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25/04/2023 | FRANCE | N°21/01626

France | France, Cour d'appel de Besançon, Chambre sociale, 25 avril 2023, 21/01626


ARRET N° 23/

FD/SMG





COUR D'APPEL DE BESANCON



ARRET DU 25 AVRIL 2023



CHAMBRE SOCIALE





Audience publique

du 28 février 2023

N° de rôle : N° RG 21/01626 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENN2



S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON

en date du 17 septembre 2019

Code affaire : 80Q

Demande d'annulation d'une sanction disciplinaire





APPELANTE



URSSAF DE FRANCHE-COMTE sise [Adresse 2]>


Représentée par Maître Xavier VALLA, avocat au barreau de BESANCON, présent



INTIMEE



Madame [B] [V], demeurant [Adresse 1]



Représentée par Mme Rachel Rekkia MESSOUSSE, délégué syndical ouv...

ARRET N° 23/

FD/SMG

COUR D'APPEL DE BESANCON

ARRET DU 25 AVRIL 2023

CHAMBRE SOCIALE

Audience publique

du 28 février 2023

N° de rôle : N° RG 21/01626 - N° Portalis DBVG-V-B7F-ENN2

S/appel d'une décision

du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BESANCON

en date du 17 septembre 2019

Code affaire : 80Q

Demande d'annulation d'une sanction disciplinaire

APPELANTE

URSSAF DE FRANCHE-COMTE sise [Adresse 2]

Représentée par Maître Xavier VALLA, avocat au barreau de BESANCON, présent

INTIMEE

Madame [B] [V], demeurant [Adresse 1]

Représentée par Mme Rachel Rekkia MESSOUSSE, délégué syndical ouvrier, présente

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats du 28 Février 2023 :

Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre

Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller

Mme Florence DOMENEGO, Conseiller

qui en ont délibéré,

M. Xavier DEVAUX, directeur de greffe lors des débats et Madame MERSON GREDLER, Greffière lors de la mise à disposition

Les parties ont été avisées de ce que l'arrêt sera rendu le 25 Avril 2023 par mise à disposition au greffe.

**************

Statuant sur l'appel interjeté le 2 septembre 2021 par l'URSSAF de Franche Comté du jugement rendu le 17 septembre 2019 par le conseil de prud'hommes de Besançon qui, dans le cadre du litige l'opposant à Mme [B] [V], a :

-jugé que la notification de la sanction de Mme [V] était entachée d'un vice de forme

- annulé le blâme notifié à Mme [V]

- condamné l'URSSAF de Franche Comté à payer à Mme [V] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté l'URSSAF de Franche Comté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné l'URSSAF aux dépens ;

Vu les dernières conclusions transmises le 18 novembre 2021, auxquelles la cour se réfère pour un plus ample exposé des moyens en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l'URSSAF de Franche Comté, appelante, demande à la cour d' infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de :

- juger que la sanction a été notifiée dans le délai légal et qu'elle est de ce fait pleinement valable

- débouter Mme [V] de sa demande d'annulation de la sanction au titre d'un vice de procédure

- juger que l'inversion des deux chèques et la falsification du chèque sont bien imputables à Mme [V]

- débouter Mme [V] de sa demande d'annuler la sanction pour absence de preuves

- débouter Mme [V] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

- débouter Mme [V] de sa demande de paiement d'article 700 du code de procédure civile

- condamner Mme [V] à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Mme [V] aux entiers dépens ;

Vu l'ordonnance du magistrat en charge de la mise en état en date 24 mai 2022 déclarant irrecevables les conclusions d'intimée remises au greffe de la cour le 18 février 2022 par Mme [V], intimée qui s'était constituée par courrier recommandé en date du 4 octobre 2021 ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 12 janvier 2023 ;

SUR CE ;

EXPOSE DU LITIGE :

Selon contrat à duré indéterminée en date du 10 juin 2014, Mme [B] [V] a été recrutée par l'URSSAF DE FRANCHE COMTE en qualité de technicienne de trésorerie et a été promue au niveau 4 le 1er avril 2017.

Le 26 mars 2018, Mme [V] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 5 avril 2018, l'employeur lui reprochant d'avoir retouché un chèque.

Le 11 avril 2018, Mme [V] a été convoquée à un conseil de discipline, qui s'est tenu le 25 avril 2018 et qui a émis un avis défavorable à la prise d'une sanction.

Le 18 mai 2018, l'URSSAF DE FRANCHE COMTE a notifié à Mme [V] un blâme, sanction que la salariée a contestée par courrier recommandé du 24 mai 2018 et que l'employeur a cependant maintenue.

C'est dans ces conditions que Mme [V] a saisi le 16 juillet 2018 le conseil de prud'hommes de Besançon aux fins de voir annuler cette sanction et d'obtenir diverses indemnisations, saisine qui a donné lieu au jugement entrepris.

Le 4 février 2019, Mme [V] a démissionné.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- Sur la sanction disciplinaire :

- sur sa forme :

Aux termes de l'article L 1332-2 du code du travail, lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. (...) La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.

En l'espèce, Mme [V] a été entendue en entretien préalable le 5 avril 2018 et sanctionnée par un blâme le 18 mai 2018, après avoir été entendue par le conseil de discipline le 25 avril 2018.

Si les premiers juges ont annulé cette sanction au motif qu'elle aurait été notifiée postérieurement au délai imposé par l'article L 1332-2 susvisé, l'appelante rappelle cependant à raison que ce délai, qui est une règle de fond, peut être interrompu si une procédure imposée par une disposition conventionnelle a été mise en oeuvre. (Cass soc- 9 décembre 1997 n° 94-43.161)

Or, en l'état, l'article 48 de la Convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale, à laquelle était assujettie la salariée, impose la saisine impérative du Conseil de discipline régional, qui rend un avis consultatif, lorsque sont envisagées les sanctions disciplinaires de suspension sans traitement avec maximum 7 jours ouvrables, de rétrogradation et de licenciement avec ou sans indemnités.

L'employeur, qui envisageait une mesure de suspension sans traitement avec maximum 7 jours ouvrables, comme en témoigne son mémoire (pièce 10) , se devait donc de convoquer ce conseil de discipline, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges.

La saisine de ce conseil, qui est intervenue le 11 avril 2018, soit dans le délai d'un mois suivant l'entretien préalable, et qui a été portée à la connaissance de Mme [V] par courriel du même jour ( pièce 12) puis par convocation de la CARSAT du 12 avril 2018 (pièce 25) , a donc interrompu ce délai et un nouveau délai d'un mois a commencé à courir à compter du 25 avril 2018, date de l'avis du conseil de discipline régional. (Cass soc - 3 février 2017 n°15-25.537)

Cette interruption ne saurait en aucune façon être remise en cause ultérieurement au seul constat que l'employeur aurait en définitive retenu une sanction ne nécessitant pas l'avis du conseil de discipline.

Une telle appréciation par l'employeur de son pouvoir de sanction n'est en effet pas de nature à remettre en cause la procédure qu'il se devait de suivre impérativement, compte-tenu de la nature de sanction envisagée en suite de l'entretien préalable, et qui s'avèrait être une garantie supplémentaire en faveur de la salariée.

Dès lors, en notifiant sa sanction le 18 mai 2018, l'employeur a parfaitement respecté les délais impartis par l'article L 1332-2 du code du travail et c'est donc à tort que les premiers juges, sans examiner l'existence des faits reprochés et la proportionnalité de la sanction que leur déférait la salariée, ont annulé le blâme.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé et la sanction sera en conséquence déclarée régulière en sa forme.

- sur son bien-fondé :

Aux termes de l'article L 1333-2 du code du travail, le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l'espèce, l'URSSAF a sanctionné Mme [V] lui reprochant :

- d'avoir le 18 février 2018 interverti deux chèques lors du retour de ces chèques à l'expéditeur

- d'avoir falsifié un chèque émis le 19 février 2018 par un cotisant à hauteur de 1,37 euros en règlement de ses cotisations.

Pour en justifier, l'URSSAF produit le courrier de M. [F] en date du 6 mars 2018 , faisant le constat que nonobstant le montant de 1,37 euros qu'il avait inscrit sur le chèque adressé le 23 février 2018, ce montant avait été barré et un autre montant avait été inscrit manuscritement, de telle sorte que la somme indue de 1 000,37 euros lui avait été débitée (pièce 7).

Elle communique également ledit chèque portant une surcharge manuscrite évidente en chiffre mais également en lettres (pièce 1), ainsi que le relevé des opérations quotidiennes (pièce 3 ), l'attestation de Mme [R], fondée de pouvoir ( pièce 27), et celle de M. [J], agent comptable (pièce 30 ) desquels il résulte d'une part, que Mme [V] était seule en charge du traitement des chèques le jour où celui d'1,37 euros a été falsifié en 1 000,37 euros, et d'autre part, qu'aucune raison comptable ne justifiait de voir modifier le montant en lettres et en chiffres du chèque, compte-tenu de la déclaration de chiffre d'affaires qui l'accompagnait. (pièce 4)

L'URSSAF justifie enfin que la falsification n'a pu être effectuée avant l'intervention de Mme [V]. Ses pièces 28, 29 et 30 mettent en effet en exergue que Mme [V], dont le numéro d'agent est le UR 43700513, a généré et envoyé le fichier LAD-TT10 à 11 H 47 le 21 février 2018, lequel comportait un montant en tout point identique à celui de la remise à la banque, démontrant ainsi que le chèque avait été modifié après son passage au service du FEND (Flux entrants non dématérialisés), lequel n'a vocation qu'à ouvrir les courriers, à les trier par type de documents, à les numériser et à les endosser automatiquement, sans autre forme de traitement et en l'espèce avait bien numérisé un chèque de 1,37 euro.

Quant à l'inversion des chèques renvoyés aux cotisants pour cause de date postérieure à la date de remise, l'URSSAF rappelle que ces faits ont été reconnus par la salariée elle-même et se prévaut en ce sens de l'avis émis par le conseil de discipline, ayant repris cette reconnaissance (pièce 13) et ne 'disculpant pas ' Mme [V] de ces faits, contrairement à ce que cette dernière affirme dans son courrier du 24 mai 2018. ( pièce 15)

Aucun élément sérieux ne vient remettre en cause la matérialité et l'imputabilité des faits ainsi reprochés à Mme [V].

La sanction de blâme prononcée, qui ne présente aucune conséquence financière pour la salariée, est par ailleurs proportionnée aux fautes relevées, comme le soutient à raison l'appelante.

Même si Mme [V] n'a manifestement pas profité personnellement de ces deux fautes, leur gravité autorisait cependant parfaitement l'employeur à faire usage à son encontre de son pouvoir de sanction dans de telles proportions, compte-tenu du caractère manifestement intentionnel des faits de falsification et de la dissimulation faite à sa fondée de pouvoir de ces derniers. (pièces 27 et 31)

La sanction prise à l'encontre de Mme [V] et notifiée le 18 mai 2018 se justifiait parfaitement et ne saurait en conséquence être annulée.

- Sur la demande de dommages et intérêts :

La sanction prise à l'encontre de Mme [V] étant régulière en la forme et bienfondée en son principe, l'employeur n' a manifestement pas fait un usage abusif de son pouvoir disciplinaire ouvrant droit à dédommagement.

Par ailleurs, comme le soulève à raison l'employeur, si ce dernier a certes fait état lors de l'entretien préalable en vue de la sanction disciplinaire des sanctions pénales encourues en cas de falsification de documents, un tel rappel des dispositions légales n'avait pas vocation à menacer la salariée, qui était accompagnée de deux représentants du personnel, mais à caractériser la gravité des fautes reprochées.

Aucun élément ne vient au surplus établir les pressions psychologiques qu'aurait subies Mme [V] au cours de cet entretien, quand bien même cette dernière aurait développé ultérieurement un syndrome anxiodépressif selon son médecin traitant.

C'est donc à tort que les premiers juges ont alloué à Mme [V] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il y a donc lieu d'infirmer ce chef de jugement et de débouter Mme [V] de cette demande.

- Sur les autres demandes :

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles accordés à Mme [V] et les dépens.

Partie perdante, Mme [B] [V] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'URSSAF à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi, :

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Besançon en date du 17 septembre 2019, sauf en ce qu'il a débouté l'URSSAF de Franche Comté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Déclare la sanction notifiée le 18 mai 2018 par l'URSSAF de Franche Comté à Mme [B] [V] régulière en sa forme, justifiée et proportionnée

Dit n'y avoir lieu en conséquence à annuler le blâme notifié le 18 mai 2018

Déboute Mme [B] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Déboute l'URSSAF de Franche Comté de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne Mme [B] [V] aux dépens de première instance et d 'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt cinq avril deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, etMme MERSON GREDLER, Greffière.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT DE CHAMBRE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Besançon
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01626
Date de la décision : 25/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-25;21.01626 ?
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