ARRET N°
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15 Février 2023
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N° RG 21/00009 - N° Portalis DBVE-V-B7F-B7ZS
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S.A.S. [4]
C/
URSSAF DE LA CORSE
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Décision déférée à la Cour du :
09 décembre 2020
Pole social du TJ d'AJACCIO
18/00206
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : QUINZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANTE :
S.A.S. [4] prise en la personne de son représentant légal Monsieur [G] [C]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-Francois BERNARDI de la SELAFA FIDUCIAL, avocat au barreau d'AJACCIO substitué par Me Jean-Aurélien SANTONI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
URSSAF DE LA CORSE
Contentieux
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Raphaële DECONSTANZA, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur JOUVE, Président de chambre et Madame COLIN, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 février 2023.
ARRET
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière, présente lors de la mise à disposition de la décision.
FAITS ET PROCEDURE
La SAS [4] a fait l'objet d'un contrôle de l'URSSAF relatif à la période couvrant les années 2014 et 2015.
Par lettre d'observations notifiée le 8 août 2019, l'organisme vérificateur envisageait un redressement d'un montant total de 35 011 € comprenant notamment 1 288 € au titre d'un avantage en nature constitué par la mise à disposition d'un véhicule (point n°2) et 31 793 € au titre d'avances en comptes courants consenties à un dirigeant (point n°4).
Par courrier du 14 mars 2017, la société a contesté en totalité les points n°2 à 4.
Une mise en demeure était ensuite adressée, le 28 juillet 2017, réclamant le paiement d'un rappel de cotisations à hauteur de 35 011 € outre 5 527 € de majorations de retard, pour un total de 40 538 €.
La commission de recours amiable saisie le 15 septembre 2017a notifié à la société sa décision du 28 mars 2018, validant intégralement le redressement visé par la mise en demeure.
Le 12 septembre 2017, la SAS [4] s'était acquittée de la somme réclamée.
Par requête enregistrée le 16 juillet 2018, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ajaccio en contestation des cotisations supplémentaires mises à sa charge au titre des points n°2 et 4.
Par jugement contradictoire du 9 décembre 2020, cette juridiction devenue le Pôle social du tribunal judiciaire d'Ajaccio a :
- validé la mise en demeure du 28 juillet 2017,
- confirmé la décision de la commission de recours amiable du 28 mars 2018,
- débouté la SAS [4] de ses demandes.
Par courrier recommandé adressé au greffe de la cour et portant la date d'expédition indiquée par le poste du 23 décembre 2020, la SAS [4] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes des conclusions de son conseil et soutenues à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SAS [4] qui conclut à l'infirmation du jugement déféré, sollicite :
- le dégrèvement des cotisations supplémentaires mises à sa charge d'un montant de 1 288 € au titre de l'avantage en nature sur véhicule,
- qu'il soit jugé que les époux [C] disposaient envers la SAS [4] d'une créance d'un montant de 182'938, 83 € liée à l'acquisition personnelle d'un local auprès de la SARL [3],
en conséquence,
- que soit ordonné le dégrèvement des cotisations supplémentaires mises à sa charge au titre des comptes courants débiteurs au cours des années 2014 et 2015,
à titre subsidiaire, si la cour considérait que le couple ne disposait pas de la créance de 182'938, 83 €,
- que soit ordonné le dégrèvement des cotisations supplémentaires mises à sa charge d'un montant de 27'459 € au titre des comptes courants débiteurs au cours de l'année 2014 et de soumettre à cotisation la somme de 1 928 €,
- que soit ordonné le dégrèvement des cotisations supplémentaires mises à sa charge d'un montant de 4 - que soit ordonné le dégrèvement des cotisations supplémentaires mises à sa charge au titre des comptes courants débiteurs au cours de l'année 2014 et de soumettre à cotisation la somme de 1 928 €, 334 € au titre des comptes courants débiteurs au cours de l'année 2014,
L'URSSAF de la Corse dans ses écritures adressées à la cour par courriel le 7 octobre 2022, qui conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sollicite :
- le rejet de l'ensemble des prétentions adverses,
en conséquence,
- la confirmation de la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF de la Corse en date du 28 mars 2018,
- le rejet de l'ensemble des demandes adverses.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel :
Interjeté dans les formes et délai de la loi, l'appel formé par la SAS [4] sera déclaré recevable.
