AJ-SD/CV
N° RG 22/00621 -
N° Portalis DBVD-V-B7G-DOX2
Décision attaquée :
du 01 juin 2022
Origine :
conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES
--------------------
M. [R] [X]
C/
S.A.S. TVI BOUGAULT
--------------------
Expéd. - Grosse
Me BIGOT 10.3.23
Me LIGIER 10.3.23
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 10 MARS 2023
N° 37 - 10 Pages
APPELANT :
Monsieur [R] [X]
[Adresse 1]
Présent à l'audience
Assisté par Me Marie-Pierre BIGOT de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocate au barreau de BOURGES
INTIMÉE :
S.A.S. TVI BOUGAULT
[Adresse 2]
Ayant pour avocat postulant Me Laurent LIGIER de la SCP ELISABETH LIGIER DE MAUROY & LAURENT LIGIER AVOUÉS ASSOCIÉS, du barreau de LYON
Représentée par Me Christophe BIDAL, de la SCP AGUERA AVOCATS, avocat plaidant, du barreau de LYON, substitué à l'audience par Me Xavier BLUNAT de la SELARL PACHOUD BLUNAT ET ASSOCIÉS du barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre, rapporteur
en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON
Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre
Mme de LA CHAISE, présidente de chambre
Mme CLÉMENT, présidente de chambre
Arrêt n° 37 - page 2
10 mars 2023
DÉBATS : A l'audience publique du 20 janvier 2023, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 10 mars 2023 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 10 mars 2023 par mise à disposition au greffe.
* * * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS TVI Bougault est spécialisée dans le secteur d'activité de la mécanique industrielle et employait plus de 11 salariés au moment de la rupture, en l'occurrence 37.
M. [R] [X], né le 30 septembre 1970, a été embauché à compter du 4 janvier 1989 par la SARL Décolletage du Centre, aux droits de laquelle vient la SAS TVI Bougault, en qualité d'agent de fabrication suivant contrat de travail à durée déterminée du même jour, renouvelé jusqu'au 5 avril 1990.
M. [X] a été réembauché à durée indéterminée à compter du 9 mai 1994 en qualité de fraiseur P2, niveau II, échelon 3, coefficient 190.
Cet emploi relève de la convention collective de travail de la Métallurgie du Cher.
Par avenant du 22 décembre 2015, il a été promu au poste de technicien des méthodes, statut technicien, niveau IV, échelon 1, coefficient 255, à compter du 1er janvier 2016. En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de base de 2 293, 68 euros, outre une prime d'ancienneté de 204,01 euros, soit 2 497,69 euros.
Par courrier remis en main propre le 19 octobre 2020, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 novembre 2020, la société TVI Bougault lui a notifié son licenciement pour motif économique. M. [X] ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle qui lui était proposé, la relation de travail a pris fin le 30 novembre 2020, et une indemnité de licenciement de 21 406,12 euros lui a alors été versée.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 novembre 2020, l'employeur a communiqué à M. [X] les critères d'ordre des licenciements.
Par courrier du 25 novembre 2020, il a informé son employeur de sa volonté de bénéficier de la priorité de réembauche en cas de poste disponible.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er mars 2021, la société TVI Bougault a indiqué à M. [X] qu'un poste d'ajusteur était disponible à la suite du départ en retraite de l'un de ses salariés.
Contestant son licenciement, M. [X] a saisi le 30 juillet 2021 le conseil de prud'hommes de Bourges, lequel par jugement du 1er juin 2022 a débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens.
Vu l'appel régulièrement interjeté le 20 juin 2022 par M. [X] à l'encontre de la décision
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prud'homale, qui lui a été notifiée le 10 juin 2022, en toutes ses dispositions ;
Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 janvier 2023 aux termes desquelles M. [X] demande à la cour de :
- juger recevable sa demande au titre de la violation de la priorité de réembauche par la société TVI Bougault,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau, à titre principal,
- juger son licenciement pour motif économique dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société TVI Bougault à lui verser les sommes suivantes :
$gt; 48 212,48 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
$gt; 5 212,16 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 521,22 euros au titre des congés payés afférents,
- condamner la société TVI Bougault à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées au titre du contrat de sécurisation professionnelle, dans la limite de six mois,
- condamner la société TVI Bougault à lui remettre un bulletin de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai d'un mois suivant la notification du jugement,
à titre subsidiaire,
- condamner la société TVI Bougault à lui verser la somme de 48 212,48 euros à titre de dommages et intérêts pour perte injustifiée de son emploi en raison de l'inobservation de l'ordre des licenciements,
en tout état de cause,
- condamner la société TVI Bougault au paiement de la somme de 2 606,08 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la priorité de réembauche,
- condamner la société TVI Bougault au paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens ;
Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 janvier 2023 aux termes desquelles la société TVI Bougault demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel,
- débouter M. [X] de l'intégralité de ses demandes,
- en tout état de cause, juger irrecevable la demande indemnitaire de M. [X] afférente à la priorité de réembauche,
- condamner M. [X] aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 janvier 2023 ;
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.
SUR CE
1) Sur la contestation du licenciement pour motif économique et les demandes indemnitaires afférentes
a) Sur la cause du licenciement
Aux termes des dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi
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ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° À des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° À des mutations technologiques ;
3° À une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° À la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
L'existence de la cause économique doit être appréciée à la date du licenciement (Soc., 12 déc. 1995, no 94-41.765).
En l'espèce, la lettre de licenciement du 9 novembre 2020 est rédigée comme suit :
'Depuis la reprise en juin 2017, l'entreprise continue à se heurter à une absence de rentabilité et à un équilibre précaire. La crise du Covid-19 nous a durement impacté sur le CA qui rend notre situation préoccupante.
Sur l'année 2019 nous avons eu un résultat courant avant impôts négatif de '2 187,75 € malgré l'augmentation de notre stock et les baisses de charges.
L'année 2020 sera une année très mauvaise en termes de résultat et de chiffre d'affaire.
À titre de comparaison, en 2019 à fin août nous avions réalisé un CA de 1 822 856 €. À la
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même date en 2020 nous sommes seulement à 1 463 581 € soit une baisse de 359 279 € (environ 20%).
Nous avions déjà une perte. Celle-ci ne fera que s'accentuer.
En effet, par rapport à l'année dernière notre vision à fin décembre est inférieure de 25% à 2019. À cela vient s'ajouter le choc économique majeur induit par la crise qui pourrait, selon les scénarios, avoir des conséquences dramatiques sur l'emploi pendant les prochains mois, en empêchant la création ou menaçant de destruction entre 200 000 et 300 000 emplois, soit plus de 20% des emplois actuels de la métallurgie. De la même façon, sans dispositif permettant de limiter les effets de la crise, les défaillances d'entreprises pourraient croître de 25% dans la métallurgie en 2021, par rapport à 2019.
Les mesures prises par le groupe au cours des 3 dernières années afin d'améliorer la performance opérationnelle et financière n'ont malheureusement pas permis d'enrayer la dégradation de la situation, face à une pression concurrentielle accrue et à une dégradation de l'activité économique.
C'est dans ce contexte que la société a été contrainte d'envisager une modification de sa structure organisationnelle et une révision de son modèle actuel afin d'enrayer ses pertes croissantes et de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. [...]
Par conséquent, nous avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique en raison de la suppression de votre emploi consécutive à la réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.'
M. [X] conteste la réalité de la suppression de son emploi ainsi que celle du motif économique invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement, qui fait état d'une perte de chiffre d'affaires et de la nécessité de sauvegarder sa compétitivité.
En premier lieu, le registre unique du personnel versé aux débats par l'employeur, arrêté à la date du 31 décembre 2021, fait apparaître que M. [X] n'a pas été remplacé dans l'emploi de techniciens de méthodes qu'il occupait, de sorte que la suppression d'emploi est établie.
En second lieu, s'agissant ensuite du motif économique du licenciement, M. [X] fait valoir à juste titre que ce motif doit être apprécié au cas d'espèce au niveau du secteur d'activité du groupe. En effet, il n'est pas contesté que la société TVI Bougault appartient à un groupe constitué de la SARL TVI Groupe, holding, de la SAS TVI Brandolini et de la SAS CKP Engineering, dont l'employeur justifie néanmoins qu'elle a rejoint le groupe après le licenciement de M. [X], de sorte qu'il ne sera pas tenu compte de sa situation.
Pour justifier de ses difficultés économiques caractérisées selon elle par une perte de chiffre d'affaires entre fin août 2019 et fin août 2020, ainsi que de la nécessité de réorganiser l'entreprise pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité auquel la société TVI Bougault appartient, celle-ci produit :
- les liasses fiscales 2020 des sociétés TVI Bougault, TVI Brandolini et TVI Groupe, qui contiennent les chiffres des exercices 2019 et 2020,
- le projet de comptes annuels de l'exercice 2021 et la liasse fiscale 2021 de la société TVI Bougault,
- un courrier de l'URSSAF adressé le 6 mai 2021 à la société TVI Bougault, contenant un échéancier de paiement dans le cadre des mesures de soutien aux entreprises impactées par la crise sanitaire,
- un avenant du 15 avril 2021 à un contrat de prêt garanti par l'État pour un montant de 350 000 euros, sans que la date de conclusion dudit prêt ne soit connue,
- un contrat de prêt garanti par l'État du 1er février 2021 pour un montant de 200 000 euros,
- des factures de ventes par la société TVI Bougault de machines et matériel, intervenues entre le 10 mars 2020 et le 22 novembre 2021.
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Le motif économique du licenciement s'appréciant à la date du licenciement, les pièces produites par l'employeur pour la période postérieure au 9 novembre 2020, à savoir le courrier de l'URSSAF, les contrats de prêt, les factures postérieures à cette date, le projet de comptes annuels et la liasse fiscale 2021 sont inopérants à en justifier.
De plus, dès lors que l'exercice comptable des sociétés du groupe correspond à l'année civile, les liasses fiscales 2020 ne permettent pas d'établir précisément la situation économique de la société et de celles du groupe au 30 novembre 2020, date de la rupture, ni qu'elles ont subi une perte de chiffre d'affaires consécutivement pendant les trois premiers trimestres 2020, qui correspondent à la période contemporaine du licenciement, par comparaison aux mêmes trimestres 2019.
Par ailleurs, si l'employeur soutient dans ses dernières conclusions que les mauvais résultats des sociétés du groupe ne permettaient pas de sauvegarder la compétitivité 'de la société TVI Bougault', il résulte encore de l'appartenance de cette dernière à un groupe que la sauvegarde la compétitivité doit être appréciée par rapport au secteur d'activité auquel elle appartient, et non par rapport à l'entreprise en elle-même.
Or, la preuve de la réalité du motif économique invoqué à l'appui du licenciement pesant sur l'employeur, il ne peut qu'être constaté que la société TVI Bougault n'apporte pas, d'une part, les éléments nécessaires à la détermination précise du secteur d'activité des sociétés du groupe, se limitant à une référence générale à la 'métallurgie' dans la lettre de licenciement.
D'autre part, en faisant référence dans la lettre de licenciement à la '[menace] de destruction entre 200 000 et 300 000 emplois, soit plus de 20% des emplois actuels de la métallurgie', aux 'défaillances d'entreprises [qui] pourraient croître de 25% dans la métallurgie en 2021, par rapport à 2019', à la 'pression concurrentielle accrue' et à 'une dégradation de l'activité économique', la société TVI Bougault invoque, notamment par l'emploi du conditionnel, surtout une dégradation hypothétique du secteur d'activité auquel elle appartient et n'apporte aucun élément permettant d'établir que ce dernier rencontrait des difficultés économiques telles que sa compétitivité devait être sauvegardée.
