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05/05/2023 | FRANCE | N°22/00947

France | France, Cour d'appel de Bourges, Chambre sociale, 05 mai 2023, 22/00947


SD/CV





N° RG 22/00947

N° Portalis DBVD-V-B7G-DPRM





Décision attaquée :

du 19 septembre 2022

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES







--------------------



Mme [J] [S]





C/



S.A.R.L. MERIEL ASSURANCES







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Expéd. - Grosse



Me FOURCADE 5.5.23



Me PEPIN 5.5.23

















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COUR D'APPEL DE BOURGES



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 05 MAI 2023



N° 66 - 8 Pages





APPELANTE :



Madame [J] [S]

[Adresse 1]



Représentée par Me Antoine FOURCADE, avocat au barreau de BOURGES









INTIMÉE :



S.A.R.L. MERIEL ASSURANCES

[Adresse 2]



Représentée par Me ...

SD/CV

N° RG 22/00947

N° Portalis DBVD-V-B7G-DPRM

Décision attaquée :

du 19 septembre 2022

Origine : conseil de prud'hommes - formation paritaire de BOURGES

--------------------

Mme [J] [S]

C/

S.A.R.L. MERIEL ASSURANCES

--------------------

Expéd. - Grosse

Me FOURCADE 5.5.23

Me PEPIN 5.5.23

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 05 MAI 2023

N° 66 - 8 Pages

APPELANTE :

Madame [J] [S]

[Adresse 1]

Représentée par Me Antoine FOURCADE, avocat au barreau de BOURGES

INTIMÉE :

S.A.R.L. MERIEL ASSURANCES

[Adresse 2]

Représentée par Me Frédéric PEPIN de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats et du délibéré :

PRÉSIDENT : Mme VIOCHE, présidente de chambre

ASSESSEURS : Mme de LA CHAISE, présidente de chambre

Mme CLÉMENT, présidente de chambre

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE

DÉBATS : A l'audience publique du 10 mars 2023, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 05 mai 2023 par mise à disposition au greffe.

ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 05 mai 2023 par mise à disposition au greffe.

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FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL [Z] Assurances exploite un cabinet d'assurances à [Localité 3] (Cher) et, selon la mention portée sur l'attestation destinée à Pôle Emploi, employait 11 salariés au moment de la rupture.

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 6 septembre 2010, Mme [J] [S] a été engagée à compter du 10 décembre 2010 par son époux, M. [C] [Z], agent général d'assurances, en qualité de collaboratrice d'agence à dominante gestionnaire, moyennant un salaire brut mensuel de 800 €, contre 20 heures de travail effectif par semaine.

En dernier lieu, Mme [S], dont le contrat de travail a été transféré à compter du 1er janvier 2018 à la SARL [Z] Assurances Renan, percevait un salaire brut mensuel de 2 100 € contre 151,67 heures de travail effectif par mois.

La convention collective nationale du personnel des agences générales d'assurances du 2 juin 2003 s'est appliquée à la relation de travail.

Mme [S] et M. [Z] se sont séparés fin 2019 et ont engagé une procédure de divorce par consentement mutuel courant mars 2020.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 mai 2020, Mme [S] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 8 juin 2020, et a été mise à pied à titre conservatoire.

Elle a été licenciée pour faute grave le 11 juin 2020. .

Le 17 décembre 2020, contestant son licenciement et réclamant le paiement de diverses sommes, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Bourges, section commerce.

La société s'est opposée aux demandes et a réclamé une indemnité pour frais de procédure.

Par jugement du 19 septembre 2022, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le conseil de prud'hommes, disant le licenciement pour faute grave fondé, a débouté Mme [S] de l'ensemble de ses prétentions et la SARL [Z] Assurances de sa demande d'indemnité de procédure, et a condamné la salariée aux entiers dépens.

Le 22 septembre 2022, par voie électronique, Mme [S] a régulièrement relevé appel de cette décision, la critiquant en toutes ses dispositions lui faisant grief.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES :

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions.

