ARRET N°
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17 Mai 2023
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N° RG 20/00230 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B7XH
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[M] [Z]
C/
[3], Mutualité [3]
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Décision déférée à la Cour du :
07 décembre 2020
Pole social du TJ de BASTIA
19/00108
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANT :
Monsieur [M] [Z]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représenté par Me Claude CRETY, avocat au barreau de BASTIA, substituée par Me Bernard GIANSILY, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEES :
[3] (en sa qualité d'employeur), prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Marie-France SANTELLI-PINNA, avocat au barreau d'AJACCIO substituée par Me Liria PRIETTO, avocat au barreau d'AJACCIO
[3] (en sa qualité de caisse), prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Gilles ANTOMARCHI, avocat au barreau de BASTIA substitué par Me Stéphanie ANTOMARCHI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur JOUVE, Président de chambre et Madame COLIN, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 février 2023, puis prorogé au 15 mars et 17 mai 2023
ARRET
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière, présente lors de la mise à disposition de la décision.
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [M] [Z], salarié de la [3] depuis 1979 en qualité de cadre-coordinateur responsable des fonctions 'accueil' et 'contrôle', a fait l'objet, le 09 juin 2016, d'un accident pris en charge par la [3] - en sa qualité d'organisme de sécurité sociale - au titre de la législation sur les risques professionnels. Il a été placé en arrêt de travail du 10 juin 2016 jusqu'à son récent licenciement pour inaptitude.
Le 21 septembre 2016, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Bastia afin notamment de voir ordonner la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre des indemnités de licenciement, de la réparation du préjudice moral causé par des faits de harcèlement et du préjudice résultant de la violation du principe 'à travail égal, salaire égal'.
Par jugement de départage du 28 juin 2018, le conseil de prud'hommes a déclaré irrecevables, pour cause de prescription, les demandes formées par M. [Z] au titre de la violation du principe 'à travail égal, salaire égal' avant de débouter de l'ensemble de ses autres prétentions.
M. [Z] a interjeté appel de cette décision et par arrêt du 18 septembre 2019, la présente cour a confirmé le jugement querellé, sauf en ce qu'il a déclaré l'irrecevabilité, pour cause de prescription :
- de la demande de rappel de salaire pour violation du principe 'à travail égal, salaire égal' pour la période postérieure au 21 septembre 2013 ;
- de la demande de réparation du préjudice distinct relatif à la violation du principe 'à travail égal, salaire égal' pour la période postérieure au 21 septembre 2014 ;
et, au fond, a débouté M. [Z] de ces deux demandes.
En parallèle, M. [Z] a saisi, le 15 mars 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Bastia afin de voir reconnaître la faute inexcusable de la [3] prise en sa qualité d'employeur.
Par jugement contradictoire du 07 décembre 2020, la juridiction - devenue tribunal judiciaire - a :
- déclaré recevable l'action de M. [Z] ;
- débouté M. [Z] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné M. [Z] à payer à la [3], prise en sa qualité d'employeure, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déclaré ce jugement commun et opposable à la [3], prise en sa qualité de caisse.
Par courrier électronique du 17 décembre 2020, M. [Z] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné à payer la somme de 3 000 euros à la [3], prise en sa qualité d'employeure, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'affaire a été appelée à l'audience du 11 octobre 2022 au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, M. [M] [Z], appelant, demande à la cour de':
' DIRE recevable et bien fondé l'appel formé par Monsieur [Z] contre le jugement du Pôle social du Tribunal judiciaire de Bastia du 7 décembre 2020
L'infirmer en ce qu'il a :
- Débouté Monsieur [M] [Z] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné Monsieur [M] [Z] à verser à la [3], prise en sa qualité d'employeur, la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
En conséquence :
- Constater que la [3] s'est rendue coupable d'une faute inexcusable au sens de l'article L 452-1 du code de la sécurité sociale,
- Dire que la rente servie au salarié sera majorée au maximum,
- Désigner tel médecin expert qu'il plaira à la Cour de céans avec pour mission de :
- Prendre connaissance de l'ensemble des documents de la cause
- Décrire les lésions imputables à l'accident de travail du 16 juin 2016
- Fixer la date de consolidation
- Dire si l'état de la victime nécessite avec consolidation et après consolidation, l'aide d'une tierce personne et en fixer la durée
- Dégager en les spécifiant les éléments justifiant une indemnisation au titre du préjudice douloureux temporaire et définitif, du préjudice d'agrément.
- Dire si le préjudice corporel est susceptible d'engendrer une perte ou la diminution d'une possibilité de promotion professionnelle
- Evaluer le poste de chaque taux de préjudice
- Dire si l'état de la victime est susceptible de modification en aggravation ou amélioration et, dans l'affirmative, fournir au tribunal toute précision utile de cette évolution et dans le cas où un nouvel examen serait nécessaire indiquer le délai dans lequel il devrait y procéder,
- Condamner la [3] (employeur) à verser une provision de 5 000,00 € à Monsieur [Z] dans l'attente des résultats de l'expertise,
- Condamner la [3] (employeur) à verser à Monsieur [Z] la somme de 3 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.'
Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait notamment valoir que la faute inexcusable de son employeur est caractérisée car ce dernier a adopté un comportement diffamant ayant altéré sa santé psychique lors de l'entretien qui s'est déroulé le 09 juin 2016, altération ayant justifié la prise en charge de cet événement au titre de la législation professionnelle, ainsi que l'a constaté le juge départiteur du conseil de prud'hommes de Bastia dans son jugement du 28 mai 2018. Cet accident du travail n'a pas été contesté par l'employeur qui a donc, selon l'appelant, expressément reconnu son manquement.
M. [Z] ajoute qu'il n'était aucunement prédisposé aux syndromes dépressifs puisque depuis 1979, il n'a jamais été arrêté pour un tel motif. Selon lui, la [3] avait néanmoins conscience de sa situation de fragilité au regard des alertes qu'il lui avait adressées notamment :
- à la suite d'une altercation ayant eu lieu lors d'une réunion portant sur les retards de paiement de cotisations par un agriculteur, M. [W] [L] ;
- dans le cadre de ses demandes de rattrapage salarial tendant à mettre fin au traitement inégalitaire dont il est victime ;
- par le biais des commentaires portés sur ses entretiens d'évaluation 2009 et 2014.
Il soutient également que le fait que la cour d'appel ait estimé, dans le cadre du litige prud'homal, que le harcèlement moral et la discrimination salariale n'étaient pas caractérisés, ne saurait être regardé comme étant frappé de l'autorité de la chose jugée dans le cadre de la présente instance.
L'appelant souligne également avoir toujours fait l'objet de bonnes évaluations et donné satisfaction aux assurés ainsi qu'aux partenaires institutionnels de la [3] qui ont à plusieurs reprises salué son investissement professionnel.
M. [Z] relève enfin les carences de son employeur dans la prise en charge d'un précédent accident du travail survenu le 03 mars 2009 ainsi que celle d'un signalement adressé en juin 2008 relatif à des menaces subies sur son lieu de travail.
*
Au terme de ses écritures, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la [3], prise en sa qualité d'employeur, intimée, demande à la cour de':
'Confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia le 7 décembre 2020 en ce qu'il a :
- Jugé que la faute inexcusable n'est pas caractérisée ;
- Débouté Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamné Monsieur [Z] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ainsi, et statuant à nouveau, il est également demandé à la Cour de céans de :
- Juger que les conditions permettant de caractériser l'existence d'une faute inexcusable ne sont pas réunies ;
- Débouter Monsieur [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
- Condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.'
L'intimée réplique notamment que seule la caisse de [3] a reconnu l'existence d'un accident du travail, et non la [3] en sa qualité d'employeur, et qu'en tout état de cause, la reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ne suppose pas la démonstration préalable d'une faute commise par l'employeur.
La [3] fait en outre valoir que M. [Z] - sur lequel pèse la charge de la preuve - n'apporte aucun élément susceptible de caractériser l'existence d'une faute inexcusable, l'entretien du 09 juin 2016 ne constituant ni un manquement à son obligation de sécurité ni un fait constitutif de harcèlement moral ou de discrimination, mais relevant d'un exercice normal de son pouvoir de direction.
Par ailleurs, elle affirme que les certificats médicaux ne sauraient attester que du seul état de santé du salarié et en aucun cas du lien entre cet état et l'activité professionnelle, de sorte que c'est à tort que les Drs [H] et [X] établissent un lien de causalité entre le syndrome dépressif de M. [Z] et l'entretien professionnel du 09 juin 2016.
L'intimée soutient au surplus qu'elle ne pouvait avoir conscience d'un danger auquel aurait été exposé le salarié, celui-ci ne présentant aucun antécédent laissant supposer une fragilité psychologique et n'ayant jamais alerté sa direction ni les instances représentatives du personnel. Ni le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ni le médecin de prévention ne l'ont davantage alertée sur la situation de M. [Z].
La [3] souligne également n'avoir jamais manqué de prendre les mesures nécessaires pour prévenir l'apparition des risques psychosociaux au moyen :
- de la signature le 19 janvier 2012 d'un accord relatif à la prévention de tels risques ;
- de la mise à jour annuelle du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) ;
- de l'adoption annuelle et du suivi d'un plan d'action de prévention des risques psychosociaux par le CHSCT.
S'agissant des frais irrépétibles, la [3] qualifie la procédure engagée par M. [Z] d'abusive au regard :
- de sa tardiveté, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable ayant été initiée presque trois ans après l'accident du travail ;
- du maintien de son action par l'appelant à l'issue de la procédure prud'homale l'ayant débouté de ses demandes relatives à l'existence d'un harcèlement moral et d'une discrimination salariale ;
- de l'argumentaire de l'appelant qui a présenté les mêmes écritures à quatre reprises à l'encontre de la [3], qui a été contrainte d'engager des frais pour faire valoir ses moyens de défense.
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Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la [3], prise en sa qualité de caisse de sécurité sociale, intimée, demande à la cour de':
' Statuer ce que de droit sur la recevabilité en la forme de l'appel interjeté par Monsieur [M] [Z] à l'encontre du jugement déféré du 7 décembre 2020,
Au fond, l'en débouter et confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Subsidiairement et s'il devait en être autrement,
Retenir que la [3] s'en remet à l'appréciation de la cour sur le mérite de la demande en reconnaissance de la faute inexcusable,
Et dans l'hypothèse où la cour viendrait à faire droit à la demande de Monsieur [M] [Z],
Retenir encore que la caisse qui sera tenue de faire l'avance des indemnités allouées à celui-ci, pourra en récupérer le montant auprès de l'employeur conformément aux dispositions de l'article L. 452-3 dernier alinéa du code de la sécurité sociale,
Condamner Monsieur [M] [Z] au paiement de la somme de 840 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.'
La caisse de [3] indique notamment s'en rapporter à l'appréciation de la cour sur la demande de M. [Z] tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
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Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
- Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de M. [Z], interjeté dans les formes et délai légaux, sera déclaré recevable.
- Sur la faute inexcusable de l'employeur
L'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que 'Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.'
Il résulte en outre des dispositions des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, en veillant notamment à mettre en place des actions d'information et de formation, à éviter les risques, à évaluer ceux ne pouvant être évités et à adapter le travail des salariés, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements et des méthodes de travail et de production.
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers ce dernier à une obligation de sécurité, notamment en ce qui concerne les accidents du travail. Le manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 susvisé lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, ces deux critères étant cumulatifs.
La conscience du danger exigée de l'employeur est analysée in abstracto et ne vise pas une connaissance effective et précise de celui-ci. Elle s'apprécie au moment ou pendant la période de l'exposition au risque.
