ARRET N° 18/
LM/KM
COUR D'APPEL DE BESANCON
- 172 501 116 00013 -
ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2018
CHAMBRE SOCIALE
Contradictoire
Audience publique
du 29 Juin 2018
N° de rôle : N° RG 17/01516
S/appel d'une décision
du TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE LONS LE SAUNIER
en date du 30 juin 2017
code affaire : 88H
Autres demandes d'un organisme, ou au profit d'un organisme
APPELANTE
Madame X... Y..., demeurant [...]
représentée par Me Xavier Z..., avocat au barreau d'AIN
INTIMEE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU JURA, [...]
représentée par Mme Mme Déborah A..., Assistante juridique, munie d'un pouvoir émanant de Pierre B..., Directeur de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Jura
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats 29 Juin 2018 :
CONSEILLER RAPPORTEUR : Monsieur Laurent MARCEL, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties
GREFFIER : Mme Karine MAUCHAIN
lors du délibéré :
Monsieur Laurent MARCEL, Conseiller, a rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à Madame Christine K-DORSCH, Présidente de Chambre, et Monsieur Jérôme COTTERET, Conseiller.
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 28 Septembre 2018 par mise à disposition au greffe.
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Faits, procédure et prétentions des parties
Mme X... Y..., salariée de la société Vernicolor, a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie du 30 juin 2011 au 23 février 2014 au titre d'une affection de longue durée. Durant cette période elle a perçu de la Cpam du Jura des indemnités journalières.
Considérant que Mme X... Y... avait perçu indûment lesdites indemnités, la Caisse lui en a demandé le remboursement par courrier recommandé du 5 février 2016.
Le 8 mars 2016 Mme X... Y... a saisi la Commission de recours amiable, laquelle a, par décision du 13 juillet 2016, confirmé la décision de la caisse. Mme X... Y... a lors saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Jura.
Par jugement du 30 juin 2017 le tribunal des affaires de sécurité sociale du Jura a déclaré recevable la demande de la Cpam du Jura, a confirmé la décision de la Commission de recours amiable et a condamné Mme X... Y... à payer à la caisse la somme de 41.791,50 €.
Par déclaration enregistrée le 17 juillet 2017, Mme X... Y... a relevé appel du jugement.
Dans ses dernières écritures, déposées le 5 mars 2018, auxquelles elle s'est expressément référée lors des débats s'agissant de l'exposé complet de ses moyens, Mme X... Y... poursuit l'infirmation de la décision déférée et demande à la cour de céans de :
- à titre principal, annuler la décision de la caisse, au motif que celle-ci ne satisfait pas aux exigences posées par l'article L.211-8 du code de la sécurité sociale eu égard à sa motivation insuffisante,
- à titre subsidiaire, dire que l'action de la caisse est prescrite,
Au soutien de cette demande Mme X... Y... explique :
Que l'article L.160-11 du code de la sécurité sociale envisage deux exceptions à la prescription de deux ans : la fausse déclaration et la fraude ; que la fraude doit s'entendre comme une irrégularité, un acte ou une abstention commis de façon intentionnelle ; que Mme X... Y... n'a produit aucune fausse déclaration dès lors qu'elle a bénéficié d'arrêts de travail parfaitement réguliers ;
Que la plainte pénale déposée par la Caisse a été classée sans suite en l'absence d'infraction caractérisée ; qu'il en résulte que la caisse ne peut se prévaloir d'une quelconque fraude de la part de Mme X... Y... ;
Qu'il convient d'en déduire que l'action en remboursement de l'indu aurait du être introduite dans le délai de deux ans ; qu'à défaut celle-ci se trouve prescrite et la demande irrecevable;
- à titre infiniment subsidiaire, débouter la caisse de sa demande ou, à défaut, de réduire la sanction prononcée par les premiers juges,
Elle fait valoir en substance au titre de cette prétention :
