ARRET No-----------------------08 Novembre 2017-----------------------16/ 00191----------------------- Nicolas X...C/ Me Bernard Y...-Mandataire liquidateur de la SARL AITEC, CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE, Association CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS (CGEA) DE TOULOU SE---------------------- Décision déférée à la Cour du : 09 mai 2016 Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA 21500094------------------
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX SEPT
APPELANT :
Monsieur Nicolas X...Résidence Rosa Verde Bt B 20200 VILLE DI PIETRABUGNU Représenté par Me Wajdi DAAJI, substituant Me Jean Pierre SEFFAR, avocats au barreau de BASTIA,
INTIMES :
Me Bernard Y...-Mandataire liquidateur de la SARL AITEC ... Représenté par Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE-Contentieux 5, avenue Jean Zuccarelli 20406 BASTIA CEDEX 9 Représentée par Monsieur Patrice Z..., muni d'un pouvoir,
CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS (CGEA) DE TOULOUSE 1, rue des Pénitents Blancs, CS 81510 31015 TOULOUSE Représenté par Me Pierre Henri VIALE, avocat au barreau de BASTIA,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2017 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme LORENZINI, Présidente de chambre, M. EMMANUELIDIS, Conseiller Madame GOILLOT, Vice présidente placée près M. le premier président
GREFFIER :
Mme COMBET, Greffier lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 08 novembre 2017
ARRET
Contradictoire Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe. Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre et par Mme COMBET, Greffier, présent lors de la mise à disposition de la décision.
*** Faits et procédure :
Nicolas X..., salarié de la Sarl Aitec, a été victime d'un accident de travail le 13 juin 2013, à la suite duquel il a été en prolongation jusqu'au 14 décembre 2014 ; il est depuis bénéficiaire d'une rente.
Il a demandé à voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur et a formé recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Haute Corse le 19 février 2015, à cet effet.
Par jugement en date du 9 mai 2016, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Haute Corse l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X...a formalisé appel de cette décision par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 mai 2016, le jugement ayant été notifié le 23 mai 2016.
La Sarl Aitec ayant été placé en liquidation judiciaire et Maître Y...désigné en qualité de liquidateur judiciaire par jugement en date du 7 juin 2016 du tribunal de commerce de Bastia, celui-ci a été appelé en la cause, ainsi que le CGEA.
Aux termes des conclusions de son avocat en cause d'appel, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, M. X...demande à la cour de :- dire sans objet la demande d'irrecevabilité à l'égard du CGEA,- infirmer le jugement entrepris, au principal,- dire que l'accident dont M. X...a été victime le 13 juin 2013 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la Sarl Aitec,- fixer au maximum la majoration de la rente prévue à l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale,- dire que cette majoration suivra l'évolution éventuelle du taux d'IPP, avant dire droit au fond sur l'indemnisation des préjudices personnels de M. X...,- ordonner une expertise médicale avec pour mission : * prendre connaissance du dossier de M. X..., * examiner celui-ci, les parties présentes ou appelées, * dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et d'agrément en qualifiant leur importance, ainsi que, le cas échéant, ceux propres à permettre d'évaluer le préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses capacités de promotion professionnelle, * évaluer les autres préjudices corporels (tierce-personne, déficit fonctionnel permanent, etc...) non visés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, conformément à la nomenclature Dintilhac, * recueillir les dires des parties et y répondre, * donner tous éléments et faire toutes observations utiles à la solution du litige, subsidiairement sur la faute inexcusable,- désigner tel expert qu'il appartiendra avec mission de se rendre sur les lieux, de décrire le câble litigieux, d'indiquer la longueur et son poids, de faire toutes observations sur les conditions de manipulation d'un tel matériel et notamment sur les mesures à prendre à compter de la livraison jusqu'au transport au sixième niveau et à la mise en place à compter du sixième niveau jusqu'au rez de chaussée et, généralement, de faire toutes observations nécessaires à la manifestation de la vérité,
- réserver les dépens et les frais irrépétibles.
Dans ses écritures, oralement développées, Maître Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Aitec, demande à la cour de : constatant les caractéristiques du matériel utilisé par M. X..., constatant qu'il s'agit d'un câble électrique utilisé au quotidien par tout électricien et ne répondant à aucun risque particulier, constatant en outre le parfait respect par la société du plan général de coordination de sécurité et de protection de la santé établi par le coordonnateur de sécurité intervenu sur le chantier de la Résidence de l'Ondina,- confirmer la décision rendue le 9 mai 2016 en toutes ses dispositions,- dire et juger que M. X...ne démontre pas que la Sarl Aitec avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver,- dire et juger que la Sarl Aitec n'a commis aucune faute inexcusable à l'encontre de M. X...,- débouter M. X...de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,- le condamner au paiement de la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses écritures développées à la barre, le CGEA de Toulouse demande à la cour, faisant droit à l'exception d'incompétence, de :- déclarer irrecevable à l'égard du CGEA les demandes de M. X...,- le condamner au paiement de la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A la barre, la caisse primaire d'assurance maladie, représentée par M. Patrice Z..., muni d'un pouvoir à cet effet, fait valoir que l'assistance tierce-personne et le déficit fonctionnel sont déjà indemnisés par le livre IV, que la nomenclature Dintilhac ne s'applique pas.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.
***
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mise en cause du CGEA :
Il est constant que M. X...n'a présenté aucune demande contre cet organisme, lequel, s'agissant d'une procédure orale, a été appelé en la cause..
Il y a lieu de prononcer la mise hors de cause de l'Ags-Cgea Toulouse, dans la mesure où cet organisme, dont le périmètre de garanties est limité, ne couvre pas les conséquences de la faute inexcusable de l'employeur, nonobstant la liquidation judiciaire dont celui-ci fait l'objet, la créance éventuelle étant celle de la caisse et non celle du salarié.
Sur le fond :
La faute inexcusable de l'employeur correspond au manquement de ce dernier à son obligation de sécurité de résultat, notamment révélé par un accident du travail ou une maladie professionnelle. L'employeur aurait dû avoir conscience d'un danger et n'a pas pris les mesures nécessaires pour le prévenir. La reconnaissance de la faute inexcusable résulte d'un accord amiable entre la victime et son employeur ou, à défaut, d'une décision de la juridiction de Sécurité sociale. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident et il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes ont concouru au dommage. L'appréciation de la conscience du danger relève de l'examen des circonstances de fait, notamment de la nature de l'activité du salarié ou du non-respect des règlements de sécurité.
En l'espèce, pour écarter la faute inexcusable de l'employeur, le tribunal des affaires de sécurité sociale a retenu que l'effort induit par la manipulation d'un câble d'un poids indiqué de plus de soixante kilos sur six ou sept étages ne revêtait pas un caractère excessif lorsqu'il est supporté par les deux salariés en charge de cette manipulation, que la société a établi et remis au coordonnateur de sécurité et de protection de la santé le plan particulier de sécurité et de prévention et que ce coordonnateur a attesté le 10 octobre 2015 que ce plan
répondait aux normes de sécurité en vigueur ; il a également retenu qu'il ne pouvait se déduire de l'absence de visite médicale d'embauche et de fourniture des équipements de protection individuelle (sans plus de précisions) un manquement de l'employeur en lien avec l'accident et que M. X...n'établissait pas avoir demandé en vain un diable à son employeur.
Pour voir infirmer cette décision, M. X...fait valoir que le câble, d'un poids d'environ quatre-vingt quatorze kilogrammes pour trente mètres a été monté à main nue d'étage en étage par lui seul, sans que ne soit satisfaite sa demande d'un diable ; il ajoute qu'outre une absence de visite médicale d'embauche, il n'a bénéficié d'aucune formation à la sécurité.
