ARRET N°
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01 Février 2023
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N° RG 18/00359 - N° Portalis DBVE-V-B7C-B2PQ
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[R], [P] [V] veuve [G],
[H], [F], [B] [G]
[N], [W], [T] [G]
[B], [L], [Y] [G]
C/
[O] [J] [E] [X]
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Décision déférée à la Cour du :
23 novembre 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
17/00302
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : PREMIER FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
INTERVENANTS VOLONTAIRES à l'instance d'appel venant aux droits de l'appelant décédé :
Madame [R], [P] [V] veuve [G] venant aux droits de [Y] [G]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représentée par Me Isabelle BARACHINI FALLET, avocat au barreau de TARASCON et par Me Alexandra BALESI-ROMANACCE, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur [H], [F], [B] [G] venant aux droits de [Y] [G]
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 3]
Représenté par Me Isabelle BARACHINI FALLET, avocat au barreau de TARASCON et par Me Alexandra BALESI-ROMANACCE, avocat au barreau de BASTIA
INTERVENANTS FORCES à l'instance d'appel aux droits de l'appelant décédé :
M. [N], [W], [T] [G]
né le 20 Mars 1982
élisant domicile chez Mme [A] [K]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Non représenté
M. [B], [L], [Y] [G]
né le 27 Novembre 1983 à [Localité 7]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Non représenté
INTIMEE :
Madame [O] [J] [E] [X]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 4]
Représentée par Me Marylène CAMMILLI-BUCQUET, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, conseillère chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre,
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2022 puis a été prorogée au 01 février 2023.
ARRET
-PAR DEFAUT
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
-Signé par Madame BETTELANI pour Monsieur JOUVE, Président de chambre empêché et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.
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EXPOSE DU LITIGE
Madame [O] [J] [E] [X] a été employée par Monsieur [Y] [G] à compter du 1er novembre 2015, avant d'être postérieurement embauchée par le même employeur en qualité d'auxiliaire de vie, suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er avril 2016.
Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale des salariés du particulier employeur.
Selon courrier en date du 27 février 2017, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 8 mars 2017, avec mise à pied conservatoire et celle-ci s'est vue notifier son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 11 mars 2017.
Se prévalant d'un licenciement verbal antérieur au licenciement susvisé, Madame [O] [J] [E] [X] a saisi le conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 5 octobre 2017, de diverses demandes.
Selon jugement du 23 novembre 2018, le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
-constaté qu'il n'y avait pas eu de licenciement oral au regard de la procédure conservatoire spécifique,
-dit que le licenciement devait être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
-condamné Monsieur [Y] [G] à payer à Madame [O] [J] [E] les sommes suivantes :
*indemnité au titre de l'irrégularité de procédure 2.000 euros,
*indemnité de préavis 2.000 euros
*indemnité de licenciement légale 680 euros
*licenciement abusif 12.000 euros
*article 700 du code de procédure civile 1.500 euros
-ordonné
*la rectification de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,
*l'exécution provisoire
-débouté Madame [O] [J] [E] de ses autres demandes,
-débouté Monsieur [Y] [G] de l'ensemble de ses demandes,
-condamné Monsieur [Y] [G] aux dépens.
Par déclaration du 14 décembre 2018 enregistrée au greffe, Monsieur [Y] [G] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamné à payer les sommes suivantes: licenciement abusif 12.000 euros, indemnité au titre de l'irrégularité de procédure 2.000 euros, indemnité de licenciement légale 680 euros, indemnité de préavis 2.000 euros article 700 du code de procédure civile 1.500 euros, ordonné la rectification de l'attestation Pôle emploi et du certificat de travail.
Compte tenu de la notification du décès d'[Y] [G] (survenu le 2 mai 2019), a été constatée, par décision du 4 juin 2019, l'interruption de l'instance, avec reprise selon les formes prévues par la loi, ou à défaut radiation de l'affaire.
