ARRET N° 17/
CP/GB
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 29 AOUT 2017
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 02 Juin 2017
N° de rôle : 16/01391
S/appel d'une décision
du CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE DOLE
en date du 07 juin 2016
code affaire : 80A
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Commune [Localité 1]
C/
[C] [L]
PARTIES EN CAUSE :
[Adresse 1]
APPELANTE
représentée par Me Laurent BESSE, avocat au barreau de BESANCON
ET :
Monsieur [C] [L], demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/002251 du 18/05/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BESANCON)
INTIME
représenté par Me Dominique GLAIVE, avocat au barreau de JURA
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats 02 Juin 2017 :
CONSEILLER RAPPORTEUR : Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties
GREFFIER : Mme Gaëlle BIOT, en présence de Charline COHEN, greffier stagiaire
lors du délibéré :
Madame Chantal PALPACUER, Présidente de chambre, a rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à M. Jérôme COTTERET, Conseiller et Monsieur Patrice BOURQUIN, Conseiller.
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 29 Août 2017 par mise à disposition au greffe.
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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES:
M.[C] [L] a été embauché le 15 mai 2014 par la Mairie [Établissement 1] en qualité de chargé de mission auprès du maire dans le cadre d'un contrat d'accompagnement à l'emploi. Il était rémunéré au Smic pour 20 heures par semaine, réparties du lundi au vendredi à raison de 4 h par jour.
Estimant avoir exercé en réalité des fonctions de chef de cabinet du Maire et avoir effectué de nombreuses heures supplémentaires rémunérées à un taux horaire inférieur à celui de l'emploi tenu, il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Dole le 10 septembre 2015 qui a condamné la Mairie [Établissement 1] à lui verser les sommes suivantes:
- 649,95€ au titre des heures complémentaires,
- 64,99€ au titre des congés payés y afférents,
- 17005,09€ au titre des heures supplémentaires,
- 1700,51€ au titre des congés payés y afférents.
Il a condamné l'employeur à lui remettre les feuilles de paye rectifiées et l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 20€ par jour de retard à compter du 60ème jour suivant la notification du jugement. Il s'est réservé le droit de liquider l'astreinte, a débouté M. [L] du surplus de ses demandes, a condamné l'employeur aux dépens et à lui verser une somme de 1000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile .
La Mairie [Établissement 1] a interjeté appel de la décision.
*
Dans ses conclusions déposées le 29 mai 2017, la Mairie [Établissement 1] demande:
- à titre principal:
- de réformer le jugement l'ayant condamné au paiement des heures complémentaires et des heures supplémentaires et de rejeter les demandes formulées à ce titre par M. [L].
- à titre subsidiaire:
- de dire que M. [L] a droit à la somme de 6094,43 € brut au titre des heures complémentaires effectuées soit 4836,90€ net ,
-de dire que cette somme se compensera avec le montant d'ores et déjà versé dans le cadre de l'exécution de la décision du Conseil de Prud'hommes.
Pour le surplus, elle demande la confirmation du jugement et sollicite l'octroi d'une somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions déposées le 22 mai 2017, M. [L] forme un appel incident pour voir réformée la décision ayant rejeté sa demande de rappel de salaire pour la période du 15 mai au 31 décembre 2014 et en ce qu'elle n'a pas pris en compte le taux horaire majoré pour les heures supplémentaires.
Il demande donc la condamnation de la Mairie [Établissement 1] à lui régler les sommes suivantes:
- rappel de salaires sur la période du 15 mai au 31 décembre 2014: 4635,60€ brut,
- congés payés y afférents : 463,56€,
- heures complémentaires majorées de 10% sur la même période: 1229,02€ brut,
- congés payés y afférents: 122,90€,
- heures complémentaires majorées de 25% sur la même période: 30 191,91€,
- congés payés y afférents: 3019,19€,
- au titre de l'article 700 du code de procédure civile: 2500€.
Il demande la remise des feuilles de paye et de l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 20€ par jour de retard à compter de la décision et la condamnation de la mairie aux dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience du 2 juin 2017.
MOTIFS DE LA DECISION:
Il est constant que M. [L] a été employé dans le cadre d' un contrat d'accompagnement à l'emploi (CAE), à compter du 15 mai 2014, pour une durée de 9 mois expirant le 14 février 2015, à raison de 20h par semaine.
Il n'est pas contesté que les parties avaient évoqué la signature d'un nouveau contrat à compter du 1er janvier 2015 mais qui n'a pas été signé en raison de la condamnation pénale de M. [L] pour des violences sur sa compagne qui était directrice des services de la Commune.
1.Sur la demande de rappel de salaire sur la période du 15 mai au 31 décembre 2014:
M. [L] se réfère au projet de contrat et au taux horaire convenu pour soutenir que pour exercer des fonctions rigoureusement identiques, la rémunération proposée était supérieure de sorte que dans l'exercice du CAE, il a droit au même taux horaire de 16,63€ dont il demande l'application sur la période considérée.