Sur l'avantage en nature :
Dans ses conclusions auxquelles la cour renvoie pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, l'appelante conteste le jugement déféré en ce qu'il a validé la position de l'URSSAF qui , pour les années 2014 et 2015 a considéré comme avantage en nature et a soumis à cotisations, la fourniture au directeur technique de l'entreprise, Monsieur [H], d'un véhicule pourtant utilitaire et pour un usage purement professionnel.
L'intimée maintient sa position estimant que la société qui a la charge de la preuve, ne justifie du caractère et de l'usage qui doivent être exclusivement professionnels, de la voiture, en l'espèce un 4x4 Hyundai prétendument aménagé en véhicule utilitaire à l'aide d'un 'kit Société', et qu'elle ne fournit par ailleurs aucun élément véritablement probant établissant l'absence totale d'utilisation par le salarié à titre personnel.
Aux termes d'une circulaire ministérielle du 19 août 2005, n° 2005-129, la notion de véhicule utilitaire peut être vérifiée par référence à la carte grise du véhicule. Doivent être ainsi considéré comme tels des véhicules appartenant la catégorie II (véhicules affectés au transport de marchandise) de l'annexe II A de l'arrêté du 5 novembre 1984... et dont la carrosserie est définie comme 'fourgonnette dérivée de V.P.' En tout état de cause, il peut s'agir de voitures particulières au sens de l'article R3 111-1 du code de la route, dès lors qu'elles ont fait l'objet d'un aménagement particulier dans un but d'utilisation professionnelle, notamment par une transformation véhicule à trois portes.
En application de ces dispositions, il y a lieu de considérer que le caractère utilitaire du véhicule est suffisamment établi par les mentions 'CTTE' et 'DERIV VP' qui figurent sur le certificat d'immatriculation et auxquelles, bien qu'elles soient déclaratives, il peut être donné foi dans la mesure où le kit société a été posé d'origine par le concessionnaire lors de la livraison de la voiture pour la transformer en utilitaire par notamment la suppression de la banquette arrière et des ceintures de sécurité ainsi que par une modification de l'aménagement intérieur avec notamment extension du plancher du coffre et que cette opération ainsi que celle éventuellement de remise en configuration de voiture particulière, supposent contrairement à ce que suggère l'URSSAF, nécessairement l'intervention d'un professionnel.
La circulaire précitée prévoit également que lorsque l'employeur met à la disposition du salarié un véhicule utilitaire, il n'y a pas lieu de constater un avantage en nature dès lors que : l'employeur indique sur un document -règlement intérieur, circulaire professionnelle, courrier papier ou électronique...que ce véhicule est utilisé pour un usage uniquement professionnel.
Concernant cette deuxième condition cumulative, force est de constater qu'un tel document n'a pas été évoqué et a fortiori présenté pendant le temps du contrôle. La production providentielle plus d'un an et demi plus tard, au cours de l'instance judiciaire, d'un avenant au contrat de travail de Monsieur [H] prévoyant que l'usage du véhicule litigieux est strictement professionnel et que le salarié ne pourra en aucun cas l'utiliser pour un usage privé, n'est absolument pas convaincante, s'agissant d'un document établi entre les parties sans aucune garantie de l'authenticité de sa date de signature.
Il convient donc de confirmer le jugement déféré qui a rejeté la demande de dégrèvement sur le point n°2 du redressement.
Sur le compte courant associé :
Doivent être considérées comme versées et donc soumises à cotisations en vertu de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale, les sommes mises à disposition d'un dirigeant, par inscription à un compte personnel ou tout autre moyen et ce, même s'il y a conclusion d'un accord de renonciation : les sommes entrées dans le patrimoine sont soumises à cotisations même si elles sont ensuite abandonnées. Il en est de même pour une avance en compte courant, même s'il y a régularisation ultérieure.
