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14/12/2006 | FRANCE | N°04/004314

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, SixiÈme chambre civile, 14 décembre 2006, 04/004314


COUR D'APPEL DE BORDEAUX
SIXIÈME CHAMBRE CIVILE
-------------------------- cp

ARRÊT DU : 14 DÉCEMBRE 2006
(Rédacteur : Franck LAFOSSAS, Président)
No de rôle : 04 / 04314
Brigitte C...
Christophe Y...
SELARL CHRISTOPHE Z...
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avoués Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 mars 2004 par la Première Chambre Civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG : 2895 / 2002) suivant déclaration d'appel du 07 juillet 2004

APPELANTE :
Brigitte C... née le 18

Juin 1959 à TROIS MARABOUTS (ALGÉRIE) demeurant... 33360 LIGNAN DE BORDEAUX

représentée par la SCP GAUTIER ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX
SIXIÈME CHAMBRE CIVILE
-------------------------- cp

ARRÊT DU : 14 DÉCEMBRE 2006
(Rédacteur : Franck LAFOSSAS, Président)
No de rôle : 04 / 04314
Brigitte C...
Christophe Y...
SELARL CHRISTOPHE Z...
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avoués Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 mars 2004 par la Première Chambre Civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (RG : 2895 / 2002) suivant déclaration d'appel du 07 juillet 2004

APPELANTE :
Brigitte C... née le 18 Juin 1959 à TROIS MARABOUTS (ALGÉRIE) demeurant... 33360 LIGNAN DE BORDEAUX

représentée par la SCP GAUTIER et FONROUGE, avoué à la Cour et assistée de Maître Guy GRAVELLIER, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTIMÉ :
Christophe Y... né le 23 Avril 1959 à TALENCE (33400) de nationalité française demeurant...-64250 CAMBO LES BAINS

représenté par la SCP ARSÈNE-HENRY ET LANÇON, avoué à la Cour et assisté de Maître Joëlle AUBERGER, avocat au barreau de BORDEAUX,
INTERVENANTE volontaire :
SELARL CHRISTOPHE Z... ayant son siège 12 quai Louis XVIII-33000 BORDEAUX prise en qualité de représentant des créanciers de Madame Brigitte C..., domiciliée en cette qualité audit siège

représentée par la SCP GAUTIER et FONROUGE, avoué à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 octobre 2006 hors la présence du public, devant la Cour composée de : Franck LAFOSSAS, Président, Philippe GUENARD, Conseiller Bruno CHOLLET, Conseiller,

qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Josette DELLA GIUSTINA
ARRÊT :- contradictoire-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du ncpc.

Faits et procédure antérieure : +
Christophe Y... et Brigitte C... se sont mariés le 11 juillet 1981, sans contrat.
Par arrêt définitif du 14 janvier 1999 la Cour d'appel de Bordeaux a prononcé leur divorce. La date d'effet dans les rapports pécuniaires entre époux, non modifiée par l'arrêt, est restée légalement fixée à la date d'assignation du 24 juin 1992.
Henri C..., père de la mariée, propriétaire immobilier et exploitant viticole dans l'Entre-deux-Mers, était décédé le 3 mai 1977, laissant une veuve et x enfants, l'appelante et son frère Yvon. Un acte de notoriété en était dressé le 10 mai 1977. La transmission immobilière de sa propriété agricole était constatée par attestation notariée du 16 novembre 1977.
Les héritiers C... constituaient le 12 octobre 1982 un GFA " du clos Noël " au capital de 1, 6 MF réparti en 1. 600 parts de 1. 000 F chacune. La mère veuve recevait 400 parts et chaque enfant 600 parts. Une société d'exploitation gérée par Yvon C... louait la propriété du GFA en payant des fermages.
La succession paternelle ne devait être partagée que 12 années après le décès, le 15 avril 1989.
Le défunt père étant rapatrié d'Algérie, sa succession était créancière de diverses indemnités au nom du de cujus.
À l'occasion du partage successoral, le 15 avril 1989, Brigitte C... épouse Y... se voyait attribuer divers biens immobiliers dont une maison située à Lignan-de-Bordeaux évaluée 162. 000 F. Elle devait alors supporter une soulte de 12. 150 F envers sa mère et de 74. 925 F envers son frère, soit un total de 87. 075 F.
Les parties, veuve et deux enfants, déclaraient au notaire que les meubles meublants et objets mobiliers avaient été amiablement partagés, sans déclaration de valeur.
Par ailleurs, le même jour, le GFA du clos Noël vendait aux époux Y... diverses terres jouxtant cette maison pour un prix de 14. 800 F.
Puis la maison ainsi acquise et ainsi entourée d'un jardin était améliorée.
Pendant le cours de la vie conjugale le frère de Brigitte C... épouse Y... exploitait les terres du GFA en qualité de fermier et devait à ce titre supporter un fermage. Un litige est né au sujet de ces loyers que le mari accuse la femme d'avoir détournés à son profit.
Également, au cours de la vie conjugale, les époux avaient acquis en 1985 à Poitiers un immeuble revendu le 8 juillet 1988 avec solde positif de 468. 718, 92 F après paiement de l'emprunt.
Pendant le cours de la procédure de divorce, le mari supportait le remboursement des emprunts immobiliers de l'immeuble de Lignan-de-Bordeaux. Il cessait lorsque le divorce était devenu définitif, la femme prenant le relais des paiements.
À la suite du divorce, et dans le cadre des opérations de liquidation partage de la communauté ayant existé entre les anciens époux, un rapport officieux était dressé par Monsieur D..., expert, le 24 juillet 2001.
Les parties ne s'étant pas accordées sur les modalités et conditions du partage, un procès verbal de difficultés était dressé par Maître E..., notaire, le 12 décembre 2001, puis un procès verbal de non conciliation était dressé au Tribunal le 29 avril 2002.
Par jugement du 29 mars 2004, le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, statuant sur les opérations de liquidation de la communauté, a notamment considéré que les biens situés à Lignan-de-Bordeaux étaient des propres de Brigitte C..., fixé à la somme de 133. 345 € la récompense due par cette dernière à la communauté au titre des acquisitions et améliorations de ses biens propres, dit que la communauté a en outre droit à récompense à hauteur de 32. 461, 58 € au titre des fermages que Brigitte C... a négligé de percevoir entre 1989 et le 24 juin 1992, dit que Christophe Y... est créancier de la moitié des remboursements qu'il a effectués au titre des emprunts communs, à compter du 24 juin 1992, somme à actualiser au jour du partage, ainsi que de la somme de 3. 469, 28 € au titre du redressement fiscal, et condamné Brigitte C... au paiement d'une somme provisionnelle de 50. 000 € avec exécution provisoire.
Procédure d'appel :
Par acte remis au greffe de la Cour le 7 juillet 2004 Brigitte C... a déclaré relever appel contre Christophe Y... du jugement ainsi rendu.
Par acte déclaratif du 8 septembre 2005, l'appelante a informé l'intimé qu'elle est en redressement judiciaire depuis le 10 juin 2005. Une déclaration de créances a été effectuée.
Le 6 septembre 2005, Christophe Y... a assigné la SELARL Christophe Z..., représentant des créanciers de Brigitte C..., en reprise d'instance. Et par des conclusions signifiées le 9 mars 2006, la SELARL Christophe Z... est intervenu à l'instance.
L'appelante, par ses dernières conclusions signifiées le 9 octobre 2006 sans intervention d'un représentant des créanciers, a estimé la décision critiquable et demandé son infirmation sur de nombreux points.
L'intimé, par ses dernières conclusions signifiées le 23 mars 2005, a effectué un appel incident partiel.
À l'audience de plaidoiries, sur question du président et plumitif renseigné, les deux avoués ont déclaré que l'appelante était in bonis et que le représentant des créanciers antérieurement intervenu à la procédure (conclusions du 9 mars 2006) était maintenant commissaire à l'exécution du plan de redressement homologué, ce qui expliquait qu'il n'intervienne plus à la procédure.
Sur quoi, la Cour :
La liquidation de la communauté Y... / C... pose de nombreuses difficultés juridiques et de fait.
La quantité des points en litige rend nécessaire que, pour une meilleure clarté de l'exposé, chaque demande soit isolée, les moyens de chaque partie étant alors annoncés et suivis du raisonnement de la cour.
1) sur les pièces en débat :
Brigitte C... a fait appel le 7 juillet 2004.
À l'audience de plaidoiries du 4 avril 2006 elle a demandé le renvoi de l'affaire pour disposer d'un délai suffisant de discussions avec son second avocat d'appel qu'elle venait de constituer. Ce renvoi lui a été accordé pour le 24 octobre 2006 avec ordonnance de clôture fixée au 10 octobre 2006. Elle était donc ainsi informée 6 mois auparavant de la date à laquelle l'instruction civile prendrait fin.
Le 10 octobre, dernier jour de ce délai, son troisième avocat signifiait des conclusions et son avoué demandait par écrit la révocation de l'ordonnance de clôture au motif que " nous venons de conclure et de communiquer des pièces ".
En réalité c'est le 11 octobre 2006, lendemain de l'ordonnance de clôture, qu'elle allait communiquer 6 pièces très anciennes, dont trois sont datées d'avant même son acte d'appel.
L'intimé ne s'est pas associé à cette demande de révocation de l'ordonnance de clôture.
La cour constate qu'il ne lui est pas prouvé de révélation d'une cause grave après la clôture, cela n'est d'ailleurs pas allégué, et l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée.
Les pièces communiquées le 11 octobre 2006 ne sont pas dans le débat.
2) fonds propres aux époux encaissés par la communauté :
L'appelante affirme avoir perçu des fonds importants pendant la vie conjugale, indemnisation de rapatriés d'Algérie et succession de sa grand mère paternelle. Elle estime qu'ainsi la communauté a bénéficié de la somme de 209. 749 F (intérêts compris).
Par ailleurs elle affirme qu'elle disposait de capitaux propres par placements et valeurs mobilières ainsi que par plan d'épargne logement et accuse l'ancien mari d'avoir également disposé de placements non déclarés à la liquidation.
L'intimé s'oppose en soutenant que son épouse n'a jamais fait état de ces rentrées d'argent et que, notamment, elle s'appuyait sur son impécuniosité pour demander pension alimentaire et devoir de secours. Il estime qu'elle ne rapporte pas la preuve de la nature propre des fonds déposés sur le plan épargne logement, qui d'après lui proviendraient de la vente de l'appartement commun en 1988. Quant aux placements en cause il affirme qu'il s'agit de fonds communs.
En revanche il rappelle avoir lui-même hérité en 1985 de la somme de 14. 092, 90 € versée sur le compte joint, ayant servi à l'achat de l'appartement de Poitiers, et il demande remboursement de cette somme.
Le premier juge n'était pas saisi des demandes de l'épouse mais de celles du mari qu'il a rejetées faute de preuve.
L'appelante fournit divers documents émanant de l'Agence Nationale pour l'Indemnisation des Français d'Outre-Mer confirmant que son défunt père avait acquis des droits à indemnisation auxquels elle pouvait prétendre en sa qualité d'héritière.
Mais. d'une part l'historique plus haut rappelé démontre que la succession ouverte sur un décès de 1977 n'a été partagée qu'en 1989 par l'attribution de l'immeuble bâti avec soulte à Brigitte C..., les héritiers déclarant s'être partagés les bien meubles. Or c'est cette succession qui avait vocation à percevoir les indemnités attribuées au de cujus, et non pas l'un des héritiers,. et d'autre part les écrits de l'Agence font état de versements répartis dans le temps, commencés alors que la succession n'était pas partagée et poursuivis après l'assignation en divorce du 24 juin 1992. Par exemple l'indemnité complémentaire pour le père de l'appelante (décision no7181903) prévoit des paiements échelonnés entre septembre 1992 et septembre 1996 tandis que l'indemnité complémentaire de sa grand mère paternelle (décision no7137444) a été partagée entre ses héritiers entre septembre 1990 et septembre 1993.

