La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/05/2023 | FRANCE | N°20/00218

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 17 mai 2023, 20/00218


ARRET N°

-----------------------

17 Mai 2023

-----------------------

N° RG 20/00218 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B7SI

-----------------------

[P] [N]

C/

[T] [V], CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE





----------------------

Décision déférée à la Cour du :

09 novembre 2020

Pole social du TJ de BASTIA

20/00393

------------------

















Copie exécutoire délivrée le :







r>
à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS





APPELANTE :



Madame [P] [N]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me ...

ARRET N°

-----------------------

17 Mai 2023

-----------------------

N° RG 20/00218 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B7SI

-----------------------

[P] [N]

C/

[T] [V], CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

09 novembre 2020

Pole social du TJ de BASTIA

20/00393

------------------

Copie exécutoire délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

APPELANTE :

Madame [P] [N]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Claude CRETY, avocat au barreau de BASTIA substituée par Me Bernard GIANSILY, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEES :

Madame [T] [V]

N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 4]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Christine SECONDI, avocat au barreau de BASTIA

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE

Service Contentieux

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur JOUVE, Président de chambre et Madame COLIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Conseillère

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 février 2023, puis a fait l'objet de prorogations au 15 mars et 17 mai 2023.

ARRET

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière, présente lors de la mise à disposition de la décision.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 21 octobre 2016, Mme [P] [N], employée en qualité de fleuriste par Mme [T] [V] au sein du magasin [8] à [Localité 12], a sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Corse la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'une 'épitrochléite droite avec compression du nerf cubital droit'. A l'appui de sa demande, elle produisait ultérieurement un certificat médical initial établi le 23 novembre 2016 par le Dr [Y] [U], médecin généraliste.

La CPAM a ainsi procédé à l'instruction de deux dossiers - l'un relatif au syndrome canalaire du nerf ulnaire droit et l'autre à la tendinopathie des muscles épitrochléens du coude droit - dans le cadre du tableau n°57 B des maladies professionnelles relatif aux 'affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail '.

A l'issue, la caisse a procédé à la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de [Localité 9] au motif que la condition relative à la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer les maladies n'était pas remplie.

Par deux décisions du 02 juin 2017, la CPAM a été contrainte de notifier à Mme [N] un premier refus de prise en charge en raison de l'absence de réception de l'avis du CRRMP avant l'expiration des délais réglementaires d'instruction.

Dans son avis finalement rendu le 18 juillet 2017, le CRRMP de [Localité 9] a conclu à l'absence de lien direct entre les pathologies déclarées et la profession exercée par Mme [N].

Par deux décisions du 20 juillet 2017, la CPAM a en conséquence notifié à l'assurée le rejet de sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de ses deux pathologies.

Le 21 août 2017, Mme [N] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable (CRA) de la caisse.

Le 25 septembre 2017, se trouvant en présence d'une décision implicite de rejet de la CRA, Mme [N] a porté sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de la Haute-Corse qui, par jugement avant dire droit du 22 octobre 2018, a désigné le CRRMP de [Localité 11] afin de recueillir l'avis motivé de ce dernier sur l'origine professionnelle des affections déclarées.

Le 27 septembre 2019, ce comité a émis un nouvel avis défavorable quant au caractère professionnel des maladies présentées par Mme [N].

En parallèle, Mme [V], dernier employeur de l'assurée, est intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement contradictoire du 03 février 2020, la juridiction - devenue pôle social du tribunal judiciaire de Bastia - a prononcé la radiation de l'affaire à la suite d'un défaut de diligence de la demanderesse, qui en a sollicité ultérieurement la réinscription au rôle.

Par jugement contradictoire du 09 novembre 2020, la juridiction a :

- débouté Mme [N] de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmé la décision de la CPAM ayant refusé la prise en charge de ses pathologies au titre de la législation sur les risques professionnels ;

- condamné Mme [N] au paiement des entiers dépens.

Par courrier électronique du 26 novembre 2020, Mme [N] a interjeté appel de l'entier dispositif de ce jugement.

L'affaire a été appelée utilement à l'audience du 11 octobre 2022, au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, Mme [P] [N], appelante, demande à la cour de':

' DIRE recevable et bien fondé l'appel formé par Madame [N] contre le jugement du Pôle social du Tribunal judiciaire de Bastia du 9 novembre 2020

L'infirmer en ce qu'il a :

- Débouté Madame [P] [N] de l'ensemble de ses demandes,

- Confirmé la décision de la CPAM, qui lui a refusé la prise en charge de sa pathologie au titre de la maladie professionnelle

- Condamné Madame [P] [N] aux dépens.