L'inspecteur chargé du contrôle a relevé que le compte courant 455 de la société concernait les dépenses personnelles de son président, Monsieur [G] [C], qu'il ne s'agissait pas d'avances sur dividendes, que de nombreuses écritures en opérations diverses venaient en diminuer le solde, qu'aucun versement de l'intéressé ne venait alimenter ce compte, que sur les deux années contrôlées, le solde ne diminuait pas et que si le comptable de l'entreprise avait prétendu que les dividendes versés au président venaient compenser le compte au 31 décembre 2015, cette assertion n'a pu être vérifiée à l'examen des documents produits.
Il a alors été procédé à une régularisation totale d'un montant de 31'793 € après reconstitution du montant des sommes versées en brut :
- en 2014, 64 870 € en net soit 81 098 € en brut,
- en 2015, 10 745 € en net soit 13 517 € en brut
La société [4] soutient que Monsieur [C] disposait avec son épouse d'un compte-courant d'un montant de 182'938,83 € lié à l'acquisition personnelle d'un local auprès de la société [3] et qui n'a été inscrit dans ses comptes qu'à hauteur de 37'393 80 €. La société [3] ayant été placée en redressement judiciaire, a été en mesure de rembourser sa dette, dans le cadre du plan d'apurement du passif, en dix règlements émis par le mandataire judiciaire, 'par erreur'non au profit du couple mais à celui de la SAS [4] . L'expert-comptable de cette dernière a inscrit ce remboursement au crédit du compte courant associé à hauteur des deux dernières échéances seulement (soit 37'393 80 €).
Ce moyen repose sur un postulat inexact à savoir que le couple [C] étant titulaire d'une créance à l'égard de la société [3] , c'est à la suite d'une 'erreur' que son remboursement à l'occasion de la réalisation du plan d'apurement établi lors de la procédure de redressement judiciaire s'est effectué sous forme de règlement successifs, par chèques au profit de la SAS [4] et que comptablement, il a été décidé d'affecter les fonds au compte courant associé litigieux afin de permettre à son titulaire d'en disposer.
Or bien que l'appelante se soit dispensée de produire l'ordonnance du juge-commissaire admettant la créance de 182'938,83 € au passif de la société [3], il est évident que le mandataire judiciaire a effectué les versements au profit de la personne nominativement désignée dans cette décision.
C'est donc la SAS [4] qui, judiciairement, a été reconnue titulaire de la créance. S'il y a eu 'erreur', on peine déjà à croire que les époux [C] (ou que la société que le mari dirige), pour une somme aussi importante, n'aient jamais signalé la difficulté aux différents organes de la procédure collective, préférant alors pour pas moins de dix échéances, s'en accommoder et recourir à un procédé comptable des plus contestables. En tout cas, s'ils n'ont pas jugé utile de faire procéder à une rectification, ils doivent aujourd'hui en assumer les conséquences juridiques.
La cour remarque qu'en outre, l'appelante qui prétend que Monsieur [G] [C] qui disposait avec son épouse, Madame [X], d'un compte courant d'un montant de 182 938,83 € lié à l'acquisition personnelle d'un local auprès de la SARL [3], ne précise pas pourquoi, de façon illogique au regard de son raisonnement, seules la mention de deux échéances sur les dix honorées, a été portée sur ce compte en novembre 2013.
La cour relève enfin qu'un compte courant associé n'a pas vocation à fonctionner comme un compte bancaire personnel enregistrant les règlement directs via la trésorerie de la société, des dépenses courantes privées de son titulaire.
En conséquence, l'URSSAF a légitimement considéré que l'inscription des différentes sommes concernées sur le compte associé de Monsieur [C] constituait une mise à disposition de celles-ci soumise à cotisations en vertu de l'article L 241-1 du code de la sécurité sociale.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
La SAS [4] succombant, supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe de la cour,
DÉCLARE recevable l'appel formé par la SAS [4],
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS [4] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT