ARRET N° 18/520
PB/KM
COUR D'APPEL DE BESANCON
ARRET DU 04 SEPTEMBRE 2018
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 29 mai 2018
N° de rôle : 17/02100
S/appel d'une décision
du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BESANCON
en date du 22 septembre 2017
Code affaire : 88C
Demande en paiement de cotisations, majorations de retard et/ou pénalités
APPELANTE
URSSAF DE FRANCHE-COMTE, [...]
représentée par Me Séverine X..., avocat au barreau de BESANCON substitué par Me Hélène Y..., avocat au barreau de BESANCON
INTIMEE
ASSOCATION CAP FOOTBALL, Avenue du Stade - Stade Paul Z... - [...]
représentée par Me Floriane A..., avocat au barreau de BESANCON
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 29 Mai 2018 :
Mme Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre
M. Jérôme COTTERET, Conseiller
M. Patrice BOURQUIN, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme Karine MAUCHAIN, Greffier lors des débats
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 04 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe.
**************
FAITS ET PROCÉDURE
L'association Club Athlétique Pontarlier Football (Cap Football) est une association sportive ayant pour objet la pratique du football amateur, immatriculée auprès de l'Urssaf en qualité d'employeur depuis le 1er janvier 2004.
L'Urssaf a procédé à un contrôle portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2013.
Une lettre d'observations a été adressée à l'association le 22 septembre 2014 et à la suite de sa réponse, l'Urssaf lui a adressé une mise en demeure d'un montant de 28.763€, outre 4.057€ au titre des majorations de retard.
L'association a saisi la commission de recours amiable le 8 janvier 2015, puis en l'absence de réponse dans le délai d'un mois a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon le 3 avril 2015.
La commission a rejeté le recours le 23 octobre 2015.
Par jugement du 22 septembre 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Besançon a :
-dit qu'il n'existe pas de contrat de travail entre l'association et les joueurs amateurs,
- infirmé partiellement la décision de la commission de recours amiable ,
-annulé le rappel de cotisations visé dans la mise en demeure du 15 décembre 2014 mais seulement en ce qu'il concerne les points n° 1 ( prise en charge par l'employeur des cotisations ouvrières) et n°4 ( assurance chômage et Ags)
- dit qu'il appartiendra à l'Urssaf, le cas échéant, de rectifier en ce sens les termes de la mise en demeure,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 23 octobre 2017, l'Urssaf a interjeté appel de la décision.
Selon conclusions visées le 12 mars 2018, elle demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a annulé les points n° 1 et 4 de la mise en demeure et de :
-constater que l'association n'ayant pas contesté le redressement opéré du chef du pont n° 1 de la lettre d'observations, il y a lieu de valider le redressement opéré sur ce point,
-valider le point n ° 4 du redressement opéré ayant pour objet de soumettre aux cotisations chômage et AGS les sommes versées aux joueurs au titre des primes de match et des indemnités de défraiement,
-fixer le montant du redressement à la somme de 30.460€, se décomposant en 26.753€ de cotisations et 3.707€ de majorations de retard, après prise en compte de la rectification d'erreur matérielle sur laquelle les parties ont toutes deux conclu en première instance,
-condamner l'association à lui payer la somme de 470€ restant due après prise en compte de son paiement,
-condamner l'association à lui payer la somme de 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon conclusions visées le 23 mai 2018, l'Association conclut à titre principal à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a annulé le redressement portant sur le point n° 4 et à titre subsidiaire à ce que soient exclues de l'assiette des cotisations chômage et Ags les indemnités de défraiement et d'annuler les majorations de retard afférentes.
En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience de plaidoirie du 29 mai 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur le point de redressement n° 1
La décision entreprise a annulé le rappel de cotisations, en ce qui concerne le point n°1 de la lettre d'observations du 8 octobre 2014, relatif à la prise en charge par l'employeur des cotisations ouvrières.
L' Urssaf observe que les échanges entre les parties, avant la notification de la mise en demeure, avaient permis d'aboutir à une rectification de l'assiette de calcul et que pas plus devant la commission de recours amiable que dans le cadre des conclusions déposées et soutenues devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, l'association n'avait contesté ce point de redressement.
L'Association indique également que sa demande ne porte que sur l'annulation du point n° 4 du redressement, et que c'est de manière inexacte que le tribunal a procédé à l'annulation du redressement en ce qui concerne le point n° 1.
Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point, sans qu'il y ait lieu de statuer par des dispositions nouvelles dès lors qu'aucune demande n'était présentée sur ce point tant en première instance qu'à hauteur d'appel.
2 - Sur le point de redressement n° 4
Aux termes de l'article L 311-2 du code de la sécurité sociale, sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, toutes les personnes salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.
L'Urssaf a procédé à un redressement en intégrant diverses primes versées aux joueurs dans l'assiette des cotisations d'assurance chômage et d'Ags, au motif qu'il existe un lien de subordination, caractéristique du contrat de travail, liant les joueurs et l'association ce que cette dernière conteste.
Le lien de subordination se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'inspecteur du recouvrement a retenu à ce titre :
- l'existence d'un 'règlement intérieur qui prévoit des sanctions pécuniaires en cas d'absence à l'entraînement (article 2-1), aux matchs (article 2-2)en cas d'utilisation du téléphone portable lors de rassemblements du groupe (article 3), en cas d'oubli des équipements (article 5), en cas de non respect d'un partenaire (article 7)',
- les 'conditions d'engagements conclues entre le joueur et le club précisant les obligations de joueurs à savoir : participer aux entraînements sur une base minimum de 5 entraînements sur 6 sur deux semaines consécutives, avec une baisse de 15% des frais de déplacement en cas de non participation' et ' respecter en toutes circonstances les consignes du coach',
-la circonstance que 'du fait de la nature du sport pratiqué, les joueurs sont généralement tenus de respecter le calendrier des entraînements, des matchs, de même que les instructions de l'entraîneur'.
L'Association conteste l'existence même du règlement intérieur sur lequel s'est appuyé l'inspecteur et l'Urssaf reconnaît qu'il n'existe pas un document 'clairement intitulé règlement intérieur', et n'explique pas comment l'inspecteur a pu citer de manière précise un document dont l'existence n'est pas établie, le premier élément pris en compte par ce dernier ne pouvant donc être retenu.
L'Association produit un exemplaire d'un courrier adressé à l'un des joueurs comportant les 'conditions d'engagement', utilisées par l'Urssaf pour caractériser le lien de subordination.
Ce courrier reprend effectivement les deux obligations citées par l'inspecteur outre celle de fournir divers documents administratifs et des remplir mensuellement une feuille de frais.
Le premier juge a, à juste titre, observé que l'obligation faite au joueur de participer aux entraînements sur une base minimum de 5 entraînements sur six sur deux semaines consécutives n'était assortie d'aucune sanction , telle qu'une exclusion temporaire, l'abattement sur les frais de déplacement procédant d'une évidence à savoir l'absence de frais de déplacement en l'absence de déplacement et que cette obligation, de même que celle de respecter les consignes du coach, ne relevait pas du pouvoir de direction d'un employeur, mais de l'essence même de l'activité, un jeu d'équipe dans laquelle une formation à la carte et individuelle ne peut être envisagée.
Au titre de l'existence d'un pouvoir de sanction de l'employeur, l'Urssaf produit une feuille intitulée 'amendes !!', prévoyant le versement d'une somme, à une personne non précisée, dans divers cas (retard, absence, absence de tenue, sonnerie de portable) variant de 1 à 10€.
Le premier juge a retenu que cette fiche présentée de manière ludique ne portait aucune signature et pas davantage de référence à un règlement intérieur ou une délibération de l'association.
Celle-ci indique que ces sommes ont vocation à alimenter une cagnotte gérée par les joueurs eux mêmes pour financer des repas en fin de saison, et qu'elles ne sont en aucun reversées dans les comptes de l'association, étant 'consommées' entre joueurs et produit par ailleurs divers articles de presse, relatives à l'existence de ces caisses, gérées par les joueurs eux mêmes pour des activités à caractère festif.
Il résulte de ces pièces que la preuve de l'organisation d'un système d'amendes par l'association elle-même n'est pas rapportée, et il ne peut donc être conclu qu'il s'agit de l'exercice d'un pouvoir de sanction de l'employeur.
Enfin il doit être constaté que les considérations générales de l'inspecteur selon lesquelles 'les joueurs sont tenus de respecter le calendrier des entraînements, des matchs, de même que les instructions de l'entraîneur', s'appliquent à tout sport collectif nécessitant la participation à des entraînements et à des matchs, sont inhérentes à l'exercice d'une activité de ce type et ne peuvent donc caractériser l'existence d'un lien de subordination juridique.
Dans ces conditions, le redressement n'était pas justifié et le jugement sera confirmé sur ce point.
3- Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'Urssaf, qui succombe, les frais non compris dans les dépens par elle exposés.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a annulé le point n° 1 de redressement ;
Statuant à nouveau,
DIT n'y avoir lieu à annuler le point n°1 de redressement.
Y ajoutant
REJETTE la demande de l'Urssaf formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt aa été prononcé par mise à disposition au greffe le quatre septembre deux mille dix huit et signé par Mme Christine K-DORSCH, Présidente de la Chambre Sociale, et Mme Karine MAUCHAIN, Greffière.
LE GREFFIER,LE PRESIDENT DE CHAMBRE,