ARRET N°
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03 Mai 2023
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N° RG 21/00260 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CCUJ
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[D] [E]
C/
S.A.R.L. GOLFO DI SOGNO
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Décision déférée à la Cour du :
09 novembre 2021
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
20/00016
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANT :
Monsieur [D] [E]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représenté par Me David HONORAT avocat au barreau de PARIS et par Me Anna-Livia GUERRINI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
S.A.R.L. GOLFO DI SOGNO
N° SIRET : 046 120 176
[Adresse 2],
[Localité 1]
Représentée par Me David HAZZAN, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Julie BOUCHAREU, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 février 2023 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame BETTELANI, conseillère chargée du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre,
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 03 mai 2023
ARRET
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.
EXPOSE DU LITIGE
Se prévalant d'une relation de travail avec la S.A.R.L. Golfo di Sogno, Monsieur [D] [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 3 février 2020, de diverses demandes.
Selon jugement du 9 novembre 2021, le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
-dit que Monsieur [D] [E] n'apportait pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail le liant à la Société Golfo di Sogno,
-constaté l'absence de lien contractuel entre Monsieur [D] [E] et la Société Golfo di Sogno,
en conséquence,
-débouté Monsieur [D] [E] de ses demandes, fins et conclusions,
-condamné Monsieur [D] [E] aux entiers dépens.
Par déclaration du 14 décembre 2021 enregistrée au greffe, Monsieur [D] [E] a interjeté appel de ce jugement, en ce qu'il a : dit que Monsieur [D] [E] n'apportait pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail le liant à la Société Golfo di Sogno, constaté l'absence de lien contractuel entre Monsieur [D] [E] et la Société Golfo di Sogno, débouté Monsieur [D] [E] de ses demandes, fins et conclusions, condamné Monsieur [D] [E] aux entiers dépens.
Aux termes des dernières écritures de son conseil, transmises au greffe en date du 3 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur [D] [E] a sollicité :
-d'infirmer le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 9 novembre 2021 en ce qu'il a : dit que Monsieur [D] [E] n'apportait pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail le liant à la Société Golfo di Sogno, constaté l'absence de lien contractuel entre Monsieur [D] [E] et la Société Golfo di Sogno, débouté Monsieur [D] [E] de ses demandes, fins et conclusions, condamné Monsieur [D] [E] aux entiers dépens,
-statuant à nouveau : à titre principal,
*de constater l'existence d'un contrat de travail entre Monsieur [D] [E] et la Société Golfo di Sogno du 1er janvier 1997 au 14 juin 2019, que Monsieur [D] [E] était, pendant cette période, employé en qualité de directeur administratif avec le niveau de qualification cadre non dirigeant - 5ème catégorie - position II - coefficient 250 de la convention collective nationale de l'hôtellerie de plein air du 2 juin 1993 (brochure n°32.71), que la cessation des fonctions de Monsieur [D] [E] doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de débouter la Société Golfo di Sogno de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, de fixer le salaire brut mensuel de Monsieur [D] [E] à la somme de 9.000 euros, sur une base de 151,67 heures travaillées par mois,
*en conséquence, de condamner la Société Golfo di Sogno à verser à Monsieur [D] [E] la somme de 324.000 euros, ainsi que les congés payés y afférents, soit la somme de 32.400 euros, au titre du paiement des arriérés de salaires qui ne lui ont jamais été versés pour les cinq dernières années, de condamner la Société Golfo di Sogno à régulariser auprès des organismes sociaux compétents l'intégralité des cotisations patronales et salariales qui s'applique aux salaires de Monsieur [D] [E] pour la période susvisée, de condamner la Société Golfo di Sogno à verser à Monsieur [D] [E] la somme de 54.000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (six mois de salaire) en application des dispositions de l'article L8223-1 du code du travail, la somme de 27.000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (trois mois de salaire), la somme de 2.700 euros au titre des congés payés afférents, la somme de 58.500 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, la somme de 148.500 euros (soit 16,5 mois de salaire) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner la Société Golfo di Sogno à verser à Monsieur [D] [E], sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir ses bulletins de salaire pour la période allant du 1er janvier 1997 au 30 septembre 2019 - les années précédentes étant prescrites - et ses attestation Pôle emploi et certificat de travail, de condamner la Société Golfo di Sogno à verser à Monsieur [D] [E] la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes des dernières écritures de son conseil, transmises au greffe en date du 16 mai 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.R.L. Golfo di Sogno a demandé :
-de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 9 novembre 2021,
-in limine litis, juger que l'action de Monsieur [D] [E] tendant à obtenir le versement d'un
rappel de salaires au titre des cinq dernières années est prescrite,
-en tout état de cause, sur la période non prescrite, de constater l'absence de lien contractuel entre Monsieur [D] [E] et la Société Golfo di Sogno, en conséquence, de débouter Monsieur [E] de ses diverses fins et conclusions, le condamner à payer à la Société Golfo di Sogno la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 6 septembre 2022, et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 8 novembre 2022, puis un renvoi a été ordonné à l'audience du 14 février 2023.
A l'audience du 14 février 2023, l'affaire a été appelée et la décision mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 3 mai 2023.
MOTIFS
A titre préalable, il convient de constater qu'aucune exception de procédure, devant être examinée in limine litis, n'a été soulevée, la prescription invoquée par la S.A.R.L. Golfo di Sogno relative à la demande de rappels de salaire de Monsieur [E] n'étant qu'une fin de non recevoir et non une exception procédurale.
En l'état d'une contestation de l'existence même d'une relation de travail entre Monsieur [E] et la S.A.R.L. Golfo di Sogno, la cour abordera en premier lieu, non la question de la fin de non recevoir pour prescription opposée par la S.A.R.L. Golfo di Sogno (sur le fondement de l'article L3245-1 du code du travail) à la demande de rappels de salaire de Monsieur [E], mais celle de l'existence d'un contrat de travail entre les parties, question qui conditionne l'examen de toutes les autres.
Il y a lieu de rappeler qu'un contrat de travail se définit habituellement comme une convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération, tandis qu'il est désormais admis qu'en présence d'une prestation de travail et d'un lien de subordination, le juge ne peut écarter l'existence d'un contrat de travail au seul motif d'une absence de rémunération.
Monsieur [E] querelle le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 9 novembre 2021 en ses dispositions relatives à l'absence de preuve de l'existence d'un contrat de travail liant Monsieur [E] à la S.A.R.L. Golfo di Sogno et ainsi à l'absence de lien contractuel entre ces parties, Monsieur [E] se prévalant de l'existence -déniée par la partie adverse- d'une relation de travail en qualité de directeur administratif (niveau de qualification cadre non dirigeant - 5ème catégorie - position II coefficient 250 de la convention collective Nationale de l'hôtellerie de plein air) du 1er janvier 1997 au 14 juin 2019 au sein de la S.A.R.L. Golfo di Sogno.
Toutefois, comme retenu pertinemment par les premiers juges, Monsieur [E], au travers des pièces visées par ses soins (notamment des attestations, courriels, courriers et écrits divers, factures, procès-verbaux et soit-transmis du parquet d'Ajaccio à la D.D.T.M., outre un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directrice administrative à effet du 15 juin 2019, entre la S.A.R.L. Golfo di Sogno et Madame [E], épouse de Monsieur [E], alors encore gérante de la société) ne démontre pas de l'existence d'un lien de subordination entre lui-même et la S.A.R.L. Golfo di Sogno, dont il était associé minoritaire, c'est à dire l'existence d'une exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Force est de constater d'ailleurs que Monsieur [E], dans le cadre de l'argumentation développée dans ses écritures d'appel, ne conteste pas réellement l'absence d'élément matériel permettant d'établir l'existence d'un lien de subordination, exposant uniquement à cet égard que cette absence 'peut s'expliquer compte tenu des liens familiaux en question'. Or, l'existence de liens familiaux, singulièrement entre Monsieur [E] et son épouse, alors gérante de la société, ne dispense pas l'intéressé de rapporter, au soutien de ses diverses demandes liées à l'existence d'un contrat de travail, la preuve d'un lien de subordination, par exemple en démontrant qu'il a exercé les fonctions revendiquées sous le contrôle de la gérante de l'entreprise, dans le respect d'instructions et directives données par celle-ci, ce que Monsieur [E] ne fait pas en l'espèce.
Dans ces conditions, en l'absence de lien de subordination mis en évidence, l'existence d'une relation de travail liant Monsieur [E] et la S.A.R.L. Golfo di Sogno du 1er janvier 1997 au 14 juin 2019 ne peut être considérée comme établie, sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus des moyens développés par Monsieur [E] à l'appui de ses prétentions sur ce point, ni les moyens opposés à ces égards par la S..A.R.L Golfo di Sogno.
Dès lors, le jugement ne pourra qu'être confirmé en ce qu'il a dit que Monsieur [D] [E] n'apportait pas la preuve de l'existence d'un contrat de travail le liant à la Société Golfo di Sogno, constaté l'absence de lien contractuel entre Monsieur [D] [E] et la Société Golfo di Sogno, et consécutivement, -sans qu'il y ait lieu d'examiner la fin de non recevoir pour prescription opposée par la S.A.R.L. Golfo di Sogno à la demande de rappels de salaire de Monsieur [E]- a débouté Monsieur [E] de l'ensemble de ses demandes, afférentes à l'existence d'un contrat de travail entre les parties, à l'exécution et la rupture d'un tel contrat, outre celles liées à l'existence corrélative d'un travail dissimulé. Les demandes en sens contraire seront rejetées.
Monsieur [E], partie succombante, sera condamné aux dépens de première instance (le jugement entrepris étant confirmé à cet égard) et de l'instance d'appel.
Le jugement entrepris, non utilement critiqué sur ce point, sera confirmé en ses dispositions querellées au titre des frais irrépétibles de première instance.
L'équité commande de prévoir la condamnation de Monsieur [E] à verser à la S.A.R.L. Golfo di Sogno une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 3 mai 2023,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 9 novembre 2021, tel que déféré,
Et y ajoutant,
DIT qu'en l'absence d'une relation de travail liant les parties, il n'y a pas lieux d'examiner la fin de non recevoir pour prescription opposée par la S.A.R.L. Golfo di Sogno, sur le fondement de l'article L3245-1 du code du travail, à la demande de rappels de salaire adverse,
DEBOUTE Monsieur [D] [E] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE Monsieur [D] [E] à verser à la S.A.R.L. Golfo di Sogno une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE Monsieur [D] [E] aux dépens de l'instance d'appel,
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT