AFFAIRE : N RG 06 / 02907
Code Aff. :
ARRET N
CJ / AC
ORIGINE : Décisions du Tribunal de Grande Instance de CAEN en dates des 22 novembre 2004 et 18 Septembre 2006 RG no 03 / 01510
PREMIERE CHAMBRE- SECTION 3
ARRET DU 06 DECEMBRE 2007
APPELANTE :
Madame Brigitte X..., prise en son nom personnel et en sa qualité d'administratrice légale de Thomas X...
née le 22 Septembre 1955 à HENIN LIETARD
...
14200 HEROUVILLE ST CLAIR
représentée par la SCP GRAMMAGNAC- YGOUF BALAVOINE LEVASSEUR, avoués à la Cour
assistée de Me Agnès FALCOZ VIGNE- RITCHIE, avocat au barreau de CAEN
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022007001146 du 28 / 03 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
INTIME :
Monsieur Yves A...
né le 13 Octobre 1947 à LAVAL (53000)
...
53150 BREE
représenté par la SCP MOSQUET MIALON D'OLIVEIRA LECONTE, avoués à la Cour
assisté de Me Anne- Marie CORNU, avocat au barreau de LAVAL
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur JAILLET, Conseiller, faisant fonction de Président, rédacteur
Madame HOLMAN, Conseiller,
Monsieur CHALICARNE, Conseiller,
DEBATS : En chambre du Conseil du 20 Novembre 2007,
GREFFIER : Madame LEDOUX
ARRET contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2007 et signé par Monsieur JAILLET, Conseiller, faisant fonction de Président, et Madame LEDOUX, Greffier
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Par jugement, avant dire droit, en date du 22 novembre 2004, le Tribunal de Grande Instance de Caen, saisi d'une action à fins de subsides engagée par Madame X..., mère de Thomas X... à l'encontre de Monsieur Yves A..., a ordonné une expertise médicale aux fins d'analyse comparative des groupes sanguins et tissulaires par la méthode de la recherche d'ADN des intéressés.
Par jugement au fond en date du 18 septembre 2006, la même juridiction a déclaré recevable l'action de Madame X... fondée sur l'article 342 du Code Civil mais a rejeté sa demande aux fins de subsides de même qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur A....
Madame X... a été, en outre, condamnée à payer à Monsieur A... la somme de 700 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Les deux jugements ont été frappés d'appel,
* par Madame X... à titre principal s'agissant de la décision du 18 septembre 2006 ;
* par Monsieur A... à titre incident s'agissant des deux décisions.
Vu les dernières conclusions déposées et signifiées avant la clôture par Madame X... (le 4 octobre 2007) et par Monsieur A... (le 21 septembre 2007).
Vu la communication de l'affaire au Ministère Public (visa du 13 novembre 2007) ;
Monsieur JAILLET, Président, entendu en son rappport à l'audience.
MOTIFS DE LA COUR
Sur la recevabilité de la demande aux fins de subsides
Agissant en son nom et en qualité d'administratrice légale de son fils mineur Thomas X... né le 10 décembre 1989, Madame X... est recevable en sa demande fondée sur l'article 342 du Code Civil.
Le jugement du 18 septembre 2006 qui n'est pas au demeurant contesté de ce chef, sera confirmé sur ce point par motifs adoptés.
Sur l'appel du jugement avant dire droit du 22 novembre 2004
Cet appel, exercé à l'occasion de l'appel du jugement sur le fond, est recevable.
Il convient de rappeler que l'expertise biologique est de droit en matière d'action aux fins de subsides (comme en matière de filiation) sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder.
Ne constitue pas un tel motif l'absence de justification préalable d'éléments de preuves suffisants pour laisser présumer l'existence des relations sexuelles pendant la période de conception entre la mère et l'homme à l'encontre duquel l'action est exercée.
C'est pourquoi, le fait qu'hormis les propres allégations de Madame X..., l'existence d'une relation sexuelle entre celle- ci et Monsieur Yves A... pendant la période de la conception de Thomas ne soit étayée par aucun document, photographie ou témoignage ne saurait justifier le refus de la mise en oeuvre d'une expertise biologique.
Il apparaît, en effet, que même si Madame X... a quelque peu varié quant aux circonstances et à la date prévue de cette relation remontant au printemps 1989 (et qui lui aurait été imposée), le fait allégué n'est pas matériellement invraisemblable au regard du lien de parenté (par alliance) unissant l'intéressée et Monsieur Yves A... (son beau- frère).
Il est patent que ces personnes se connaissaient à cette époque ne serait- ce que dans le cadre familial.
En outre, il convient de considérer que, s'agissant d'une relation sexuelle unique dans un lieu privé, Madame X... ne dispose pas d'éléments suffisants pour la prouver en dehors d'une expertise biologique.
Il est, certes, constant que Madame X... était toujours mariée à l'époque de la conception de Thomas avec Monsieur Joël A... (le frère de Monsieur Yves A...) même si celui- ci indique qu'il n'avait plus alors de rapports avec son épouse ;
Mais le fait qu'il existe une identité partielle de patrimoine génétique entre deux frères biologiques et que les résultats obtenus par une recherche d'ADN même la plus précise puissent être insuffisamment probants en termes de vraisemblance de paternité ne constituait pas à priori un motif légitime de ne pas faire procéder à cette simple mesure d'instruction.
Monsieur Yves A... pouvait parfaitement contester les résultats de l'expertise a postériori et / ou appeler en la cause son frère Joël A... afin que celui- ci y soit également soumis, s'il l'estimait nécessaire.
C'est pourquoi le jugement du 22 novembre 2004 mérite confirmation.
Sur l'appel du jugement du 18 septembre 2006
Il est constant que Monsieur Yves A... a refusé de se soumettre à l'expertise génétique alors que les parties doivent apporter leur concours aux mesures d'instruction ordonnées par le Juge.
Il convient de tirer toutes les conséquences de ce refus par application de l'article 11 du nouveau code de procédure civile, sauf à vider de son sens le principe selon lequel l'expertise biologique est de droit en la matière ;
Cette conséquence ne peut être que la démonstration suffisante de l'existence de relations intimes entre l'intéressé et la mère pendant la période de conception de l'enfant.
Il serait, en effet, paradoxal d'ordonner dans les conditions indiquées plus haut une telle mesure d'instruction dont l'enjeu est capital puis de considérer que la carence de celui à qui les subsides sont réclamés suffit à le mettre hors de cause.
L'attitude de Monsieur Yves A... ne peut d'ailleurs se comprendre s'il n'avait rien à redouter à cet égard de la mesure expertale.
C'est pourquoi le jugement du 18 septembre 2006, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'imposaient du refus de Monsieur A..., sera réformé et l'action à fins de subsides exercée par Madame X... accueillie.
Aux termes de l'article 342-2 du Code Civil, les subsides se règlent, sous forme de pension d'après les besoins de l'enfant, les ressources du débiteur et la situation familiale de celui- ci.
Les situations des intéressés se présentent comme suit :
- Thomas X... (né le 10 décembre 1989) vit chez et avec sa mère Madame X... laquelle a perçu :
en 2004................... 466 euros par mois
en 2005................... 705 euros par mois
en 2006................... 717 euros par mois
Ce revenu doit être considéré constant à ce jour.
Au nombre de ses charges principales, elle compte le paiement d'un loyer résiduel de 248 euros par mois.
Elle perçoit l'allocation de soutien familial (de l'ordre de 80 euros par mois).
- Monsieur A... a perçu :
en 2003................... 2. 173 euros par mois
en 2004................... 2. 530 euros par mois
en 2005................... 2. 313 euros par mois
Ce qui donne la mesure de sa rémunération les années suivantes.
Il est marié, son épouse travaille (et a perçu en 2005 16. 445 euros).
Le couple rembourse des emprunts souscrits auprès du Crédit Agricole à hauteur de 1. 240 euros par mois.
Il a un enfant à charge né en 1989.
En fonction de l'ensemble de ces éléments et au regard du caractère constitutif de la décision accordant des subsides, le montant de la pension alimentaire mise à la charge de Monsieur A... à compter de l'assignation datée du 11 avril 2003 doit être fixé à 150 euros par mois.
Succombant en ses prétentions Monsieur A... ne peut prétendre à l'allocation de dommages et intérêts en raison de l'action engagée avec succès par Madame X....
Il doit être condamné au paiement des entiers dépens de la procédure.
Il supportera, en outre, en application des articles 37 et 75 de la loi relative à l'aide juridictionnelle la somme de 1. 500 euros.
Sa propre demande sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement, après débats en chambre du conseil.
Confirme le jugement du 22 novembre 2004 ;
Infirme le jugement du 18 septembre 2006 ;
Dit que Monsieur A... doit payer à Madame X... agissant en qualité de représentante légale de son fils Thomas la somme de 150 euros par mois à titre de subsides à compter du 11 avril 2003 ;
Dit que les subsides sont payables d'avance avant le 5 de chaque mois ;
Indexe cette pension alimentaire sur l'indice national des prix à la consommation des ménages urbains, série France entière, tel qu'établi par l'INSEE, avec réévaluation le premier décembre de chaque année et pour la première fois le premier décembre 2008 étant précisé que le dernier indice publié à la date de chaque réévaluation sera comparé à celui publié pour le mois de décembre 2008 suivant le calcul ci- après :
Mensualités d'origine X Nouvel indice
Indice d'origine
Déboute les parties de toute demande contraire ou plus ample.
Condamne Monsieur A... aux dépens, y compris les frais d'expertise, à recouvrer comme en matière d'aide juridictionnelle.
Condamne Monsieur A... à payer à Madame X... la somme de 1. 500 euros par application des articles 37 et 75 de la loi du 9 juillet 1991.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
M. LEDOUX C. JAILLET