Il se déduit de ces éléments que la société TVI Bougault échoue à apporter la preuve de la réalité du motif économique du licenciement, de sorte que le licenciement de M. [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, infirmant ainsi le jugement entrepris de ce chef.
b) Sur les demandes indemnitaires
- Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, le juge octroie au salarié, à défaut de réintégration, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 3 et 18,5 mois de salaire lorsque le salarié présente 26 années complètes d'ancienneté comme en l'espèce.
En l'espèce, M. [X] était âgé de 50 ans au moment de la rupture ; il justifie avoir été inscrit de manière continue sur la liste des demandeurs d'emploi du 1er décembre 2020 au 3 janvier 2022 et avoir retrouvé un emploi à cette date mais seulement pour trois mois puisque la période d'essai a été rompue à l'initiative de l'employeur avec effet au 14 avril 2022.
Au regard des éléments ainsi portés à la connaissance de la cour, du niveau de rémunération de M. [X], des difficultés rencontrées pour retrouver un emploi stable et des conditions dans
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lesquelles la rupture du contrat de travail est intervenue, il convient donc de condamner la société TVI Bougault à payer à M. [X] la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.
- Sur la demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents
En l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées à ce titre au salarié, c'est à dire, en pratique, de la part d'indemnité compensatrice de préavis qui lui a été versée lorsque la durée de son délai congé excède trois mois.
En l'espèce, M. [X] sollicite la condamnation de la société TVI Bougault à lui payer une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire, outre les congés payés afférents.
Au regard du principe rappelé ci-dessus, la société TVI Bougault est mal fondée à soutenir que M. [X] ne pourrait demander le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis dès lors qu'elle a versé le montant correspondant à cette indemnité aux organismes collecteurs paritaires à titre de contribution au financement du contrat de sécurisation professionnelle.
Il résulte par ailleurs des stipulations du contrat de sécurisation professionnelle et du dernier bulletin de salaire du salarié qu'aucune somme ne lui a encore été versée par l'employeur au titre du préavis et des congés payés afférents.
Infirmant le jugement attaqué, il convient donc de condamner la société TVI Bougault à payer à M. [X] la somme de 5 212,16 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 521,22 euros bruts au titre des congés payés afférents.
3) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche
a) Sur la recevabilité de la demande
En vertu de l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Par ailleurs, en application de l'article 564 du même code, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l'espèce, la société TVI Bougault soulève l'irrecevabilité de la demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche présentée par M. [X],
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soutenant, d'une part, que cette demande a été présentée pour la première fois en cause d'appel et qu'il s'agit dès lors d'une demande nouvelle, et, d'autre part, qu'elle ne figurait pas dans le dispositif des premières conclusions de l'appelant.
D'une part, en application de l'article 954 du code de procédure civile, le juge ne statue que sur les prétentions figurant dans le dispositif des ses dernières conclusions ; or, M. [X] ayant énoncé sa demande dans le dispositif de ses dernières conclusions remises au greffe le 19 janvier 2023, sa demande ne peut être déclarée irrecevable au motif qu'elle ne figurait pas dans ses première écritures.
D'autre part, M. [X] réplique, sans être contredit, qu'il n'a eu connaissance des embauches réalisées par la société en 2021, et donc de la violation de la priorité de réembauche, qu'à la lecture du registre unique du personnel, arrêté à la date du 31 décembre 2021, qui a été communiqué par la partie adverse avec ses dernières conclusions deux jours avant l'audience de plaidoiries.
La communication de la version actualisée du registre unique du personnel par l'employeur le 18 janvier 2023 s'analyse donc en la 'révélation d'un fait' au sens des dispositions précitées, postérieur à la fois au prononcé du jugement de première instance et aux premières conclusions d'appel.
En conséquence, la demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche, qui tend à faire juger les questions nées de la révélation de ce fait, doit être déclarée recevable.
b) Sur le respect de la priorité de réembauche
L'article L. 1233-45 du code du travail dispose que le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai.
Dans ce cas, l'employeur informe le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification. En outre, l'employeur informe les représentants du personnel des postes disponibles.
Le salarié ayant acquis une nouvelle qualification bénéficie également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci, s'il en informe l'employeur.
L'article L. 1235-13 du même code ajoute qu'en cas de non-respect de la priorité de réembauche prévue à l'article L. 1233-45, le juge accorde au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
En l'espèce, M. [X] soutient que l'employeur n'a pas respecté la priorité de réembauche dès lors qu'il a procédé à des recrutements sur des postes d'ajusteur, d'assistant méthodes, de régleur et d'assistant administration des ventes les 3 mai, 5 juillet, 11 octobre et 15 novembre 2021, sans les lui proposer.
Il n'est pas contesté que M. [X] a manifesté, par courrier du 25 novembre 2020, le souhait de bénéficier de la priorité de réembauche dans le délai qui lui était imparti.
Il résulte des pièces versées aux débats que l'employeur a proposé à M. [X], par courrier du 1er mars 2021, le poste d'ajusteur pourvu le 3 mai 2021, peu important qu'il n'ait pas précisé dans son courrier que le contrat était à durée indéterminée. En effet, en ce qui concerne les postes d'assistant méthodes, régleur et assistant administration des ventes pourvus respectivement
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par contrat à durée déterminée les 5 juillet, 11 octobre et 15 novembre 2021, il est rappelé que la priorité de réembauche n'est pas restreinte aux emplois pourvus par contrat à durée indéterminée.
Or, l'employeur, nonobstant ses explications, ne produit aucun élément permettant d'établir que ces contrats à durée déterminée ne portaient pas sur des emplois devenus disponibles au sein de l'entreprise au sens des dispositions de l'article L. 1233-45 du code du travail.
S'agissant de la compatibilité de ces emplois avec la qualification de M. [X], s'il apparaît au regard de ses anciens postes de fraiseur et de technicien des méthodes qu'il n'était manifestement pas qualifié pour occuper un poste d'assistant d'administration des ventes, il en va autrement pour les postes d'assistant méthodes et de régleur, en l'absence de tout élément produit par l'employeur relativement aux compétences requises et aux tâches attachées à ces postes.
Il en résulte que la société TVI Bougault n'a pas respecté la priorité de réembauche en ne proposant pas les postes d'assistant méthodes et de régleur à M. [X].
En conséquence, il y a lieu de condamner la société TVI Bougault à payer à M. [X] la somme de 2 606,08 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de réembauche.
4) Sur les autres demandes, les dépens et les frais irrépétibles
Compte tenu de ce qui précède, il sera ordonné à la société TVI Bougault de remettre à M. [X] un bulletin de salaire et des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt, dans un délai d'un mois suivant la signification dudit arrêt, sans qu'il soit néanmoins nécessaire de prononcer une astreinte à cette fin.
Par ailleurs, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, la société TVI Bougault sera condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [X] du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités.
Partie succombante, la société TVI Bougault est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
L'issue de la procédure, l'équité et les circonstances économiques commandent enfin de la condamner à payer à M. [X] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE recevable la demande en paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche, formée par M. [R] [X],
INFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que le licenciement pour motif économique de M. [R] [X] est dépourvu de cause
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réelle et sérieuse,
CONDAMNE la SAS TVI Bougault à payer à M. [R] [X] les sommes suivantes :
- 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5 212,16 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 521,22 € bruts au titre des congés payés afférents,
- 2 606,08 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche.
ORDONNE à la SAS TVI Bougault de remettre à M. [R] [X] un bulletin de salaire et des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt, dans un délai d'un mois suivant la signification dudit arrêt mais DIT n'y avoir lieu à astreinte,
CONDAMNE la SAS TVI Bougault à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [R] [X], du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités,
CONDAMNE la SAS TVI Bougault à payer à M. [R] [X] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS TVI Bougault aux dépens de première instance et d'appel.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;
En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
S. DELPLACE C. VIOCHE