Il est par ailleurs indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident subi par le salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que sa responsabilité soit engagée, alors même que d'autres fautes - notamment celle de la victime - auraient concouru au dommage.
Enfin, la reconnaissance de la faute inexcusable d'un employeur suppose pré-établie l'existence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
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En l'espèce, aucune des parties ne conteste la prise en charge par la caisse de l'accident du 09 juin 2016 au titre de la législation professionnelle.
Mais comme le souligne à bon escient l'employeur, l'absence de contestation de cette prise en charge ne vaut cependant pas reconnaissance de l'existence d'une faute lui étant imputable, le caractère professionnel d'un accident pouvant découler de la simple mise en oeuvre du régime de présomption de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale.
Il ressort des pièces versées aux débats que M. [Z] a été convoqué par la direction de la [3], représentée par Mme [B] [U], à un entretien qui s'est déroulé le 09 juin 2016. Si la finalité première de cet entretien était l'évaluation annuelle du salarié, un doute subsiste quant à la date réelle de cette évaluation puisque la pièce n°21 de la [3] est intitulée 'Préparation de l'entretien de l'évaluateur' et qu'aucun compte-rendu d'entretien signé par M. [Z] n'est produit. Il n'en demeure pas moins qu'un entretien entre le salarié et sa hiérarchie s'est bien tenu le 09 juin 2016.
M. [Z] soutient qu'au cours de cet entretien, il lui a été reproché la délivrance d'un certificat de régularité à un cotisant débiteur, cette remise en cause de son honnêteté étant constitutive d'un harcèlement moral à l'origine de la dépression réactionnelle diagnostiquée.
M. [Z] fait également valoir, en produisant de manière peu appropriée un dossier similaire à celui soumis aux deux juridictions prud'homales saisies, que son employeur ne pouvait qu'avoir conscience du danger auquel il était exposé au regard des alertes qu'il lui avait adressées s'agissant notamment de la discrimination salariale dont il s'estimait victime.
Toutefois, l'analyse de l'ensemble des pièces descriptives de l'entretien du 09 juin 2016 ne permet pas de caractériser l'existence d'un manquement imputable à la [3]. Outre l'absence de témoin direct ni même indirect des propos tenus au cours de cet échange, il ressort du compte-rendu établi le 13 juin 2016 par M. [Z] lui-même (pièce n°12 de l'appelant) que Mme [U] n'a pas outrepassé l'exercice normal de son pouvoir de direction. En effet, lors de l'évocation de son incompréhension face à la décision de suspendre l'autorisation de délivrer des certificats de régularité au sein de l'agence de [Localité 1], M. [Z] décrit Mme [U] comme 'surprise et embarrassée par toutes ces informations' et comme ne voulant 'offusquer personne'. Il ajoute qu'elle a clos cette partie de l'entretien non pas en évoquant l'éventualité d'une sanction mais uniquement en lui proposant une formation. S'agissant de la question de l'attribution de 'points d'évolution', abordée par M. [Z] de lui-même, Mme [U] s'est contentée de lui indiquer que cette attribution n'était pas d'actualité et que les promesses de l'ancien directeur n'engageaient pas le nouveau.
La description de l'entretien par le salarié correspond d'ailleurs à celle qui en a été faite par Mme [U] (pièce n°26 de l'intimée), qui indique que M. [Z] 'a exprimé son sentiment d'être suspecté, que son honnêteté était mise en cause' et qu'elle l'a 'assuré qu'il n'en était rien, qu'il n'y avait aucun jugement de valeur mais simplement l'énoncé d'éléments factuels : l'adhérent concerné avait bien une dette et l'attestation avait été délivrée à tort.' Mme [U] précise : 'J'ai rajouté que rien dans mes propos ni dans ceux de la Direction ne laissait entendre une quelconque suspicion mais juste un constat d'erreur. Monsieur [Z] m'a répondu : C'est mon ressenti'. Mme [U] affirme enfin que 'Dans l'après-midi, une réunion technique s'est tenue en présence de [M] [Z] et deux collaborateurs ; elle s'est déroulée normalement.'