En conséquence :

- Annuler les décisions en date du 2 juin 2017 ainsi que la décision implicite de refus de la CRA.

- Dire que les deux affections déclarées par la salariée le 23 novembre 2016 ont une origine professionnelle

- Condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie à être tenue de payer à Madame [N] le rappel sur indemnités journalières et de la rétablir dans l'ensemble de ses droits.

Avant dire droit :

- Ordonner la désignation d'un nouveau comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles afin de procéder à l'expertise médicale aux fins de donner son avis motivé sur l'origine professionnelle des affections déclarées par l'intéressée le 23 novembre 2016.

En tous les cas condamner la CPAM de Haute-Corse à verser à Madame [N] la somme de 2 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.'

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait notamment valoir qu'elle a été reconnue travailleur handicapé et que les pathologies dont elle souffre sont directement causées par son activité de fleuriste - ce qu'ont également considéré les Drs [C] et [U] - activité qu'elle exerce depuis 1978 à raison de plus de 18 heures par semaine et impliquant le port régulier de charges lourdes ainsi que des gestes répétitifs.

Elle soutient ensuite que les avis des CRRMP de [Localité 9] et de [Localité 11] reposent sur la même erreur factuelle relative à son ancienneté dans la profession de fleuriste, ces comités ayant retenu qu'elle l'exerçait depuis 2010 et non 1978. Selon elle, cet élément est pourtant revêtu de l'autorité de la chose jugée, le jugement avant dire droit du 22 octobre 2018 en faisant état.

L'appelante expose en outre que les attestations établies par les salariés de Mme [V] ne sont pas probantes au regard du lien de subordination auxquels ils sont soumis.

Elle sollicite par ailleurs avant dire droit la désignation d'un nouveau CRRMP, au visa de l'article L. 141-2 du code de la sécurité sociale.

*

Au terme de ses écritures, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, intimée, demande à la cour de :

'Décerner acte à la concluante de ce qu'elle a fait une exacte applications des textes en vigueur,

Confirmer la décision du Pôle Social de [Localité 2] du 9 novembre 2020,

Homologuer les avis du CRRMP de [Localité 9] et de [Localité 11],

Confirmer les décisions de la Caisse Primaire lui refusant la prise en charge des affections du 23 novembre 2016 au titre de la législation sur les risques professionnels,

Rejeter Madame [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Condamner Madame [N] à payer à la Caisse Primaire de Haute-Corse la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.'

L'intimée réplique notamment que le métier de fleuriste ne figure pas sur la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer les maladies énoncées au tableau n°57.

Elle fait également valoir que deux CRRMP, représentant l'avis de cinq médecins, ont conclu de façon claire et non équivoque à l'absence de lien de causalité directe entre les pathologies déclarées et l'activité professionnelle de Mme [N].

Concernant l'erreur factuelle invoquée par l'appelante, la caisse souligne que la date de 2010 retenue par les CRRMP concerne uniquement son dernier contrat de travail au sein de la société [8].

S'agissant de la durée effective de son activité de fleuriste, la CPAM souligne que :

- Mme [N] n'a exercé aucune activité de 1988 à 2000, puis de 2001 à 2003, de 2009 à 2010 et enfin depuis le 1er septembre 2015 ;

- elle a exercé la profession d'aide à domicile entre le 1er août 2000 et le 30 septembre 2001 ;

- son contrat de travail et ses bulletins de salaire démontrent qu'elle a exercé à temps partiel depuis 2010,

de sorte que c'est à tort que l'appelante affirme avoir exercé le métier de fleuriste depuis 1978 à raison de 40 heures par semaine.

*

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, Mme [T] [V], intimée, demande à la cour de :

'Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

Débouter Mme [N] de toutes ses fins et prétentions en cause d'appel et de sa nouvelle demande d'expertise.

La condamner à payer à la concluante la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens.'

L'intimée réplique notamment que les affirmations de l'appelante relatives au port de charges lourdes et à la réalisation de mouvements répétitifs sont erronées au regard :

- du travail à temps partiel exercé par Mme [N] ;

- de la faible fréquentation du magasin, telle qu'établie par les recettes de 2015 et son certificat de radiation de 2017 ;

- des attestations qu'elle produit.

Mme [V] conteste également la durée pendant laquelle Mme [N] a exercé la profession de fleuriste en soutenant que :

- le jugement avant dire droit du 22 octobre 2018 n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée lorsqu'il indique que Mme [N] a exercé l'activité de fleuriste à compter de 1978 ;

- les bulletins de salaire produits sont de mauvaise qualité et ne mentionnent pas de durée hebdomadaire de travail ;

- entre 2003 et 2009, Mme [N] n'a travaillé qu'une année et a été en arrêt pendant 5 ans à la suite d'un accident du travail ;

- Mme [N] n'exerçait qu'à raison de 18 heures par semaine au sein de l'entreprise [8], qui n'avait par ailleurs qu'un faible chiffre d'affaires.

Mme [V] souligne au surplus que les photographies versées par l'appelante n'ont aucune force probante et mettent en scène des plantes n'ayant jamais été vendues dans son magasin.

*

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Il convient de rappeler que l'homologation vise à donner, par décision judiciaire, force légale à un accord intervenu entre les parties. Il n'y a donc pas lieu d'y procéder s'agissant des avis des CRRMP, simples mesures d'instruction destinées à éclairer le juge, lequel n'est pas lié, en application des dispositions de l'article 246 du code de procédure civile, par les constatations ou les conclusions des techniciens.

- Sur la recevabilité de l'appel

L'appel de Mme [N], interjeté dans les formes et délai légaux, sera déclaré recevable.

- Sur la demande de désignation d'un nouveau CRRMP

Mme [N] sollicite avant dire droit la désignation d'un nouveau CRRMP. La cour objectera que deux comités ont d'ores et déjà émis leur avis dans la présente procédure et que de nombreuses pièces sont produites par les parties.

La cour s'estime donc suffisamment éclairée et déboutera, à l'instar des premiers juges, l'appelante de cette prétention.

- Sur le caractère professionnel de la pathologie de l'assuré

L'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, dispose en ses alinéas cinq à neuf qu''Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d'origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire.'

Trois hypothèses distinctes résultent de ces dispositions :

- soit la maladie est désignée dans l'un des tableaux des maladies professionnelles et a été contractée dans les conditions précisées audit tableau : la victime bénéficie alors d'un régime de présomption d'imputabilité de la maladie à son activité professionnelle ;

- soit la maladie est désignée dans l'un des tableaux des maladies professionnelles mais une ou plusieurs des conditions posées par ledit tableau ne sont pas remplies (délai de prise en charge, durée d'exposition, liste indicative ou limitative des travaux susceptibles de la causer) : la maladie pourra alors être qualifiée de professionnelle s'il est démontré, après recueil obligatoire de l'avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ;

- soit la maladie n'est pas désignée dans l'un des tableaux des maladies professionnelles : elle pourra être qualifiée de professionnelle s'il est démontré, après recueil obligatoire de l'avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, que le travail habituel de la victime a, de manière essentielle et directe, entraîné son décès ou une incapacité permanente partielle d'au moins 25 %, taux fixé par l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale.

En l'espèce, Mme [N] a sollicité la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'une tendinopathie des muscles épitrochléens et d'un syndrome canalaire du nerf ulnaire désignés au tableau n°57 B relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, figurant en annexe II du code de la sécurité sociale.

Les conditions tenant à la désignation de la maladie, au délai de prise en charge et à la durée d'exposition ne sont pas contestées par les parties.

Le litige porte donc sur la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer cette pathologie et plus largement, depuis la saisine des CRRMP, sur le lien de causalité directe entre les maladies et le travail habituel de Mme [N].

Le tableau n° 57 B, dans sa version applicable à la présente espèce, est ainsi rédigé :

DESIGNATION DES MALADIES

DELAI de prise en charge

LISTE LIMITATIVE DES TRAVAUX susceptibles de provoquer ces maladies

- B -

Coude

Tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens associée ou non à un syndrome du tunnel radial

14 jours

Travaux comportant habituellement des mouvements répétés de préhension ou d'extension de la main sur l'avant-bras ou des mouvements de pronosupination.

Tendinopathie d'insertion des muscles épitrochléens

14 jours

Travaux comportant habituellement des mouvements répétés d'adduction ou de flexion et pronation de la main et du poignet ou des mouvements de pronosupination.

Hygroma : épanchement des bourses séreuses ou atteintes inflammatoires des tissus sous-cutanés des zones d'appui du coude

- forme aiguë ;

- forme chronique.

7 jours

90 jours

Travaux comportant habituellement un appui prolongé sur la face postérieure du coude.

Syndrome canalaire du nerf ulnaire dans la gouttière épithrochléo-oléocranienne confirmé par électroneuromyographie (EMG)

90 jours (sous réserve d'une durée d'exposition de 90 jours)

Travaux comportant habituellement des mouvements répétitifs et/ou des postures maintenues en flexion forcée.