Madame [R], [P] [V] veuve [G] et Monsieur [H], [F], [B] [G], venant aux droits de feu [Y] [G], ont assigné en intervention forcée Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G] suivant actes d'huissier (non délivrés à personne) du 29 novembre 2019, puis leur ont signifié leurs dernières conclusions (conclusions avant clôture) par actes d'huissier du 10 février 2020, tandis que Madame [E] [X] leur a signifié ses dernières conclusions par acte d'huissier du 27 mai 2020.
Aux termes des dernières écritures de leur conseil, avant la clôture, transmises au greffe en date du 7 février 2020, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, Madame [R] [V] veuve [G] et Monsieur [H] [G] ont sollicité :
vu leur intervention volontaire,
-à titre principal ;
* de réformer le jugement rendu par conseil de prud'hommes d'Ajaccio en date du 23 novembre 2018, sauf en ce qu'il a considéré qu'aucun licenciement oral n'était intervenu,
* de dire et juger que le licenciement de Madame [E] [X] n'était entaché d'aucune irrégularité de procédure, et qu'aucune indemnité à ce titre ne pourra être allouée à la salariée, de dire que le licenciement pour faute grave de Madame [O] [J] [E] [X] était parfaitement justifié, en conséquence, de débouter Madame [O] [J] [E] [X] de l'intégralité de ses demandes,
-à titre subsidiaire : de ramener les demandes de dommages et intérêts de Madame [E] [X] à de plus juste proportion, celle-ci ne justifiant d'aucun préjudice,
-en tout état de cause, de condamner Madame [E] aux dépens de l'instance d'appel, et à payer 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes des écritures de son conseil, avant la clôture, transmises au greffe en date du 3 mars 2020 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame [O] [J] [E] [X] a demandé :
-de déclarer recevable l'appel incident et faire droit à ses argumentations,
-à titre principal,
*de réformer le premier jugement
*de constater le licenciement oral
*de condamner Madame [R], [P] [V] veuve de Monsieur [Y] [U] [G], Monsieur [H], [F], [B] [G] et Messieurs [B] [G] et [N] [G] venant aux droits de Monsieur [Y] [G], décédé, à régler solidairement à Madame [E] la somme suivante selon décompte ci-joint : irrégularité de procédure 2.000 euros, licenciement oral 12.000 euros, indemnité de préavis 2.000 euros, indemnité de licenciement 680 euros, indemnisation de préjudice moral 10.000 euros
-à titre subsidiaire
*de dire le licenciement abusif, en conséquence
*de condamner Madame [R], [P] [V] veuve de Monsieur [Y] [U] [G], Monsieur [H], [F], [B] [G] et Messieurs [B] [G] et [N] [G] venant aux droits de Monsieur [Y] [G], décédé à régler solidairement à Madame [O] [E] la somme suivante selon décompte ci-joint : indemnité de préavis: 2.000 euros, indemnité de licenciement 680 euros, indemnité licenciement abusif:12.000 euros, indemnisation de préjudice moral par jour de retard 10.000 euros,
-à titre infiniment subsidiaire,
*de confirmer le premier jugement en ce qu'il a évalué sanctionné le licenciement abusif dont a été victime Madame [E]
*en conséquence : de fixer ses droits selon décompte ci-joint :
à payer à Madame [O] [J] [E] les sommes suivantes : indemnité au titre de l'irrégularité de la procédure : 2.000 euros, indemnité de préavis: 2.000 euros, licenciement abusif : 12.000 euros, article 700 du code de procédure civile : 1.500 euros,
-le tout assorti de la : rectification de l'attestation pôle emploi, du certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,
-de condamner à régler la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G] n'ont pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 7 juillet 2020, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 9 février 2021.
Les parties ont été avisées le 14 décembre 2020 de la décision d'examiner l'affaire conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance n°2020-1400 du 18 novembre 2020.
Opposition ayant été formée, l'affaire a été appelée à l'audience du 9 février 2021 et la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 5 mai 2021.