Que l'exercice d'une activité non autorisée suppose un ensemble d'actions dont il incombe à la Caisse de démonter l'existence ; qu'ainsi la participation de Mme X... à une activité festive dans le cadre d'une association professionnelle (l'association GEP) ne caractérise pas l'existence d'une activité ;
Que si Mme X... Y... est effectivement gérante de la société S2C Solution, l'exercice de son mandat ne constituait pas une activité dès lors que ladite société est une société holding qui n'a pas d'activité ;
Que la désignation de Mme X... Y... en qualité de présidente de la société Guinard du 17 novembre 2011 au 28 août 2013 n'autorise pas à conclure que celle-ci a eu au sein de la société un rôle opérationnel, puisqu'elle n'était que la représentante légale de cette entité;
Que la messagerie (schampier@saguinard) est une adresse mail qui accueillait des courriels concernant l'activité propre de M. X... Y..., mais également des courriels à caractère technique (planning, suivi de production... ) adressés à la société Guinard gérée par M. François Y... ; que pendant ses arrêts de travail la messagerie a continué d'être utilisée pour les échanges entre la société Vernicolor et la société Guinard ; qu'elle en justifie par la production d'attestations et d'un constat d'huissier de justice ;
Dans ses dernières conclusions, déposées le 12 février 2018, auxquelles elle a renvoyé la cour lors de l'audience des débats pour un énoncé exhaustif de ses moyens la Cpam du Jura réclame pour sa part la confirmation pure et simple du jugement querellé .
Elle expose au soutien de ses demandes :
Que la lettre de demande en remboursement de l'indu comportait tous les éléments nécessaires à l'identification des sommes réclamées ; que par ailleurs elle faisait état des voies de recours ouvertes à l'assuré; que par ailleurs la Caisse a mis en mesure Mme X... Y... de consulter le dossier;
Que les pièces produites aux débats par la Caisse (échanges de mails, copie d'un article de journal, procès-verbal de constat,..) établissent amplement l'existence d'une activité non autorisée; que ces éléments démontrent également l'existence d'une fraude; qu'il s'ensuit que de délai de prescription est de cinq ans ;
L'affaire a été appelée à l'audience des débats du vendredi 29 juin 2018. A l'issue des débats la décision a été mise en délibéré au 8 septembre 2018 par mise à disposition au greffe de la cour.
Motifs de la décision
Sur la demande de nullité de la décision de la Caisse pour défaut de motivation
Attendu que dans un courrier recommandé du 5 février 2016, la CPAM du Jura a réclamé à Mme X... Y... le remboursement de la somme de 41.791,50 € correspondant à des indemnités journalières versées pour la période du 30 juin 2011 au 23 février 2014; qu'il est clairement spécifié dans ledit courrier que la décision repose sur la violation par l'assurée de l'article L.323-6 du code de la sécurité sociale, celle-ci ayant exercé une activité non-autorisée pendant l'arrêt de travail ;
Attendu que la correspondance dont s'agit permettait également à Mme X... Y... de connaître la nature de l'indu réclamé, son montant et la période de référence; que le courrier précisait la voie de recours et mentionnait à l'adresse de l'assurée la faculté qui lui était offerte de formuler des observations orales ou écrites ;
Attendu que l'ensemble de ces éléments conduit à approuver les premiers juges en ce qu'ils ont rejeté le grief pris du défaut de motivation de la lettre du 5 février 2016 portant notification de l'indu;
Sur la prescription de l'action initiée par la Caisse
Attendu que l'article L.332-1 du code de la sécurité sociale dispose :
L'action de l'assuré pour le paiement des prestations en espèces de l'assurance maladie se prescrit par deux ans, à compter du premier jour du trimestre suivant celui auquel se rapportent lesdites prestations ; pour le paiement des prestations en espèces de l'assurance maternité, elle se prescrit par deux ans à partir de la date de la première constatation médicale de la grossesse.
