ARRET N°
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22 Juin 2022
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R N° RG 20/00165 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B7GK
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[9] D'[Localité 2],
[8]
C/
[C] [Z],
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux
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Décision déférée à la Cour du :
09 septembre 2020
Pole social du TJ d'AJACCIO
19/00251
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copie exécutoire
le :
à :
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX
APPELANTES :
[9] D'[Localité 2] prise en la personne du Président de son Conseil d'Administration
N° SIRET : 330 92 5 5 38
[Adresse 11]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie-France SANTELLI-PINNA, avocat au barreau d'AJACCIO et par Me Michel JANCOU, avocat au barreau de MARSEILLE
[8] agissant poursuites et diligences du Président de son Conseil d'Administration, domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 312 68 2 1 56
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me Marie-France SANTELLI-PINNA, avocat au barreau d'AJACCIO et par Me Michel JANCOU, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES :
Monsieur [C] [Z]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me Aurélie NAVARI de la SELARL CASTANEA, avocat au barreau de BASTIA
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux
[Adresse 7]
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 septembre 2021 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame COLIN, conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre,
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 22 juin 2022
ARRET
-CONTRADICTOIRE
-Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
-Signé par Madame COLIN, conseillère, pour Monsieur JOUVE, Président de chambre empêché et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.
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FAITS CONSTANTS, PROCEDURE et PRETENTIONS
Le 03 mars 1988, M. [C] [Z] a été embauché par la [9] ([9]) d'[Localité 2] en tant qu'employé administratif, au terme d'un second contrat établi le 03 octobre 1988, en qualité de chargé de clientèle.
Le 27 mai 2013, M. [Z] a été victime d'un vol commis sous la menace d'une arme, tandis que le directeur de la [9] d'[Localité 2], M. [K] [S], était séquestré à son domicile par la même équipe de malfaiteurs.
Le 22 juin 2017, la caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) de la Corse-du-Sud a pris en charge cet accident au titre de la législation relative aux risques professionnels.
M. [Z] a placé en arrêt de travail du 27 mai 2013 au 04 septembre 2017, date de consolidation de son état de santé selon le médecin-conseil de la caisse.
L'assuré a repris son activité professionnelle du 03 septembre 2017 au 15 octobre 2017, avant d'être placé en arrêt maladie le 16 octobre 2017.
Le 29 mai 2018, la C.P.A.M. a octroyé à M. [Z] une pension d'invalidité de catégorie 2 avec effet rétroactif à compter du 10 février 2018.
Le 30 juillet 2018, la [8] ([8]) a licencié M. [Z] à la suite d'une déclaration d'inaptitude assortie d'une impossibilité de reclassement.
Par courrier du 17 décembre 2018, M. [Z] a saisi la C.P.A.M. de la Corse-du-Sud d'une demande de mise en oeuvre de la procédure de conciliation en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur dans le cadre de l'accident dont il a été victime le 27 mai 2013.
Le 16 juillet 2019, M. [Z] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance (T.G.I.) d'Ajaccio de cette demande.
La juridiction - devenue tribunal judiciaire - a, par jugement contradictoire du 09 septembre 2020 :
- déclaré l'action en justice de M. [C] [Z] recevable ;
- dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la [8] ;
- dit que l'accident du travail dont M. [C] [Z] a été victime le 27 mai 2013 était dû à une faute inexcusable de son employeur, la [9] d'[Localité 2] et la [8] ;
en conséquence,
-fixé au maximum la majoration de la rente revenant à la victime et dit que cette majoration suivrait le taux d'I.P.P. ;
- rappelé que la C.P.A.M. était fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de la [9] d'[Localité 2] et la [8], s'agissant des conséquences financières de la faute inexcusable ;
- condamné solidairement la [9] d'[Localité 2] et la [8] à verser à M. [C] [Z] la somme de 30 000 euros au titre de la perte de chance avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;
- condamné solidairement la [9] d'[Localité 2] et la [8] à verser à M. [C] [Z] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la [9] d'[Localité 2] et la [8] aux dépens par application de l'article 696 du code de procédure civile ;
- débouté les parties pour le surplus et autres demandes.
Par courrier électronique du 07 octobre 2020, la [9] d'[Localité 2] et la [8] ont régulièrement interjeté appel de l'entier dispositif de ce jugement.
L'affaire a été appelée à l'audience du 14 septembre 2021, au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.
*
Au terme de leurs conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la [8] et la [9] d'[Localité 2], appelantes principales, demandent à la cour de :
'Réformer le jugement entrepris
Vu l'article L.452-4 du Code de la Sécurité Sociale
Dire la requête de M. [Z] irrecevable en raison de l'absence de conciliation,
Vu les articles L.452-1 et L.452-3 du Code de la Sécurité Sociale,
Vu les articles Art L.512-55 & L.512-56 Code Monétaire et financier
Dire l'action de M. [Z] irrecevable contre la [8]
Débouter Monsieur [C] [Z] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Le condamner à payer 2.000,00 € à chacune des concluantes au titre de l'article 700 CPC.'
Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, M. [C] [Z], intimé et appelant incident, demande à la cour de :
' Vu les articles L 452 1 et suivants du code de la sécurité sociale
A TITRE PRINCIPAL
CONFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS en ce qu'il a
DECLARE l'action en justice de Mr [Z] recevable
DIT n'y a avoir lieu à mettre hors de cause la [8]
DIT que l'accident du travail dont a été victime Monsieur [C] [Z] est du à la faute inexcusable de son employeur la [9] d'[Localité 2] et la [8] ;
FIXE en tant que de besoin au maximum la rente prévue à l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale
DIT qu'en tant que de besoin que cette majoration suivra l'évolution du taux d'IPP
RAPPELE que la CPAM de corse du Sud est fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de la [9] d'[Localité 2] et la [8], s'agissant des conséquences financières de la faute inexcusable.
REFORMER LE JUGEMENT ENTREPRIS en ce qu'il a
CONDAMNE la [9] d'[Localité 2] et la [8] solidairement à verser à Monsieur [Z] la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice lié à la perte de chance de promotion professionnelle avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la présente
EN CONSEQUENCE ET STATUANT DE NOUVEAU
CONDAMNE la [9] d'[Localité 2] et la [8] solidairement à verser à Monsieur [Z] la somme de 140 000 euros en réparation de son préjudice lié à la perte de chance de promotion professionnelle avec intérêt au taux légal à compter de la signification de la présente
A TITRE SUBSIDIAIRE
CONFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS dans son intégralité
EN TOUTE ETAT DE CAUSE
CONDAMNER SOLIDAIREMENT la [9] d'[Localité 2] et la [8] à verser à Monsieur [C] [Z] de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du CPC
LES CONDAMNER aux entiers dépens de l'instance '.
Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la C.P.A.M. de la Corse-du-Sud, intimée, demande à la cour de :
' RECEVOIR la Caisse en ses conclusions ;
DIRE la procédure de conciliation régulière ;
CONSTATER qu'elle s'en remet à la Cour sur la demande formulée par Monsieur [C] [Z] ;
DIRE que la majoration de la rente et des indemnités éventuelles seront récupérées par la Caisse auprès de l'employeur conformément aux articles L 452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale. '
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la recevabilité de la demande de M. [Z]
Aux termes du premier alinéa de l'article L. 452-4 du code de la sécurité sociale : 'A défaut d'accord amiable entre la caisse et la victime ou ses ayants droit d'une part, et l'employeur d'autre part, sur l'existence de la faute inexcusable reprochée à ce dernier, ainsi que sur le montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3, il appartient à la juridiction de la sécurité sociale compétente, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, d'en décider. La victime ou ses ayants droit doivent appeler la caisse en déclaration de jugement commun ou réciproquement.'
En l'espèce, les appelantes principales soulignent le caractère irrecevable de la requête formée par M. [Z] devant le pôle social du T.G.I. d'Ajaccio, faute pour la C.P.A.M. d'avoir organisé la tentative de conciliation au contradictoire de l'employeur.
La caisse soutient pour sa part avoir tenté de mettre en oeuvre la procédure de conciliation, dont l'échec ne peut être imputé qu'à l'employeur qui n'a pas répondu à sa sollicitation.
Quant à M. [Z], il fait observer que la tentative préalable de conciliation a un caractère facultatif et ne conditionne pas la recevabilité de l'action engagée devant le tribunal compétent.
Comme le fait valoir à juste titre l'intimé, il est acquis que si l'article L.452-4 susvisé prévoit la mise en oeuvre d'une procédure de conciliation entre la caisse, la victime et l'employeur, cette procédure ne constitue nullement un préalable obligatoire à la saisine de la juridiction de la sécurité sociale, qui peut d'ailleurs statuer sans saisine antérieure de la commission de recours amiable de la caisse.
Au surplus, il ressort des pièces versées au dossier que la C.P.A.M. de la Corse-du-Sud a été saisie par son assuré le 17 décembre 2018 d'une demande de conciliation.
Par lettre recommandée du 07 janvier 2019 réceptionnée le 09 janvier 2019, la C.P.A.M. a proposé à la [8] de participer à cette conciliation, cette dernière figurant sur la déclaration d'accident du travail du 30 mai 2013 sous la désignation d'employeur. C'est donc en toute logique que la caisse a adressé ladite lettre à la caisse régionale et non à la caisse ajaccienne.
Dans son courrier en réponse du 21 janvier 2019, le conseil de la [8] a souligné que l'action de l'assuré ne pouvait être dirigée qu'à l'encontre de la [9] d'[Localité 2], avant d'ajouter qu'il '[interrogeait] la [9] D'[Localité 5] pour savoir si elle entend participer à une tentative de conciliation et je ne manquerai pas de revenir vers vous.'
Aucune suite ne semble toutefois avoir été donnée à la caisse par la [9] d'[Localité 2].
Le 03 mai 2019, la C.P.A.M. indiquait donc à M. [Z] que sans réponse de son employeur, aucune conciliation n'était possible, et qu'il pouvait dès lors saisir le pôle social du T.G.I. d'Ajaccio, ce que faisait l'assuré le 16 juillet 2019.
Il ne pourra ainsi qu'être constaté que la C.P.A.M. a bien tenté d'organiser une conciliation entre son assuré et l'employeur désigné sur la déclaration d'accident du travail, et qu'elle ne saurait être tenue pour responsable de l'échec de cette procédure.
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont jugé recevable l'action introduite par M. [Z] devant eux. Le jugement querellé sera donc confirmé sur ce point.
-Sur la qualité d'employeur de la [8]
L'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que 'Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.'
Il résulte de cette disposition que l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable doit être dirigée contre l'employeur du salarié victime ou contre ceux qui substituent cet employeur dans son pouvoir de direction de l'entreprise.
La [8] et la [9] d'[Localité 2] soutiennent qu'elles constituent deux personnes morales distinctes et ne sauraient être toutes deux considérées comme employeures de M. [Z].
Celui-ci fait au contraire valoir que les deux caisses sont co-employeures, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction étant caractérisée.
En l'espèce, il résulte des pièces versées au débat que :
- le premier contrat de travail est établi entre M. [Z] et la [9] d'[Localité 2] ;
- la lettre d'engagement du second contrat de travail porte l'en-tête du [8] mais la signature de la [9] d'[Localité 2] ;
- le certificat de travail mentionne comme employeure la [8] ;
- les bulletins de paie et l'arrêté de compte émanent de la [9] d'[Localité 2] ;
- la lettre de licenciement du 30 juillet 2018 émane de la [8] ;
- la déclaration d'accident du travail établie le 30 mai 2013 désigne la [8] comme employeure.
Ces éléments démontrent clairement l'interdépendance existant entre les deux établissements bancaires, notamment dans la gestion des ressources humaines dans leur globalité.
La délégation de pouvoir du 20 juin 2018, donnée par le président de la [9] d'[Localité 2] à la directrice des ressources humaines de la [8] pour pouvoir procéder au licenciement de M. [Z], n'explique pas à elle-seule l'imbrication entre les deux caisses constatée dès le stade de l'embauche, de la rémunération puis de la déclaration d'accident de travail.
La politique de sécurité des agents de la [9] d'[Localité 2] est en outre définie par la [8], confirmant là-encore l'existence d'une interdépendance directionnelle.
Au surplus, les intérêts poursuivis par les deux établissements sont similaires, s'agissant d'activités bancaires.
Il sera ainsi considéré que la situation de co-emploi est caractérisée en l'espèce, de sorte que c'est à bon droit que M. [Z] a dirigé ses demandes à la fois contre la [9] d'[Localité 2] et la [8].
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la [8].
- Sur la faute inexcusable de l'employeur
A titre liminaire, il sera précisé que le caractère professionnel de l'accident dont a été victime M. [Z] le 27 mai 2013 - préalable nécessaire à la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur - n'est nullement discuté par les parties.
Il résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en veillant à éviter les risques, à évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités et à adapter le travail des salariés, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail, ainsi que le choix des équipements de travail, des méthodes de travail et de production.
L'employeur est ainsi tenu, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et maladies professionnelles.
Le manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, ces deux critères étant cumulatifs.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes - notamment de la victime - auraient concouru au dommage.
Sur la conscience du danger
La conscience du danger exigée de l'employeur est analysée in abstracto et ne vise pas une connaissance effective et précise de celui-ci. Elle s'apprécie au moment ou pendant la période de l'exposition au risque.
M. [Z] fait notamment valoir que ses employeures étaient tenues à une obligation de sécurité de résultat, qu'elles avaient nécessairement conscience du danger encouru par leurs salariés au regard du vol avec arme similaire survenu le 22 janvier 2013.
Les appelantes soutiennent au contraire que les faits caractérisant l'accident du travail du 27 mai 2013 revêtent un caractère irrésistible, imprévisible et extérieur.
En l'espèce, il résulte des pièces produites par les parties qu'un précédent vol avec arme associé à des faits d'enlèvement et de séquestration était survenu le 22 janvier 2013, soit quatre mois auparavant, au préjudice de deux salariés de la [9] d'[Localité 2].
Le mode opératoire utilisé par les malfaiteurs en janvier 2013 présente un fort degré de similitude avec celui déployé par les auteurs des faits de mai 2013. L'agence bancaire visée est la même dans les deux cas, et le délai écoulé entre les deux agressions est relativement bref.
En outre, à la suite des faits survenus en janvier 2013, des mesures visant à sécuriser l'accès aux espèces ont été prises par les employeures.
Il sera ainsi considéré, à l'instar des premiers juges, que la [9] d'[Localité 2] et la [8] ne pouvaient qu'avoir conscience du danger encouru par leurs salariés.
Sur les mesures de sécurité
Les appelantes affirment notamment avoir pris les mesures de protection nécessaires, qu'il ne saurait être exigé d'elles l'éradication de toute risque d'exaction de malfaiteurs, et que le projet d'externalisation complète du maniement des espèces envisagé depuis l'agression de janvier 2013 ne pouvait être mis en oeuvre à bref délai.
M. [Z] rétorque que l'absence d'externalisation du traitement des espèces est la principale cause de la commission de l'infraction subie et que les mesures de sécurité prises par ses employeures étaient manifestement insuffisantes.
En l'espèce, il n'est pas contesté qu'un certain nombre de mesures de sécurisation de l'accès aux espèces au sein de la [9] d'[Localité 2] étaient d'ores et déjà mises en oeuvre avant l'agression de janvier 2013.
Il importe néanmoins de rechercher si des mesures de protection complémentaires ont été décidées par les employeures postérieurement à cette agression et si ces mesures étaient adaptées.
Il résulte des pièces versées aux débats les éléments suivants :
-lors de son audition le 27 mai 2013 par les fonctionnaires de la direction régionale de police judiciaire de la Corse, M. [K] [S], directeur de la [9] d'[Localité 2] victime de la séquestration à domicile concommittante au vol sous la menace d'une arme subi par M. [Z], a indiqué que 'Depuis le dernier braquage dont nous avons été victimes le 22 janvier 2013 nous avons changé totalement les mesures de sécurité de l'agence.
En effet, le caissier ne peut rentrer dans l'agence qu'après l'arrivée de l'ensemble des salariés et non plus une heure avant les autres comme cela était le cas auparavant. De plus le caissier est le seul qui soit en possession des codes d'accès à la zone dite sécurisée à savoir celle des coffres.
D'autre part, compte tenu de l'importance du travail à effectuer il travaille désormais depuis janvier dernier selon le principe de la journée continue et donc entre midi et quatorze heures. Ainsi, il finit son travail entre 15H00 et 15H30 contrairement à ses collègues qui quittent l'agence à 17H10. [...]
J'ajoute que moi-même, en tant que Directeur, je n'ai aucun accès possible au coffre car ne détenant pas les codes.
Concernant les heures de passages des convoyeurs de fonds il faut savoir qu'ils viennent tous les jours à leur propre initiative et ce sans aucune habitude horaire que ce soit le lundi ou les autres jours de la semaine.
Je vous précise, au sujet de mes horaires de travail et notamment de mes trajets aller/retour entre mon domicile et l'agence que ceux-ci ne sont pas forcément réguliers et peuvent varier d'un jour à l'autre. [...]';
-le compte-rendu du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (C.H.S.C.T.) établi le 21 mars 2013 - soit après l'agression de janvier mais avant celle de mai 2013 - mentionne que 'Suite au hold up d'[Localité 2], un certain nombre de mesures vont être dupliquées à l'ensemble des caisses, dont le contrôle des codes de sécurité avec suppression des doublons et mise en cohérence par rapport aux fonctions' ;
-le rapport d'intervention d'urgence établi par l'équipe de psychologues de la [8] auprès des salariés de la [9] d'[Localité 2], à la suite de l'agression du 22 janvier 2013, précise que 'la direction de la Caisse a mis en place des mesures de sécurité additionnelles et entrepris la démarche de passer le traitement des espèces en sous-traitance [...]'.
Il ressort ainsi de ces pièces que peu après l'agression de janvier 2013, les employeures avaient adopté des mesures adéquates en vue de préserver leurs salariés d'un nouveau danger, et que la réflexion autour de l'externalisation complète du traitement des espèces avait été initiée.
Il ne saurait toutefois être raisonnablement exigé des appelantes qu'elles concrétisent une réforme méthodologique d'une telle ampleur en l'espace de quatre mois. Si l'externalisation a pu aboutir rapidement après le vol avec arme et la séquestration commis à [Localité 6] en juillet 2013, c'est vraisemblablement car la mise en oeuvre de ce projet était d'ores et déjà engagée depuis le mois de janvier.
Par ailleurs, l'intimé ne démontre aucune opposition ni volonté de blocage de ses employeures à l'égard de ce processus d'externalisation.
Ainsi, si la cour n'entend pas minimiser l'incontestable souffrance psychique vécue par M. [Z] à la suite des faits criminels dont il a été victime, elle constate que la [9] d'[Localité 2] et la [8] avaient adopté les mesures de sécurité nécessaires en l'état de leurs capacités au moment où les décisions devaient être prises, et que la faute inexcusable alléguée n'est pas caractérisée en l'espèce.
Le jugement querellé sera donc infirmé en ce qu'il a :
- dit que l'accident du travail dont M. [C] [Z] a été victime le 27 mai 2013 était dû à une faute inexcusable de son employeur, la [9] d'[Localité 2] et la [8] ;
- fixé au maximum la majoration de la rente revenant à la victime et dit que cette majoration suivrait le taux d'I.P.P. ;
- rappelé que la C.P.A.M. était fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de la [9] d'[Localité 2] et la [8], s'agissant des conséquences financières de la faute inexcusable ;
- condamné solidairement la [9] d'[Localité 2] et la [8] à verser à M. [C] [Z] la somme de 30 000 euros au titre de la perte de chance avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement.
- Sur les frais non compris dans les dépens
Au regard des disparités économiques existant entre les parties, l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les appelantes et M. [Z] seront donc déboutés de leurs demandes formées sur ce fondement, et le jugement entrepris infirmé en ce qu'il a condamné solidairement la [9] d'[Localité 2] et la [8] à verser à M. [C] [Z] la somme de 2 000 euros en application de ces dispositions.
- Sur les dépens
L'alinéa 1er de l'article 696 du code de procédure civile dispose que 'la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie'.
Partie succombante, M. [Z] sera condamné au paiement des dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
Le jugement querellé sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la [9] d'[Localité 2] et la [8] aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et par décision contradictoire mise à disposition au greffe,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 09 septembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire d'[Localité 2], sauf en ce qu'il a déclaré l'action en justice de M. [C] [Z] recevable et dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la [8] ;
Statuant de nouveau,
DIT que l'accident du travail dont a été victime M. [C] [Z] le 27 mai 2013 n'est pas dû à la faute inexcusable de ses employeures : la [9] d'[Localité 2] et la [8] ;
DEBOUTE M. [C] [Z] ainsi que la [8] et la [9] d'[Localité 2] de leurs demandes présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [C] [Z] au paiement des dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE P/ LE PRÉSIDENT