La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/02/2023 | FRANCE | N°21/01703

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 21 février 2023, 21/01703


ARRÊT N°

FD/SMG



COUR D'APPEL DE BESANÇON



ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023



CHAMBRE SOCIALE







Audience publique

du 13 décembre 2022

N° de rôle : N° RG 21/01703 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENSR



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BESANCON

en date du 31 août 2021

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution



APPELANTE
r>

Madame [A] [Y] épouse [S], demeurant [Adresse 2]



représentée par Me Françoise PEQUIGNOT, avocat au barreau de BESANCON, présente





INTIMEE



S.A.S. DEMGY FRASNE ANCIENNEMENT DENOMMEE C...

ARRÊT N°

FD/SMG

COUR D'APPEL DE BESANÇON

ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 13 décembre 2022

N° de rôle : N° RG 21/01703 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENSR

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BESANCON

en date du 31 août 2021

Code affaire : 80A

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

APPELANTE

Madame [A] [Y] épouse [S], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Françoise PEQUIGNOT, avocat au barreau de BESANCON, présente

INTIMEE

S.A.S. DEMGY FRASNE ANCIENNEMENT DENOMMEE CGTEC sise [Adresse 1]

représentée par Me Vincent BRAILLARD, avocat au barreau de BESANCON, présent

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 13 Décembre 2022 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats

en présence de Mme Margot LUCAS, Greffière stagiaire

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 21 Février 2023 par mise à disposition au greffe.

**************

Statuant sur l'appel interjeté le 9 septembre 2021 par Mme [A] [Y] épouse [S] du jugement rendu le 31 août 2021 par le conseil de prud'hommes de Besançon qui, dans le cadre du litige l'opposant à la SAS DEMGY FRASNE, anciennement dénommée CGTEC INJECTION, a :

- dit que le licenciement de Mme [S] reposait sur une faute grave,

- dit que la SAS CG TEC n'avait commis aucun manquement dans l'exécution du contrat de travail,

- dit que Mme [S] devait être classée coefficient 800 de la convention collective de la plasturgie,

- débouté Mme [S] de l'intégralité de ses demandes

- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné Mme [S] aux entiers dépens de l'instance ;

Vu les dernières conclusions transmises le 14 juin 2022, aux termes desquelles Mme [A] [Y] épouse [S], appelante, demande à la cour :

- d' infirmer le jugement rendu le 31 août 2021 par le conseil des prud'hommes de Besançon et ce faisant

- condamner la SAS CG TEC à lui payer :

- 6 717,98 euros bruts à titre de rappels de salaire du 2 juillet 2018 au 27 janvier 2020 en

application du coefficient 830

- 1 366,97 euros bruts au titre de la prime de fin d'année 2019 à titre principal (coef. 830) ou 904,90 euros brut à titre subsidiaire (coef. 800)

- 1 016,16 euros bruts à titre de rappel de salaires sur la prime de fin d'année 2018

- 671,80 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés sur les rappels de salaire en

application du coefficient 830

- à titre principal, prononcer la nullité du licenciement pour faute grave compte-tenu du harcèlement moral dont elle a été victime

- condamner en conséquence la SAS CG TEC à lui payer :

- la somme de 6 449,18 euros bruts (coef. 830) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et celle de 644,92 euros bruts à titre d'inderrmité de congés payés ; ou, à défaut, celle de 5 444,04 euros bruts (coef 800) et celle de 544,40 € brut à titre d`indemnité de congés payés;

- la somme de 1 892,04 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement (coef. 830) ou celle de 1 411,66 euros au même titre (coef. 800)

- condamner la SAS CG TEC à lui payer la somme de 28 909 euros bruts à titre de dommages-intérêts (coef. 830) ou celle de 21 557 brut (coef.800) au même titre

- condamner la SAS CG TEC à lui payer la somme de 8 259 euros à titre de réparation de son préjudice moral personnel (coef 830) ou celle de 6 l59,26 euros (coef 800)

- condamner la SAS CG TEC à lui payer la somme de 10 672 euros (coef 830) ou 7992,11 euros (coef 800) pour dommages-intérêts pour préjudice économique

- subsidiairement, juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- condamner en conséquence la SAS CG TEC à lui payer :

- la somme de 10 325 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (coef. 830) et sinon celle de 8 019 euros bruts (en application du coef. 800)

- la somme de 8 259 euros brut au titre du préjudice moral de celle-ci (en application du coef. 830) ou à défaut, 6 159 brut (en application du coef. 800)

- la somme de 17 507 brut au titre de l'indemnisation de son préjudice de carrière (en application du coef. 830) ou celle de 12.173 euros brut (en application du coef. 800)

- la somme de 6.449,18 euros brut à titre d'indemnité de préavis (en application du coef. 830) ou celle de 5.444,04 euros brut (coef 800)

- la somme de 644,92 euros brut au titre de l'indemnité de congés payés afférente (coef. 830), ou celle de 544,40 euros (coef. 800).