Par arrêt du 5 mai 2021, la cour a :
-déclaré recevables en la forme l'appel principal de Monsieur [Y] [G] et l'appel incident de Madame [O] [J] [E] [X],
-constaté qu'il n'est pas contesté que l'instance, interrompue par la notification à l'autre partie du décès d'[Y] [G] (intervenu le 2 mai 2019), a été légalement reprise par Madame [R], [P] [V] veuve [G] et Monsieur [H], [F], [B] [G], ayant droits du de cujus,
-déclaré recevable l'intervention volontaire à l'instance d'appel de Madame [R], [P] [V] veuve [G] et Monsieur [H], [F], [B] [G], venant aux droits de feu [Y] [G],
-déclaré recevable l'intervention forcée de Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G] à l'instance d'appel,
-ordonné la réouverture des débats,
-enjoint aux parties constituées de rencontrer un médiateur en la personne de Madame [M] [C], demeurant [Adresse 8] à [Localité 6] (n° tél. [XXXXXXXX01]), pour recevoir une information sur l'objet et le déroulement d'une mesure de médiation,
-dit que le médiateur aura pour mission de convoquer les parties, séparément ou ensemble, afin de les informer sur l'objet et le déroulement de la mesure de médiation,
-dit que l'information des parties sur l'objet et le déroulement de la médiation devra se faire dans un délai maximum de trois mois à compter de la réception de la présente décision,
-dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de la chambre sociale du 14 septembre 2021 à 14 heures pour recueillir l'accord des parties sur une éventuelle médiation, la présente décision valant convocation des parties à l'audience,
-dit que copie de la présente décision devra être transmise, pour information, au médiateur que les parties sont enjointes de rencontrer,
-réservé les dépens.
A l'audience du 14 septembre 2021, en l'état d'une proposition de transaction évoquée entre les parties, un renvoi a été accordé à l'audience du 9 novembre 2021, puis de nouveaux renvois de l'affaire ont été accordés successivement aux audiences du 8 février 2022, 10 mai 2022, 14 juin 2022, et 11 octobre 2022.
Par conclusions transmises au greffe, postérieurement à l'ordonnance de clôture, le 12 septembre 2022, Madame [R] [V] veuve [G] et Monsieur [H] [G] ont sollicité: à titre principal: de réformer le jugement rendu par conseil de prud'hommes d'Ajaccio en date du 23 novembre 2018, sauf en ce qu'il a considéré qu'aucun licenciement oral n'était intervenu, de dire et juger que le licenciement de Madame [E] [X] n'était entaché d'aucune irrégularité de procédure, et qu'aucune indemnité à ce titre ne pourra être allouée à la salariée, de dire que le licenciement pour faute grave de Madame [O] [J] [E] [X] était parfaitement justifié, en conséquence, de débouter Madame [O] [J] [E] [X] de l'intégralité de ses demandes ; à titre subsidiaire : de ramener les demandes de dommages et intérêts de Madame [E] [X] à de plus juste proportion, celle-ci ne justifiant d'aucun préjudice; en tout état de cause, de condamner Madame [E] aux dépens de l'instance d'appel, et à payer 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience du 11 octobre 2022, l'affaire a été appelée et la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 21 décembre 2022, finalement prorogé au 1er février 2023.
MOTIFS
A titre préalable, il convient de rappeler que par arrêt du 5 mai 2021, la cour a notamment :
-déclaré recevables en la forme l'appel principal de Monsieur [Y] [G] et l'appel incident de Madame [O] [J] [E] [X],
-constaté qu'il n'est pas contesté que l'instance, interrompue par la notification à l'autre partie du décès d'[Y] [G] (intervenu le 2 mai 2019), a été légalement reprise par Madame [R], [P] [V] veuve [G] et Monsieur [H], [F], [B] [G], ayant droits du de cujus,
-déclaré recevable l'intervention volontaire à l'instance d'appel de Madame [R], [P] [V] veuve [G] et Monsieur [H], [F], [B] [G], venant aux droits de feu [Y] [G],
-déclaré recevable l'intervention forcée de Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G] à l'instance d'appel,
aspects qui n'ont plus, dès lors, à être tranchés dans le cadre du présent arrêt.
Sur la recevabilité des conclusions au fond transmises et pièces communiquées postérieurement à la clôture
En vertu de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.
En l'occurrence, la cour, en ordonnant la réouverture des débats pour enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur, n'a pas entendu révoquer l'ordonnance de clôture du 7 juillet 2020, aucune mention ne figurant d'ailleurs en ce sens dans l'arrêt du 5 mai 2021.
Il s'en déduit que les conclusions au fond déposées le 12 septembre 2022 et pièces n°16 à 18 de Madame [R] [V] veuve [G] et Monsieur [H] [G] communiquées postérieurement à la clôture du 7 juillet 2020 doivent être déclarées d'office irrecevables au visa de l'article 802 du code de procédure civile, sans qu'il y ait lieu de provoquer les observations préalables des parties sur ce point, conformément à une jurisprudence constante.
Le litige sera donc examiné au vu des conclusions et pièces transmises respectivement par les parties jusqu'à la clôture du 7 juillet 2020.
Sur les demandes afférentes au licenciement
Madame [E] [X], appelante à cet égard, critique le jugement en ses dispositions ayant constaté qu'il n'y avait pas eu de licenciement oral et l'ayant déboutée de demandes à ce titre.
Toutefois, la cour ne peut que constater, au regard des pièces soumises à son appréciation, qu'hormis les propres déclarations ou énonciations de Madame [E] [X], elle ne dispose pas d'éléments suffisants à même de caractériser l'existence d'un licenciement verbal intervenu le 7 février 2017. En l'absence de mise en évidence d'un licenciement oral, les énonciations du conseil de prud'hommes sur l'existence d'une procédure conservatoire (mise à pied conservatoire) sont inutiles.
Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a constaté qu'il n'y avait pas eu de licenciement oral, sauf en ses mentions relatives à la procédure conservatoire spécifique, et confirmé également en ce qu'il a débouté Madame [E] [X] de demandes principales liées au licenciement oral (dommages et intérêts au titre du licenciement oral, sans cause réelle et sérieuse, indemnités de licenciement et de préavis).
Madame [V] veuve [G] et Monsieur [H] [G], venant aux droits de feu [Y] [G], employeur, critiquent quant à eux le jugement en ses dispositions relatives au licenciement abusif et indemnités de rupture allouées.
Il convient de rappeler que l'article L1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à une cause réelle et sérieuse. En application de l'article L1235-1 du code du travail, lorsqu'il est saisi du bien fondé d'une mesure de licenciement, le juge se détermine au vu des éléments qui lui sont fournis par les parties, le doute devant profiter au salarié. Il est néanmoins admis qu'il appartient à l'employeur d'établir de façon certaine la réalité des faits et de fournir au juge des éléments permettant de caractériser leur caractère suffisamment sérieux pour légitimer le licenciement. Il convient donc, en premier lieu, d'apprécier la réalité des faits énoncés par la lettre de licenciement, fixant de manière irrévocable les limites du litige, puis le sérieux du motif invoqué. Ce n'est que dans un second temps, lorsque la légitimité du licenciement est tenue pour acquise que l'employeur peut chercher à s'exonérer des indemnités de rupture en invoquant la faute grave du salarié, étant précisé que la charge de la preuve de la gravité de la faute incombe exclusivement à l'employeur. La faute grave est
celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 11 mars 2017, qui fixe les limites du litige, l'employeur, qui se place sur le terrain disciplinaire, reproche à Madame [E] [X] plusieurs faits : abandon de poste avec les conséquences gravissimes pour son état de santé (abandon de poste intervenu le 7 février 2017 à 15h45), maltraitance, crise d'autorité et agressivité, non respect des consignes.