1 ) Ceux de Mme [S] :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 20 février 2023, elle sollicite l'infirmation du jugement critiqué en ce qu'il a dit le licenciement fondé, l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée aux entiers dépens.

Elle réclame ainsi que la cour, statuant à nouveau :

- déboute la SARL [Z] Assurances de l'ensemble de ses prétentions,

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- dise que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et en conséquence, condamne l'employeur à lui payer les sommes suivantes :

- 5 035,42€ bruts à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 4200€ bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 420€ bruts de congés payés afférents,

- 25 000€ nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 263,32€ bruts à titre de rappel de salaire, outre 126,33€ de congés payés afférents, et subsidiairement fixer souverainement les sommes qui lui sont dues à ce titre en ordonnant au besoin les mesures nécessaires conformément à l'article R. 1454-19-1 du code du travail,

- 500€ nets à titre de dommages et intérêts pour retard dans le paiement des salaires,

- 5000€ nets à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement,

- 791,76 € nets au titre du remboursement des frais de mutuelle exposés,

- 3 000€ nets à titre de dommages et intérêts pour non-bénéfice de la mutuelle et perte de la portabilité,

- 8 000€ nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 5 000€ nets à titre de dommages et intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail.

Elle sollicite en outre que la SARL [Z] Assurances soit condamnée à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage qui lui ont été versées, qu'il soit dit qu'au visa de l'article L. 242-1 du code de la Sécurité Sociale, la condamnation nette devra lui revenir et que la SARL [Z] Assurances assurera le coût des éventuelles charges sociales dues, qu'il lui soit ordonné sous astreinte de lui délivrer ses documents de fin de contrat et des bulletins de salaire rectifiés, qu'elle soit condamnée au versement d'une indemnité de procédure de 3 000 euros ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, comprenant les éventuels frais d'exécution de l'arrêt.

2 ) Ceux de la SARL Meriel Assurances :

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 10 janvier 2023, elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à tous les dépens.

* * * * *

La clôture de la procédure est intervenue le 22 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1) Sur la contestation du licenciement et les demandes indemnitaires afférentes :

a) Sur la cause du licenciement :

L'article L 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute existe, il profite au salarié.

La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité. Elle doit être existante et exacte ce qui oblige le juge à vérifier que d'autres faits allégués par le salarié ne sont pas la véritable cause du licenciement. La cause sérieuse est celle d'une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

La faute grave, enfin, est une cause réelle et sérieuse mais d'une gravité telle qu'elle rend

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impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Seuls les manquements volontaires à une obligation professionnelle ou les erreurs professionnelles consécutives à la mauvaise volonté délibérée du salarié peuvent être considérés comme fautifs.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi rédigée :

' Madame,

Plusieurs personnes m'ont indiqué que vous dénigrez régulièrement mon entreprise ainsi que ma personne.

Par ailleurs, j'ai été informé récemment que vous aviez demandé à l'une de vos collègues de mentir sur votre heure d'arrivée au bureau.

De plus, vous contestez régulièrement de manière agressive les décisions que je suis amené à prendre. Notamment lorsque je vous ai indiqué que je vous plaçais en chômage partiel en raison de la crise sanitaire, vous vous êtes violemment emportée. De même, lorsque vous avez appris qu'une collaboratrice avait bénéficié d'une formation à laquelle vous n'avez pas participée.

D'une façon générale, votre comportement agressif et contestataire génère un malaise au sein de mon entreprise.

Je vous ai convoqué à un entretien préalable pour recueillir vos explications sur ces faits, entretien auquel vous ne vous êtes pas présentée.

Après réflexion, j'ai décidé de vous notifier votre licenciement pour faute grave. Aucune indemnité ne vous sera versée (...)'.

Il est donc reproché à Mme [S] :

- d'avoir dénigré régulièrement la Sarl [Z] Assurances ainsi que son gérant,

- d'avoir demandé à l'une de ses collègues de mentir sur son heure d'arrivée au travail,

- de contester régulièrement avec agressivité les décisions prises par son employeur, notamment lorsqu'elle a été placée en chômage partiel et n'a pas participé à une formation, et de s'être à ces occasions violemment emportée,

- d'adopter un comportement agressif et contestataire.

