ARRET N°
HB/I.HIL/IH
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 04 JUIN 2013
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 29 janvier 2013
N° de rôle : 12/00957
S/appel d'une décision
du Tribunal paritaire des baux ruraux de VESOUL
en date du 12 avril 2012
Code affaire : 51A
Demande en paiement des loyers et des charges et/ou tendant à faire prononcer ou constater la résiliation pour défaut de paiement ou défaut d'assurance et ordonner l'expulsion
[M] [A] [O]
C/
[V] [K]
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [M] [A] [O], demeurant [Adresse 2]
APPELANT
COMPARANT EN PERSONNE, assisté par Monsieur [G] [X], juriste au S.A.J. 70-90 Maison des Agriculteurs de [Localité 4] selon pouvoir spécial daté et signé du 23 avril 2012 par Monsieur [A] [O]
ET :
Monsieur [V] [K], demeurant [Adresse 1]
INTIME
REPRESENTE par Me Martine LACOMBE, avocat au barreau de LURE
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats du 29 Janvier 2013 :
PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE
CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY
GREFFIER : Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES
Lors du délibéré :
PRESIDENT DE CHAMBRE : Monsieur Jean DEGLISE
CONSEILLERS : Madame Hélène BOUCON et Madame Véronique LAMBOLEY-CUNEY
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt serait rendu le 19 mars 2013 et prorogé au 4 juin 2013 par mise à disposition au greffe.
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Monsieur [M] [A] [O], exploitant agricole à [Localité 1] (70) a régulièrement interjeté appel le 23 avril 2012 d'un jugement rendu le 12 avril 2012 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Vesoul qui a prononcé la résiliation du bail verbal qui lui avait été consenti par Monsieur [V] [K] sur la parcelle cadastrée section ZN n° [Cadastre 1] de 4 ha 60 a 5 ca sur le territoire de la commune de [Localité 1] (70), au motif de sous-location prohibée de celle-ci de 2008 à 2010 à un autre exploitant, et qui l'a condamné à payer à Monsieur [K] la somme de 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il conteste l'existence d'une sous-location de la parcelle en cause, et fait grief au tribunal paritaire d'avoir retenu à l'appui de sa décision l'attestation de Monsieur [E], alors que celui-ci a déposé une demande d'autorisation d'exploiter ladite parcelle et a un intérêt personnel à ce que la résiliation du bail soit prononcée.
Il maintient que la présence de bovins appartenant à Monsieur [C] sur la parcelle louée de 2008 à 2010 correspond à une simple prise en pension, et non pas à une sous-location prohibée, et qu'il a continué à effectuer personnellement les travaux d'entretien des pâtures (clôtures - faudrage des refus - apport d'eau) sur l'ensemble de son exploitation, ainsi qu'il résulte des attestations de Monsieur [I] [C] et du maire de la commune de [Localité 1].
Il demande en conséquence à la cour d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de :
- dire que la prise en pension d'animaux n'est pas constitutive d'une violation de l'article L 411-35 du code rural,
- débouter Monsieur [V] [K] de sa demande de résiliation du bail,
- constater que nonobstant l'effet suspensif de l'appel, Monsieur [K] a fait obstacle à l'exploitation de la parcelle depuis le prononcé du jugement,
- condamner ne conséquence celui-ci à lui payer une indemnité de 550,92 € par an et par hectare en réparation du trouble de jouissance,
- ordonner sa réintégration dans les lieux loués,
- condamner Monsieur [K] à lui payer une somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, frais de constat d'huissier inclus.
Monsieur [V] [K] conclut pour sa part à la confirmation du jugement et au rejet des prétentions de l'appelant et sollicite la condamnation de celui-ci à lui payer une indemnité de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il maintient que depuis 2008, Monsieur [A] [O] n'exploite plus personnellement la parcelle louée et l'a donnée en sous-location à Monsieur [I] [C], qui y a mis ses génisses pendant trois années, étant donné qu'il a cessé toute activité d'élevage et de production de lait.
Il estime que le tribunal a considéré à juste titre, au vu des attestations qu'il a produites aux débats, que Monsieur [C] avait utilisé pendant trois années consécutives et de façon exclusive, la parcelle louée en y faisant paître ses bovins et en l'exploitant sous forme de vente d'herbe, et que Monsieur [A] [O] ne démontrait pas qu'il avait la charge de l'entretien et de la surveillance des animaux mis en pâture, les témoignages établissant que Monsieur [C] s'occupait de ses génisses, de sorte qu'on ne pouvait retenir que les sommes versées à Monsieur [A] [O] par Monsieur [C] étaient la contrepartie de la pension des animaux de ce dernier.
MOTIFS DE LA DECISION
Les dispositions d'ordre public de l'article L 411-35 du code rural interdisent toute sous-location des parcelles louées dans la cadre d'un bail rural.
La sous-location s'entend d'une mise à disposition du fonds loué, en contrepartie du paiement d'un loyer au preneur.
La prise en pension d'animaux sur le fonds loué ne constitue pas une sous-location prohibée, dès lors que le preneur est tenu de surveiller, soigner et garder les animaux et que la convention ne met pas à la charge du propriétaire des animaux l'entretien des parcelles (clôtures - fumures...).