A titre liminaire, il convient d'observer que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement sont suffisamment précis pour permettre au juge d'en apprécier le caractère réel et sérieux.
Il y a lieu également de constater que Madame [E] [X] ne produit pas de pièces à même de démontrer que les faits invoqués ne correspondent pas aux motifs réels du licenciement et que le licenciement a en réalité une cause distincte, liée à un différend extérieur à l'exercice professionnel de cette salariée, tel qu'elle l'affirme.
A l'appui des faits reprochés dans la lettre de licenciement, Madame [V] veuve [G] et Monsieur [H] [G], venant aux droits de feu [Y] [G], employeur, se réfèrent à divers éléments (notamment des procès-verbaux d'audition dans le cadre de l'enquête pénale menée par le commissariat d'[Localité 6] procédure n°00760/2017/000479 suite à la plainte déposée par Monsieur [Y] [G] ; une attestation de Monsieur [I] ; un courriel de Monsieur [I], outre divers courriels de Monsieur [G]). Après avoir rappelé qu'un classement sans suite ne lie pas la juridiction sociale dans l'appréciation de la matérialité de faits visés dans une lettre de licenciement, il convient de constater que les éléments susvisés, auxquels se réfèrent les consorts [G], viennent confirmer la réalité des faits énoncés dans la lettre de licenciement, uniquement s'agissant de l'abandon de poste du 7 février 2017, sans toutefois mise en évidence de conséquences gravissimes en étant découlé sur l'état de santé de l'employeur, et sont, à rebours, insuffisants pour mettre en évidence la réalité de faits fautifs, imputables à la salariée, afférents à une maltraitance, une crise d'autorité et agressivité, un non respect des consignes, non reconnus par Madame [E] [X] en se référant pour ce faire à diverses pièces, étant observé que parallèlement, l'emploi du terme de 'mythomane' à l'égard de l'employeur n'est aucunement reproché dans la lettre de licenciement et n'a pas à être examiné dans le cadre des faits qui y sont reprochés.
Pour contester ces faits subsistants d'abandon de poste, Madame [E] [X] vise diverses pièces (essentiellement une copie de l'enquête pénale menée par le commissariat d'[Localité 6] procédure n°00760/2017/000479 suite à la plainte déposée par Monsieur [Y] [G]; des attestations de Madame [S] et de Monsieur [D] qui ne sont toutefois pas relatives aux faits reprochés dans la lettre de licenciement; différents courriels). Toutefois, ces éléments visés par Madame [E] [X] ne sont pas de nature à justifier de l'inanité des faits d'abandon de poste en date du 7 février 2017 à 15h45 (alors que la salariée ne devait pas quitter son poste avant 21h auprès de Monsieur [G], lourdement handicapé pour être atteint de la maladie de Charcot), ou à faire peser un doute suffisant sur ceux-ci, ni encore à démontrer que ces faits d'abandon de poste trouvent leur origine exclusive dans un manquement de l'employeur à ses obligations ou dans un comportement provocatif préalable de celui-ci.
Au terme de l'examen de la réalité des faits reprochés dans la lettre de licenciement, seule est mise en évidence celle d'abandon de poste du 7 février 2017 à 15h45, étant toutefois relevé que la salariée a attendu, avant de quitter les lieux, l'arrivée de Monsieur [I] (décrit comme proche de l'employeur Monsieur [G] et ayant été employé par celui-ci), préalablement contacté par ses soins pour l'informer qu'elle allait quitter son poste et qu'il fallait venir s'occuper de Monsieur [G], Monsieur [I] ajoutant dans son audition devant la commissariat (en date du 9 février 2017), qu'elle lui avait brièvement parlé, point qui diffère de la relation des faits effectuée par Monsieur [I] dans son attestation.