La lettre de licenciement fixant les limites du litige, c'est de manière inopérante que l'intimée invoque d'autres manquements, tel qu'une absence d'implication de l'appelante dans son travail ou l'absence de restitution de clés.

Mme [S] a contesté les griefs articulés contre elle immédiatement après la rupture de son contrat de travail ce qu'elle maintient devant la cour, en exposant que son licenciement lui a été notifié dans le cadre du divorce initié par son époux, gérant de l'entreprise, lequel aurait confondu leurs relations personnelles et professionnelles et aurait cherché à se séparer d'elle par tous moyens. Elle admet seulement avoir contesté sa mise au chômage partiel mais estime l'avoir fait légitimement.

La SARL [Z] Assurances réplique que c'est Mme [S] qui ne faisait plus la part des choses entre vie personnelle et professionnelle et que son comportement générait une situation intenable au sein de l'entreprise, ce qui l'a contrainte à engager la procédure de rupture.

Cependant, ainsi que l'appelante le met en avant, les faits qui lui sont reprochés ne sont ni datés, ni précis ni circonstanciés, la lettre de licenciement étant rédigée en termes particulièrement vagues, de sorte qu'ils ne sont pas matériellement vérifiables. Le fait pour Mme [S] d'avoir

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contesté l'application du dispositif de chômage partiel relevait de l'exercice de son droit d'expression dont seul un usage abusif pouvait être sanctionné. Or, les termes agressifs avec lesquels Mme [S] aurait critiqué l'application à son égard de ce dispositif n'étant pas même mentionnés, aucun manquement ne se trouve caractérisé.

Il s'ensuit que le licenciement de Mme [S] est sans cause réelle et sérieuse.

b) Sur les demandes indemnitaires :

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, Mme [S] a droit aux indemnités de rupture, soit la somme de 4 200 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et de 5 035,42 euros bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement, dont les montants ne sont pas discutés.

En l'absence de faute grave, la mise à pied conservatoire qui a été notifiée à la salariée le 25 mai 2020 n'est pas justifiée, mais celle-ci prétend à cet égard que même s'il ' semble certain' qu'il n'a été procédé à aucune retenue sur son salaire dès lors que pendant cette période, elle a perçu des indemnités de chômage partiel, il y a lieu de vérifier que les salaires perçus sont exacts. Cependant, elle procède seulement par hypothèse et ne chiffre pas le montant du rappel de salaire qu'elle réclame à ce titre de sorte que sa demande ne peut prospérer.

Par ailleurs, Mme [S] réclame la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en demandant à la cour d'écarter le barème d'indemnisation prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail au motif qu'il serait contraire à l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation Internationale du Travail et à l'article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés, le juge octroie au salarié, à défaut de réintégration, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 3 et 9 mois de salaire pour un salarié ayant 9 ans d'ancienneté comme c'est le cas de Mme [S].

C'est vainement que celle-ci se fonde sur plusieurs décisions de conseils de prud'hommes et de cours d'appel puisqu'il est désormais acquis qu'au regard de la marge d'appréciation laissée aux Etats et de l'ensemble des sanctions prévues par le droit français en cas de licenciement injustifié, le barème d'indemnisation résultant de ce texte n'est pas contraire à l'article 10 de la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail, qu'en outre, la détermination du montant réparant le préjudice causé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se prête pas à un contrôle de conventionnalité in concreto, et que la loi française ne peut faire l'objet d'un contrôle de conformité à l'article 24 de la Charte Sociale européenne dès lors que ce texte n'a pas d'effet direct. (Soc. 11 mai 2022; n° 21-14.490 et 21-15.247). En conséquence, il y a lieu de faire application du barème d'indemnisation résultant du texte précité.