En l'espèce, il est établi et constant en fait que pendant trois années consécutives en 2008, 2009 et 2010, une dizaine de génisses appartenant à Monsieur [I] [C], exploitant agricole à [Localité 2] ont pâturé sur la parcelle ZN n° [Cadastre 1] louée par Monsieur [K] à Monsieur [A] [O].
Les attestations produites aux débats par Monsieur [K] qui font état tantôt de mise en pension (Monsieur [P]) ou de vente d'herbe (Monsieur [C]), tantôt de location ou de sous-location (Monsieur [E] - Monsieur [Q]) ne peuvent en aucune façon emporter la conviction de la cour quant à la nature exacte de la convention liant les parties, faute de précisions données par les témoins sur les engagements réciproques.
Monsieur [A] [O] et Monsieur [I] [C] réaffirment à hauteur de la cour qu'il s'agissait d'une convention de prise en pension de bovins, ayant donné lieu à une facturation en fonction de l'âge et du nombre de ceux-ci.
Aucune des attestations produites par Monsieur [K] ne fait état de circonstances de fait de nature à remettre en cause cette qualification et à permettre de retenir celle de sous-location prohibée.
Ni les auteurs de ces attestations ni Monsieur [K] lui-même qui habitent à côté de la parcelle louée ne déclarent avoir vu Monsieur [I] [C] effectuer des travaux quelconques d'entretien sur celle-ci ni dispenser des soins à ses génisses ou même seulement les déplacer dans la pâture.
Ils se bornent à indiquer que Monsieur [C] venait les voir régulièrement sans autres précisions.
Or il convient de relever que l'exploitation de Monsieur [C] et son domicile sont situés à [Localité 3], commune distante de 59 kilomètres de celle de [Localité 1], soit à plus d'une heure de trajet en voiture, ce qui exclut qu'il ait conservé la surveillance quotidienne des animaux et envisagé d'effectuer des travaux d'entretien de la pâture, nécessitant l'utilisation de matériel agricole.
Enfin aucune des attestations relatant les propos que leur aurait tenus Monsieur [C] n'évoque le paiement par celui-ci d'un loyer forfaitaire à l'hectare, susceptible de mettre en doute la facture de prise en pension de huit génisses établie le 25 novembre 2010 par la SCEA Le Gaulois (Monsieur [A] [O]) à l'adresse de l'Earl [C] pour un montant de 1019,30 € TTC.
Il est permis de douter par ailleurs de la bonne foi du bailleur, qui a tenté de soutenir en première instance que Monsieur [A] [O] avait cessé toute exploitation laitière, affirmation formellement démentie par les documents relatifs aux références laitières et au livre zootechnique produits par le preneur et dont il apparaît d'autre part que la demande de résiliation de bail a été formée en réaction non pas à une prétendue sous-location de la parcelle de 2008 à 2010, mais en vue uniquement de faire échec aux dispositions de l'article L 323-14 du code rural autorisant le preneur Monsieur [A] [O] à mettre à la disposition du Gaec des Trois Provinces, dont il était devenu associé en avril 2011, la parcelle louée, sans autorisation préalable du bailleur, ledit Gaec ayant obtenu l'autorisation administrative d'exploiter celle-ci le 6 avril 2011.
La demande de résiliation du bail étant manifestement fondée sur un fallacieux prétexte, et destinée à faire échec au statut du fermage, il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Monsieur [V] [K] ayant repris possession de la parcelle louée dès après le prononcé du jugement alors que celui-ci n'était pas assorti de l'exécution provisoire, ainsi qu'il résulte d'un procès-verbal de constat de Maître [B], Huissier de Justice, en date du 9 mai 2012, il convient de faire droit à la demande du preneur en paiement d'une indemnité pour perte de jouissance sur la base des valeurs retenues par le protocole régional agricole actualisé en 2010 soit 550,92 € par an et par hectare, soit pour 4 ha 60 a une somme de 2534,23 €.
Monsieur [K] qui succombe sur l'appel supportera les dépens de première instance et d'appel outre les frais irrépétibles (frais de constat et d'assistance en justice) exposés par l'appelant à concurrence de la somme de 1000 €.
P A R C E S M O T I F S
La cour, chambre sociale, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Dit Monsieur [M] [A] [O] recevable et fondé en son appel ;
Infirme le jugement rendu le 12 avril 2012 par le tribunal paritaire des baux ruraux de Vesoul en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Dit non fondée et rejette la demande de Monsieur [V] [K] aux fins de résiliation du bail de la parcelle cadastrée ZN n° [Cadastre 1] d'une superficie de 4 ha 60 a 5 ca située à [Localité 1] ([Localité 1]) ;
Ordonne à Monsieur [V] [K] de restituer la jouissance de celle-ci au preneur, Monsieur [M] [A] [O], dans un délai de huit jours à compter de la signification du présent arrêt ;
Condamne Monsieur [V] [K] à payer à Monsieur [M] [A] [O] une indemnité de deux mille cinq cent trente quatre euros et vingt-trois centimes (2 534,23 €) en réparation de la perte de jouissance subie par lui depuis mai 2012 ;
Condamne Monsieur [V] [K] aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur [M] [A] [O] une indemnité de mille euros (1 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le quatre juin deux mille treize et signé par Monsieur Jean DEGLISE, président de chambre et Mademoiselle Ghyslaine MAROLLES, Greffier.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,