VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 22 DU TRENTE JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT
AFFAIRE No : 14/ 00983
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale de Guadeloupe du 25 février 2014.
APPELANT
Monsieur Joseph X... ......97160 LE MOULE Représenté par Maître Anis MALOUCHE (toque 125), substitué par Maître MAPANG, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART
INTIMÉS
ETABLISSEMENT NATIONAL DES INVALIDES DE LA MARINE (ENIM) 3 Place de Fontenoy 75700 PARIS CEDEX Représenté par Maître Christine FISCHER-MERLIER de la SELARL JFM (toque 34), substituée par Maître PRADEL, avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART
DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRES MARITIMES DE GUADELOUPE Imm. SCI Jarry Confort 20 Rue H. Becquerel-ZI de Jarry 97122 BAIE-MAHAULT Non comparante, non représentée.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 décembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme François Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties présentes à l'audience ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 30 janvier 2017.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie SOURIANT, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, M. X... et l'établissement national des invalides de la marine (ENIM) en ayant été préalablement avisés conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Faits et procédure :
M. X... a exercé la navigation professionnelle à la petite pêche du 30 janvier 1970 au 30 avril 1988.
Le Dr A..., le 3 Octobre 1987, constatait que M. X... présentait une photosensibilité accrue des yeux.
Il ressort d'un courrier du 14 octobre 1987, que M. X... a sollicité del'Administrateur des Affaires Maritimes d'être présenté à la commission spéciale de visite en vue de l'obtention d'une pension anticipée sur la caisse de retraite des marins, comme le prescrivait son chirurgien à compter du 1er mai 1988.
Le Docteur B..., Médecin des gens de la Mer a donc régulièrement visité Mr X... André, muni d'un certificat de son médecin traitant, pour un contrôle médical et examen clinique éventuel en vue de sa présentation devant la commission spéciale de visite.
Le Docteur B...mentionnait sur le certificat de visite que M. X... avait été examiné et qu'il était présenté à la commission spéciale de visite.
Il résulte du procès-verbal du 14 décembre 1987, de la commission spéciale de visite, que celle-ci a bien vu M. X... et a constaté que celui-ci présentait une dégradation de l'acuité visuelle à savoir pour l'oeil droit 1/ 10 sans correction et 3/ 10 avec correction, et pour l'oeil gauche 1/ 10 sans correction et 2/ 10 avec correction.
La commission émettait à l'unanimité de ses membres l'avis selon lequel M. X... était inapte à la navigation, retenant une IPP inférieure à 66 % avec risque professionnelle maritime non admis. Compte tenu de son état de services, la commission proposait une pension proportionnelle anticipée sur la caisse de retraite des marins.
Dans sa décision du 13 mai 1988, le Secrétaire d'Etat à la Mer précisait que M. X... était dans l'impossibilité de poursuivre l'exercice de la navigation, qu'il pouvait bénéficier d'une pension de retraite proportionnelle liquidée par anticipation, mais que l'intéressé présentait une réduction de moins de deux tiers de sa capacité générale de travail, et ne pouvait prétendre ni à la pension d'invalidité maladie sur la Caisse Générale de Prévoyance, ni à l'exonération du ticket modérateur au titre d'une invalidité. Il était relevé que l'affection en cause entraînant cette réduction de capacité de travail, n'avait pas son origine dans le risque professionnel maritime. Il était mentionné que compte tenu de la demande écrite de M. X..., son dossier de pension de retraite anticipée était transmis pour liquidation au centre de gestion et de règlement des pensions, la date d'effet de la pension étant fixée au 1er mai 1988.
Par décision ministérielle no4328 du 13 Mai 1988, le secrétaire d'Etat à la mer a concédé une pension anticipée sur la caisse de retraites des marins rémunérant 17, 5 annuités du salaire forfaitaire de la 4ème catégorie augmentée de 10 % pour avoir élevé 3 enfants.
Cette pension de retraite anticipée a été concédée à Mr X... depuis le 1er Mai 1988.