Si l'absence de visite médicale d'embauche constitue un manquement aux obligations de l'employeur, elle ne peut néanmoins en l'espèce être la cause de l'accident survenu le 13 juin 2013 dès lors qu'à cette date, M. X...ne soutient pas qu'il souffrait de façon quelconque des cervicales et des membres supérieurs, de sorte que la visite médicale d'embauche n'aurait pu établir un état antérieur et aucun lien de causalité n'est démontré entre l'absence de visite médicale d'embauche et l'accident.
M. X...a été engagé en qualité d'électricien-catégorie ouvriers professionnels-niveau II-coefficient 185 ; il résulte de cette classification que les ouvriers de ce niveau exécutent les travaux courants de leur spécialité, à partir de directives générales et sous contrôle ponctuel, qu'ils ont une certaine initiative dans le choix des moyens leur permettant d'accomplir ces travaux et qu'ils possèdent les connaissances techniques de base de leur métier et une qualification qui leur permettent de respecter les règles professionnelles ; il s'en évince que la tâche qui lui avait été confiée entrait dans son domaine de compétence sans nécessité de formation spécifique à la sécurité, d'autant qu'il ne contredit pas le liquidateur lorsque celui-ci indique que le câble en cause est le câble universel utilisé de manière habituelle pour l'alimentation électrique domestique ; enfin, l'absence de fourniture d'équipement de protection, à la supposer établie, est sans lien avec l'accident
M. X...reconnaît qu'il était chargé, avec un autre salarié, de tirer un câble d'alimentation ; il ne produit pas de pièces vérifiables quant à la longueur exacte du câble en question ainsi qu'à son poids ; il n'allègue ni ne démontre que ce soit du fait de la société que l'autre salarié est resté au premier étage pour réceptionner le câble, alors même que sa qualification lui laissait une certaine initiative dans l'exécution des travaux en cause ; il n'établit pas plus avoir vainement demandé à son employeur de lui fournir un diable ou un touret dont on voit d'ailleurs mal comment il aurait pu les utiliser dans un escalier.
C'est donc par des motifs pertinents que le tribunal des affaires de sécurité sociale a retenu l'absence de faute inexcusable de l'employeur.
La demande d'expertise présentée par l'appelant aux fins de voir décrire le câble litigieux et ses conditions de manipulation sera en voir de rejet, une expertise ne pouvant servir à pallier l'insuffisance d'une partie à apporter l'administration de la preuve ; il sera ainsi ajouté au jugement.
M. X...sera, dès lors, débouté de l'ensemble de ses demandes et le jugement confirmé.
Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :
L'équité commande de faire droit à la demande présentée par Maître Y..., ès qualités, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile mais d'en réduire le montant à de plus justes proportions.
La demande à ce titre présentée par le CGEA sera en voie de rejet.
Il convient de rappeler qu'en application des dispositions de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, la procédure devant une juridiction des affaires de sécurité sociale est gratuite et sans frais avec néanmoins condamnation de l'appelant qui succombe d'un droit d'appel.
PAR CES MOTIFS
L A C O U R,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
MET hors de cause le CGEA-AGS de Toulouse,
CONFIRME le jugement en date du 9 mai 2016 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Haute Corse,
Y ajoutant,
DÉBOUTE Nicolas X...de sa demande subsidiaire d'expertise,
LE CONDAMNE à payer à Maître Bernard Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la Sarl Aitec, la somme de MILLE EUROS (1 000 €) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
DÉBOUTE le CGEA-AGS de Toulouse de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
RAPPELLE qu'en application des dispositions de l'article R144-10 du code de la sécurité sociale, il n'y a pas lieu de statuer sur le sort des dépens.
FIXE le droit d'appel prévu par l'article R 144-10 al. 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelant qui succombe au dixième du montant mensuel du plafond prévu par l'article L. 241-3 du même code et condamne M. X...au paiement du droit ainsi fixé, liquidé à la somme de 326. 90 euros.
LE GREFFIER LE PRESIDENT