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02/09/2024 | FRANCE | N°22/00073

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 02 septembre 2024, 22/00073


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT N° 152 DU DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE



AFFAIRE N° : RG 22/00073 - N° Portalis DBV7-V-B7G-DMVK



Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 15 décembre 2021 - section activités diverses -



APPELANT



Monsieur [K] [M]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Maître Chantal BEAUBOIS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART - Toque 3 -



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000068 du 11/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)



INTIMÉE



S.A.R.L. OUEST...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT N° 152 DU DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

AFFAIRE N° : RG 22/00073 - N° Portalis DBV7-V-B7G-DMVK

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 15 décembre 2021 - section activités diverses -

APPELANT

Monsieur [K] [M]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Maître Chantal BEAUBOIS, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART - Toque 3 -

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/000068 du 11/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

INTIMÉE

S.A.R.L. OUEST INDIES SECURITE PRIVEE, prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Maître Christophe CUARTERO, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART - Toque 101 -

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 mai 2024 , en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,

Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Mme Valérie Marie Gabrielle, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 1er juillet 2024, date à laquelle la mise à disposition de la décision a été prorogée au 2 septembre 2024.

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.

Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE.

Par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel en date du 19 décembre 2017 à effet du même jour et jusqu'au 28 février 2018, Monsieur [K] [M] a été embauché par la société Ouest Indies Sécurité Privé en qualité d'agent d'exploitation aéroportuaire à l'aéroport [5] en raison d'un surcroît d'activité.

Par un avenant en date du 28 février 2018, le contrat à durée déterminée à temps partiel dont bénéficiait Monsieur [K] [M] a été prolongé jusqu'au 31 août 2018, aux mêmes conditions et pour les mêmes raisons.

Les parties s'accordent pour dire que le contrat a été renouvelé le 31 août 2018 jusqu'au 1er mars 2019, puis le 1er mars 2019 jusqu'au 31 août 2019 et, enfin, le 1er septembre 2019 jusqu'au 31 décembre 2019.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 23 octobre 2019, Monsieur [K] [M] était convoqué à un entretien préalable à une mesure pouvant aller jusqu'à la rupture du contrat de travail et mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 novembre 2019, Monsieur [K] [M] se voyait notifier la rupture anticipée de son contrat de travail à durée déterminée pour faute grave.

Monsieur [K] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre par une requête du 19 février 2020 aux fins de requalification de son contrat de travail initial en contrat à durée indéterminée à temps complet, de contestation des circonstances de la fin de son contrat de travail et de condamnation de son employeur au paiement de divers rappels de salaire et indemnités.

Par jugement en date du 15 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :

« - dit et jugé que le salarié était justifié dans l'administration de la preuve qui lui incombe d'établir une requalification de son contrat à durée déterminée à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel,

dit et jugé que le salarié n'apportait pas la preuve d'une relation sous forme de travail dissimulé,

requalifié le contrat de travail de Monsieur [K] [M] en contrat de travail à durée indéterminée,

prononcé la requalification du contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur [M] en contrat de travail à temps partiel,

en conséquence a :

condamné la société Ouest Indies Sécurité Privée, en la personne de son représentant légal, à payer à Monsieur [K] [M] les sommes suivantes :

812,05 euros au titre de l'indemnité de requalification,

1 000 euros au titre d'indemnité sur l'article 700 du code de procédure civile,

débouté Monsieur [K] [M] de toutes ses autres demandes,

débouté la partie défenderesse de toutes ses demandes, fins et prétentions,

condamné la partie défenderesse aux entiers dépens de l'instance. »

Par déclaration notifiée par le réseau privé virtuel des avocats le 27 janvier 2022, Monsieur [K] [M] a relevé un appel partiel du jugement qu'il déférait.

Par avis en date du 9 mars 2022, il a été demandé à l'appelant de faire signifier sa déclaration d'appel à la société Ouest Indies Sécurité Privée dans le mois de la réception de celui-ci.

Par acte notifié par le réseau privé virtuel des avocats le 10 mars 2022, la société Ouest Indies Sécurité Privée a constitué avocat.

1Le magistrat en charge de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction le 18 avril 2024 et a renvoyé la cause et les parties à l'audience du 6 mai 2024, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES.

Vu les dernières conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 11 octobre 2023, par lesquelles Monsieur [K] [M] demande à la cour :

de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée,

d'infirmer le jugement rendu pour le surplus,

Et statuant de nouveau,

de prononcer la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps plein,

de dire que le licenciement prononcé est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

de condamner la société Ouest Indies Sécurité Privée à lui verser :

3 248,22 euros au titre de l'indemnité de requalification de l'article L 1245-2 du code du travail,

15 765,75 euros au titre des rappels de salaire et 1 576,57 euros au titre des congés payés afférents,

9 744,67 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé prévue par l'article L 8223 du code du travail,

812,05 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

3 248,22 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 324,82 euros de congés payés afférents,

5 684,38 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1 624,11 euros au titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire,

1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Vu les dernières conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 16 janvier 2024 par lesquels la société Ouest Indies Sécurité Privée demande à la cour :

de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

de débouter Monsieur [K] [M] de l'ensemble de ses demandes,

de condamner Monsieur [K] [M] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour le surplus des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION.

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

Il sera relevé que tant Monsieur [K] [M] que la société Ouest Indies Sécurité Privée sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a prononcé la requalification du contrat de travail du salarié en contrat de travail à durée indéterminée.

*

L'article L 1245-2 du code du travail dispose en son alinéa 2 que lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire (').

Il est de jurisprudence constante sur ce point, qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs, il n'est dû qu'une seule indemnité de requalification (C. cass. Ch. Soc. 25 mai 2005, pourvoi n°03-43.116).

Monsieur [K] [M] demande une indemnité de requalification équivalente à quatre mois de salaire non, selon lui, en raison de l'existence de quatre contrats à durée déterminée successifs, mais en raison du préjudice qu'il a subi et dont la réparation excéderait le plancher de l'indemnisation. Le juge peut effectivement accorder une indemnité d'un montant supérieur à un mois de salaire si le préjudice subi par le salarié le justifie. Monsieur [K] [M] soutient, sans en faire la preuve, qu'il aurait sollicité la conclusion d'un contrat à durée indéterminée à plusieurs reprises. Il affirme également, sans l'établir, que les conséquences de la violation des dispositions relatives au contrats à durée déterminée auraient été telles qu'« il se serait fait licencier pour avoir réagi à la déloyauté de son employeur ».

En l'état de l'absence d'éléments produits par Monsieur [M] à l'appui de la démonstration du préjudice qu'il dit avoir subi, le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre sera confirmé s'agissant du montant de l'indemnité de requalification qu'il a fixé à un mois de salaire.

Sur la requalification du contrat de travail de Monsieur [K] [M] en contrat de travail à temps complet.

L'article L 3123-6 du code du travail dispose que :

« Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123.22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat. »

La requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée n'atteint pas les dispositions qui concernent la durée et la rémunération qui sont déterminées dans le cadre de chaque contrat à durée déterminée.

En l'espèce, dans le cadre du contrat initial à durée déterminé à temps partiel consenti à Monsieur [K] [M] le 19 décembre 2017, il était précisé à l'article 2 que la durée de travail de Monsieur [K] [M] serait déterminée en fonction du planning remis (pièce 2 de Monsieur [K] [M]).

Les avenants successifs signés par Monsieur [K] [M] ont tous fait référence à une durée de travail en fonction du planning remis (pièces 3, 4 et 5 de Monsieur [K] [M])

Ainsi que le relève, à juste escient, Monsieur [K] [M], le contrat de travail qui ne mentionne pas la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail et sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois laisse présumer que l'emploi est à temps complet.

Dans cette hypothèse, il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et, d'autre part, de ce que le salarié n'a pas été placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

La société Ouest Indies Sécurité Privée a produit en pièce 4 les plannings individuels de Monsieur [M] pour toute la période considérée. En bas de chaque planning était précisé que celui-ci n'était pas définitif, que les heures totales n'étaient que virtuelles et qu'il pouvait subir des modifications pour les besoins du service.

La lecture des plannings démontre qu'il n'y avait aucune stabilité et aucune régularité s'agissant des horaires de travail de Monsieur [K] [M]. Ainsi, pour le mois d'avril 2019, le planning prévoyait 37.41 heures de travail tandis que, pour le mois suivant, il en prévoyait 70 heures 26.

Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de savoir à quel moment les plannings étaient remis à Monsieur [K] [M].

Enfin et surtout, les bulletins de salaires produits par Monsieur [M] ne correspondaient pas forcément aux horaires indicatifs des plannings.

Ainsi le planning du mois d'avril 2018 prévoyait 18,25 heures de travail mais le bulletin de paie pour le mois considéré fait état de 99,09 heures. Le planning du mois de juillet 2018 établit que Monsieur [M] devait effectuer 30,27 heures tandis que son bulletin de salaire démontre qu'il en a effectué 49. Le planning du mois de décembre 2018 prévoyait que Monsieur [M] effectuerait 85,25 heures de travail mais le bulletin de salaire pour le mois considéré montre que le salarié en a effectué 101,08. Le planning du mois de janvier 2019 prévoyait 155 heures de travail et le bulletin de salaire pour le mois considéré démontre que Monsieur [M] a travaillé 101,08 heures. Le planning du mois de mois de mars 2019 prévoyait 28,10 heures et le bulletin de salaire du mois considéré montre que Monsieur [M] a finalement effectué 109,02 heures de travail. Pour le mois d'avril 2019, le planning prévoyait 37,41 heures tandis que le bulletin de paie du mois considéré fait état de 100,10 heures travaillées. Pour le mois de juin 2019, le planning prévoyait 43,55 heures de travail tandis que le bulletin de salaire y afférent indique que Monsieur [M] en a finalement effectué 73,44. Pour le mois d'août 2019, le planning prévoyait 115,22 heures de travail Or Monsieur [M] en a effectué réellement 90,37 heures conformément au bulletin de paie pour le mois considéré.

La société West Indies Sécurité Privée échoue, en conséquence, à renverser la présomption d'emploi à temps complet.

Le contrat de travail de Monsieur [M] sera donc requalifié en contrat de travail à temps complet.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre sera donc infirmé en ce qu'il a écarté la demande de Monsieur [K] [M] tendant à la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.

III. Sur la demande de rappel de salaire.

Par sa pièce 11, Monsieur [K] [M] a reconstitué pour chacun des mois qu'il a travaillés au sein de la société West Indies Sécurité Privée, le salaire qui aurait été le sien s'il avait travaillé à temps complet. Il sollicite un rappel de salaire sur la partie qu'il n'a pas perçue.

La société West Indies Sécurité Privée ne forme aucune observation sur le quantum de la somme réclamée par Monsieur [M].

L'employeur sera condamné à payer à Monsieur [K] [M] la somme de 15 765,75 euros à titre de rappel de salaire, outre celle de 1 576,58 euros au titre de l'incidence des congés payés.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 15 décembre 2021 sera donc infirmé en ce qu'il a écarté la demande de rappel de salaire formée par Monsieur [K] [M].

IV. Sur l'indemnité de travail dissimulé.

L'article L 8221-5 du code du travail dispose que :

« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales. »

L'article L 8223.-1 du code du travail édicte que :

« En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221.5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. »

Monsieur [K] [M] déduit de la seule requalification de ses contrats de travail à durée déterminée à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet que l'employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé.

Cependant, il ne caractérise d'aucune façon le caractère intentionnel nécessaire à l'application des dispositions précitées.

La société West Indies Sécurité Privée a certes méconnu les dispositions des articles L 1242-1 et suivants du code du travail. Pour autant, il n'est pas contesté qu'elle a toujours procédé aux déclarations préalables à l'embauche et délivré des bulletins de paie à son salarié lesquels ont toujours comporté le nombre exact d'heures accomplies par ce dernier et au tarif convenu entre eux même quand les plannings n'étaient pas respectés. Dès lors qu'il n'est pas établi que l'employeur aurait voulu se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales, l'élément intentionnel n'est pas caractérisé.

Monsieur [K] [M] sera donc débouté de sa demande d'allocation de la somme de 9 744,67 euros.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 15 décembre 2021 sera confirmé en ce qu'il a écarté la réclamation de Monsieur [M] au titre des dispositions précitées.

V. Sur la rupture du contrat de travail.

La requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée conduit à appliquer à la rupture du contrat les règles régissant le licenciement. Il appartient donc au juge d'apprécier la légitimité de la rupture, c'est-à-dire son caractère réel et sérieux.

En d'autres termes, le juge doit rechercher si la lettre de rupture des relations contractuelles vaut lettre de licenciement et si les motifs de rupture énoncés constituent des griefs matériellement vérifiables permettant de décider si le licenciement a une cause réelle et sérieuse (Soc 20 octobre 2015 ' 14-23.712)

Sur la lettre de rupture anticipée pour faute grave.

 

Aux termes des dispositions de l'article L 1235-2 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement ; dès lors, ladite lettre sera ci-après reproduite :

 

« Monsieur,

Nous vous avons reçu le 5 novembre 2019 pour l'entretien préalable à la mesure de rupture anticipée de votre contrat de travail que nous envisageons de prendre à votre encontre.

Malgré les explications que vous nous avez fournies, nous avons décidé de mettre fin à votre contrat de travail pour les raisons suivantes :

Le 17 octobre 2019, alors que vous étiez dans l'attente de deux agents de la société Orange, vous vous êtes rendu coupable de faits particulièrement violents et graves.

Tout d'abord, en présence de votre superviseur, Monsieur [S] [U], vous avez proféré des insultes à l'encontre des personnes qui étaient autour de vous et avez adopté un comportement très agressif, en mimant des coups de poing et feignant de vous cogner la tête contre le mur à votre portée. Vous avez indiqué à votre superviseurque dorénavant, vous n'aviez « aucun respect pour Monsieur [O] » compte tenu du fait que vous n'étiez pas en contrat indéterminée et qu'« il [Monsieur [O]] allait regretter ce geste ».

Par la suite, alors que je me rendais sur le lieu de prestation des agents de la société Orange où vous vous situiez, vous avez directement proféré des menaces et insultes en langue créole, à mon encontre , en ces termes : « ou ké rété la et ou ke kouté sa en ni a di vous, ou ka pren moin pou on couyion ou pa janmé fais moins confiance dépi en lé pif la et tout moun dis moins sa, ou pas on moun correct et ou ké payé sa ou ka ban moin papier en moin pou moin foucan. »

Je vous proposais de discuter à la fin de la prestation effectuée par les agents considérés, ce que vous avez catégoriquement refusé et vous avez alors décidé de me suivre alors que je partais, laissant ces agents sans surveillance.

Vous aviez pourtant conscience de votre obligation de surveiller la présence de ces derniers puisque leur intervention se faisant sur la piste d'atterrissage en « partie critique zone à accès réservée », ces derniers, titulaires d'un titre de circulation provisoire devaient impérativement être escortés par un membre du personnel titulaire du titre de circulation aéroportuaire permanent (TCA rouge).

Vous avez alors fait courir des risques à la société (contravention, manquement aux règles de sûreté, retrait de l'agrément de la société) que vous connaissiez parfaitement.

Pour mémoire, ce n'est pas la première fois que nous avons constaté de tels comportements fautifs de même nature de votre part puisque vous avez d'ores et déjà fait l'objet de plusieurs avertissements oraux et d'un avertissement écrit en date du 17 juillet 2019, suite à des propos irrespectueux que vous avez tenus à l'égard d'autres agents en poste sur la plateforme aéroportuaire.

Vous n'avez malheureusement pas modifié votre comportement.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire dans l'entreprise.

Vous cesserez de faire partie de l'entreprise à la date de la présente notification, soit le 14 novembre 2019, et nous tenons à votre disposition votre certificat de travail et votre reçu pour solde de tout compte ainsi que les salaires et les indemnités de congés payés qui vous seraient éventuellement dus.

Nous vous rappelons qu'en raison de la gravité des faits qui vous sont reprochés, vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire depuis le 17 octobre 2019. Par conséquent, le salaire correspondant à la période pendant laquelle nous vous aurons mis à pied à titre conservatoire ne vous sera pas versé.

Nous vous prions de croire, Monsieur, en l'expression de notre considération distinguée. »

*

La faute grave est définie comme celle qui rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations du travail.

L'employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve.

*

C'est à juste escient que la société Ouest Indies Sécurité Privée rappelle que les insultes proférées en public relèvent de la faute grave et ce d'autant plus lorsqu'elles s'accompagnent de gestes mimant des coups de tête ou de poing.

Après avoir indiqué que l'employeur ne produisait aucun élément à l'appui de ses griefs, Monsieur [K] [M] souligne « qu'il ne s'est pas mis à être agressif sans raison » et qu'il « était dans un état qui était provoqué par l'attitude et les décisions injustes et abusives de son employeur. ». Il concède « être sorti de ses gonds »

Il poursuit en indiquant que « quand il a réalisé qu'il était la victime du comportement déloyal de son employeur, l'émotion, la déception puis la colère l'ont submergé. »

Il admet aussi une « perte de contrôle ».

Il met en lien ce comportement avec le fait qu'un contrat à durée indéterminée ne lui ait pas été concédé.

La société Ouest Indies Sécurité Privée produit aux débats l'attestation de Monsieur [S] [U] qui a été directement témoin des faits reprochés à Monsieur [M] le 17 octobre 2019. Il évoque le « comportement agressif » de Monsieur [M] qui « vociférait » et « gesticulait ».

Il ajoute qu'il « était très en colère et critiquait Monsieur [O] qui avait pris la décision de passer en CDI des agents ».

Il dit encore que « par son comportement, il créait un certain trouble à l'ordre public car toutes les personnes prenaient le large pour l'éviter ».

Monsieur [U] indique qu'il a prévenu le gérant de la société ' Monsieur [O] ' et que sa venue a attisé la colère de Monsieur [M] qui lui a fait le reproche de ne pas lui avoir consenti de contrat à durée indéterminée (pièce 7 de l'intimé). Monsieur [U] dit encore que Monsieur [M] s'en est pris à lui en ces termes : « Tu n'es rien, pour qui tu te prends, tu es une merde, fais attention, tu auras des problèmes avec moi »

La décision de l'employeur était d'autant plus légitime que Monsieur [M] avait déjà fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour des propos irrespectueux à l'égard du personnel en place sur le poste d'inspection filtrage de l'aéroport (pièce 1 de l'intimé). Monsieur [M] n'a élevé aucun recours contre cette sanction.

Le parti pris de l'employeur de ne pas consentir à Monsieur [M] un contrat de travail à durée indéterminée ne pouvait justifier la réaction disproportionnée de celui-ci. La société Ouest Indies Sécurité Privée produit le témoignage de l'un de ses salariés, Monsieur [C] [E], qui affirme que l'employeur a donné sa chance à Monsieur [M] mais que celui-ci était toujours en conflit avec ses collègues et le personnel de l'aéroport. Il affirme avoir été témoin des agissements désagréables de Monsieur [M] et, même, en avoir été victime (pièce 7 de l'intimée). Un autre salarié, Monsieur [G] [I], confirme que Monsieur [M] n'avait pas un comportement exemplaire.

C'est à juste titre que le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a jugé que Monsieur [K] [M] s'était, le 17 octobre 2019, rendu coupable de faits d'une gravité telle qu'ils justifiaient son licenciement pour faute grave prononcé à son encontre.

Le jugement sera dès lors confirmé.

Monsieur [K] [M] sera débouté de sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents, au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et au titre du rappel de salaire pour la période de la mise à pied conservatoire.

VI. Sur les frais irrépétibles et les dépens.

La société Ouest Indies Sécurité Privée qui succombe partiellement en appel sera condamnée à verser à Monsieur [K] [M] la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance d'appel.

Le jugement déféré sera confirmé s'agissant des frais irrépétibles et des dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 15 décembre 2021en ce qu'il a requalifié le contrat de travail de Monsieur [K] [M] en contrat de travail à durée indéterminée, en ce qu'il a condamné la société Ouest Indies Sécurité Privée à payer à Monsieur [K] [M] la somme de 812,05 euros au titre de l'indemnité de requalification et de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a débouté Monsieur [K] [M] de sa demande au titre du travail dissimulé, de ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société Ouest Indies Sécurité Privée aux dépens de l'instance,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Requalifie le contrat de travail de Monsieur [K] [M] en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet,

Condamne la société Ouest Indies Sécurité Privée à payer à Monsieur [K] [M] la somme de 15 765,75 euros à titre de rappel de salaire outre celle de 1 576,58 euros au titre de l'incidence des congés payés,

Condamne la société Ouest Indies Sécurité Privée à payer à Monsieur [K] [M] la somme de 1 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Ouest Indies Sécurité Privée aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00073
Date de la décision : 02/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-02;22.00073 ?
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