et de saisir en quelque sorte la commande. Chaque intervenant doit pouvoir s'identifier à l'aide d'un " login " et d'un mot de passe permettant son identification, or le temps réservé à cette opération préalable n'est repris par aucun des listings versés aux débats.
Le laboratoire reconnaît lui-même que la quasi-totalité des bilans hors urgence, sont issus de prélèvements réalisés par les techniciens du laboratoire. (Page 14 des conclusions no2).
Ce temps de travail n'est donc pas pris en compte dans les listings de VALIDATION AUTOMATE versés au débat.
Ceux-ci ne retraçant qu'une partie de l'activité de la salariée, leur examen intégral a fini par être écarté.
La cour note cependant que les documents du laboratoire intitulés " fiches de salaires 2003 et 2004 " portent la mention de gardes ; que l'effectif des techniciens était constitué de trois salariés (X...-A...et C...) de juillet 2003 à décembre 2003 ; que pour cette période, les tableaux établis pour l'activité de chacun fait mention d'un nombre de nuits réalisés par chacun et d'un nombre de gardes, que les attestations produites des autres salariés du laboratoire manquent de précisions, maintenant une certaine confusion entre astreintes et gardes (cf attestation de M. A...du 12 septembre 2013, fin de la page 2) (cf attestation de Mme B...-fin de la page 2). Celles des deux médecins urgentistes ne sont pas plus convaincantes dans la mesure où elles ne répondent pas à la prescription de l'alinéa 3 de l'article 202 du code de procédure civile.
Il faut enfin souligner que la production des facturations détaillées retraçant les appels téléphoniques invitant Mme X...à se rendre au laboratoire pour y effectuer des astreintes aurait permis de confirmer la réalité de celles-ci. La société appelante s'est abstenue d'argumenter et de réagir sur ce point.
Compte-tenu de l'ensemble de ces éléments, le jugement entrepris de ce chef est confirmé ainsi que sur ceux portant sur la remise des fiches de paie de juillet 2003 à février 2005 et sur l'astreinte comminatoire prononcée.
SUR LE NON-RESPECT DU REPOS COMPENSATEUR :
Les dispositions 1. 3. 4 de la convention collective nationale des laboratoires d'analyses médicales extrahospitaliers no3114 du 03 février 1978 relatives au repos compensateur obligatoire ne peuvent être retenus en l'espèce car l'examen des pièces du dossier ne fait pas ressortir que le laboratoire disposait en 2004-2005 plus de dix salariés (cf la feuille faisant apparaître les salaires de tous les salariés en septembre 2004- document produit par l'appelante).
Néanmoins, aux termes des articles L. 3132-1 et L. 3132-2 du code du travail, tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives et il est interdit de faire travailler un même salarié de plus de six jours par semaine. Le repos hebdomadaire a une durée minimale de vingt quatre heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien de onze heures.
Mme X...soutient qu'à certaines périodes, elle exerçait au sein de l'entreprise ses activités durant 12 jours d'affilée ; qu'en effet, durant la semaine 3 de 2004, c'est-à-dire celle du 26 au 31 janvier 2004, elle a travaillé du lundi au vendredi, le samedi matin, puis le dimanche de 7 heures du matin à 8 heures le lundi matin suivant. Elle a repris son poste, le lundi à 14 heures jusqu'à 18 heures, alors qu'elle avait fini de travailler ce même jour à 8 heures. Après une garde de 25 heures, elle était en service tout le reste de la semaine.
La société BIODOM ANALYSES rétorque que c'est à tort que l'intimée soutient avoir travaillé du 19 janvier 2004 au 31 janvier 2004 sans aucun jour de repos.
Contre toute attente, la société BIODOM ANALYSES fait elle-même la démonstration que Mme X...a travaillé plus de six jours d'affilée, c'est-à-dire du 19 janvier au 31 janvier 2004 (page 15 des conclusions no2).
Tous ces éléments permettent à la cour de confirmer le jugement entrepris tant dans le principe que dans le montant de l'indemnité allouée.
SUR LE TREIZIÈME MOIS :
C'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le treizième mois ne résultait ni du contrat de travail modifié, ni de la convention collective des laboratoires d'analyses médicales extrahospitaliers no 3114 du 03 février 1978.
La prime exceptionnelle apparaissant sur le bulletin de salaire de Mme Y...ne peut être assimilée au treizième mois et étendue à Mme X....
Le jugement est confirmé sur ce point.
SUR LE POINT DE DÉPART DES INTÉRÊTS LÉGAUX :
Aux termes de l'article 1153 du code de procédure civile, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal. Ces dommages-intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'une autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit.
La lettre recommandée qui a été délivrée à la société BIODOM ANALYSES le 15 mai 2007, lui fait sommation de payer la somme de 21 131, 61 euros dans un délai de 10 jours sous déduction de la somme due au titre de la cession de salaire non contestée.
C'est donc à tort que les premiers juges ont fait courir les intérêts de retard à compter du 22 juillet 2011, sans tenir compte cette missive.
Le jugement est réformé sur ce chef ; le rappel de salaires de 21 131, 61 euros produira intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2007.
SUR LES DÉPENS ET FRAIS IRREPETIBLES :
Succombant principalement à l'instance, la société BIODOM ANALYSES est condamnée à payer à Mme X...la somme de 1 200 euros au titre des frais engagés par cette dernière pour la défense de ses intérêts, non compris dans les dépens, en sus de la somme allouée sur le même fondement par les premiers juges.
La société BIODOM ANALYSES est aussi condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement du 7 novembre 2012 sauf en ce qu'il a dit que la somme de 21 131, 61 euros produira intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2011 ;
Le réforme sur ce chef ;
Statuant à nouveau,
Dit que la somme de 21 131, 61 euros produira intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2007 ;
Condamne la société BIODOM ANALYSES, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme Fabienne X...la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société BIODOM ANALYSES aux dépens ;