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10/05/2022 | FRANCE | N°21/01434

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 10 mai 2022, 21/01434


ARRET N° 22/

FD/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 10 MAI 2022



CHAMBRE SOCIALE





Contradictoire

Audience publique

du 1er mars 2022

N° de rôle : N° RG 21/01434 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENBL



S/appel d'une décision

du Pole social du TJ de BESANCON

en date du 21 juin 2021

Code affaire : 89B

A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l'employeur



APPELANTES



S.A.S. [8], sise [Adresse 15]



représent

ée par Me Jean-Michel ECONOMOU, Postulant, avocat au barreau de BESANCON présent et par Me Sophie NICOLIER, Plaidant, avocat au barreau de BESANCON, présente



Compagnie d'assurance SA [6], sise [Adresse 3...

ARRET N° 22/

FD/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 10 MAI 2022

CHAMBRE SOCIALE

Contradictoire

Audience publique

du 1er mars 2022

N° de rôle : N° RG 21/01434 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENBL

S/appel d'une décision

du Pole social du TJ de BESANCON

en date du 21 juin 2021

Code affaire : 89B

A.T.M.P. : demande relative à la faute inexcusable de l'employeur

APPELANTES

S.A.S. [8], sise [Adresse 15]

représentée par Me Jean-Michel ECONOMOU, Postulant, avocat au barreau de BESANCON présent et par Me Sophie NICOLIER, Plaidant, avocat au barreau de BESANCON, présente

Compagnie d'assurance SA [6], sise [Adresse 3]

représentée par Me Jean-Michel ECONOMOU, Postulant, avocat au barreau de BESANCON présent et par Me Sophie NICOLIER, Plaidant, avocat au barreau de BESANCON, présente

INTIMES

Monsieur [C] [S], demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Marjorie WEIERMANN, avocat au barreau du JURA, présente

S.A.S.U. [14], sise [Adresse 1]

représentée par Me Marion HENNEQUIN, avocat au barreau de LYON absente et substituée par Me Marjolaine GIVORS, Plaidant, avocat au barreau de LYON, présente

S.A. [9], sise [Adresse 2]

représentée par Me Marion HENNEQUIN, avocat au barreau de LYON absente et substituée par Me Marjolaine GIVORS, Plaidant, avocat au barreau de LYON, présente

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU DOUBS, sise [Adresse 5]

représentée par Mme [A] [N], audiencier, présente, selon pouvoir signé le 16 décembre 2021 par Mme [H] [E], directrice de la CPAM du DOUBS

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats 1er Mars 2022 :

CONSEILLERS RAPPORTEURS : Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER et Mme Florence DOMENEGO, Conseillers, conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, en l'absence d'opposition des parties

GREFFIERE : Madame MERSON GREDLER

lors du délibéré :

Mme Bénédicte UGUEN-LAITHIER, et Mme Florence DOMENEGO, Conseillers. ont rendu compte conformément à l'article 945-1 du code de procédure civile à M. Christophe ESTEVE, Président.

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 3 Mai 2022 par mise à disposition au greffe. A cette date la mise à disposition de l'arrêt a été prorogé au 10 mai 2022.

**************

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Le 27 février 2017, M. [C] [S], salarié de la société [13] (ci-après dénommée [14]) mis à disposition de la Sas [8] à compter du 4 février 2016 en qualité de technicien frigoriste, a été victime d'un accident de travail, alors qu'étant en intervention suite à un défaut d'alimentation en gaz fréon sur des vitrines réfrigérées au magasin [12], le réservoir d'une bouteille n'a pas supporté la pression et a explosé, dégageant un blaste l'ayant projeté contre le mur, lui occasionnant 'contusions poignet gauche, cuisse droite et acouphènes' selon le certificat médical initial.

Le 21 mars 2017, la Caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) du Doubs a notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

M. [C] [S] a adressé un nouveau certificat médical en date du 24 avril 2017 constatant une 'ténosynovite du fléchisseur du 2ème doigt de la main gauche', nouvelles lésions prises en charge par la Cpam au titre de l'accident du travail du 27 février 2017, selon décision notifiée le 16 mai 2017.

L'état de santé de M. [C] [S] a été déclaré comme consolidé le 20 octobre 2017. Le taux d'incapacité permanente partielle a été fixé à 0 % et notifié le 29 août 2018 à M. [C] [S] et à la société [14].

Le 29 août 2019, M. [C] [S] a adressé à la Cpam du Doubs une demande aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de la société [14]/ou la Sas [8], lesquelles ont été informées de cette démarche et s'y sont opposées, selon procès-verbal de non-conciliation du 16 septembre 2019.

Par requête en date du 23 septembre 2019, M. [C] [S] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Besançon d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [14] et/ou de la société utilisatrice Sas [8].

Par jugement en date du 21 juin 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Besançon a:

- dit que l'accident du travail de M. [C] [S] survenu le 27 février 2017 était dû à une faute inexcusable de la société utilisatrice [8],

- dit que la faute inexcusable avait été commise par l'entreprise utilisatrice, la société [8] substituée dans la direction de la société [14], en application de l'article L 1251-21 du code du travail

- dit que la société [14] n'avait commis aucun manquement à ses obligations légales ou règlementaires de sorte qu'aucune faute inexcusable ne pouvait être retenue à son encontre

- débouté M. [C] [S] de sa demande présentée à l'encontre de la société [14]

- dit que la société [14] devait réparer l'entier préjudice subi par M. [C] [S] en suite de l'acccident du 27 février 2017, à charge pour elle de solliciter la garantie de la société [8]

- condamné la société [8] à garantir la société [14] de toutes les conséquences financières qui résulteraient de la reconnaissance d'une faute inexcusable , tant en principal qu'en intérêts et frais, y compris sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société [8] à relever et garantir la société [14] de l'éventuel surcoût de cotisations accident du travail généré par l'imputation sur le compte employeur de l'accident de M. [C] [S] dont le calcul relève de la Carsat

- ordonné une expertise et désigné de Docteur [U], avec mission habituelle

- dit que la Cpam devait verser à M. [C] [S] la somme de 800 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation dudit préjudice, à charge pour elle de solliciter le remboursement de ce montant auprès de la société [14] ou de sa compagnie d'assurance

- réservé les autres demandes des parties

- ordonné l'exécution provisoire

- sursis à statuer sur les dépens.

Par déclaration en date du 26 juillet 2021, la Sas [8] et la Sa [6], intervenant volontairement, ont relevé appel de cette décision.

Dans ses écritures récapitulatives du 1er février 2022 soutenues à l'audience, la Sas [8] et la Sa [6] demandent à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

-) dit que l'accident du travail de M. [C] [S] survenu le 27 février 2017 était dû à une faute inexcusable de la société utilisatrice [8],

-) dit que la faute inexcusable avait été commise par l'entreprise utilisatrice, la société [8] substituée dans la direction de la société [14], en application de l'article L 1251-21 du code du travail et de la juridiction afférente

- )dit que la société [14] devra réparer l'entier préjudice subi par M. [C] [S] en suite de l'acccident du 27 février 2017, à charge pour elle de solliciter la garantie de la société [8]

- )condamné la société [8] à garantir la société [14] de toutes les conséquences financières qui résulteraient de la reconnaissance d'une faute inexcusable , tant en principal qu'en intérêts et frais, y compris sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

-) condamné la société [8] à relever et garantir la société [14] de l'éventuel surcoût de cotisations accident du travail généré par l'imputation sur le compte employeur de l'accident de M. [C] [S] dont le calcul relève de la Carsat

et statuant à nouveau de :

- juger que les conditions de la faute inexcusable de la société [8] en considération des éléments de risques transmis, ne sont pas réunies et que la société utilisatrice, substituée dans la direction de la société [14], n'a pas commis de faute inexcusable

- débouter M. [C] [S] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la Sas [8]

- condamner M. [C] [S] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- débouter la Sas [14] de sa demande de garantie et dire que la Sas [8] ne peut être condamnée à garantir les conséquences financières qui résulteraient de la reconnaissance d'une faute inexcusable

- dire que la Sas [8] ne peut être condamnée à garantir et relever la société [14] de l'éventuel surcoût de cotisation accident du travail.généré par l'imputation sur le compte employeur de l'accident de M. [C] [S] dont le calcul relève de la Carsat

- à titre subsidiaire, débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes et confirmer la somme de 800 euros à titre provisionnel à valoir sur l'indemnisation du préjudice, à charge d'en solliciter le remboursement auprès de la société [14] en cas de faute inexcusable.

