COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 253 DU HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 00087
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 27 septembre 2012- Section Commerce.
APPELANT
Monsieur X..., ...97133 Saint-Barthélémy Non Comparant, ni représenté
INTIMÉE
Madame Y... ...97150 SAINT-MARTIN Représentée par Maître Jamil HOUDA (Toque 29), avocat au barreau de la GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise Gaudin, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller.
Madame Y... a été avisée à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 8 septembre 2014
GREFFIER Lors des débats : Madame Yolande Modeste, greffier.
ARRET :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, Madame Y... en ayant été préalablement avisée conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame Y... a été embauchée par Monsieur X..., commerçant exerçant sous l'enseigne ..., en qualité de secrétaire, selon contrat de travail verbal en décembre 1981.
Mme Y...a démissionné par lettre datée du 5 octobre 2009, remise en main propre le 19 octobre suivant.
Le 16 juin 2011, Mme Y...a saisi le conseil des prud'hommes de Basse-Terre, d'une demande tendant à obtenir le paiement d'un rappel de prime d'ancienneté et de prime de fin d'année en application de la convention collective nationale du commerce de détail de l'horlogerie-bijouterie, d'indemnités de congés payés et de licenciement et délivrance de documents de rupture.
Par jugement en date du 27 septembre 2012, le conseil des prud'hommes a :
condamné la société ...prise en la personne de M. X..., à payer à Mme Y... les sommes suivantes :. 3. 270 ¿ au titre de la prime d'ancienneté,. 3. 025, 33 ¿ à titre de primes de fin d'année,. 1. 162, 35 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement,. ordonné la remise des documents légaux de rupture, à savoir le certificat de travail, le solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi, ordonné la régularisation des droits de la salariée auprès de la CGSS et autre Caisse de Retraite.
Le 20 décembre 2012, M. X... a formé appel dudit jugement qui lui a été notifié le 21 novembre 2012.
A l'audience de plaidoiries devant la cour d'appel, M. X... n'a pas comparu, bien que régulièrement avisé de la date d'audience et a donné pouvoir à Mme Véronique Z...pour le représenter.
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 14 novembre 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme Y...demande à la cour de :
statuer sur la recevabilité de l'appel, débouter M. Jacques X... de son appel et de l'ensemble de ses demandes. rectifier le jugement attaqué en ce qui a trait à l'identité de l'employeur et à l'indemnité de licenciement, condamner Monsieur Jacques X... à l'enseigne ...au paiement des sommes suivantes :
3. 335, 12 euros au titre de la prime de fin d'année 3. 596 euros au titre de la prime d'ancienneté 8. 281, 12 euros au titre du travail dissimulé 16. 562, 24 euros au titre du préjudice de carrière 1. 380, 20 euros au titre de l'absence d'information quant au DIF 8. 281, 12 euros au titre de la rétention abusive des documents administratifs
ordonner à Monsieur Jacques X..., à l'enseigne ..., de régulariser les droits de Madame Y...auprès de la Caisse Générale de Sécurité Sociale et autres Caisses de Retraite. ordonner la remise des documents légaux sous astreinte de 100 euros par jour de retard commençant à courir 8 jours après le prononcé de l'arrêt. condamner Monsieur X... à payer à l'intimée la somme de 2. 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel
Attendu que M. X... a diligenté appel le 20 décembre 2012 par pli recommandé du jugement qui lui a été notifié le 21 novembre 2012.
Que dès lors, compte tenu des délais prévus notamment pour les justiciables domiciliés à SAINT BARTHELEMY, ledit appel est recevable.
Sur la représentation de l'appelant
Attendu que les articles 931 du code de procédure civile, R. 1453-1 et R1461-2 du code du travail imposent à l'appelant, en matière de procédure sans représentation obligatoire, soit de comparaître, soit de se faire représenter par l'une des parties énumérées par ces articles.
Attendu que M. X... s'est abstenu de comparaître et s'est fait représenter par Mme Véronique Z..., laquelle n'est pas une personne habilitée à représenter l'employeur, telle que mentionnée à l'article R. 1453-2 du code du travail. Qu'en effet, Mme Z...n'est pas salariée de M. X..., ni son conjoint ou partenaire lié par un pacte de solidarité ni concubine et n'est pas non plus avocate.