Au vu de ce qui précède, du caractère établi des faits d'abandon de poste, en date du 7 février 2017 à 15h45, de leur nature, la cour observe que ceux-ci sont suffisamment sérieux pour, sans disproportion, fonder un licenciement de Madame [E] [X], nonobstant l'absence de sanction disciplinaire antérieure.
En revanche, l'employeur ne rapporte pas la preuve de ce que les faits établis imputables à une salariée, n'ayant pas subi de sanctions disciplinaires préalables, ni de réels reproches avant le début d'année 2017, aient constitué une violation des obligations du contrat de travail telle qu'ils aient rendu impossible le maintien de celle-ci dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
Le licenciement de Madame [E] [X] sera donc considéré comme fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave.
Le jugement entrepris, critiqué de manière fondée en ce qu'il a conclu dans sa motivation au caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement, sera donc infirmé en ce qu'il a :
- dit que le licenciement devait être requalifié en licenciement [sans] cause réelle et sérieuse, le pour cause réelle et sérieuse figurant dans le dispositif du jugement étant manifestement une pure erreur de plume des premiers juges au vu de leur motivation précédente,
-condamné Monsieur [Y] [G] à payer à Madame [O] [E] [X] une somme de 12.000 euros de dommages et intérêts au titre d'un licenciement abusif.
Madame [E] [X] sera déboutée de ses demandes subsidiaires afférentes au caractère abusif du licenciement et aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Madame [V] veuve [G] et Monsieur [H] [G], venant aux droits de feu [Y] [G], à l'appui de leur demande de réformation du jugement en ses chefs afférents à une condamnation au titre de l'indemnité de préavis et de l'indemnité légale de licenciement ne développent pas, de moyens autres que ceux afférents au caractère fondé du licenciement pour faute grave, non retenus par la cour. En l'absence de moyen relevé d'office, ces chefs du jugement seront confirmés, sauf à préciser que :
-la somme objet de condamnation au titre de l'indemnité de préavis est exprimée nécessairement en brut,
-Madame [R], [P] [V] veuve [G] et Monsieur [H], [F], [B] [G], Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G], viennent désormais aux droits de feu [Y] [G], sans solidarité.
Les demandes en sens contraire seront rejetées.
Sur les demandes afférentes à une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement
Après infirmation du jugement entrepris à cet égard, il y a lieu de débouter Madame [E] [X] de ses demandes afférentes à une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, en l'absence de démonstration d'un licenciement verbal, ou d'une irrégularité de procédure ayant causé un préjudice à Madame [E] [X], étant notamment observé qu'il est justifié, au travers des pièces produites, qu'elle a été destinataire effective de la lettre de convocation à entretien préalable au licenciement. Les demandes en sens contraire seront rejetées.
Sur les demandes afférentes à un préjudice moral distinct
Madame [E] [X] ne justifie pas des conditions brutales et vexatoires du licenciement dont elle allègue l'existence, ni d'un préjudice subi, lié causalement à un comportement fautif de l'employeur à son égard. Elle sera ainsi déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral distinct, le jugement entrepris étant confirmé à cet égard et les demandes en sens contraires rejetées.
Sur les autres demandes
Au regard des développements précédents, après infirmation du jugement à cet égard, il convient d'ordonner à Madame [R], [P] [V] veuve [G] et Monsieur [H], [F], [B] [G], Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G], venant désormais aux droits de feu [Y] [G], de remettre à Madame [E] [X] des documents sociaux (attestation Pôle emploi, certificat de travail) rectifiés conformément au présent arrêt, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, ce sans astreinte inutile en l'espèce. Madame [E] [X] sera déboutée du surplus de sa demande, non justifié. Les demandes en sens contraire seront rejetées.
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions afférentes aux dépens de première instance (fondée au regard de la succombance principale de Monsieur [G]) et frais irrépétibles de première instance, sauf à préciser que Madame [R], [P] [V] veuve [G] et Monsieur [H], [F], [B] [G], Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G], viennent désormais aux droits de feu [Y] [G] (sans solidarité).