L'action des ayants droit de l'assuré pour le paiement du capital prévu à l'article L. 361-1 se prescrit par deux ans à partir du jour du décès.
Cette prescription est également applicable, à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire, à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de fraude ou fausse déclaration.
Attendu que dans l'hypothèse de la fraude ou de la fausse déclaration il y a lieu, eu égard à la nature de l'action, de faire application des règles de prescription de droit commun telles qu'énoncées à l'article 2224 du code civil; qu'il s'ensuit que le délai de prescription de l'action en recouvrement de l'indu est alors de cinq ans ;
Attendu que la CPAM du Jura produit aux débats diverses pièces destinées à démontrer que Mme X... Y... a continué d'exercer ses activités professionnelles durant ses arrêts de travail pour cause de maladie;
Attendu qu'il convient d'écarter en premier lieu de la démonstration l'argument pris de l'existence de mandats sociaux détenus par l'assurée dans la société Guinard du 17 novembre 2011 au 28 août 2013 et dans la société S2C Solutions du 1er décembre 2012 au 25 février 2012 ; qu'en effet lesdits mandats sociaux sont à eux-seuls insuffisants à caractériser une poursuite de son activité par Mme X... Y... ;
Attendu qu'il échet également de ne pas retenir la participation de Mme X... Y... à une manifestation festive le 10 avril 2014 à l'occasion des 10 ans du groupement des employeurs de la plasturgie; qu'ayant été antérieurement présidente ce cette association, il ne peut être sérieusement soutenu que sa présence à cette réunion constitue une activité non autorisée;
Attendu qu'il ne peut aussi être tiré de conséquences du procès-verbal dressé le 1 juillet 2011 par un huissier de justice, lequel constate la présence de Mme X... Y... dans les locaux de la société Guinard; que ce document, établi le lendemain de la mise en arrêt de travail de l'assurée, indique que celle-ci était, selon ses déclarations, présente sur les lieux pour classer différents documents administratifs; que dans ses conclusions Mme X... Y... explique qu'il s'agissait de préserver de la destruction par son frère, dirigeant de la société Guinard, de documents administratifs la concernant;
Mais attendu qu'il y a lieu par contre de prendre en considération les nombreux courriels émis à partir de la messagerie '[...] durant les périodes d'arrêt de travail ; que quand bien cette messagerie aurait été utilisée par d'autres salariés de l'entreprise, un certain nombre de ces courriels porte la signature 'S.Y...' ou plus simplement celle 'X...'; que d'autres mentionnent : 'merci de contacter Mme X... Y...', ' à cet instant je n'ai pas l'accord de X...' 'Bonjour X..., Cecile'...etc; qu'il résulte l'examen de ces e-mails que l'intéressée a continué d'exercer une activité non autorisée durant la période septembre 2011 à janvier 2014; qu'il s'ensuit que la fraude est caractérisée, peu important le classement sans suite de la plainte pénale;
Attendu qu'il convient, compte-tenu des développements qui précèdent, d'approuver les premiers juges en ce qu'ils ont dit que l'action n'était pas prescrite comme ayant été introduite dans le délai de 5 ans à compter du 3 juillet 2011, date du premier versement des indemnités journalières;
Attendu qu'ayant continué à exercer une activité non autorisée durant ses arrêts de travail pour cause de maladie, Mme X... Y... a contrevenu aux dispositions de l'article L.323-6 du code de la sécurité sociale; qu'il s'ensuit que la Caisse est bien fondée à lui demander de rembourser les indemnités journalières indûment versées au titre de la période du 3 janvier 2011 au 13 juillet 2014, et ce, en application de l'article 1376 du code civil;
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Jura;
RAPPELLE que la présente procédure est gratuite et sans frais ;
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt huit septembre deux mille dix huit et signé par Mme Christine K-DORSCH, Président de Chambre, et Mme
Karine MAUCHAIN, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,