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30/01/2017 | FRANCE | N°15/00938

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 30 janvier 2017, 15/00938


VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 29 DU TRENTE JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 15/ 00938
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 7 mai 2015- Section Industrie
APPELANTE
SARL SARS Route de Chazeau-Immeuble Corail 97139 ABYMES Dispensée de comparaître en application des dispositions des article 446-1 et 946 du Code de Procédure Civile

Ayant pour avocat Maître Gérard PLUMASSEAU (toque 16), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART
INTIMÉ
Monsieur Joséli

to Y... ...97139 ABYMES Représenté par Maître Nicolas FLORO (toque 29), avocat au barreau de ...

VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 29 DU TRENTE JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT

AFFAIRE No : 15/ 00938
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 7 mai 2015- Section Industrie
APPELANTE
SARL SARS Route de Chazeau-Immeuble Corail 97139 ABYMES Dispensée de comparaître en application des dispositions des article 446-1 et 946 du Code de Procédure Civile

Ayant pour avocat Maître Gérard PLUMASSEAU (toque 16), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART
INTIMÉ
Monsieur Josélito Y... ...97139 ABYMES Représenté par Maître Nicolas FLORO (toque 29), avocat au barreau de GUADELOUPE/ ST MARTIN/ ST BART (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/ 001951 du 15/ 07/ 2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller.

Les parties présentes à l'audience ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 30 janvier 2017.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie SOURIANT, greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, Monsieur Josélito Y... en ayant été préalablement avisé conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

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Faits et procédure :
Il résulte des pièces versées au débats que M. Y... a été engagé par la Société SARS par contrat à durée déterminée de chantier d'un an à compter du 26 mai 2009. La relation de travail se poursuivait par la suite dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 27 mai 2010, confirmé par courrier du 6 octobre 2010 de l'employeur.
M. Y... produit au débat un courrier daté du 8 août 2012, dans lequel il rappelait à son employeur que le 31 juillet 2012, il avait dû quitter le chantier en raison des conditions météorologiques et en l'absence d'équipements adéquats. Il précisait dans ce courrier que bien que son employeur lui ait dit que s'il quittait le chantier il ne pourrait retourner dans l'entreprise, il s'était présenté le lendemain 1er août 2012, mais il s'était alors vu interdire l'accès au chantier, son employeur lui ayant indiqué qu'il lui avait adressé un courrier.
Il résulte de ce même courrier que M. Y... se serait présenté le 6 août 2012, mais qu'il s'était vu à nouveau interdire l'accès au chantier. Il indiquait avoir alors reçu le courrier de son employeur expédié le 3 août 2012 lui notifiant son licenciement pour faute grave. M. Y... considérait qu'il avait fait l'objet d'un licenciement verbal qui était, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, nécessairement abusif.
Par courrier du 5 septembre 2012, l'employeur relevant que M. Y... était resté absent malgré le courrier du 13 août 2012, qu'il avait reçu le 18 août 2012, convoquait M. Y... pour le 20 septembre 2012, en vu d'un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Par courrier du 25 septembre 2012, l'employeur notifiait à M. Y... son licenciement pour faute grave.
Le 25 septembre 2012, M. Y... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre aux fins d'obtenir paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive ainsi que des rappels de rémunérations et des indemnités de fin de contrat.
Par jugement du 7 mai 2015, la juridiction prud'homale condamnait la Société SARS à payer à M. Y... les sommes suivantes :-29930, 26 euros à titre de rappel de salaire,-8790, 78 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-5714, 07 euros d'indemnité de congés payés,-2930, 26 euros d'indemnité de préavis,-879, 07 euros d'indemnité légale de licenciement,-549 euros d'indemnité liée à la perte de chance d'utiliser les droits acquis au titre du DIF.

Il était en outre ordonné la remise, sous astreinte, à M. Y... de ses fiches de paie, de son attestation Pôle Emploi, de sa lettre de licenciement et de son certificat de travail.
Par déclaration du 19 juin 2015, la Société SARS interjetait appel de ce jugement qui lui avait été notifiée le 21 mai 2015.
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Par conclusions communiquées le 28 mai 2016 à la partie adverse, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société SARS sollicite le réformation du jugement déféré et le rejet des demandes de M. Y.... Elle réclame paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, la Société SARS conteste le licenciement verbal allégué par M. Y... et fait valoir que la lettre de licenciement circonscrit le litige, précisant que M. Y... est coutumier des agressions verbales et des menaces.
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Par conclusions communiquées à la partie adverse le 15 février 2016, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. Y... sollicite la confirmation du jugement entrepris et réclame paiement de la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, et une somme de même montant au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses demandes M. Y... expose qu'après avoir exercé son droit de retrait sur le chantier de Sainte-Rose le 31 juillet 2012, il s'est présenté à son poste de travail dès le lendemain et s'est vu interdire l'accès au chantier par le gérant de la Société SARS, et cela sans avoir préalablement fait l'objet d'une sanction disciplinaire.
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Motifs de la décision :
Sur la rupture du contrat de travail :
M. Y... invoque l'exercice d'un droit de retrait, en expliquant qu'avec plusieurs collègues il cassait des blocs de béton au marteau-piqueur, et qu'il était face à un danger lié à la manipulation de ces engins sous la pluie, en l'occurrence une électrocution.
Toutefois il ne ressort d'aucune des pièces versées au débat que M. Y... ait entendu exercer un droit de retrait le 31 juillet 2012. En effet s'il exprime dans un courrier daté du 8 août 2012, censé avoir été envoyé par plis recommandé avec avis de réception, le fait qu'il avait des vêtements mouillés et les pieds pataugeant dans la boue, et l'absence de vêtements adéquats, il ne fait nullement état dans ce courrier d'un danger grave et imminent.

Comme le relève l'employeur, il apparaît en fait que M. Y..., ne voulant pas travailler sous la pluie, a décidé avec un collègue, M. A..., de quitter le chantier. Au demeurant si un exemplaire du courrier daté du 8 août 2012, est versé au débat, l'employeur conteste qu'il lui ait été adressé un tel courrier, relevant que M. Y... ne justifie ni de son envoi, ni de sa réception. En effet le salarié s'est abstenu de produire le récépissé de dépôt de cette soi-disant lettre recommandée, et il ne verse au débat aucun avis de réception concernant ce courrier.

Ainsi il est établi et non contesté que M. Y..., en compagnie de M. A..., a quitté le chantier le 31 juillet 2012, en faisant valoir qu'il pleuvait et qu'il n'avait pas de vêtements adéquats.
Les conditions de l'exercice d'un droit de retrait, et l'intention de se prévaloir d'un danger grave et imminent ne sont nullement établies.
Par contre ce qui est certain c'est que si M. Y... s'est effectivement présenté sur le chantier le lendemain 1er août 2012, il a quitté le jour même son poste de travail, le salarié prétendant que l'accès lui en a été interdit, et l'employeur faisant valoir que ce jour là, M. Y... s'est lancé dans des invectives, actes d'intimidation et d'insubordination vis-à-vis de l'employeur, en tentant notamment de lui barrer la route, et qu'en raison de cet événement violent, il a été enjoint à M. Y... et M. A...de partir du chantier suite à leur comportement agressif.
Selon l'employeur, il aurait été envoyé un courrier du 13 août 2012, par lequel M. Y... aurait été invité à reprendre son travail. Cependant l'employeur est dans l'incapacité de produire un tel courrier.
Il apparaît ainsi que l'initiative de la rupture du contrat de travail doit être imputée à l'employeur. Par ailleurs dans sa lettre de licenciement du 25 septembre 2012, l'employeur reproche à M. Y... :- les esclandres et l'insubordination dont il est coutumier, par exemple le 1er août 2012, le salarié ayant volontairement, dans une logique de rapport de forces, placé une nouvelle fois son véhicule pour barrer la route au directeur de la Société SARS,- son absence injustifiée depuis le " 20 septembre 2012 ", malgré le courrier du 13 août 2012 par lequel le salarié était invité à reprendre le travail.

Toutefois, si l'employeur produit des courriers recommandés avec avis de réception, en date des 27 juillet 2010, 7 janvier 2011, 9 mars 2011, 23 septembre 2011, 18 et 31 octobre 2011, par lesquels il est notifié à M. Y... des avertissements et l'engagement à plusieurs reprises, de procédures de licenciement, en raison notamment " d'une inconstance récurrente de sa productivité ", de son incapacité à mener les phases de travail dans les temps impartis, de son opposition aux consignes, de ses absences et retards sur les chantiers, de son comportement violent et vindicatif à l'égard de la direction de l'entreprise, de tentative de détournement de matériels sur un chantier, l'employeur ne rapporte pas la preuve de la réalité de ses allégations contenues dans la lettre de licenciement, à savoir les esclandres et insubordination reprochées le 1 er août 2012 et l'absence injustifiée en août et septembre 2012, aucune mise en demeure n'ayant été adressé au salarié, contrairement à ce que prétend l'employeur..

