CHAMBRE SOCIALE ARRET No 260 DU HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 00744
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 25 avril 2013- Section Commerce.
APPELANTS
Maître Marie-Agnes Y... es qualités de mandataire liquidateur de la SARL BRALOR DISTRIBUTION... 97190 LE GOSIER Représentée par Maître Michaël SARDA (Toque 1) substitué par Maître PHILIBIEN, avocat au barreau de la GUADELOUPE
CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS CGEA DE FORT DE FRANCE UNITE DECONCENTREE DE L'UNEDIC 10, rue des Arts et Métiers Lotissement Dillon stade 97200 FORT DE FRANCE Représenté par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8) substituée par Maître PIERRE-LOUIS, avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉE
Madame Marie-Antoinette X...... 97139 ABYMES Représentée par Monsieur DAHOME (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 juin 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise Gaudin, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 8 septembre 2014
GREFFIER Lors des débats : Madame Yolande Modeste, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Faits et procédure :
Mme Marie-Antoinette X... a été embauchée le 18 août 1994 en qualité de femme de ménage par la Société BRALOR DISTRIBUTION, laquelle a une activité de distribution de boissons auprès de grossistes et appartient au groupe Brasserie Lorraine.
La SARL BRALOR DISTRIBUTION a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Pointe à Pitre en date du 16 décembre 2010.
Par lettre du 28 décembre 2010, Mme X... a été licenciée par Maître Y..., liquidateur, pour motif économique.
Le 12 mai 2011, Mme X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre aux fins de contester son licenciement et obtenir une indemnité d'un montant de 9. 419, 52 ¿.
Par jugement du 25 avril 2013, la juridiction prud'homale a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixé la créance de Mme X... à la somme de 9. 419, 52 ¿ au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, lui allouant en outre la somme de 250 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 17 mai 2013, le Centre de Gestion et d'Etudes AGS FORT DE France, a formé appel devant la cour d'appel de Basse-Terre.
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 4 avril 2014, à laquelle il a été fait référence lors de l'audience des débats, le Centre de Gestion et d'Etudes AGS FORT DE France sollicite l'infirmation du jugement déféré, le débouté des demandes de Mme X... et rappelle qu'en tout état de cause, aucune condamnation directe ne peut intervenir à l'encontre de l'AGS, laquelle ne pourrait être amenée qu'à prendre en charge les créances éventuellement fixées et ce, dans les limites de sa garantie, sans frais ni dépens.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 17 juin 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Maître Y..., ès qualités sollicite la réformation en toutes ses dispositions du jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre du 25 avril 2013, et demande à la cour de dire et juger que le licenciement économique de Mme X... repose sur une cause réelle et sérieuse, de dire et juger que la société BRALOR DISTRIBUTION en la personne de son liquidateur a rempli ses obligations à l'égard de Mme X... au titre de son obligation de reclassement, de débouter cette dernière de toutes ses demandes et la condamnation de Mme X... à lui payer la somme de 2. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses demandes, Maître Y... fait valoir que l'employeur a satisfait à son obligation de reclassement, ayant effectué des recherches de reclassement internes dans le groupe qui se sont révélées négatives et également exploré des solutions de reclassement externe, en vain.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 1er avril 2014, à laquelle il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X... sollicite la confirmation du jugement entrepris et réclame paiement de la somme de 5. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel. Elle fait valoir que l'employeur ne lui a proposé aucun poste de reclassement alors que dans le même temps, la maison mère, la société BRASSERIE LORRAINE, procédait à de nombreuses embauches.
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Motifs de la décision :
Sur le motif économique du licenciement :
Attendu que selon les dispositions de l'article 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Attendu qu'il en résulte que lorsque l'employeur invoque un motif économique pour rompre le contrat de travail, la lettre de licenciement doit énoncer à la fois la raison économique qui fonde sa décision mais aussi ses conséquences précises sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.
Dans sa lettre du 28 décembre 2010, Maître Y..., liquidateur de la société BRALOR DISTRIBUTION exprime les motifs économiques du licenciement de la façon suivante :
«... Par jugement du 16 décembre 2010, le Tribunal Mixte de Commerce de Pointe à Pitre a prononcé la liquidation judiciaire de la société BRALOR DISTRIBUTION et m'a désignée en qualité de liquidateur. Consécutivement au prononcé de la liquidation judiciaire et à la suppression de l'ensemble des postes, et après information à la Direction Départementale du Travail, de l' Emploi et de la Formation Professionnelle, je suis contrainte, et à défaut de toute autre solution de reprise de votre contrat de travail, de procéder à votre licenciement pour motif économique, conformément à la loi du 30 décembre 1986 et aux articles 640-1 et suivants du code de commerce ¿ »
Attendu qu'au vu des pièces produites, et plus particulièrement des comptes sociaux de la Société BRALOR DISTRIBUTION à partir de 2009, il n'est pas contestable que ladite société a connu des difficultés économiques au sens de l'article L 1233-3 du code du travail.
Qu'en outre, elle a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire directe en date du 16 décembre 2010, du fait qu'aucune poursuite d'activité n'était envisageable et que l'ensemble des salariés devait être licenciés.
Que ce jugement est définitif et la cause économique est avérée et ne peut plus être contestée.
Sur l'obligation de recherche de reclassement :
Selon les dispositions de l'article L 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et des déclarations des parties que la société BRALOR DISTRIBUTION est une filiale de la société BRASSERIE LORRAINE, dont le siège social est situé en Martinique, dont elle assure la distribution de ses boissons gazeuses sur le département de la Guadeloupe et la société BRASSERIE LORRAINE est elle-même une filiale de la société HEINEKEN dont le siège social est situé en Hollande.
Que dès lors, il en résulte que l'obligation de reclassement interne se limitait à la société BRASSERIE LORRAINE et ne pouvait être étendue à l'ensemble du groupe HEINEKEN aux Pays-Bas, sauf accord du salarié. Que pour justifier l'impossibilité de reclassement de Mme X... au sein de la société mère, l'appelant a produit aux débats notamment la lettre que Maître Y... a adressée à ladite société le 17 décembre 2010 en vue de solliciter des solutions de reclassement pour les salariés présents au jour de la liquidation judiciaire et devant faire l'objet d'une mesure de licenciement économique, dont Mme X... et sa réponse négative.
Attendu qu'au titre de son obligation de reclassement, l'employeur doit proposer au salarié les emplois disponibles au moment où il manifeste sa volonté de mettre fin au contrat de travail en notifiant la lettre de licenciement, quand bien même le licenciement serait subordonné au refus par le salarié de la convention de reclassement qui lui a été proposée.
Que Mme X... invoque les 22 embauches au sein de la société BRASSERIE LORRAINE, en s'appuyant sur la décision de l'inspecteur du travail en date du 13 avril 2010. Qu'il résulte des pièces du dossier, notamment de la ladite décision et de la lettre de l'employeur datée du 22 avril 2010 adressée à M. Z..., salarié protégé (document no9 de l'appelante) que la société BRASSERIE LORRAINE a eu recours à 19 recrutements en contrats précaires depuis le 29 novembre 2009, soit antérieurement au licenciement de Mme X... et à 3 embauches en contrats à durée indéterminée pour des postes de directeur financier, responsable qualité/ brassage/ cuverie et de coordinateur des achats et des stocks.
Qu'aucun poste, même à titre précaire, n'était disponible au sein de la société mère au 28 décembre 2010 et les postes susvisés ne correspondaient pas aux aptitudes professionnelles de Mme X.... Qu'en effet, l'employeur, s'il a une obligation d'adaptation, ne saurait être tenu d'assurer une formation initiale qui fait défaut à la salariée. Qu'en l'espèce, Mme X..., femme de ménage, était inapte à occuper les postes susvisés lesquels correspondaient à des postes de cadres ou d'agent de maîtrise pour lesquels même une formation complémentaire se serait avérée insuffisante.
Que compte tenu de l'éloignement géographique de la société mère située en Martinique, leur organisation et le lieu de leur exploitation ne permettaient pas d'effectuer une permutation du personnel, d'autant que tous les salariés de la société BRALOR avaient été licenciés.
Qu'en conséquence, des recherches de reclassement en interne ont bien été effectuées par l'employeur, ainsi que l'a constaté l'inspecteur du travail dans ses décisions des 19 janvier et 9 février 2011 produites au dossier (documents no 21 et 22 de Maître Y...). Qu'en conséquence, le liquidateur a satisfait à son obligation de recherche à ce niveau, contrairement à ce qu'a dit et jugé le premier juge.
Que par ailleurs, l'employeur justifie avoir également tenté des solutions de reclassement en externe, en adressant avant le licenciement de l'intimée, différents courriers aux entreprises du même secteur d'activité sur le département de la Guadeloupe (cf courriers du 22 décembre 2010 aux sociétés KRONEMBOURG ANTILLES GUYANE, SODIPA, KITRAD, SN SOPALI), en mettant en place un plan d'actions de formation coordonnées avec AGEFOS PME GUADELOUPE, et en proposant à Mme X... dans le cadre d'une convention de reclassement personnalisé, un projet de formation de reclassement avec le Pôle emploi, convention à laquelle Mme X... a refusé d'adhérer.
Qu'en conséquence, l'employeur représenté par son liquidateur, a recherché les possibilités de reclassement ouvertes à Mme X..., tant en interne qu'en externe et dès lors, n'a pas manqué à son obligation de reclassement compte tenu en outre des moyens dont il disposait et du délai de quinze jours dont il disposait.
Que le licenciement économique de Mme X... étant fondé, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a dit ledit licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et fixé la créance d'indemnité à ce titre sur la procédure collective de l'employeur.
Que Mme X... sera déboutée de sa demande d'indemnisation découlant de son licenciement.
Que compte tenu de la situation respective des parties, il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens seront supportés par Mme X..., qui succombe en ses prétentions.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré,
Dit que le licenciement de Mme Marie-Antoinette X... repose sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute Mme X... de toutes ses demandes.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dit que les entiers dépens tant de première instance que d'appel sont à la charge de Mme X....
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.