Si le Cae prévoit une rémunération sur la base du Smic horaire en vigueur pour une durée hebdomadaire de 20h, le projet de contrat prévoit effectivement une rémunération mensuelle brute calculée sur la base du 9ème échelon du grade d'attaché territorial, indice brut majoré 545 avec une IFTS de 570€ par mois.
Toutefois, tant le Cae que le projet de contrat mentionnent un emploi de chargé de mission auprès du maire, le projet visant en plus, la mission spécifique du dossier «Centre Bourg».
Pour prouver qu'il exerçait les mêmes fonctions que celles prévues par le projet de contrat dont il demande l'application de la rémunération, M. [L] prétend avoir en réalité exercé les fonctions de directeur de cabinet.
Il soutient ne pas avoir été qu' un simple exécutant, quand bien même il n'avait pas de délégation officielle du maire, il a exercé des fonctions excédant celles d'un simple chargé de mission et s'est vu confiées des responsabilités en matière d'élaboration des budgets et la gestion des ressources humaines ainsi que le volet politique, ce qui correspondrait aux attributions d'un directeur de cabinet.
Or, il importe peu de savoir si M. [L] exerçait une fonction de directeur de cabinet , dès lors que comme le fait remarquer la Mairie, au vu des textes, les communes de moins de 20 000 habitants ne pouvaient disposer que d'un seul collaborateur.
En revanche, il convient de déterminer la réalité des fonctions exercées et si elles correspondaient à celles décrites dans le projet de contrat pour lesquelles la rémunération envisagée était supérieure à celle perçue dans le cadre de l'exécution du CAE.
En effet, le projet lui donner une mission d'appui à la stratégie politique auprès de l'équipe municipale, la représentation extérieure des élus locaux, communication politique et inscriptions dans les réseaux, la gestion des ressources humaines (politique de recrutement, gestion du temps de travail, règlement intérieur des droits et devoirs des fonctionnaires...), les orientations budgétaires ( prospectives, projets structurants...) communication spécifique relative au dossier «Centre Bourg», projet de territoire relatif à la détection d'investisseurs (logement, commerces, hôtels...)
Or les pièces produites notamment les 52 comptes rendus de réunions inter services ou des réunions d'équipe ou enfin des réunions de l'équipe de la Grande Saline, démontrent qu'il y apparaît comme animateur ou même comme rapporteur en cas d'absence de la directrice générale Mme [Y] et qu'il est parfois désigné seul ou avec d'autres personnes comme responsable des sujets abordés
De plus, il ressort des attestations produites que:
- selon Mme [I] [Q] commerçante , élue municipale, M. [L] a joué un rôle de collaborateur du maire chargé de la communication, de la gestion du personnel, du suivi des finances et que dans ces tâches, il a fait preuve d'initiative et de détermination. Elle loue son implication et ses compétences ;
- selon, Mme [C] [B] retraitée et adjointe au Maire, et selon M. [H] [V] président de l'office du Tourisme, il avait un poste stratégique dans la municipalité, tous les deux confirmant les termes de l'attestation de Mme [Q].
- selon Mme [F] [K], directrice des thermes [Établissement 1], M. [L] a assumé d'octobre 2014 à mars 2015, les missions de directeur de cabinet qu'elle liste.
Enfin, les différents mails produits( pièce 22) d'octobre, de novembre et décembre 2014 démontrent qu'il a bien participé au traitement logistique de divers recrutements, ce que confirme l'attestation de Mme [G] [D] qui affirme que M. [L] lui a fait passer les entretiens d'embauche d'agent polyvalent des écoles, en septembre 2014.
Elle ajoute aussi qu'il convoquait et dirigeait les réunions d' équipes et conclut qu'il était le chef du personnel.
Enfin, il produit le dossier spécifique du «centre-bourg» dont il avait la charge, étant avec Mme [Y] le référent technique, ce qui ressort également du projet de contrat qui lui confie plus spécifiquement cette mission et des conclusions de l'employeur qui reconnaît qu'il voulait qu'il s'y consacre exclusivement.
Si effectivement, il ne disposait pas de pouvoir décisionnel, il apparaît des pièces et mails ( pièces26 à 33 et 100 à à 111) qu'il était responsable d'un certain nombre d'actions, qu'il suivait personnellement certains dossiers, qu'il intervenait dans le recrutement , participait aux réunions d'adjoints, convoquait aux réunions , faisait des interventions dans le traitement des dossiers de subventions...
Ces éléments sont suffisants pour démontrer que M. [L] était bien un collaborateur du maire et que les fonctions exercées étaient semblables à celles qui lui auraient été confiées si le contrat suivant avait été signé , l'employeur ne démontrant pas l'inverse et ne prouvant pas l'exercice d'un tutorat effectif sur le terrain ou l'accompagnement dans les tâches, reconnaissant d'ailleurs que le CAE avait été conclu pour qu'il fasse «ses preuves préalablement à une embauche.»