- la somme de 1 892,84 euros au titre de l'indemnité de licenciement en considération du coef. 830, et à défaut, celle de1 411,87 euros en application du coef. 800.

- ordonner la remise des bulletins de salaire et des documents post-contractuels rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

- condamner la SAS CG TEC à lui payer la sormne de 5.000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, de même qu'aux entiers dépens.

- condamner la S.A.S. CG TEC aux dépens de première instance et de ceux d'appel dont distraction, pour ces derniers, au profit de Mme Françoise Péquignot, avocate, en vertu des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions transmises le 4 mars 2022, aux termes desquelles la SAS CG TEC, intimée, demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes du 31 août 2021 - juger qu'elle n'a commis aucun manquement dans l'exécution du contrat de travail,

- juger que Madame [S] doit être classée coefficient 800 de la convention collective de la plasturgie,

- débouter en conséquence Mme [S] de l'intégralité de ses demandes

- condamner Mme [S] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de l'instance ;

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 10 novembre 2022 ;

SUR CE,

EXPOSE DU LITIGE :

Selon contrat en date du 31 mai 2018, Mme [A] [Y] épouse [S] a été recrutée par la SAS PROMAN, société de travail temporaire, pour être mise à disposition de la SAS DEMGY FRASNE du 14 mai au 29 juin 2018, en qualité d' assistante de direction aux fins d'assurer le remplacement de Mme [F] [E] en arrêt maladie.

Le 2 juillet 2018, la SAS DEMGY FRASNE a embauché Mme [S] en qualité d'assistante de direction aux fins de poursuivre le remplacement de Mme [E] par contrat à durée déterminée, puis à compter du 31 octobre 2018, par contrat à durée indéterminée, au coefficient 800 et moyennant un salaire de 2 184,05 euros bruts, revalorisé à 2 224,99 euros par avenant en date du 23 novembre 2018.

Le 18 décembre 2019, Mme [S] a adressé à M. [P], responsable des ressources humaines, un courriel par lequel elle s'étonnait de ne toujours pas avoir reçu d'avenant à son contrat de travail, relatif au deuxième emploi qu'elle estimait remplir en qualité de gestionnaire de planning et d'assistante RH.

Lors de sa reprise après ses congés de fin d'année, Mme [S] a informé le 6 janvier 2020 ses collègues par courriels qu'elle n'entendait plus effectuer les tâches de ressources humaines et de comptabilité et a été conviée, par la directrice administrative et financière et le responsable des ressources humaines, à une réunion pour aborder ces difficultés le 8 janvier 2020.

Le 9 janvier 2020, Mme [S] a été victime d'un malaise sur son lieu de travail et a été placée en arrêt de travail.

Le 10 janvier 2020, Mme [S] a été convoquée à un entretien préalable et a été licenciée le 27 janvier 2020 pour faute grave, son employeur lui reprochant d'avoir refusé d'exécuter des tâches qui lui étaient contractuellement dévolues et d'avoir ainsi manifesté de l'insubordination.

Contestant les conditions et motifs de la rupture du contrat de travail et soutenant être victime de faits de harcèlement moral, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Besançon le 20 mai 2020 d'une demande principale en réintégration dans son emploi et subsidiairement, d'une demande de nullité de son licenciement et de diverses demandes indemnitaires, saisine qui a donné lieu au jugement entrepris.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- sur la classification applicable à Mme [S] :

Il est de jurisprudence constante que la qualification d'un salarié doit être appréciée en considération des fonctions réellement remplies dans l'entreprise et il appartient au salarié de rapporter la preuve de l'exercice réel de fonctions correspondant à la qualification supérieure revendiquée.

En l'espèce, Mme [S] a été recrutée comme assistante de direction - coefficient 800 dans la catégorie collaborateur prévue à la convention collective nationale de la plasturgie en date du 1er juillet 1960 applicable au contrat de travail.

Si Mme [S] fait grief aux premiers juges d'avoir rejeté sa demande tendant à être classée au coefficient 830, cette dernière ne démontre cependant pas avoir rempli les conditions posées par l'accord du 16 décembre 2004 relatif à la grille de classification pour prétendre à une telle modification.

Pour déterminer le classement du salarié, la convention collective prévoit en effet la prise en compte des connaissances à maîtriser, de la technicité de l'emploi, de l'animation et de l'encadrement, de l'autonomie, et du traitement de l'information, lesquels sont convertis en nombre de points permettant un positionnement dans la grille de classification.

Or, pour prétendre au coefficient 830, Mme [S] doit justifier de l'octroi, au titre des 5 critères de classement, d'un nombre de points compris entre 42 et 47, lequel ne peut être atteint qu'à charge pour la salariée de bénéficier ' de la maîtrise complète d'une spécialité', d'assurer 'l'animation de salariés dont l'emploi nécessite la mise en oeuvre d'opérations complexes', de remplir 'une responsabilité hiérarchique permanente sur un groupe de même activité professionnelle', de choisir 'les méthodes appropriées et les moyens nécessaires assurant la réalisation des opérations' et d'effectuer ' la transmission d'informations disponibles à son environnement de travail'.

Si Mme [S] revendique l'octroi de 46 points, cette dernière ne rapporte cependant pas la preuve d'avoir rempli les critères cumulatifs susvisés et d'avoir tenu un poste avec des responsabilités et une autonomie relevant du coefficient 830.

La salariée s'attribue en effet dans ses conclusions un niveau d'animation (5/6) , de technicité de l'emploi (5/6) et de transmission d'informations (4/7) dans une appréciation purement subjective de ses qualités que ne confirment ni le descriptif qu'elle fait des fonctions occupées au sein de l'entreprise ni les attestations de Mme [K] (pièce 13 ), de Mme [G] (pièce 14) et de M. [O] (pièce 71).

L'employeur justifie au contraire par sa pièce 10 des éléments objectifs l'ayant conduit à lui attribuer 28 points et à déterminer ainsi, dans le respect des critères de la convention collective, sa classification, laquelle apparaît conforme aux tâches réellement remplies par cette salariée, quand bien même elle serait intervenue sur plusieurs services.

C'est donc à raison que les premiers juges ont débouté Mme [S] de sa demande de modification de coefficient et des demandes subséquentes de rappels de salaires, de congés payés et de primes correspondantes pour les années 2018 et 2019.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ces chefs.

- sur le rappel de prime de fin d'année 2019 :

En l'espèce, Mme [S] soutient que selon la prévision faite par l'employeur dans son tableau (pièce 10), elle aurait dû bénéficier du versement d'une prime de 2 488,60 euros au lieu de la somme de 1 583,70 euros qu'elle a perçue sur son bulletin de décembre 2019.

Si l'existence de cette prime de fin d'année n'est pas contestée par l'employeur, la détermination de son montant ressort comme étant liée au taux de présence du salarié durant l'année concernée pondéré d'un coefficient correspondant aux critères d'engagement, de résultat, de comportement et de management.

Cette prime ne présente en conséquence aucune fixité dans son montant et s'avère au contraire dépendante de données exclusivement subjectives que l'employeur doit apprécier dans le cadre de son pouvoir de direction.

L'employeur était donc en droit de modifier, au regard du comportement manifesté par sa salariée, le montant initialement mentionné dans le tableau prévisionnel produit, qui ne constitue qu'un document de travail.

En l'état, contrairement à ce qu'allègue la salariée, aucun élément ne vient établir que cette baisse aurait été effectuée en rétorsion à l'envoi du courriel du 19 décembre 2019, par lequel elle indiquait ne pas avoir eu de retour à sa demande d'avenant.

Au contraire, l'employeur justifie avoir revu à la baisse son appréciation prévisionnelle en raison du refus opposé par Mme [S] dans son SMS du 21 octobre 2019 de transmettre les éléments variables de paie du mois d'octobre 2019 et de se rendre à une formation, attitude que cette dernière ne conteste pas avoir eue et à laquelle s'est référée Mme [T], directrice administrative et financière, pour expliquer cette décision à la salariée lors de l'entretien du 8 janvier 2020 devant M. [W], délégué du personnel. ( pièce 15)

Aucun élément ne vient en conséquence démontrer que l'employeur aurait abusé de son pouvoir de direction.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [S] de sa demande de rappel de prime pour l'année 2019.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.

- sur la nullité du licenciement :

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions de cet article, toute disposition ou tout acte contraire est nul, en application de l'article L 1152-3 du code du travail.

Lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L 1152-1 du code du travail, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme [S] reproche à son employeur de l'avoir harcelée moralement en lui imposant :

- une charge excessive de travail,

- une rémunération insuffisante,

- des tâches excédant son contrat de travail et ses compétences,

- une insuffisance de formation,

- une réduction de sa prime de fin d'année 2019

- un entretien avec des pressions et des assauts de l'employeur les 8 et 9 janvier 2020

faits ayant eu des repercussions directes sur sa santé physique et mentale.

Mme [S] soutient en ce sens que dès son arrivée dans l'entreprise et malgré son embauche en qualité d'assistante de direction, elle a été formée par la titulaire du poste 'gestionnaire-ordonnancement- planification et assistante commerciale', laquelle partait en congé de maternité, et qu'elle a conservé la partie 'gestionnaire-ordonnancement-planification' au retour de l'intéressée en janvier 2019. Elle invoque également avoir rempli, à compter du 29 mars 2019, après une courte formation, des fonctions de Ressources humaines lors du départ de Mme [K], comptable, tout comme avoir assuré avec Mme [J] [G] l'accueil physique des visiteurs et la tenue du standard téléphonique. Elle prétend enfin s'être vu confier des tâches comptables au départ du contrôleur de gestion mi-août 2019 et ne pas avoir été entendue dans ses demandes de revalorisation salariale et de limitation de ses fonctions aux seules missions confiées par son contrat de travail, demandes demeurées sans effet et ayant conduit à la dégradation de son état de santé et à son arrêt de travail du 9 janvier 2020.

De tels éléments de fait laissent présumer une situation de harcèlement sur la personne de Mme [S].

Il résulte cependant des éléments en réponse apportés par la SAS DEMGY FRASNE, qui conteste la matérialité de tels faits, que contrairement à ce que soutient Mme [S], l'extension de ses missions avec l'intégration de la partie 'gestionnaire-ordonnancement-planification' a été contractualisée et a donné lieu à une augmentation de salaire, selon avenant en date du 23 octobre 2018. ( pièces 6 et 8).

Quant aux fonctions que la salariée soutient avoir remplies en ressources humaines et en comptabilité, si l'intérim sur certaines tâches a effectivement été confirmé par Mme [G] (pièce 14) et Mme [K] ( pièce 13), l'employeur rappelle cependant à raison d'une part que ces tâches supplémentaires ont été acceptées par la salariée ; d'autre part, qu'elles ont fait l'objet de deux augmentations de salaires en juillet et octobre 2019 et qu'enfin, la configuration même de l'entreprise, composée de 40 salariés, justifiait une certaine polyvalence de l'assistante de direction, qui pouvait être amenée à effectuer ainsi des tâches d'exécution, sans responsabilité, sur d'autres services ( pièce 28), ce que rappelaient les fiches de fonction signées par la salariée les 2 juillet et 30 octobre 2018 dans le paragraphe

' missions secondaires'. ( pièces 3 et 4 bis)

Cette diversité d'activités était également mentionnée dans la note d'information de l'entreprise sur son arrivée ( pièce 6) et ne ressort pas comme incohérente avec la fonction d'assistante de direction, qui tend à 'assister le directeur de l'entreprise dans l'organisation et la réalisation des activités administratives de l'entreprise' .

Mme [G] et Mme [K] témoignent par ailleurs que Mme [S] a disposé de formations pour effectuer les tâches d'exécution confiées, lesquelles étaient soumises à la vérification de M. [P], responsable des ressources humaines.

L'employeur rappelle au surplus que Mme [S] n'a jamais rempli de tâches de contrôleur de gestion, n'ayant pas les compétences pour ce faire et la comptabilité générale étant tenue au siège social du groupe, mais a seulement effectué la saisie de notes de frais et des déclarations de douane relevant de simples tâches d'exécution. Il produit enfin des suivis de formation 'gestion des temps Kelio' les 1er et 2 juillet 2019 et 'convention collective plasturgie' les 19 et 20 novembre 2019.

Enfin, si Mme [S] a effectivement réalisé des heures supplémentaires, ces dernières, qui étaient spécifiquement prévues dans le contrat de travail, ont manifestement été effectuées dans le contingent annuel autorisé et rémunérées, comme en témoignent le relevé de la badgeuse ( pièce 13) et l'absence de toute revendication salariale sur ce point dans la présente instance.

Aucun élément ne permet en conséquence de retenir que la salariée aurait été assujettie à des tâches excédant son contrat de travail et ses compétences, à une insuffisance de formation comme à une charge excessive de travail.

Tout autant, l'employeur démontre que la salariée, qui était justement classée coefficient 800, a bénéficié d'une rémunération correspondant à cette classification et de trois augmentations de 7,02% à compter du 1er novembre 2018, de 2 % en juillet 2019 puis de 5,03 % en octobre 2019 (pièces 19, 23 et 20), de telle sorte qu'elle était mieux rémunérée que Mme [K] ( coefficient 810) et que Mme [E] qu'elle remplaçait ( 7 ans d'ancienneté), et qu'elle n'était donc pas discriminée.

Quant à la prime de fin d'année, les motifs ci-dessus détaillés démontrent que cette diminution relève du pouvoir de direction de l'employeur, lequel s'est exercé sans abus.

Enfin, si une réunion a certes eu lieu le 8 janvier 2020 à 14 heures en présence de Mme [T], directrice financière, et de M. [P], responsable des ressources humaines, elle était justifiée en raison des courriels de la salariée en date du 6 janvier 2020, par lesquels cette dernière indiquait son refus de ' s'occuper des tâches comptables, soit notes de frais, chéquier, extraction des stocks, saisie sur salaire, imputations des factures en début de mois' et des ressources humaines, ce qu'a confirmé M. [W], délégué du personnel, dans son attestation. (Pièce 15)

Si lors de cet entretien, qui s'est tenu en deux temps le 8 janvier à 14 heures puis le 9 janvier à 9 heures, une rupture conventionnelle a été proposée à la salariée, un tel fait unique ne saurait caractériser un agissement de harcèlement moral quand bien même la salariée, qui était accompagnée par le délégué du personnel, aurait présenté un malaise à la suite.

La rupture conventionnelle constitue en effet un mode de rupture du contrat de travail parfaitement légal, dont la proposition ne revêt pas à prime abord de caractère fautif.

Par ailleurs, si Mme [S] invoque avoir subi au cours de cet entretien des pressions, elle n'en rapporte cependant pas la preuve. Cette dernière ne saurait se déduire du seul certificat médical du SMUR en date du 9 janvier 2020 dès lors que ce document ne restrancrit que les déclarations de la patiente. Cette preuve ne saurait pas plus s'exciper de l'enquête menée par la Cpam ( pièce 22), le contexte dans lequel la discussion litigieuse est intervenue ayant certes été agité, sans toutefois présenter le caractère disciplinaire que lui reproche l'appelante. M. [W] n'a en effet pas confirmé dans son attestation les déclarations initialement faites à la Cpam et n'a mentionné aucune pression ou attitude inadaptée de l'employeur, au-delà des justes tensions que la nature même des sujets abordés générait entre les parties.

Il se déduit de ces éléments, pris dans leur ensemble, que les faits dénoncés par Mme [S] ne sont pas établis s'agissant de la charge excessive de travail, de la rémunération insuffisante, des tâches excédant son contrat de travail et ses compétences et de l' insuffisance de formation, ou ne constituent pas des agissements constitutifs d'un harcèlement moral s'agissant de l'entretien des 8 et 9 janvier 2020 et de la réduction de sa prime de fin d'année 2019.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [S] de sa demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral et ont rejeté ses demandes financières subséquentes.

- sur la cause réelle et sérieuse du licenciement :

Aux termes de l' article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse et il appartient à l'employeur de rapporter la preuve du motif l'ayant conduit à se séparer du salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, la lettre de licenciement, à laquelle la cour se réfère pour un plus ample exposé des motifs et qui fixe les limites du litige, reproche à Mme [S] :

- d'avoir considéré à tort qu'un poste supplémentaire lui avait été confié, la conduisant à solliciter un avenant et l'octroi d'une nouvelle augmentation

- d'avoir le 6 janvier 2020, à son retour de congé et après avoir reçu une prime de fin d'année, subitement et unilatéralement décidé de ne plus exécuter certaines tâches qui faisaient partie intégrante de son poste de travail

- d'avoir ainsi indiqué à M. [U], responsable qualité, ne plus s'occuper des ressources humaines et d'avoir refusé d'ouvrir le courrier pour vérifier si une prolongation d'arrêt de travail était arrivée

- d'avoir indiqué le 6 janvier 2020 à son propre chef par courriel qu'elle ne s'occupait plus des taches administratives en lien avec la comptabilité

- d'avoir ainsi perturbé le travail, fait peser un risque grave de bloquer l'établissement de la paie des salariés permanents et des intérimaires, d'entraîner une absence ou un retard de remboursement des notes de frais et la désorganisation du service qualité qui ne disposait plus de visbilité sur le personnel disponible

faits caractérisant des actes d'insubordination perturbant la direction du site et présentant le caractère de faute grave compte-tenu de leur répétition, un tel comportement s'étant déjà produit le 21 octobre 2019.

Pour en justifier, l'employeur produit les courriels de Mme [S] par lesquels cette dernière a informé M.[U], responsable qualité, M. [V], responsable technique et développement, toute l'équipe comptable CGTEC et le service Bodet Software ( pièces 29 à 32) qu'elle ne s'occupait plus à compter du 6 janvier 2020 des ressources humaines, des tâches comptables telles que notes de frais, chéquiers, extraction des stocks, saisie sur salaire, imputations des factures, et des absences de salariés.

L'employeur communique également le SMS du 21 octobre 2019 par lequel la salariée avait indiqué ne pas 'faire les salaires ce mois-ci et tout ce qui va avec' et ne ' pas aller en la formation' prévue, comme elle n'avait 'pas eu la réponse pour le salaire et qu'elle estimait avoir été plus que patiente'.

Si la salariée reconnaît avoir envoyé ces messages, elle conteste cependant tout caractère fautif de ces derniers, imputant à la seule inertie de l'employeur devant ses revendications contractuelles et salariales une telle attitude de sa part.

Si les différents échanges que produit la salariée témoignent que cette dernière a réitéré à plusieurs reprises au cours de l'année 2019 une demande de rédaction d'un avenant pour contractualiser ses nouvelles attributions et pour obtenir une meilleure rémunération, l'employeur n'est cependant pas resté inerte et a augmenté cette dernière à trois reprises, lui octroyant ainsi sur 14 mois d'activité une revalorisation individuelle de 14 %. L'employeur lui a par ailleurs rappelé à plusieurs reprises, notamment en septembre 2019, en octobre 2019 lors de l'entretien avec Mme [T] et le 9 janvier 2020 ( pièce 28), que les évolutions de tâches qu'elle avait acceptées étaient conformes à son contrat de travail et ne changeaient pas substantiellement son poste, lequel restait conforme à ses qualifications.

Enfin, si Mme [S] soutient que ses courriels du 6 janvier 2020 n'ont pas désorganisé la société, elle reconnaît cependant dans ses conclusions s'être cantonnée ce même jour et les jours suivants aux missions relevant de ce qu'elle estimait être sa charge de travail, laissant ainsi implicitement à la direction le soin de répartir entre ses collègues les tâches qu'elle n'entendait pas assumer.

Le refus par Mme [S] d'exécuter les tâches qui relevaient de ses missions contractuelles constitue indéniablement un acte d'insubordination et caractérise une faute grave dès lors qu'il succède à un précédent fait survenu en octobre 2019, qu'il ne s'inscrit manifestement pas dans de légitimes revendications et qu'il empêche la poursuite du contrat de travail.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que le licenciement de Mme [S] reposait sur une faute grave et l'ont déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse, pour préjudice moral et pour préjudice de carrière, de sa demande d'indemnités de préavis et de rappel de congés payés sur préavis.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef .

- sur les autres demandes :

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Partie perdante, Mme [A] [S] sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [S] sera condamnée à payer à la SAS DEMGY FRASNE la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Besançon en date du 31 août 2021 en toutes ses dispositions

Condamne Mme [A] [Y] épouse [S] aux dépens d'appel, avec autorisation donnée à Mme Péquignot, avocate, de les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

Et vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [A] [Y] épouse [S] à payer à la SAS DEMGY FRASNE la somme de 1 500 euros et la déboute de sa demande présentée sur le même fondement.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt et un février deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01703
Date de la décision : 21/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-21;21.01703 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award