Pour ce qui est des griefs portant sur des faits antérieurs au 31 juillet 2012, il y a lieu de constater que les manquements reprochés par l'employeur, ont déjà fait l'objet de sanctions disciplinaires (avertissements), ou bien de l'engagement de procédures de licenciement, à la poursuite desquelles la Société SARS a finalement renoncé.

En conséquence la réalité des comportements non déjà sanctionnés, reprochés à M. Y..., dans la lettre de licenciement, n'étant pas suffisamment établie, il y a lieu de constater que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes pécuniaires de M. Y... :
Il a été indiqué ci-avant que l'initiative de la rupture du contrat de travail était en l'espèce imputable à l'employeur, puisque celui-ci reconnaît (page 5 de ses conclusions) qu'il a enjoint à M. Y... de quitter le chantier.
Par ailleurs l'employeur ne justifie pas avoir invité ou mis en demeure le salarié de reprendre son travail.
Il ressort de ces constatations que l'employeur a privé M. Y... de la possibilité de reprendre son travail salarié à compter du 1er août 2012. M. Y... est donc fondé à réclamer le paiement de son salaire du mois d'août, ainsi d'ailleurs que son salaire du mois de juillet, les bulletins de salaire produits montrant que des paiements partiels seulement ont été versés à M. Y..., à savoir 829, 43 euros pour le mois de juillet 2012 et 940, 70 euros pour le mois d'août 2012, alors que le salaire brut mensuel s'élevait à la somme de 1465, 13 euros.
Il sera donc alloué au salarié, à titre de rappel de salaire pour les mois de juillet et août 2012 la somme globale de 1 160, 13 euros.
En outre une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaire étant due à l'intéressé en application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, sur la base d'un salaire mensuel de 1465, 13 euros qu'il aurait normalement perçu s'il avait continué à travailler pendant le préavis, l'indemnité allouée à ce titre par les premiers juges est justifiée.
Il est également dû à M. Y..., en vertu des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, une indemnité légale de licenciement telle que fixée par les premiers juges.
Il ressort de l'examen des bulletins de salaire produits au débat, qu'au 31 août 2012, il restait à M. Y..., à prendre 97, 50 jours de congés payés. Compte tenu des deux mois de préavis donnant lieu également à l'octroi d'une indemnité compensatrice de congés payés, il est dû au total à M. Y... la somme de 5006, 10 euros à titre d'indemnité compensatrice de congé payé. Il appartient à l'employeur de faire prendre en charge, le cas échéant, par la caisse de congés payés du bâtiment et des travaux publics le montant de cette indemnité.
Contrairement aux dispositions de l'article L. 6323-19 du code du travail, l'employeur n'a pas fait figurer dans la lettre de licenciement, les droits du salarié en matière de droit individuel à la formation.
Compte tenu de l'ancienneté de M. Y... qui remonte au 26 mai 2009, celui-ci avait acquis, en application de l'article L. 6323-1 du code du travail, 60 heures de droit individuel. L'indemnisation du préjudice résultant de la perte de chance de bénéficier de la formation correspondante sera fixée à la somme de 549 euros par référence aux dispositions des articles L. 6332-14 et D. 6332-87 du code du travail.
L'indemnité allouée par les premiers juges à hauteur de la somme de 8790, 78 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, étant conforme aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail fixant une indemnité minimale, doit être confirmée.
Compte tenu du comportement fréquemment vindicatif et agressif de M. Y..., comme le montrent les procédures disciplinaires antérieures non contestées, l'exclusion de l'intéressé du chantier en cours le 1er août 2012, ne peut être considéré comme étant vexatoire. En conséquence le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il porte rejet de la demande de paiement de dommages et intérêts formée par M. Y... au titre d'un licenciement vexatoire.
Il ne ressort pas des éléments du débat que l'employeur ait délivré à M. Y... un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi. Il en sera ordonné la remise au salarié, sous astreinte.
Compte tenu du comportement habituellement virulent et agressif de M. Y..., comme il a été relevé ci-avant, il ne paraît pas inéquitable de débouter M. Y... de sa demande de paiement d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par la Société SARS,
Confirme le jugement déféré, sauf à fixer à :
-1 160, 13 euros le rappel de salaire alloué à M. Y... au titre des mois de juillet et août 2012,
-5006, 10 euros le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés allouée à M. Y...,
Y ajoutant,
Ordonne la remise par la Société SARS, à M. Y..., dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi, chaque jour de retard passé ce délai, étant assorti d'une astreinte de 20 euros par jour,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société SARS,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.
le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/00938
Date de la décision : 30/01/2017
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2017-01-30;15.00938 ?
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