Dans un courrier du 1er octobre 1998, M. X..., faisant état de son âge, 57 ans, demandait au directeur de l'ENIM de lui adresser tous renseignement nécessaires pour établir un dossier de retraite.
Il lui était répondu par lettre du 8 octobre 1998 du Chef du centre des pensions, en lui rappelant la décision d'inaptitude physique à la navigation qui avait été prise et qui fixait les conditions d'attribution de la pension anticipée dont il était titulaire.
M. X... a repris la navigation professionnelle à la petite pêche à compter du 22 Octobre 2001 en qualité de patron de son propre bateau, ce qui lui a permis de continuer à toucher la pension anticipée tout en exerçant une activité.
ll a adressé à l'ENlM plusieurs courriers de révision de sa pension, sollicitant la prise en compte pour le calcul de sa pension de retraite des périodes effectuées postérieurement à la concession de la pension de retraite anticipée.
Par courrier no4732 du 29 Novembre 2011 le directeur de l'ENlM a une nouvelle fois rejeté sa demande. C'est la décision objet du recours.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe réceptionnait le 26 janvier 2012, un courrier du 24 janvier 2012, par lequel M. X... demandait la révision de sa retraite.
Par jugement du 25 février 2014, la juridiction saisie déclarait irrecevable le recours formé par M. X... à l'encontre de la décision de l'ENIM refusant de procéder à la révision de sa pension de retraite.
Par déclaration du 5 juin 2014, M. X... interjetait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 15 mai 2014.
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Par conclusions communiquées le 5 novembre 2015, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... sollicite l'infirmation du jugement déféré et entend voir condamner solidairement l'ENIM et la Direction des Affaires Maritimes à lui payer les sommes suivantes :-335 443, 70 euros au titre du manque à gagner entre le 1er mai 1988 et le 31 mars 2013,-77 329, 33 euros au titre manque à gagner financier lié à l'inflation constatée en France sur les sommes dues entre le 1er mai 1988 et le 31 mars 2015,- une retraite complète au taux de 100 % et non de 35 %, à compter du 1er avril 2015,-100 000 euros à titre de dommages et intérêts,-5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses demandes, M. X... fait valoir que les Affaires Maritimes et l'ENIM ont manqué à leur devoir de conseil et ont abusé de son état de faiblesse.
Il explique que contrairement à ce qu'a prétendu l'ENIM et à ce qu'ont retenu à tort les premiers juges, il a bien été victime d'un accident du travail en 1987, puisque c'est suite à la rupture de la corde d'un casier ayant entraîné l'introduction de poussières imbibées d'eau de mer qu'il a subi une incapacité temporaire d'exercer son métier. Il précise que l'année suivante il a retrouvé une vue totale et complète.
M. X... soutient qu'il aurait dû bénéficier du régime des accidents du travail avec une indemnisation à 100 % du revenu, s'il n'avait été abusé par un organisme qui faisait fonction de conseil, juge et partie, et qui lui a conseillé la pire des solutions, puisqu'il perçoit une retraite anticipée très nettement dévalorisée et réduite à vie à hauteur de 35 %.
Il reproche à l'ENIM de lui avoir fait croire que son inaptitude était définitive et qu'il ne s'agissait pas d'un accident professionnel. Il expose que les courriers envoyés pour demander le bénéfice de la retraite anticipée, étaient en réalité rédigés par le personnel administratif des Affaires Maritimes, lui-même étant illettré.
Selon M. X..., il n'aurait jamais été examiné par la Commission Spéciale de Visite. Il ajoute qu'il n'a pas été informé qu'il pouvait ou devait reprendre son exercice professionnel avant l'âge de 55 ans afin que ses droits à la retraite puissent être normalement revalorisés.
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Par conclusions communiquées le 16 octobre 2015, auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, l'ENIM sollicite la confirmation du jugement entrepris et entend voir rejeter les demandes de M. X.... L'ENIM demande paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ENIM relève qu'aucun des documents versés au débat n'évoque un accident du travail, et qu'au contraire les documents produits font état d'une maladie non professionnelle ayant commencé, ou du moins constatée, le 10 décembre 1985.
L'ENIM ajoute qu'il n'est nullement démontré que M. X... ait reçu de fausses informations et aurait été empêché de retrouver une activité avant l'âge de 55 ans.
L'ENIM précise qu'il résulte des dispositions du code des pensions de retraite des marins que si M. X... avait repris son activité avant 55 ans, sa pension concédée par anticipation aurait été supprimée.
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Motifs de la décision :
Aucune des pièces versées au débat, ne fait état de l'accident du travail que M. X... prétend avoir subi en 1987. La réalité de cet accident, que M. X... décrit dans ses conclusions, ne peut être considérée comme établie, les seules allégations de M. X... étant insuffisantes en l'absence d'élément les corroborant.
Ainsi toute l'argumentation développée par M. X..., selon laquelle il aurait été privé du bénéfice de la législation sur les accidents du travail et incité à solliciter l'octroi d'une pension de retraite anticipée, ne peut être suivie, étant privée de tout fondement.
Suite à un certificat médical du Docteur Guy A..., en date du 3 octobre 1987, faisant état d'une photosensibilité accrue des yeux, M. X... a signé un document daté du 14 octobre 1987, dans lequel il est demandé à l'Administrateur des Affaires Maritimes de le présenter à la commission spéciale de visite en vue de l'obtention d'une pension anticipée sur la Caisse de retraite des Marins.
Certes l'entête et le corps de ce document sont dactylographiés, et ne portent que la signature manuscrite de M. X..., mais il n'apparaît pas que celui-ci ait été soumis à de quelconques pressions ou ait pu être abusé par les services de l'Administrateur des Affaires Martimes ou par L'ENIM.
La dégradation de l'acuité visuelle de M. X... est bien réelle, puisqu'il résulte du procès-verbal du 14 décembre 1987 de la Commission spéciale de visite, que cette commission a constaté que M. X... était atteint d'une dégradation de l'acuité visuelle en précisant qu'elle avait été réduite :- pour l'oeil droit à 1/ 10 sans correction, et 3/ 10 après correction,- pour l'oeil gauche à 1/ 10 sans correction, et 2/ 10 après correction.
Il est précisé dans ce procès-verbal signé par les membres de la commission composée de cinq membres dont deux médecins, qu'ils ont pris connaissance du dossier, et qu'ils ont statué après que M. X... se soit retiré, décidant à l'unanimité que celui-ci était inapte à titre définitif à la navigation, en précisant que son Incapacité Partielle Permanente était inférieur à 66 %, et que le risque professionnel était non-admis. Compte tenu des états de service de l'intéressé, cette commission proposait, une pension proportionnelle anticipée sur la Caisse de Retraite des Marins.
Il ressort des éléments médicaux rappelés dans la fiche de renseignements destinée au Conseil Supérieur de Santé, que le début de la maladie dont est atteint M. X... remonte au 10 décembre 1985 et que les prestations qui lui ont été servies à ce titre, se sont étendues du 13 décembre 1985 au 11 septembre 1986, puis du 7 avril 1987 au 30 avril 1988, ce que ne conteste pas M. X..., et ce qui montre que l'affection dont il souffre remonte à une période antérieure à l'accident dont il est allégué qu'il serait survenu en 1987, sans autre précision.
Il ne peut donc être allégué par M. X... qu'il aurait été trompé par les services administratifs, qui auraient occulté l'existence d'un accident du travail, pour l'inciter à solliciter l'octroi d'une pension proportionnelle de retraite anticipée.
Au demeurant M. X... n'a pas été en mesure de reprendre une activité de marin pêcheur embarqué dans les années qui ont suivi la décision d'octroi de sa pension de retraite proportionnelle anticipée.
S'il a sollicité, auprès de l'Administrateur des Affaires Maritimes, par courrier du 17 juillet 1997, l'établissement d'une attestation d'ouverture de rôle d'équipage du bateau de pêche CHITA, il précise qu'il y figurait en tant que propriétaire non embarqué.
Ainsi le 1er octobre 1998, soit 10 ans après l'octroi de son titre de pension de retraite anticipée, M. X... qui n'avait pas repris d'activité de marin-pêcheur embarqué, demandait des renseignements à l'ENIM au sujet de sa retraite en faisant état du fait qu'il avait atteint l'âge de 57 ans et voulait à nouveau constituer un dossier.
Cette démarche montre bien que M. X... n'était toujours pas en état de reprendre l'activité de marin.
Il lui était répondu par l'ENIM, par courrier du 8 octobre 1998, que le fait d'atteindre l'âge de 57 ans ne lui ouvrait pas de droit supplémentaire quant au calcul des caractéristiques de cette pension.
Sans doute son état de santé a-t-il pu s'amélioré par la suite, puisqu'il apparaît avoir repris la navigation en 2001.
Toutefois, contrairement à ce que soutient M. X... dans ses conclusions, il ne ressort d'aucun des courriers qui lui ont été adressé par l'ENIM qu'il lui aurait été conseillé d'attendre 55 ans pour reprendre ses activités.
Au demeurant pour soutenir cette argumentation, M. X... ne vise aucun courrier de l'ENIM, mais seulement les explications fournies par cet intimé dans ses conclusions, dans lesquelles il est rappelé que la pension proportionnelle concédée par anticipation est supprimée si l'intéressé reprend avant l'âge de 55 ans l'exercice de la navigation professionnelle (page 10 des conclusions de l'ENIM).
En effet l'article R. 13 dernier alinéa du code des pensions de retraite des marins édicte que lorsque le marin qui a demandé sa pension avant l'âge de cinquante-cinq ans reprend la navigation avant cet âge, le paiement de celle-ci est suspendu jusqu'à la cessation de l'activité ou jusqu'à ce que l'intéressé ait atteint cinquante-cinq ans.
Si à de nombreuses reprises M. X... a sollicité l'attribution d'un complément de pension en voulant produire un dossier de retraite (courriers des 1er octobre 1998, 24 février 2003, 12 septembre 2007, 12 décembre 2007, 24 avril 2008), il a été expliqué par plusieurs courriers adressés en réponse par l'ENIM d'une part les modalités de calcul de la pension de M. X..., à savoir selon les dispositions réglementaires (R. 4 du code des pensions de retraite des marins), 2 % du salaire annuel par année de service, soit pour 17, 5 annuités, 35 % du salaire forfaitaire de la 4 ème catégorie, et d'autre part que cette pension était attribuée à titre définitif, en précisant que si le titulaire de la pension peut dès l'âge de 55 ans reprendre une activité dont les émoluments sont cumulables avec le montant de la pension, les services ainsi effectués dans une activité similaire à celle pour laquelle la pension a été obtenue, n'entreront pas en compte dans le calcul de celle-ci et aucune révision ne peut être effectuée (courriers de l'ENIM des 8 octobre 1998, 4 mars 2003, 3 décembre 2007, 2 juin 2008, 20 juillet 2009, 25 août 2011).
Il ressort ainsi de l'échange des courriers entre les parties que M. X... a été parfaitement informé de ses droits, et qu'à aucun moment M. X... n'a été induit en erreur par les informations données par l'ENIM ou par l'Administration des Affaires Maritimes.
Les sollicitations réitérées et insistantes de M. X..., montrent que celui-ci ne présentait pas d'état de faiblesse, montrant sa détermination à obtenir satisfaction.
En conséquence il ne peut être fait droit, au regard des dispositions réglementaires, à la demande de M. X... tendant à une réévaluation du montant de sa pension de retraite, ni à sa demande de dommages et intérêts. Le jugement entrepris sera donc confirmé.
L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel de M. X...,
Au fond,
Confirme le jugement du 25 février 2014,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.
Le Greffier, Le Président,