A l'appui de leurs demandes, la Sas [8] et la Sa [6] soutiennent la recevabilité de leur appel formé dans les délais impartis. Sur le fond, ils font grief aux premiers juges d' avoir retenu la faute inexcusable de l'employeur alors même que M. [S] présentait les diplômes et habilitations nécessaires pour remplir la fonction de technicien frigoriste, qu'il avait opéré les réparations sans en référer spécifiquement devant les difficultés rencontrées, qu'il n'avait pas porté à la société utilisatrice connaissance du changement de méthode de réparation et qu'elle n'avait pu en conséquence avoir conscience d'exposer M. [S] à une situation particulière, qui ne soit pas différente du dépannage prévu. La Sas [8] et la Sa [6] font valoir en conséquence que les critères propres à caractériser la faute inexcusable ne sont pas réunis, dès lors qu'elle n' avait pas conscience du danger auquel elle exposait le salarié, qu'elle n'assurait la maintenance que depuis moins d'un mois de cet établissement et qu'elle ne pouvait donc être responsable de la corrosion de la bouteille, dont l'emballage ne permettait pas de percevoir l'état préalablement à l'intervention de M. [S].

Dans ses dernières écritures en date du 13 janvier 2022 soutenues à l'audience, M. [C] [S] demande à la cour de :

- statuer sur la recevabilité de la déclaration d'appel

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a statué sur la demande de provision

- statuant à nouveau de ce chef, fixer le montant de la provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice à la somme de 1 500 euros

- dire que la Cpam lui versera la somme de 700 euros à ce titre

- confirmer le jugement pour le surplus

- condamner la société [14] et/ou la société [8] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner la société [8] aux dépens d'appel.

A l'appui de ses demandes, M. [S] soutient avoir informé son responsable des difficultés rencontrées pour l'intervention sur la bouteille, lequel lui avait indiqué de 'se démerder pour réparer'. Il allègue par ailleurs qu'il travaillait dans des conditions de sécurité insatisfaisantes, qu'il n'était pas correctement formé, qu'il ne disposait pas des équipements de sécurité et du matériel de soudure notamment nécessaires pour cette intervention et qu'il effectuait de nombreuses heures supplémentaires. Il fait valoir enfin que la Sas [8] assurait depuis 2014 la maintenance du [12] et qu'elle ne pouvait méconnaître l'état corrodé des bouteilles sous pression. M. [S] soutient en conséquence que la faute inexcusable est parfaitement caractérisée dès lors que l'employeur avait parfaitement conscience du danger auquel il exposait ses salariés, dépourvus des habilitations nécessaires pour procéder aux travaux requis. Il indique par ailleurs avoir été très affecté moralement de cet accident et sollicite une majoration en conséquence de la provision à valoir sur son préjudice accordée.

Dans ses dernières écritures du 21 janvier 2022, soutenues à l'audience, la Sas [14] et la SA [9] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'elle n'avait commis aucun manquement à ses obligations légales ou règlementaires de sorte qu'aucune faute inexcusable ne pouvait être retenue à l'encontre de la société [14] et a débouté M. [C] [S] de sa demande présentée à son encontre

- en cas de faute inexcusable reconnue, de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Sas [8] à la garantir de toutes les conséquences financières qui résulteraient de la reconnaissance d'une faute inexcusable , tant en principal qu'en intérêts et frais, y compris sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la Sas [8] à la relever et garantir de l'éventuel surcoût de cotisations accident du travail généré par l'imputation sur le compte employeur de l'accident de M. [C] [S] dont le calcul relève de la Carsat

- débouter M. [S] de ses demandes

- condamner M. [S] ou la Sas [8] à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, la Sas [14] fait valoir que M. [S] était un salarié expérimenté et déclaré apte ; que le poste sur lequel elle l'avait affecté n'était pas présenté comme à risque ; qu'elle avait rempli à son égard ses obligations en matière de sécurité en lui remettant des équipements de protection individuelle ; qu'il ne l'avait jamais informée sur ses conditions de travail malgré le devoir d'alerte intégré dans son contrat et qu'elle ne pouvait en conséquence avoir eu conscience de l'exposer à un danger particulier.

Dans ses écritures en date du 24 janvier 2022, soutenues à l'audience la Cpam du Doubs s'en est remise à la cour quant à l'appréciation de la faute inexcusable et a sollicité la confirmation du jugement entrepris en cas de retenue de la faute inexcusable par la cour et la restitution de la somme de 800 euros par M. [S] en cas d'exclusion.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l'appel :

Aux termes de l'article 538 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse ; il est de quinze jours en matière gracieuse.

Lorsqu'un délai est exprimé en mois, il expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de la décision ou de la notification qui fait courir ce délai en application de l'article 641 du code de procédure civile. L'article 642 du même code précise que tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures et que le délai qui expirerait un samedi, un dimanche ou un jour férié est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

En l'espèce, la décision a été notifiée le vendredi 25 juin 2021 à la Sas [8], laquelle disposait donc d'un délai expirant le lundi 26 juillet 2021 à minuit pour contester cette dernière.

Le présent appel ayant été formé le 26 juillet 2021, il y a lieu de déclarer ce dernier recevable.

Sur la faute inexcusable :

En application des articles L 4121-1 et suivants du code du travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment par la mise en place d'actions de formation et la mise en oeuvre d'une organisation et de moyens adaptés.

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur revêt le caractère de la faute inexcusable prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

En l'espèce, l'enquête diligentée par le commissariat de Wintenheim a mis en exergue que dans le cadre de l'intervention d'urgence qu'il effectuait à la demande de la société CEFAT, son employeur, M. [S] avait procédé à des soudures sur une bouteille anti-coup de liquide présentant une fuite, d'abord avec deux baguettes d'argent puis avec des baguettes en cuivre et enfin avec un amalgame de soudure à froid, avant de remettre en service les compresseurs, manipulation qui avait conduit à l'explosion de la bouteille et aux blessures subies par l'intimé, ce qu'aucune des parties ne conteste.

Le rapport du 30 mars 2017 de M. [D], expert judiciaire en génie frigoriphique et génie thermique désigné lors de l'enquête pénale, a conclu que l'accident trouvait son origine dans l'intervention de M. [S] qui, 'en pensant bien faire' avait aggravé le très mauvais état de décomposition de la bouteille, en la chauffant et la fragilisant dans la région de la fuite. L'expert a précisé par ailleurs que M. [S] aurait dû être habilité par l'entreprise en qualité de braseur soudeur agréé, brasage fort selon la norme EN 14276-1B, et être titulaire d'une habilitation à la conduite des équipements sous pression ESP. Il a noté également que la bouteille aurait dû faire l'objet de requalifications dans le temps, au titre de l'application des cahiers techniques professionnels [11] 1, 2 et 3 et ce, dès 2009, et chaque intervenant aurait dû contrôler régulièrement cette bouteille à l'origine de l'accident corporel des deux techniciens.

Les premiers juges ont retenu la faute inexcusable de la Sas [8] aux motifs que cette dernière, dont la société [10] était l'établissement secondaire, avait mandaté pour cette intervention deux techniciens, M. [S] et M. [O], ne possédant pas les habilitations nécessaires pour procéder aux prestations en cause et avait au surplus manqué à ses propres obligations en n'ayant pas constaté lors de sa reprise du contrat de maintenance en 2014 l'état avancé de corrosion affectant la bouteille anti-coup de liquide.

Les appelantes soulèvent cependant à juste titre que M. [S] présentait parfaitement les compétences requises pour procéder au dépannage le 27 février 2017. Ce dernier était en effet titulaire d'un bac professionnel et d'un BTS en génie frigorifique obtenu en 2012, lequel valait certification pour procéder à la réalisation des assemblages brasés selon la certification brasage EN 14276-1 en vigueur, pour utiliser les appareils de soudage ( oxyacéthylénique) et pour procéder à des soudages électriques, comme le démontre le référentiel de certification produit, compétences qu'il avait par ailleurs indéniablement entretenues dans le cadre de l'expérience professionnelle acquise comme technicien frigoriste depuis 4 ans.

M. [S] bénéficiait également, au regard du même diplôme, de la formation pour vérifier le fonctionnement de l'installation des réseaux fluidiques et justifiait au surplus d'une attestation d'aptitude 'fluides frigorigènes catégorie 1" obtenue le 25 juin 2012 du Greta Est-Bretagne, compétences suffisantes pour procéder à la recherche de la panne et à son traitement. En aucune façon, M. [S] se devait de posséder personnellement l'habilitation à la conduite des équipements sous pression ESP, cette dernière étant réservée aux seuls agents de la DRIRE, à un expert d'un organisme habilité ou à un service d'inspection reconnu, comme le mentionne elle-même la documentation annexée par l'expert dans son rapport ( page 15) et au rang desquels ne figurait manifestement pas l'intimé.

Enfin, M. [S] bénéficiait de l'habilitation électrique B1V, BC, BR et H0V depuis le 21 janvier 2013, pour une durée de trois ans 'préconisée' par la Sarl [7] ayant dispensé la formation sur 25 heures sans toutefois être imposée.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que les tâches exercées le jour de l'accident correspondaient aux diplômes et qualifications, confortées par l'expérience, de M. [S], comme le soulève à raison l'appelante.

Pour autant, l'appelante ne peut invoquer avoir méconnu le risque particulier auquel elle exposait M. [S] lors du dépannage confié le 27 février 2017, dès lors que la Sas [8], dont la société [10] est un établissement secondaire, assurait la maintenance du magasin [12] depuis le 19 février 2014.

En effet, dans le cadre de ce contrat, la Sas [8] se devait d'assurer un entretien préventif des installations, les contrôles d'étanchéité et les vérifications d'absence de corrosion, vérifications qui aurait dû la conduire à détecter en amont, dans le cadre des contrôles semestriels auxquels elle était tenue, le très mauvais état de la bouteille anti-coup, quand bien même cette dernière était recouverte de mousse isolante de type Armaflex.

A cet égard, l'expert judiciaire a relevé l'ancienneté de l'équipement en cause en précisant que la bouteille aurait dû faire l'objet de requalifications dans le temps, au titre de l'application des cahiers techniques professionnels [11] 1, 2 et 3 et ce, dès 2009, et que chaque intervenant aurait dû la contrôler régulièrement.

L'employeur aurait dû dans ces conditions avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver

La Sas [8] a manifestement été défaillante dans ses obligations et ce faisant, a exposé son salarié à un danger qu'elle aurait pu parfaitement maîtriser préalablement, compte-tenu de l'aspect très dégradé de cette bouteille mais également en suite de l'appel téléphonique de M. [S], lequel a attiré son attention sur l'état de cette dernière et sur ses difficultés majeures à remédier à la fuite constatée.

Le fait que le salarié ait tenté une réparation inopportune en appliquant une baguette de cuivre et une soudure à froid sur la fuite de la bouteille anti-coup et le fait qu'il n'ait pas suffisamment dépressurisée cette dernière, qui ont certes participé à la survenance du dommage selon les conclusions de l'expert, sont cependant sans emport sur la conscience que l'employeur avait du danger auquel était soumis M. [S] et contre lequel il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu la faute inexcusable de la Sas [8], substituée dans la direction de la société [14], dans la survenance de l'accident de travail de M. [S].

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

- sur les conséquences de la faute inexcusable :

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné une expertise et a condamné la Sas [8] d'une part à garantir la société [14] de toutes les conséquences financières qui en résulteraient tant en principal qu'en intérêts et frais dont ceux irrépétibles, et d'autre part, à relever et garantir la société [14] de l'éventuel surcoût de cotisations accident du travail généré par l'imputation sur le compte employeur de l'accident de M. [C] [S] dont le calcul relève de la Carsat.

Si M. [S] fait grief aux premiers juges de ne lui avoir alloué que la somme de 800 euros à titre de provision, ce dernier, qui n'a subi qu'une ITT de 4 jours et s'est vu notifier le 29 août 2018 une incapacité permanente partielle fixée à 0 %, ne justifie cependant pas d'éléments permettant de majorer la provision sollicitée dans l'attente de la détermination de ses postes de préjudices.

La provision allouée par les premiers juges sera en conséquence confirmée à hauteur de 800 euros.

- sur les autres demandes :

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Parties perdantes, la Sas [8] et la Sa [6] supporteront les dépens de première instance et d'appel et seront déboutés de leur demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Sas [8] et la Sa [6] seront condamnées par ailleurs à payer la somme de 2 000 euros à M. [C] [S] et la somme totale de 1 000 euros à la Sas [14] et la SA [9] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré

Déclare recevable l'appel de la Sas [8] et la Sa [6] du 26 juillet 2021

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Besançon en date du 21 juin 2021 en toutes ses dispositions

Y ajoutant :

Condamne in solidum la Sas [8] et la Sa [6] à payer à la Sas [14] et la SA [9] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum la Sas [8] et la Sa [6] à payer à M. [C] [S] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Déboute la Sas [8] et la Sa [6] de leur demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum la Sas [8] et la Sa [6] aux dépens.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le dix mai deux mille vingt deux et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01434
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;21.01434 ?
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