Que dès lors, M. X... n'étant pas valablement représenté, ses écritures, déposées au soutien de son appel, ne peuvent être prises en compte. Attendu que cependant, il a été destinataire des conclusions d'appel incident de la salariée par pli recommandé du 14 novembre 2013, dont il a accusé réception le 30 novembre 2013 et a été régulièrement convoqué à l'audience de la cour d'appel du 23 juin 2014. Que le présent arrêt sera réputé contradictoire à l'égard de M. X....
Sur les primes d'ancienneté et de fin d'année
Que la salariée a réclamé dès le 15 janvier 2010 à son employeur le paiement de primes d'ancienneté et de fin d'année prévues par la convention collective nationale du commerce de détail de l'horlogerie bijouterie, modifiée par avenant du 5 février 1997 quant à son champ d'application. Que la présente convention s'applique désormais aux rapports salariés/ employeurs des magasins de vente au détail de bijouterie notamment, sis sur l'ensemble du territoire national, y compris les DOM et donc SAINT MARTIN où était située la bijouterie ..., dans laquelle Mme Y...a travaillé 28 ans.
Qu'en vertu de l'article 37 de ladite convention, la salariée peut prétendre à une prime d'ancienneté de 62 ¿ dès lors qu'elle a acquis 15 ans d'ancienneté et compte tenu de la prescription quinquennale applicable au cas d'espèce, elle a droit à un rappel de 3. 596 ¿.
Que l'article 38 de ladite convention prévoit : « Quelle que soit leur catégorie professionnelle, les salariés reçoivent, au 31 décembre, une prime annuelle dont le montant est égal au 1/ 24 des salaires bruts perçus entre le 1er décembre de l'année précédente et le 30 novembre de l'année en cours, non compris la prime de l'année précédente. Cette prime de fin d'année est la contrepartie de l'accroissement de l'activité durant les périodes définies ci-après. Les versements seront acquis lorsque les salariés auront eu 8 mois d'activité dans l'année, dont la semaine précédant la Saint-Valentin et le jour de la Saint-Valentin, les 2 semaines précédant la fête des mères et le jour de la fête des mères et le mois de décembre, sans aucun jour d'absence durant les jours ouvrables au cours de ces périodes (à l'exception des absences expressément autorisées par l'employeur ». Que compte tenu de ces dispositions et du fait qu'en 2009, Mme Y...était en congé sabbatique, le rappel de prime de fin d'année ne peut porter que sur les années 2005 à 2008 non prescrites, dont le montant s'élève à la somme de 2. 760, 04 ¿.
Sur le travail dissimulé
Attendu qu'en application de l'article L. 8223-1 du code du travail le salarié auquel un employeur a recours en violation des dispositions de l'article L 8221-3 du code du travail (travail dissimulé par dissimulation d'activité) ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 (travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié), a le droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduisent à une solution plus favorable ;
Attendu qu'en premier lieu, il doit être relevé que l'article L. 8221-5 susvisé (ancien article L 324-10) dans sa rédaction applicable au présent litige ne mentionne pas le cas de ne pas avoir accompli auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales les déclarations relatives aux salaires ; que cette disposition qui constitue le paragraphe no3 de l'article L. 8221-5 n'a été ajouté dans cet article que par la loi 2010-1594 du 20 décembre 2010 (article 40 J. O du 21) soit postérieurement à la situation en cause.
Qu'au demeurant, la salariée reproche à M. X... de ne pas avoir déclaré son salaire pour les années 1982 à 1987 et en 1998, en invoquant l'article L. 8221-5 du code du travail.
Que cet article vise effectivement le fait de n'avoir pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale et à l'administration fiscale mais exige l'élément intentionnel en ce sens que le travail dissimulé ne peut être retenu que s'il est établi que l'employeur s'est soustrait intentionnellement à cette obligation.
Que l'existence dudit élément intentionnel relève de l'appréciation du juge du fond, lequel se détermine au vu des circonstances du cas d'espèce et des pièces versées aux débats.
Que la salarié produit ses bulletins de salaire sur ladite période de 1998, un relevé de carrière en date du 25 octobre 2011 émanant de la caisse d'assurance retraite de la sécurité sociale de Guadeloupe.
Que le relevé de carrière, n'ayant qu'une valeur indicative, est provisoire et ne crée pas de droits au profit de celui envers qui il est établi.
Que lesdits relevés sont susceptibles d'être entachés d'erreurs et sont parfaitement régularisables au regard des pièces détenues par Mme Y...(bulletins de salaire et attestation de l'employeur).
Qu'il n'est pas établi en l'espèce que ce dernier se soit effectivement abstenu de procéder à la déclaration des salaires sur ladite période et aucun élément ne permet d'établir qu'il aurait agi en ce sens de façon intentionnelle.
Que les seules pièces produites par Mme Y...sont insuffisantes pour établir une présomption de travail dissimulé et sa demande d'indemnité à ce titre sera rejetée.
Sur le préjudice de carrière
Attendu que Mme Y...invoque un préjudice découlant de l'absence de plusieurs années dans son relevé de carrière mais sans justifier d'un préjudice actuel, n'ayant pas encore liquidé sa retraite et dès lors, ce chef de demande sera rejeté.
Sur le droit individuel à la formation dit DIF
Attendu qu'il est constant que Mme Y...a démissionné et qu'elle ne peut dès lors reprocher à l'employeur de ne pas avoir fait état de ses droits en matière de DIF dans la lettre de licenciement. Qu'à défaut de faute grave, en application de l'article L. 933-6 du code du travail ancien, l'employeur avait l'obligation d'informer le salarié licencié de ses droits en matière de droit individuel de formation.
Que le manquement de l'employeur à cet égard ne saurait être invoqué et ce chef de demande a été justement écarté.
Sur la rétention de documents de rupture
Attendu que Mme Y...reproche à son employeur de ne pas lui avoir délivré les documents légaux de rupture, et notamment le certificat de travail et l'attestation destinée au Pôle Emploi, suite à la rupture du contrat de travail.
Que cependant, en vertu de l'article R. 1234-9 du code du travail, l'employeur doit effectivement délivrer au salarié au moment de la rupture du contrat de travail les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations chômage. Que Mme Y...justifie avoir réclamé en vain à son employeur lesdits documents de rupture et dès lors, il convient de confirmer le jugement qui a fait droit à cette demande, et a condamné l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour absence de remise desdits documents, tout en chiffrant leur montant à la somme de 2. 000 ¿.
Attendu que nonobstant sa condamnation à ce titre, l'employeur n'a pas remis à sa salariée les documents de rupture.
Qu'il y a lieu à confirmation de ce chef et d'assortir celle-ci d'une astreinte selon les modalités fixées au présent dispositif ;
Qu'il sera précisé que la cour se réserve la liquidation de l'astreinte en application de l'article 35 de la loi 91-650 du 9 juillet 1991, et pourra être saisie de ce chef par simple requête préalablement notifiée à l'adversaire ;
Que de même la régularisation des droits de la salariée auprès des caisses de retraite sera confirmée.
Qu'en outre, il y a lieu de condamner l'appelant à payer à Mme Y...une somme de 1. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et à supporter les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a ordonné à Monsieur X..., à l'enseigne ..., de régulariser les droits de Madame Y...auprès de la Caisse Générale de Sécurité Sociale et autres Caisses de Retraite.
Réformant pour le surplus, statuant à nouveau,
Condamne M. X... à payer à Mme Y... les sommes suivantes :
2. 760, 04 euros au titre de la prime de fin d'année 3. 596 euros au titre de la prime d'ancienneté 2. 000 euros au titre de la rétention abusive des documents administratifs 1. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. X... à remettre à Madame Y... le certificat de travail, le solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi, ladite obligation de délivrance étant assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard courant après l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, et ceci pendant une durée de deux mois après quoi il sera à nouveau fait droit,
Dit que la Cour se réserve la liquidation de l'astreinte,
Condamne M. X... aux entiers dépens.