Madame [R], [P] [V] veuve [G] et Monsieur [H], [F], [B] [G], Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G], venant désormais aux droits de feu [Y] [G], seront condamnés aux dépens d'appel, sans solidarité, le bien fondé d'une condamnation solidaire n'étant pas mis en évidence.
L'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
Le jugement, non utilement critiqué sur ce point, ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a ordonné son exécution provisoire.
Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt par défaut, mis à disposition au greffe le 1er février 2023,
RAPPELLE que par arrêt du 5 mai 2021, la cour a notamment :
-déclaré recevables en la forme l'appel principal de Monsieur [Y] [G] et l'appel incident de Madame [O] [J] [E] [X],
-constaté qu'il n'est pas contesté que l'instance, interrompue par la notification à l'autre partie du décès d'[Y] [G] (intervenu le 2 mai 2019), a été légalement reprise par Madame [R], [P] [V] veuve [G] et Monsieur [H], [F], [B] [G], ayant droits du de cujus,
-déclaré recevable l'intervention volontaire à l'instance d'appel de Madame [R], [P] [V] veuve [G] et Monsieur [H], [F], [B] [G], venant aux droits de feu [Y] [G],
-déclaré recevable l'intervention forcée de Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G] à l'instance d'appel,
DECLARE irrecevables les conclusions au fond transmises le 12 septembre 2022 et pièces n°16 à 18 de Madame [R] [V] veuve [G] et Monsieur [H] [G] communiquées postérieurement à la clôture de l'instruction du 7 juillet 2020,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 23 novembre 2018, tel que déféré, sauf :
-en ses mentions relatives à la procédure conservatoire spécifique,
-en ce qu'il dit que le licenciement devait être requalifié en licenciement [sans] cause réelle et sérieuse, le pour cause réelle et sérieuse figurant dans le dispositif du jugement étant manifestement une pure erreur de plume des premiers juges au vu de leur motivation préalable,
-en ce qu'il a condamné Monsieur [Y] [G] à payer à Madame [O] [E] [X] les sommes suivantes: 12.000 euros de dommages et intérêts au titre d'un licenciement abusif, 2.000 euros d'indemnité au titre d'une irrégularité de procédure,
-à préciser que la somme objet de condamnations au titre de l'indemnités de préavis est exprimée nécessairement en brut,
-à préciser, concernant les condamnations au paiement au profit de Madame [O] [E] [X] de diverses sommes au titre de l'indemnité de préavis, de l'indemnité légale de licenciement, des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que Madame [R], [P] [V] veuve [G], Monsieur [H], [F], [B] [G], Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G] viennent désormais aux droits de feu [Y] [G],
-en ses dispositions afférentes à la rectification de documents sous astreinte,
-à préciser, concernant la condamnation aux dépens de première instance, que Madame [R], [P] [V] veuve [G], Monsieur [H] [F], [B] [G], Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G] viennent désormais aux droits de feu [Y] [G],
Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que le licenciement dont Madame [O] [E] [X] a été l'objet de la part de Monsieur [Y] [G] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave,
DEBOUTE Madame [O] [E] [X] de ses demandes au titre d'un licenciement abusif, et au titre d'une indemnité pour irrégularité de procédure,
ORDONNE à Madame [R], [P] [V] veuve [G] et Monsieur [H], [F], [B] [G], Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G], venant désormais aux droits de feu [Y] [G], de remettre à Madame [E] [X] des documents sociaux (attestation Pôle emploi, certificat de travail) rectifiés conformément au présent arrêt, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,
DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE Madame [R], [P] [V] veuve [G], Monsieur [H], [F], [B] [G], Monsieur [N], [W], [T] [G] et Monsieur [B], [L], [Y] [G], venant aux droits de feu [Y] [G], aux dépens d'appel,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE P/ LE PRÉSIDENT EMPECHE