COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 254 DU HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 00228
Décision déférée à la Cour : Jugement de départage du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 14 janvier 2013- Section Industrie.
APPELANTE
SARL ROLL'S ALU Z. A. des Pères Blancs 97123 BAILLIF Représentée par Maître Me Philippe LOUIS (Toque 62), avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉ
Monsieur Vincent Y... ... 97125 BOUILLANTE Représenté par Monsieur Ernest DAHOME (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise Gaudin, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 8 septembre 2014
GREFFIER Lors des débats : Madame Yolande Modeste, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. Vincent Y... était embauché le 17 janvier 2005 par la société ROLL'S ALU, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée jusqu'au 30 avril 2005, en qualité de menuisier en aluminium et livreur.
Le 2 mai 2005, M. Y... a été de nouveau engagé suivant un contrat à durée déterminée du 1er mai 2005 jusqu'au 30 avril 2006, aux mêmes conditions, puis selon contrat à durée indéterminée à compter du 1er mai 2006, en qualité de menuisier en aluminium, moyennant un salaire mensuel brut de 1. 550 ¿ pour 151, 67 heures de travail.
M. Y... a été licencié pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 juin 2009.
Le 29 septembre 2009, M. Y... saisissait le conseil des prud'hommes de Basse-Terre d'une demande en requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement d'indemnités de transport, de bonus exceptionnel et de rupture.
Par jugement de départage en date du 14 décembre 2012, le conseil a requalifié le contrat de travail à durée déterminée du 2 mai 2005 en contrat de travail à durée indéterminée, a dit que le licenciement économique de M. Y... s'analyse en un licenciement économique sans cause réelle et sérieuse, condamné la société ROLL'S ALU à lui payer la somme de 1. 542, 66 ¿ à titre d'indemnité de requalification, la somme de 2. 351, 76 ¿ à titre d'indemnité de remboursement des frais de transport, celle de 278, 30 ¿ au titre du bonus exceptionnel et la somme de 1. 542, 66 ¿ au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, rejetant le surplus des demandes.
Suivant déclaration reçue le 8 février 2013 au greffe de la cour, La société ROLL'SALU a interjeté appel de ladite décision qui lui a été notifiée le 18 janvier 2013.
Selon conclusions du 23 juin 2014, la société ROLL'S ALU a exposé qu'elle n'avait pas adhéré aux accords BINO et qu'il n'existait aucune possibilité de reclassement dans l'entreprise.
Elle sollicite la réformation du jugement sauf sur le principe de la requalification du contrat initial en contrat de travail à durée indéterminée et le débouté des demandes du salarié.
Selon conclusions du 12 décembre 2013, M. Y... fait valoir que son contrat de travail initial à durée déterminée ne pouvait pas être immédiatement suivi d'un nouveau contrat identique en application des articles L. 1244-1 et L. 1244-3 du code du travail, qu'il a droit à une prime de transport en vertu de la convention collective, de même qu'à la prime exceptionnelle prévue par les accords dits BINO et qu'à défaut de recherche de reclassement, son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse. Il a conclu à la confirmation du jugement sauf à amplier le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 18. 511, 92 ¿, représentant douze mois de salaire et réclame la somme de 2. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS :
Sur la demande de requalification
Attendu que l'article L. 1244-3 du code du travail prévoit un délai de carence entre deux contrats de travail à durée déterminée, calculé en fonction de la durée du contrat initial. Que l'article L. 1244-1 édicte des dérogations en cas de remplacement d'un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas d'emploi à caractère saisonnier ou remplacement de l'une des personnes mentionnées aux 4o et 5o de l'article L. 1242-2 du code du travail.
Qu'en l'espèce, il est constant et non contesté par l'employeur que le contrat de travail initial du 17 janvier 2005 a pris fin le 30 avril 2005 et qu'un second contrat à durée déterminé a été conclu le 2 mai suivant pour une durée de 12 mois, immédiatement après sans aucun délai de carence et que par ailleurs, ce nouveau contrat conclu « pour faire face à un surcroît exceptionnel et temporaire d'activité en raison de travaux inhabituels à réaliser », ne correspond pas à un cas dérogatoire visé à l'article L. 1244-1 susmentionné.
Que dès lors, c'est à juste titre que le jugement, ayant constaté que l'employeur n'avait pas respecté ses obligations à l'égard de M. Y... Vincent, a fait droit à sa demande de requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée.
Qu'il y a lieu à confirmation en ce sens.