Une telle attitude ne saurait être qualifiée d'humiliante ni de vexatoire.
Quant à la conscience du danger, elle ne ressort pas davantage de la procédure, M. [Z] n'ayant - selon ses propres affirmations - jamais fait l'objet d'un arrêt de travail causé par un syndrome dépressif depuis son entrée en fonction en 1979. Les remarques qu'il a faites le 05 août 2010 à l'issue de son entretien d'évaluation 2009 (pièce n°17 de l'intimée), outre leur ancienneté, ne laissaient nullement présager une quelconque fragilité psychologique mais témoignaient des échanges normaux entre un salarié et son employeur. Aucune alerte du CHSCT ni du médecin de prévention, qui a pourtant régulièrement examiné M. [Z], n'a été transmise à la [3]. Les menaces sur le lieu de travail évoquées en 2008 par l'appelant dans un questionnaire, non datées ni circonstanciées, l'ont été dans le cadre d'un sondage effectué par la médecine de prévention et n'ont pas été porté directement à l'attention de l'employeur.
S'agissant des demandes non satisfaites d'attribution de points d'évolution, elles s'inscrivent dans le cadre d'une relation de travail ordinaire, certes peu épanouissante, mais ne sauraient être appréhendées comme la manifestation évidente d'une souffrance psychique du salarié.
Quant aux autres griefs formulés par l'appelant à l'encontre de son employeur (tels que le traitement de 'l'affaire [L]'), ils ne caractérisent en rien une quelconque conscience du danger mais retracent les événements d'une vie professionnelle ponctuée parfois d'incidents.
Ainsi, il sera jugé, sans méconnaître la réalité du mal-être éprouvé par M. [Z], que d'une part, n'est pas démontrée l'existence d'un comportement humiliant, violent ou vexatoire de l'employeur à l'égard du salarié lors de l'entretien qui s'est déroulé le 09 juin 2016, d'autre part, que la réaction de M. [Z], qui ne présentait aucun antécédent pouvant laisser supposer une fragilité d'ordre psychologique ou psychiatrique, n'était nullement prévisible pour ce même employeur.
La [3], prise en qualité d'employeur, ne pouvait donc avoir conscience du danger auquel été exposé son salarié.
En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire d'analyser le second critère tenant aux mesures de sécurité prises par l'employeur (par ailleurs éludé par l'appelant), il sera jugé que la preuve d'une faute inexcusable commise par la [3] n'est pas rapportée en l'espèce.
Dès lors, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] de l'ensemble de ses demandes.
- Sur les dépens
L'alinéa 1er de l'article 696 du code de procédure civile dispose que 'la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie'.
M. [Z] devra donc supporter la charge du paiement des entiers dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
- Sur les frais irrépétibles
En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, M. [Z], partie succombante, sera condamné à payer les sommes de :
- 840 euros à la caisse de [3] ;
- 3 500 euros à la [3] prise en sa qualité d'employeur.
L'appelant seront donc débouté de sa demande formée sur ce même fondement et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamné à payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
DECLARE recevable l'appel interjeté le 17 décembre 2020 par M. [M] [Z] ;
CONFIRME en toutes ses dispositions déférées le jugement rendu le 07 décembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia ;
Y ajoutant,
DEBOUTE M. [M] [Z] de l'ensemble de ses demandes ;
CONDAMNE M. [M] [Z] au paiement des entiers dépens exposés en première instance et en cause d'appel ;
CONDAMNE M. [M] [Z] à payer à la caisse de la [3] la somme de 840 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [M] [Z] à payer à la [3], prise en sa qualité d'employeur, la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la caisse de [3] et la [3] prise en sa qualité d'employeur de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT