ARRÊT N°
BUL/SMG
COUR D'APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 13 décembre 2022
N° de rôle : N° RG 19/02160 - N° Portalis DBVG-V-B7D-EF3K
S/appel d'une décision
du Tribunal de Grande Instance de BESANCON
en date du 7 octobre 2019
Code affaire : 88G
Autres demandes contre un organisme
APPELANTE
SARL [3], sise [Adresse 1]
représentée par Me Mickaël RUIMY, avocat au barreau de LYON
Dispensée de comparaître en vertu des dispositions des articles 446-1 et 946 (rédaction du décret 2010-1165 du 1er octobre 2010) du code de procédure civile
INTIMEE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA COTE D'OR, sise [Adresse 2]
Dispensée de comparaître en vertu des dispositions des articles 446-1 et 946 (rédaction du décret 2010-1165 du 1er octobre 2010) du code de procédure civile
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 13 Décembre 2022 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Mme Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats
en présence de Mme Margot LUCAS, Greffière stagiaire
Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 21 Février 2023 par mise à disposition au greffe.
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FAITS ET PROCEDURE
La Société [3] , entreprise spécialisée dans le domaine du travail temporaire, a embauché M. [P] [G] en qualité de chauffeur poids-lourd à compter du 13 octobre 2014 et l'a mis à disposition d'une entreprise utilisatrice, la société [4].
Le 8 septembre 2016, une déclaration d'accident du travail a été établie pour un accident du 7 septembre, la déclaration mentionnant que M. [P] [G] "aurait été en train de décharger une palette de surgelés avec un tir palette et en poussant a ressenti une douleur".
La Société [3] ayant émis des réserves, la caisse a réalisé une enquête mais a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle par décision du 12 janvier 2017.
Suite à la contestation de l'opposabilité de la décision de prise en charge par la Société [3], la commission de recours amiable a rejeté son recours par décision du 28 juin 2017.
La Société [3] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale et le pôle social du tribunal de grande instance de Besançon, désormais compétent, a par jugement du 7 octobre 2019 :
- déclaré le recours recevable
- débouté la SARL [3] de ses demandes et rejeté la demande d'expertise
- confirmé la décision de la Commission de recours amiable du 28 juin 2017
- confirmé l'opposabilité à la société [3] de la décision de prise en charge de l'accident du travail de M. [P] [G] du 7 septembre 2016 et de l'ensemble de ses conséquences
Suivant déclaration du 21 octobre 2019, la Société [3] a interjeté appel de la décision afin de voir à titre principal réformer celle-ci et, à titre subsidiaire, ordonner une expertise médicale.
Par arrêt mixte du 14 avril 2020, la présente cour a :
- dit que la prise en charge au titre de la législation du travail de l'accident déclaré par M. [P] [G] le 8 septembre 2016 est opposable à la Société [3]
Avant dire droit sur le surplus,
- ordonné une expertise médicale avec pour mission de rechercher si les arrêts de travail dont a bénéficié le salarié sont directement en relation avec l'accident du travail ou s'ils sont afférents à une pathologie indépendante de l'accident évoluant pour son propre compte, et dans ce cas en évaluer la durée, puis de dire, dans cette hypothèse, à partir de quelle date la prise en charge au titre des soins et arrêts de travail n'était plus médicalement justifiée au titre de la législation professionnelle
Le docteur [N] [W] a déposé son rapport le 10 juin 2022.
Par conclusions visées le 26 juillet 2022, la SARL [3] demande à la cour de:
- entériner les conclusions de l'expert
- juger que les arrêts de travail et soins prescrits à M. [P] [G] à compter du 30 décembre 2016 sont en lien direct et certain avec un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte
- juger par conséquent que l'ensemble des conséquences financières de la maladie (en réalité l'accident) à compter du 30 décembre 2016 lui sont inopposables
- condamner la CPAM de Côte d'Or à prendre en charge les frais d'expertise et à assumer les dépens
Suivant écrit valant conclusions visé le 25 novembre 2022, la CPAM de Côte d'Or indique s'en remettre à la cour s'agissant de la question de l'opposabilité des arrêts de travail et soins prescrits postérieurement au 29 décembre 2016.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions susvisées, auxquelles les parties se sont rapportées, après avoir sollicité une dispense de comparution conformément aux dispositions des articles 446-1 et 946 du code de procédure civile par courriel parvenu au greffe le 12 décembre 2022 pour l'appelante et le 25 novembre 2022 pour l'intimée.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des articles L.411-1, L.431-1 et L.433-1du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident du travail ou la maladie professionnelle, pendant toute la période d'incapacité, précédant la guérison complète ou la consolidation, et postérieurement aux soins destinés à prévenir une aggravation et plus généralement, à toutes les conséquences directes de l'accident du travail ou la maladie professionnelle.
Il en résulte que, même en l'absence de continuité parfaite des symptômes et des soins à compter de l'accident initial, l'incapacité et les soins en découlant sont présumés imputables à celui-ci sauf pour l'employeur à rapporter la preuve de l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou la maladie professionnelle ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts postérieurs (12 mai 2022 n°20-20.655).
Ainsi la disproportion apparente entre la lésion initiale et la durée des arrêts de travail ne suffit pas à laisser présumer que ceux ci ne sont pas la conséquence de l'accident initial ou à accréditer la thèse d'une cause étrangère.
En l'espèce, l'expert [N] [W] relève que si l'accident du travail subi par M. [P] [G] le 7 septembre 2016 est responsable d'une lésion méniscale ayant nécessité une intervention chirurgicale (ostéotomie tibiale) le 29 novembre 2016, il est intervenu sur un état antérieur évoluant pour son propre compte (gonarthrose du genou droit). Il estime ainsi que seule la composante méniscale de l'intervention est imputable à l'accident du travail et que la prise en charge au titre des soins et arrêts de travail est justifiée du jour de l'accident au 29 décembre 2016.
Dans ces conditions, et en l'absence de tout élément susceptible de contredire utilement cet avis médical, il y a lieu d'entériner les conclusions de l'expertise susvisée et de dire que les arrêts de travail et soins prescrits à compter du 30 décembre 2016 au bénéfice de M. [P] [G], imputable au seul état antérieur évoluant pour son propre compte, tel que décrit par l'expert, sont inopposables à la SARL [3].
Il résulte de ce qui précède que si c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de l'accident du travail subi par M. [P] [G], ainsi que l'a retenu la cour dans son arrêt mixte, c'est en revanche à tort qu'ils ont estimé, de façon ambiguë, qu'il en était de même de 'l'ensemble de ses conséquences'.
Le jugement déféré sera donc partiellement infirmé de ce chef et il sera dit que les arrêts de travail et conséquences financières de l'accident du travail du 7 septembre 2016 seront opposables à l'employeur jusqu'au 29 décembre 2016 inclus et inopposables pour ceux intervenus à compter du 30 décembre 2016.
La CPAM sera condamnée aux dépens et à la prise en charge définitive des frais d'expertise.
PAR CES MOTIFS
La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
Vu l'arrêt mixte du 14 avril 2020,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a retenu l'opposabilité à l'employeur de l'ensemble des conséquences financières de l'accident du travail du 7 septembre 2016.
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Dit que les arrêts de travail et soins prescrits à M. [P] [G] à compter du 30 décembre 2016 sont inopposables à la SARL [3], comme étant en lien direct et certain avec un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.
Dit en conséquence que seuls les arrêts de travail et soins prescrits à M. [P] [G] jusqu'au 29 décembre 2016 sont opposables à la SARL [3].
Condamne la Caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or à prendre en charge les frais d'expertise et à assumer les dépens de première instance et d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt et un février deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,