Attendu qu'en vertu de l'article L. 1245-2 du code du travail, lorsque le conseil fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
Qu'il convient de chiffrer à la somme de 1. 542, 66 ¿ l'indemnité de requalification due à M. Y..., à l'instar du jugement déféré.
Sur l'indemnité de frais de transport
Attendu que la décision entreprise a fait une juste application de la convention collective des ouvriers du Bâtiment et des Travaux Publics de la Guadeloupe, dont dépend l'employeur et des accords paritaires signés annuellement, en allouant à M. Y... une prime de transport mensuelle sur la période contractuelle non prescrite, représentant une somme globale de 2. 351, 76 ¿ et il y a lieu à confirmation de ce chef.
Prime dite BINO
Attendu que le salarié réclame l'application de l'accord BINO signé le 26 février 2009, applicable dans le secteur du BTP. Que ledit accord interrégional sur les salaires en Guadeloupe, dit « accord Jacques BINO » s'applique depuis le 1er mars 2009 et prévoit le versement d'une prime de 200 euros aux salariés dont le salaire ne dépasse pas 1, 4 SMIC, se décomposant comme suit :
- pour les entreprises de moins de 50 salariés, versements à hauteur de 50 euros par les entreprises et 50 euros par les collectivités territoriales, ces derniers versements étant prévus pour une durée d'un an,- parallèlement, l'Etat a introduit le RSTA en Guadeloupe d'un montant de 100 euros versé directement au salarié.
Que ledit accord prévoyait également en son article 5 qu'au terme des aides de l'Etat et des collectivités, l'augmentation de salaire de 200 euros nets serait intégrée dans la rémunération des salariés assurée par leur employeur signataire.
Que ledit accord BINO a été étendu partiellement par arrêté du 3 avril 2009 à tous les employeurs et salariés compris dans son champ d'application, à l'exception de la clause susvisée de convertibilité des primes en salaire.
Que dès lors, peu importe que la société ROLL'S ALU n'ait pas signé ledit accord, étant dans son champ d'application et employant moins de 50 salariés, M. Y... dont le salaire était inférieur au plafond prévu, pouvait prétendre à une prime de 50 ¿ nets de la part de son employeur à compter du 1er mars 2009 soit en l'espèce, une somme globale de 278, 30 ¿, confirmant le jugement sur ce point.
Sur le licenciement économique
Attendu que la lettre de licenciement en date du 17 juin 2009 énonce comme motif : « diminution importante du chiffre d'affaires et des commandes clients depuis le premier trimestre 2009 ayant pour conséquence la dégradation significative de la trésorerie, nous amène à prendre des mesures de réduction des effectifs. »
Que le salarié sans contester le motif économique du licenciement, fustige l'absence de toute recherche de reclassement.
Que selon l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Qu'ainsi, l'employeur est tenu avant tout licenciement économique de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement au sein du groupe et parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer à chaque salarié dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles de même catégorie, ou à défaut, de catégorie inférieure, en assurant au besoin l'adaptation des salariés à une évolution de leur emploi.
Que la société ROLL'S ALU ne justifie en aucune manière avoir satisfait à son obligation de reclassement de M. Y... et n'a même pas mentionné dans la lettre de licenciement, l'impossibilité de reclassement du salarié.
Que dès lors, l'employeur ne justifiant pas avoir satisfait à son obligation de reclassement et ne démontrant pas l'existence d'une cause économique réelle et sérieuse, il y a lieu, par réformation du jugement entrepris, de dire le licenciement économique de M. Y..., sans cause réelle et sérieuse ;
Que l'appelant, au moment de la rupture, âgé de 47 ans, avait une ancienneté de 4 ans dans l'entreprise qui occupait habituellement moins de onze salariés, et son dernier salaire était de 1. 542, 66 ¿ bruts.
Attendu que M. Y... justifie avoir perçu des allocations versées par Pôle Emploi en 2011 mais ne justifie pas de sa situation professionnelle depuis.
Que compte tenu de ces éléments, il y a lieu de fixer à la somme de 4. 000 ¿ le montant de l'indemnisation de son préjudice, sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail, réformant sur ce point.
Attendu qu'il apparaît équitable d'allouer à Monsieur Y... une somme de 800 ¿ au titre de ses frais irrépétibles exposés pour ladite instance.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré sauf sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société ROLL'S ALU à payer à M. Y... Vincent une somme de 4. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
Condamne la société ROLL'S ALU à payer à M. Y... Vincent une somme de 800 ¿ u titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société ROLL'S ALU aux entiers dépens.