Ainsi ces documents ne démontrent pas que les sommes en question sont arrivées sur les comptes de la communauté, tandis qu'au contraire ils permettent de l'exclure pour une grande partie.
Et l'intimé fait justement valoir que ces versements de fonds propres à l'épouse au profit de la communauté n'ont jamais été mentionnés avant la liquidation du régime matrimonial.
Ainsi. le jugement de divorce du 14 mai 1996 signalait que l'épouse ne disposait pas de ressources personnelles ni capitaux et ne lui connaissait pas d'autre actif que ses parts sociales de GFA ne lui procurant aucun revenu,. mais l'arrêt de divorce du 14 janvier 1999 soulignait les incohérences dans les déclarations de la femme qui " n'a pas sérieusement respecté les exigences de communication de ressources ",. et l'arrêt de rejet du pourvoi rappelle que le refus de lui allouer une prestation compensatoire est fondé sur " le défaut de Mme C... de communication suffisante des justifications de ses ressources ".

C'est pourquoi l'appelante, qui affirme aujourd'hui qu'en réalité elle avait perçu des fonds propres importants en cours de vie conjugale, sans rapporter la preuve qu'ils ont été encaissés par la communauté, ne peut voir ces fonds pris en considération au titre d'une récompense.
En revanche l'intimé prouve, par attestation CNP du 3 janvier 2003, que les fonds reçus de sa succession Yvonne Bureau ont été virés sur le compte joint du couple pour un montant de 5 fois 18. 488, 58 F (soit 92. 443, 25F soit 14. 092, 88 €)) le 27 août 1985.
Quant aux fonds détenus sur compte bancaire ou plan d'épargne, même au nom d'un seul, ils sont présumés communs puisque constitués de l'épargne d'époux mariés sous régime légal, à moins d'une preuve inverse de bien propre.
Il ne peut donc y avoir lieu à récompense mais seulement à partage de leur valeur au jour de l'assignation.
La décision déférée sera donc infirmée et une récompense de 14. 092, 88 € sera allouée à l'intimé, tandis qu'il sera rappelé que tous les comptes de dépôt et d'épargne doivent être partagés, même ceux au nom d'un seul époux.
Il n'y a pas lieu à astreinte, aucune difficulté n'existant en l'état et alors que l'intimé reconnaît dans ses écritures le caractère commun de ces fonds.
3) sur la maison de Lignan et son terrain :
3. 1) les 2 achats, principes applicables :
- Les deux anciens époux s'accordent à reconnaître que la maison de Lignan-de-Bordeaux est un bien propre de la femme, comme provenant de l'indivision successorale, et que c'est la communauté qui en a payé la soulte.
Tandis que l'épouse recevait sa part successorale de 74. 925 F, la communauté a donc dépensé 87. 075 F pour lui permettre de devenir seule propriétaire, soit 53, 75 % d'une maison estimée 162. 000 F.
Sur la base d'une valeur actuelle de l'immeuble dans son état d'origine telle qu'appréciée à 258. 400 F par l'expertise officieuse de Mr D..., le pourcentage du financement par la communauté aboutit à une récompense en sa faveur de 139. 320 F selon la règle du profit subsistant que les parties reconnaissent applicable.
- Les parties s'accordent également à reconnaître que par l'effet de l'accession les diverses parcelles jouxtant cette maison constituent un propre de l'épouse, même si elles ont été financées par la communauté à 100 %. D'après l'expert D..., cela justifie une récompense de la valeur actuelle estimée à 92. 156 €
Le premier juge a accordé à l'ancien mari les sommes respectives de 134. 590 F et de 91. 600 F, soit légèrement inférieures, qu'il avait sollicitées.
Elle en demande confirmation tandis qu'il demande une expertise et de façon subsidiaire une réévaluation des récompenses immobilières selon l'indice de la construction.
3. 2 l'amélioration, principes applicables :
Les deux parties s'accordent sur le fait que la maison ainsi achetée a ensuite été améliorée pendant la vie conjugale.
Peu de temps avant les 2 achats les époux C... / Y... avaient souscrit un emprunt immobilier de 600. 000 F auprès du Crédit Agricole dont ils s'accordent dans leurs écritures (page 3 conclusions épouse et page 5 conclusions du mari) à reconnaître qu'il était destiné à financer les travaux de restauration envisagés de ce qui allait servir de domicile conjugal.
Mais le mari soutient que deux autres prêts ont été souscrits à cet effet : Crédit agricole pour 50. 000 F et CILG pour 50. 000 F, soit un total de 700. 000 F.
L'appelante conteste l'existence du 3ème prêt ainsi que leur affectation totale à la restauration de son immeuble. Et elle fait valoir qu'en toutes hypothèses elle a participé avec ses fonds propres à supporter les remboursements d'emprunt après l'assignation en divorce si bien que la plus-value ne provient pas totalement de la communauté. La cour découvre, régulièrement signifiés par l'intimé, les contrats de prêt :. Crédit Agricole 600. 000 F avec période d'amortissement du 1 / 12 / 89 au 1 / 11 / 09 libellé " achat + réparations résidence sise à Lignan-de-Bordeaux, Lalande Sud ",. Crédit Agricole 50. 000 F avec période d'amortissement du 1 / 3 / 90 au 1 / 2 / 00 libellé " réparations de la résidence sise à Lignan-de-Bordeaux, Lalande Sud ",. et GIC 2 fois 25. 000 F en un seul prêt avec offre du 30 / 7 / 90 au nom de Christophe Y..., motivé " travaux d'amélioration de l'habitat Lalande Sud 33360 Lignan-de-Bordeaux ", amortissement du 5 / 10 / 90 au 5 / 9 / 10.

Ces éléments matériels, alliés à la concordance des dates d'achat de la maison et du terrain, donnent à la cour, à l'égal du premier juge, la preuve de la réalité des affirmations de l'intimé quant à l'importance des fonds communs investis dans le propre de l'épouse.
Il est également prouvé que deux des trois emprunts supportaient encore des remboursements au moment de l'assignation.
S'agissant de biens restés dans le patrimoine de l'époux enrichi, les deux parties reconnaissent que la règle du profit subsistant est applicable. Mais la femme estime pouvoir en soutenir que " il faut pour calculer la récompense... prendre en compte seulement la portion des prêts remboursée par la communauté ". Et elle demande qu'une proportion en soit tirée pour diminuer sa récompense.
Il s'agit d'une erreur de raisonnement. En effet, c'est le capital emprunté qui a favorisé l'épouse et seule compte en l'espèce le profit subsistant (et non pas la dépense faite).
La seule question posée est de savoir si le profit subsistant résulte uniquement des travaux ainsi financés ou si des fonds propres de l'épouse y ont contribué, et dans quelle proportion.
Il a plus haut été analysé que l'épouse ne rapportait pas la preuve de rentrées de fonds propres sur les comptes communs et elle ne le fait pas davantage en investissement pour sa propriété.
De façon superfétatoire, l'importance des emprunts (700. 000 F) par rapport à la faiblesse du prix d'achat de la maison (162. 000 F) confirme que la plus value de cette dernière provient de cet investissement commun.
La récompense pour cause d'amélioration doit en conséquence correspondre au profit subsistant, sauf le profit résultant des éventuels travaux d'amélioration réalisés par l'appelante après l'assignation en divorce.
L'expert officieux désigné par l'appelante a conclu à une valeur vénale après travaux financés par la communauté de 868. 500 F tandis que l'immeuble resté dans son état d'origine vaudrait 220. 000 F, soit une plus value de 648. 500 F, somme retenue par le premier juge à titre de récompense.
L'intimé demande également une expertise immobilière et à défaut l'actualisation des valeurs expertales par référence au taux de la construction, tandis que la femme accepte les valeurs mais demande pourcentage.
3. 3) chiffrage :
L'intimé n'expose pas en quoi les valeurs immobilières auraient évolué en rendant inopérante l'expertise officieuse dont il avait accepté les résultats en première instance et sans permettre un chiffrage judiciaire. Il se limite, de façon générale, à faire état de l'évolution du marché immobilier.
La cour dispose d'un important dossier : photographies du bien lors de son acquisition avant travaux, description du bien lors de l'achat (actes notariés de cession), plan des lieux et cadastre, expertise officieuse datée du 24 juillet 2001 avec description précise (non critiquée par aucune partie) des travaux, outre d'importantes conclusions détaillées.
La maison en question, en pierres de taille et moellons, s'apparentait lors de son acquisition à une masure ancienne de bord de route, environnée de champs plats et sans caractère pittoresque, dans une zone agricole connue pour son vin mais sans aspect touristique, avec un intérieur vétuste, dont les poutres n'étaient apparentes que par suite de plafonds éventrés. Elle servait de dépôt de produits agricoles, visibles sur la cheminée en pierre constituant l'unique point de confort notable. Sa superficie, garage attenant et terrain autour compris, était lors de l'achat de 20 a 13 ca, le prix d'achat modique (162. 000 F) reflétait cette situation proche de la ruine.
Les terres achetées en même temps par la communauté pour agrandir cette propriété étaient des friches pour 45 a 80 ca.
La maison aujourd'hui est entièrement ravalée, partie crépie dans la surélévation du premier étage, couverture en tuiles, confort moderne installé ainsi qu'assainissement individuel.
L'expert D... indique qu'il s'agit en son état actuel d'un " immeuble de qualité présentant de vastes volumes pourvus de tous les éléments d'équipement, de confort, disposant d'une bonne finition mais laissant encore subsister d'importants travaux à effectuer ".
Il conclut à l'importance des travaux dus à la communauté " bref, tous travaux liés à la restauration complète d'un immeuble, à l'exception toutefois de ceux signalés plus haut et restant à effectuer ".
Sa liste des travaux restant à faire est particulièrement importante et touche le gros oeuvre : protection du salpêtre, inondation de la cave, finition des revêtements muraux et de plafonds qui sont bruts, peinture des boiseries, salle d'eau du premier étage à aménager, réfection des contrevents extérieurs, conduit de fumée brut dans le séjour.
L'expert signale en outre que l'épouse a financé divers travaux après l'assignation, dont le chauffage central au gaz.
En conséquence, au jour de la liquidation ce bien immobilier, situé en zone rurale ordinaire et non pittoresque, sans cause de spéculation touristique ni professionnelle, hors de toute agglomération urbaine et notamment de l'agglomération bordelaise, est encore un chantier.
Il présente un intérêt affectif pour celle qui en a hérité. En revanche, s'il offre une belle apparence extérieure, il n'est pas de nature à susciter une forte demande compte tenu de l'obligation de travaux intérieurs à poursuivre, dont certains fondamentaux et de nature a faire peur à un acheteur potentiel (par exemple : inondation de la cave et crainte pour la salubrité des lieux).
Le prix de l'immobilier, bâti et non bâti, a augmenté depuis l'expertise officieuse, valorisant la construction en cause. Mais cette augmentation concerne également le coût des matériaux de construction ainsi que des matières premières et de la main d'oeuvre, rendant plus onéreux l'important chantier à continuer.
La cour dispose ainsi des éléments suffisants pour considérer sans expertise nouvelle que les valeurs au jour de la liquidation correspondent à celles estimées par l'expert D.... Aucune nouvelle expertise ne sera ordonnée ni réévaluation.
En conséquence les sommes allouées par le premier juge seront confirmées, 134. 590 F + 91. 600 F + 648. 500 F, soit un total de 874, 690 F, soit une récompense de 133. 345 € due par l'épouse à la communauté au titre de sa maison.
4) les remboursements d'emprunt après assignation :
L'intimé indique que le passif de communauté dû auprès des banquiers au titre des 3 prêts immobiliers s'élevait au jour de l'assignation au total de 652. 232 F. Il affirme avoir continué à les payer après cette assignation. Les différentes décisions de justice de la procédure en divorce mentionnent cette charge, non attribuée à titre de devoir de secours.
Il s'estime créancier de la somme des paiements et en demande remboursement.
L'appelante, après avoir mis en doute la réalité du prêt GIC (la cour y a plus haut déjà répondu) indique qu'il s'agit non d'une récompense mais d'une créance entre époux, affirme avoir également participé à ces remboursements et sollicite en conséquence le débouté de la demande adverse.
Le premier juge a considéré qu'il s'agissait d'un passif commun et que le mari pouvait prétendre au remboursement de la moitié, correspondant à la part de l'épouse.
Par infirmation, la cour considère que le mari a payé une dette de la communauté à la place de cette dernière qui lui en doit remboursement, le compte du mari devant en être crédité.
Il en est de même pour les remboursements effectués par l'épouse.
La créance ne peut pas encore être chiffrée puisque les remboursements de deux prêts sont encore en cours selon les pièces communiquées :. Crédit Agricole 600. 000 F avec période d'amortissement du 1 / 12 / 89 au 1 / 11 / 09 libellé " achat + réparations résidence sise à Lignan-de-Bordeaux, Lalande Sud ",. et GIC 2 fois 25. 000 F en un seul prêt avec offre du 30 / 7 / 90 au nom de Christophe Y..., motivé " travaux d'amélioration de l'habitat Lalande Sud 33360 Lignan-de-Bordeaux ", amortissement du 5 / 10 / 90 au 5 / 9 / 10.

6) le redressement fiscal :
Les époux Y... / C... ont subi un redressement fiscal notifié en 1994, portant sur l'imposition sur le revenu du couple pour les années 1990 et 1991, et relatif à une insuffisance de déclaration.
L'intimé a payé à ce titre la somme de 45. 514 F et en demande remboursement.
Le premier juge l'a déclaré créancier de la moitié de cette somme.
Par infirmation, la cour considère que le mari a payé une dette de la communauté à la place de cette dernière qui lui en doit remboursement, le compte du mari devant en être crédité pour 45. 514 F, soit 6. 938, 56 €.
6) les fermages :
Le redressement fiscal portait sur l'absence de déclaration " des revenus de parts de sociétés civiles immobilières dont Mme Y... Brigitte est propriétaire GFA Clos Noël 600 parts ".
Le montant imposable ainsi fraudé était évalué par le fisc à 12. 046 F en 1990 et 62. 200 F en 1991.
L'intimé affirme que l'épouse lui a toujours dissimulé ces revenus, organisant son impécuniosité pour bénéficier d'une pension alimentaire et d'un devoir de secours, se présentant comme sans ressource aucune devant les différentes juridictions, et qu'en fait elle avait ensuite converti l'argent liquide des fermages en parts de GFA lors de négociations avec son frère, spoliant ainsi la communauté.
Ce faisant, elle aurait encouru les dispositions de l'article 1403 cc et il demande une récompense à la communauté pour les fruits qu'elle aurait ainsi négligé de percevoir ou aurait consommés frauduleusement, dans la limite de la prescription de 5 ans. Dans le corps de ses écritures il aboutit à un total de fermages fraudés de 876. 481 F, pour des droits de son épouse (600 / 1600) de 328. 680 F soit 50. 106, 94 €.
Le premier juge a considéré que le GFA aurait dû percevoir le fermage payé par Yvon C..., en fait impayé de 1989 à 1993 selon l'expert comptable, soit un total de 567. 819 F entre 1989 et le 24 juin 1992.
Le tribunal a ensuite considéré que les droits de l'épouse sur ces fermages se montaient à 600 / 1600 et en a déduit une dissimulation pour cette proportion, soit 212. 934 F, soit 32. 461, 58 €.
L'appelante sollicite l'infirmation et le débouté de la demande, conteste en faisant valoir que ce raisonnement confond chiffre d'affaires et bénéfices, en assimilant le montant du fermage aux revenus du GFA sans imaginer que ce dernier puisse supporter des frais d'exploitation et sans concevoir que tous les résultats puissent ne pas être distribués, notamment aux fins de réserve.
Elle fait également valoir que certains revenus fonciers ont été déclarés.
Elle considère enfin que la mise en compte courant du montant des fermages ne constitue pas une négligence dans la perception des revenus ni une consommation frauduleuse destinée de sa part à nuire à son conjoint. Et d'ailleurs le GFA a été d'après elle à peine bénéficiaire, tandis que la société fermière n'a pu payer ses fermages depuis 1989.
Mais l'épouse a attendu le 11 octobre 2006 pour communiquer un tableau récapitulatif des fermages censé conforter sa position, à une date rendant cette pièce inaccessible car hors du débat (cf supra).
Or la cour découvre dans le dossier l'attestation de Yvon C... datée du 10 novembre 1998 selon laquelle " la SCEA a remboursé tous les fermages en retard " et " en aucun cas le GFA du clos Noël n'a dû contracter un emprunt pour des dettes passées ".
Et Philippe H..., expert comptable du GFA jusqu'au 31 décembre 1993, a attesté le 2 janvier 1996 des graves difficultés financières de la SCEA C... qui était en retard de paiement de plusieurs fermages pourtant fiscalement déclarés encaissés, dont ceux de 1983 à 1988, celui de 1992 paraissant ne pas pouvoir être payé, les porteurs de parts du GFA ne recevant aucune distribution de 1991 à 1993. Par ailleurs, figurent au dossier. l'engagement de procédure de baux ruraux le 29 août 1995 à l'initiative du GFA d'une action en paiement des fermages par Yvon C... et résiliation de bail,. l'accord qui a suivi (protocole du 12 juin 1996), par lequel Yvon C... a cédé des parts de GFA à sa soeur en compensation des fermages impayés,. l'avenant du 6 mai 1997 par lequel les baux ruraux sont résiliés, aucun fermage n'étant plus dû, " afin de permettre à Mme Y... et à Mme veuve C... (sa mère) d'entrer en possession des biens qui doivent leur revenir au terme du partage, notamment pour y assurer les travaux de la vigne ".

La cour acquiert ainsi la preuve que l'épouse, malgré ses dénégations et conformément à ce que soutient le mari, n'a pas réclamé que le GFA soit payé des fermages dus par son frère Yvon, laissant s'accumuler la dette alors qu'elle était déclarée au fisc comme payée.
Puis elle a échangé cette dette contre des parts du GFA et a repris à son compte l'exploitation viticole. Elle s'est fait personnellement payer par augmentation de son capital au lieu de recevoir des revenus de ses propres.
La cour dispose ainsi de la preuve que, ce faisant, elle a négligé de percevoir les fruits de ses biens propres non consommés car gardés en attente de pouvoir se les approprier et d'en profiter seule. L'article 1403 cc trouve ici à s'appliquer.
De façon superfétatoire, la cour observe que la communauté a été gravement lésée puisqu'elle en a subi un redressement fiscal. Et la cour observe également la dissimulation de l'opération, finalement révélée par le redressement fiscal.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, ces fermages constituaient un plus dans les revenus du GFA qui avait déjà payé ses coûts d'exploitation et ils devaient enrichir les porteurs de parts, que ce soit par distribution ou réserve. Il convient donc de les retenir pour 600 / 1600 de leur totalité.
Bien que son calcul aboutisse à un total nettement supérieur à celui retenu par le premier juge, et l'ayant fait observer, l'intimé demande la confirmation, ce qui sera donc fait.
7) meubles meublants :
L'ancien mari affirme qu'en quittant le domicile conjugal il y a laissé un important mobilier, dont certaines pièces de grand prix, pour un total chiffré à 14. 500 €, dont il demande le partage en valeur ou nature et dont il fournit une liste, subsidiairement il sollicite une expertise.
L'ancienne épouse ne répond pas, le premier juge a noté qu'elle contestait et a rejeté la demande du mari faute de justificatif de l'achat des meubles et de la possession par l'épouse lors du départ.
Pour ces mêmes raisons la cour confirmera.
8) demande de provision :
L'ancien mari demande par confirmation une provision de 50. 000 €.
L'ancienne épouse ne répond pas.
Le premier juge a relevé l'évidence du compte liquidatif favorable à Christophe Y..., lequel ne pourra effectuer un prélèvement sur les biens communs à hauteur de sa créance. Et il en a déduit la nécessité d'une provision à hauteur de 50. 000 €.
La cour confirme le compte largement créditeur de l'ancien mari et l'importante récompense due par l'ancienne épouse constituant l'essentiel de l'actif commun. La provision est justifiée et la décision sera confirmée.
9) frais et dépens :
L'ancienne épouse perd en grande partie son appel, lequel a généré des frais importants pour l'intimé.
Elle supportera le coût de cet appel et indemnisera l'ancien mari par une somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 ncpc.
En revanche l'instance déroulée devant le premier juge était nécessaire et utile et il convient de confirmer que ses dépens seront employés en frais privilégiés de partage.
Par ces motifs :
Dit que les pièces communiquées le 11 octobre 2006 ne sont pas dans le débat,
Infirmant partiellement,
Dit que la communauté doit récompense à Christophe Y... de la somme de 14. 092, 88 € (quatorze mille quatre vingt douze euros et quatre vingt huit centimes d'euro) au titre des fonds reçus de la succession Yvonne Bureau et encaissés le 27 août 1985,
Dit que Christophe Y... et Brigitte C... sont créanciers de l'indivision post communautaire, chacun pour le montant des remboursements d'emprunt effectués par lui après le 14 juin 1992,
Dit que Christophe Y... est créancier de l'indivision post communautaire du montant du redressement fiscal payé par lui à la place de la communauté pour 6. 938, 56 € (six mille neuf cent trente huit euros et cinquante six centimes),
Confirmant la décision déférée,
Dit que l'immeuble de Lignan-de-Bordeaux constitue en son entité un propre de l'épouse,
Dit que l'épouse doit à ce titre à la communauté une récompense de 133. 345 € (cent trente trois mille trois cent quarante cinq euros),
Dit que l'épouse doit récompense à la communauté de 32. 461, 58 € (trente deux mille quatre cent soixante et un euros et cinquante huit centimes d'euro) au titre de l'article 1403 cc.
Déboute Christophe Y... de sa demande de partage de mobilier,
Condamne Brigitte C... à payer à Christophe Y... une provision sur partage de 50. 000 € (cinquante mille euros),
Dit que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de partage,
Ajoutant,
Déboute Brigitte C... de sa demande de récompense pour des fonds provenant de succession et d'indemnité de rapatrié d'Algérie,
Dit que les fonds détenus sur compte de dépôt ou d'épargne, même au nom d'un seul époux, sauf preuve de leur caractère propre, donnent lieu à partage de leur montant au 24 juin 1992,
Condamne Brigitte C... à payer à Christophe Y... la somme de 1. 500 € (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 ncpc,
La condamne aux dépens d'appel avec distraction au profit de la SCP Arsène-Henry et Lançon, avoué.
L'arrêt a été signé par le Président Franck Lafossas et par Josette Della Giustina, Greffier auquel il a remis la minute signée de la décision.
Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : SixiÈme chambre civile
Numéro d'arrêt : 04/004314
Date de la décision : 14/12/2006
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, 07 juillet 2004


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bordeaux;arret;2006-12-14;04.004314 ?
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