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement et de faire droit à la demande de rappel de salaire à hauteur de 4 307,45€, le montant n'étant pas contesté dans son calcul et celle de 463,56€ au titre des congés payés y afférents.
2.Sur les heures complémentaires:
Le Cae signé entre les parties étant un contrat de droit privé, les dispositions du code du travail s'appliquent.
Il résulte des dispositions de l'article L3123-17 du code du travail que chacune des heures complémentaires accomplie au delà de la limite fixée au premier alinéa soit le dixième de la durée prévue au contrat, donne droit à une majoration de salaire de 10%.
De plus, en application des dispositions de l'article L3123-19 dudit code, en cas de dépassement, chacune des heures accomplies au delà du dixième de la durée fixée ci dessus, donne lieu à une majoration de 25%.
C'est en application de ces textes que M. [L] demande paiement des heures complémentaires soit majorées au taux de 10% soit majorées au taux de 25%.
De plus, M. [L] a pris pour base les fiches individuelles de suivi des heures produites en pièce 8, pour les semaines 20 à 51 de l'année 2014, ce qui correspond à la période d'exécution du CAE.
Ces fiches indiquent le nombre d'heures effectuées en plus de l'horaire hebdomadaire prévu de 20h et portent la signature et le cachet de la Mairie.
M. [P] le maire a lui-même délivré à M. [L] un document daté du 11 octobre 2014 attestant que M. [L] avait effectué à cette date «946,50 heures supplémentaires». Or, sur la fiche individuelle de suivi validée par la Mairie, à cette date, c'est le même nombre d'heures qui y est indiqué dans la colonne «total».
Mme [K] dans son attestation confirme que la fiche de suivi présentée était «bien le document utilisé par l'ensemble du personnel de la mairie..»
La Mairie conteste la validité de ces fiches qu'elle argue de faux sans apporter de document démontrant leur fausseté, l'attestation de Mme [M] arrivée le 25 janvier 2015 n'apportant sur ce point aucun élément.
Dès lors, ces documents sont suffisamment probants pour démontrer la réalité des heures complémentaires, dont le principe n'est pas contesté par la Mairie mais le montant qu'elle entend voir limité à la somme de 4836,90€.
Pour contester le nombre mis en compte l'employeur se prévaut des dispositions de l'article L5134-26 code du travail qui restent inapplicables faute de preuve que la durée de travail ait été répartie sur la période selon un programme prévisionnel.
Dès lors, et comme l'a retenu le Conseil de Prud'hommes, M. [L] a effectué 62h complémentaires majorées à 10% et 1427,50 h majorées au taux de 25%, déduction faite des 25h d'ores et déjà payées en décembre 2014, et a droit en appliquant le taux horaire de base de 16,63€, à la somme de:
-1229,02 € outre 122,90€ au titre des congés payés y afférents pour les heures complémentaires majorées à 10%,
- 29 663,45 € outre celle de 2966,34 € au titre des heures majorées à 25%,
- 221,75€ au titre de la différence de taux horaire appliqué, outre 22,17 € au titre des congés payés y afférents.
Il convient aussi de condamner la Mairie [Établissement 1] à remettre à M. [L] un bulletin de paye et une attestation Pôle Emploi rectifiés conformément à la présente décision sans qu'aucun élément justifie d'assortir la condamnation d'une astreinte
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile:
La Mairie [Établissement 1] qui succombe dans la présente procédure, sera condamnée au paiement des dépens de la procédure d'appel ce qui entraîne le rejet de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité commande d'allouer à M. [L] une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS:
La Cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
INFIRME le jugement du Conseil de Prud'hommes de Dole du 7 juin 2016 en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaire et sur les montants alloués au titre des heures complémentaires, et en ce qu'il a assorti la remise des documents sociaux d'une astreinte,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la Mairie [Établissement 1] à verser à M. [C] [L] la somme de 4635,60€ au titre du rappel de salaire et celle de 463,56€ au titre des congés payés y afférents,
CONDAMNE la Mairie [Établissement 1] à verser à M. [C] [L] les sommes de:
-1229,02€ au titre des heures complémentaires majorées à 10%
-122,90€ au titre des congés payés y afférents,
-29 663,45 € au titre des heures majorées à 25%,
-2966,34 € au titre des congés payés y afférents,
-221,75€ au titre de la différence de taux horaire appliqué sur les 25 heures payées,
-22,17 € au titre des congés payés y afférents.
DIT n'y avoir lieu à assortir la remise du bulletin de paye et de l'attestation Pôle Emploi d'une astreinte,
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
CONDAMNE la mairie [Établissement 1] aux dépens de la procédure d'appel;
LA CONDAMNE à payer à M. [L] une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ,
LEDIT ARRÊT a été rendu par mise à disposition le vingt neuf août deux mille dix sept et signé par Mme Chantal PALPACUER, Présidente de Chambre, Magistrat et par Mme Gaëlle BIOT, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,