Travaux comportant habituellement un appui prolongé sur la face postérieure du coude.

Mme [N] mentionne, en réponse au questionnaire transmis par la caisse, que la cause des affections dont elle souffre réside dans l'utilisation quotidienne de sécateurs et d'épineuses ainsi que dans le port de charges lourdes.

Mme [V] rétorque dans un courrier du 15 mars 2018 que le poids maximal que ses salariées et elle étaient contraintes de porter s'élevait à 12 kgs, ce de manière très occasionnelle. Elle souligne en outre que sa boutique de [Localité 12] n'accueillait en moyenne que quatre ou cinq clients par jour, le chiffre d'affaire de l'année 2014 étant réduit à la somme de 28 000 euros. Selon elle, Mme [N] ne confectionnait qu'un à deux bouquets par jour, à l'exception de certaines fêtes telles que la fête des mères.

Il est constant qu'en octobre 2014, Mme [V] a adressé à sa salariée un avertissement fondé sur le mauvais entretien de la boutique et qu'un litige prud'homal a opposé Mme [N] à son employeure à la suite du licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement dont Mme [N] a fait l'objet le 27 mars 2017.

Il importe dès lors d'observer avec attention les autres documents produits.

Ainsi, sur la durée de l'exposition aux risques professionnels, il sera relevé que :

- Mme [N] a travaillé à temps plein en qualité de vendeuse (et non de fleuriste) du 1er octobre 1978 au 31 octobre 1988, soit durant 10 ans ;

- elle n'a pas exercé son métier de fleuriste de 1988 à 2003 ;

- Mme [J] [A], employeure de Mme [N] de novembre 2003 à mars 2009, atteste que celle-ci n'a travaillé dans son entreprise, en qualité de fleuriste à temps complet, que de novembre 2003 à novembre 2004 - soit durant un an - avant d'être placée en arrêt pendant plus de quatre ans à la suite d'un accident du travail ;

- Mme [N] a ensuite été recrutée par Mme [V] pour exercer dans la boutique [8] de [Localité 12] de juillet à décembre 2009 dans le cadre d'un premier contrat, puis de janvier 2010 à mars 2017 dans le cadre d'un second contrat à temps partiel, étant précisé que la salariée a été arrêtée pour cause de maladie ordinaire durant sept mois d'août 2010 à février 2011, puis durant deux mois du 05 février au 06 avril 2015 à la suite d'un accident du travail, puis du 1er septembre 2015 jusqu'à la date de son licenciement le 27 mars 2017, soit un total de deux ans et trois mois d'absence ;

- les bulletins de salaire de Mme [N] de l'année 2013, 2014 et 2015 font état d'un volume horaire hebdomadaire de base d'environ 20 heures (outre quelques heures supplémentaires variant selon les fêtes célébrées), à l'exception de la période estivale au cours de laquelle la salariée travaillait à temps plein.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que contrairement à ce qu'elle affirme dans ses écritures, Mme [N] n'a pas exercé son métier de fleuriste de manière continue depuis 1978, et qu'au cours de l'année 2015 - date de la première constatation de ses pathologies selon les CRRMP - elle n'a travaillé que six mois dont quatre à temps partiel.

Quant au jugement du TASS du 22 octobre 2018, il y a lieu de rappeler qu'il a été rendu avant dire droit et et s'est borné à ordonner une mesure d'instruction, de sorte qu'en application des dispositions de l'article 482 du code de procédure civile, il n'était nullement revêtu de l'autorité de la chose jugée. Il sera également rappelé qu'en tout état de cause, l'autorité de la chose jugée s'attache au seul dispositif d'un jugement.

S'agissant du port de charges lourdes et de la répétitivité des gestes, la cour constate que :

- les deux attestations établies le 22 février 2018 par Mme [R] [X], ancienne salariée de Mme [V] et ancienne employée des établissements parisiens [10], font état du port occasionnel de plantes ne dépassant jamais 18 kgs et de la faible fréquentation du magasin [8] au cours de l'année 2015, à hauteur de trois clients par jour l'hiver et de cinq à six clients l'été ;

- cette faible activité économique s'est d'ailleurs traduite par la cessation de l'activité de Mme [V] le 30 novembre 2015, comme le démontre le certificat de radiation produit ;

- Mme [F] [G], fleuriste expérimentée et non soumise à un quelconque lien de subordination à l'égard de Mme [V], confirme, dans une attestation du 1er mars 2018, que les seules compositions florales pouvant atteindre 15 kgs sont les compositions mortuaires ;

- M. [K] [O], fleuriste non salarié de Mme [V], atteste également le 12 mars 2018 que son métier n'implique jamais de devoir porter des charges d'un poids égal ou supérieur à 25 kgs.

Il ressort de ces pièces que la dimension habituelle des tâches impliquant le port de charges lourdes fait défaut et qu'au regard de l'activité déficitaire de la boutique, le caractère répétitif des gestes qu'implique la confection de bouquets n'est pas démontré en l'espèce.

En outre, les certificats médicaux des Drs [U] et [C] ne revêtent qu'une faible force probante pour être établis sur la base des seules déclarations de l'assurée. Les médecins les ayant établis ont d'ailleurs pris les précautions d'usage en recourant au verbe 'sembler' et à l'adverbe 'vraisemblablement'.

Au surplus, aucun élément du dossier n'indique que le versement par la CARSAT d'une 'retraite personnelle au titre de l'incapacité permanente' est en lien avec les pathologies litigieuses. Il en va de même de la décision du 17 octobre 2017 prise par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées ayant reconnu à Mme [N] la qualité de travailleur handicapé à compter du 1er juillet 2017, ce d'autant plus qu'il ressort du dossier que l'assurée a également subi une rupture partielle du tendon d'Achille et une fracture du coccys dans un contexte manifestement étranger à la présente procédure. Ces éléments ne sont donc pas de nature à emporter la conviction de la cour.

Quant aux photographies versées au débats par les parties, non datées ni localisées - à l'exception d'une vue particulièrement floue de la devanture du magasin issue d'une 'street view' de juillet 2012 - elles n'ont aucune valeur probante.

Il sera également observé que le CRRMP de [Localité 9] a considéré de manière claire et non équivoque que 'le travail est exercé à temps partiel", que 'l'exposition au risque n'est pas celle d'une fleuriste à temps plein', qu'un 'fait traumatique en février 2015 a déclenché les douleurs du coude droit', qu'une 'gestuelle en appui prolongé sur la face postérieure des coudes ou posture maintenue en flexion forcée du coude droit ne se vérifie pas au poste de travail' et que 'la gestuelle de pronosupination et préhension n'est pas répétée au sens du tableau MP 57".

Son analyse a été partagée par le CRRMP de [Localité 11] qui a estimé que l'assurée 'exerçait une activité variée à temps partiel exposant de manière limitée aux risques du tableau 57B'.

Enfin, il est manifeste qu'une confusion est opérée par l'appelante entre la maladie professionnelle revendiquée et un accident du travail subi le 05 février 2015 ayant généré, parmi d'autres lésions, une épitrochléite droite, comme en atteste le certificat médical de prolongation établi le 31 août 2015 par le Dr [U] et produit par la CPAM. Cette confusion ressort également des écritures de l'appelante qui fonde la décision de refus de prise en charge de la caisse sur une expertise du Dr [B] [D], alors que cette expertise technique a été réalisée dans le cadre de la procédure relative à l'accident du travail du 05 février 2015 et portait sur la date de consolidation de l'état de Mme [N].

Par conséquent, en l'absence de démonstration de l'existence d'un lien direct entre le travail habituel de Mme [N] et les pathologies dont elle souffre, il sera retenu que c'est à bon droit que la CPAM a refusé de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, les maladies déclarées par l'assurés le 21 octobre 2016.

Dès lors, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a :

- débouté Mme [N] de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmé les décisions de la CPAM ayant refusé la prise en charge de ses pathologies au titre de la législation sur les risques professionnels.

- Sur les dépens

L'alinéa 1er de l'article 696 du code de procédure civile dispose que 'la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie'.

Mme [N] devra donc supporter la charge du paiement des entiers dépens exposés en cause d'appel et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement des dépens de première instance.

- Sur les frais irrépétibles

L'équité commande en l'espèce de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront donc déboutées de leur demande formée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

DECLARE recevable l'appel interjeté le 26 novembre 2020 par Mme [P] [N] ;

CONFIRME en toutes ses dispositions déférées le jugement rendu le 09 novembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia ;

Y ajoutant,

DEBOUTE Mme [P] [N] de l'ensemble de ses demandes ;

DEBOUTE la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse de sa demande d'homologation des avis émis par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles de [Localité 9] et de [Localité 11] ;

DEBOUTE la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse et Mme [T] [V] de leur demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [P] [N] au paiement des entiers dépens exposés en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 20/00218
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;20.00218 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award