Au regard des seuls éléments portés à la connaissance de la cour, et notamment de l'âge de la salariée au moment de la rupture (53 ans), du niveau de sa rémunération, des conditions de son éviction et du fait qu'il ressort de sa pièce J1 qu'elle a retrouvé du travail au sein d'une autre agence d'assurance dès le mois de novembre 2020, soit cinq mois après le licenciement, l'allocation de la somme de 10 000 euros apparaît de nature à réparer entièrement le préjudice moral et matériel que lui a causé la privation injustifiée de son emploi.

Le barème résultant de l'article L. 1235-3 du code du travail fixant le montant des indemnités que peut percevoir un salarié sur la base du salaire brut, les dommages et intérêts alloués pour

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licenciement sans cause réelle et sérieuse sont également fixés en brut, sauf à dire qu'ils seront exonérés de CSG et CRDS à hauteur du minimum légal des salaires des six derniers mois.

Enfin, faute pour Mme [S] de démontrer l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du licenciement, elle sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts à raison de circonstances brutales ou vexatoires ayant entouré la rupture.

2) Sur les demande de rappel de salaire au titre du recours infondé et inégalitaire du dispositif d'activité partielle et de dommages et intérêts pour retard dans le paiement des salaires et inégalité de traitement :

Mme [S] soutient à cet égard qu'elle a été mise de manière abusive en chômage partiel entre le 23 mars 2020 et son licenciement, et que l'employeur lui a fait subir une inégalité de traitement en ce qu'elle a été la seule à se voir appliquer ce dispositif qui n'avait d'autre but que de l'isoler de ses collègues. Elle sollicite de ce chef la somme de 1 263,32 euros à titre de rappel de salaire, outre 126,33 euros de congés payés afférents, ainsi que celle de 500 euros pour réparer le retard pris dans le paiement de l'intégralité de ses salaires.

La SARL [Z] Assurances réplique que tous les salariés ont été placés dans des conditions similaires en chômage partiel pendant le premier confinement ordonné pendant la crise sanitaire liée au COVID-19 et que Mme [S] n'a donc fait l'objet d'aucun traitement inégalitaire ou injustifié.

D'une part, c'est inexactement que Mme [S] invoque l'ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 et le décret n° 2020-794 du 26 juin 2020 puisque ces textes sont postérieurs à l'application à son égard du dispositif d'activité partielle. En outre, contrairement à ce qu'elle prétend, son employeur l'a informée par mails des 2 avril, 11 mai et 15 mai et 22 mai 2020 de son maintien en chômage partiel.

D'autre part, il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe d'égalité de traitement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité et ainsi de démontrer qu'il s'est trouvé dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare, à charge ensuite pour l'employeur de démontrer que la différence constatée s'explique par des raisons objectives. Or, l'appelante se contente d'alléguer qu'elle a subi l'application inégalitaire du dispositif d'activité partielle sans produire à ce sujet le moindre élément. Il s'en déduit que les demandes qu'elle forme à ce titre ne peuvent prospérer.

3) Sur les demandes en remboursement des frais de mutuelle et paiement de dommages et intérêts pour non-bénéfice de la mutuelle et perte de la portabilité :

Mme [S] prétend qu'en dépit de ce que mentionnait la lettre de licenciement, elle n'a pas pu bénéficier de la portabilité de la mutuelle d'entreprise alors que depuis le 1er janvier 2016, l'employeur a l'obligation de faire bénéficier ses salariés d'une couverture complémentaire de leurs frais de santé. Elle réclame à ce titre la somme de 791,76 euros au titre des cotisations qu'elle a dû régler pendant douze mois ainsi que celle de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'adhésion à la mutuelle d'entreprise obligatoire et de l'impossibilité de bénéficier de la portabilité de celle-ci après son licenciement.

La lettre de licenciement précisait: 'en application de l'article L. 911-8 du code de la Sécurité sociale, vous bénéficierez, à compter de la date de cessation de votre contrat de travail, du maintien à titre gratuit des garanties de prévoyance en vigueur au sein de mon entreprise

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et des garanties frais de santé, à savoir des remboursements de soins liés à la maladie, l'accident ou la maternité, prévues par le contrat de prévoyance souscrit par l'entreprise et ce, pendant une période égale au maximum de la durée d'indemnisation du chômage, et dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ( ou des derniers contrats de travail consécutifs au sein de notre entreprise), sans pouvoir excéder 12 mois. Les garanties maintenues seront identiques à celles en vigueur dans l'entreprise'.

Cependant, l'employeur démontre que le 22 septembre 2015, Mme [S] a manifesté la volonté de ne pas adhérer à la mutuelle collective mise en place au sein de la SARL [Z] Assurances à compter du 1er octobre 2015 en prévision de l'obligation qui lui serait faite dès le 1er janvier 2016, et ce parce qu'elle bénéficiait de la mutuelle de son époux et réclamait ainsi d' être dispensée du caractère obligatoire de la mutuelle d'entreprise. C'est donc par erreur que la lettre de licenciement lui a indiqué qu'elle pouvait bénéficier d'une portabilité de ces droits puisqu'au jour de la rupture, elle n'en disposait plus. Il en résulte que l'employeur n'a pas failli à ses obligations et que Mme [S] doit être déboutée de ses demandes formées de ce chef.

4) Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Aux termes de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

En l'espèce, Mme [S] réclame la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts en invoquant l'exécution déloyale par l'employeur de son contrat de travail puisqu'il aurait usé à son égard de dénigrement et manoeuvres de déstabilisation discriminantes dans les derniers mois de la relation de travail qui auraient provoqué son isolement et la dégradation de son état de santé. Elle ajoute qu'elle n'a d'ailleurs pas pu récupérer toutes ses affaires personnelles.

Cependant, les échanges de mails produits établissent que la responsabilité des relations conflictuelles qui ont existé entre Mme [S] et M. [Z], gérant de la société [Z] Assurances, dans le courant du premier semestre 2020 est partagée et qu'elles sont exclusivement liées à leur divorce. Dès lors que les agissements reprochés s'inscrivent dans la vie personnelle des parties, Mme [S] est mal fondée à invoquer la mauvaise foi de son employeur et le préjudice qui en serait résulté. Cette demande ne peut donc prospérer.

5) Sur les autres demandes :

En application de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement des indemnités de chômage sera ordonné dans la limite de 3 mois, la SARL [Z] Assurances ayant mentionné dans l'attestation Pôle emploi remise à la salariée, et qui est versée aux débats, qu'elle employait au total 11 salariés.

Compte tenu de ce qui précède, la demande de remise des documents de fin de contrat et d'un bulletin de salaire conformes à la présente décision sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte comme demandé.

La SARL [Z] Assurances, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel qui ne comprennent pas les éventuels frais d'exécution, dont le sort est régi par les dispositions du code des procédures civiles d'exécution, et déboutée en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure. En équité, elle devra verser à Mme [S] la somme de 3 000 euros à titre d'indemnité de procédure.

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PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition du greffe :

CONFIRME le jugement déféré, sauf en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave était fondé et a débouté Mme [S] de ses demandes en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et AJOUTANT:

DIT le licenciement de Mme [J] [S] sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE en conséquence la SARL [Z] Assurances à lui payer les sommes suivantes :

- 4 200 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 420 € au titre des congés payés afférents,

- 5 035,42 € bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 10 000 € bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

DIT que les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront exonérés de CSG et CRDS à hauteur du minimum légal des salaires des six derniers mois ;

ORDONNE, en application de l'article L 1235-4 du code du travail, le remboursement par la SARL [Z] Assurances à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à Mme [S] à la suite de son licenciement, dans la limite de trois mois;

ORDONNE à la SARL [Z] Assurances de remettre à Mme [S] dans un délai de trente jours à compter de la signification du présent arrêt un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes à la présente décision mais DIT n'y avoir lieu à astreinte ;

CONDAMNE la SARL [Z] Assurances à payer à Mme [S] la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL [Z] Assurances aux dépens de première instance et d'appel et la déboute de sa demande d'indemnité de procédure.

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ;

En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

S. DELPLACE C. VIOCHE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bourges
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00947
Date de la décision : 05/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-05;22.00947 ?
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