COUR D'APPEL de CAEN
Juridiction du Premier Président Contentieux des personnes hospitalisées sans leur consentement.
ORDONNANCE DU 22 Mai 2015-------------
CONTRÔLE DE PLEIN DROIT DE L'HOSPITALISATION
No RG : 15/ 01601 No MINUTE : 15/ 15
Appel de l'ordonnance rendue le 30 avril 2015 par le Juge des libertés et de la détention de CAEN
APPELANT :
Alain Y...né le 16 Octobre 1951 à CAEN (14050) domicilié ... 14760 BRETTEVILLE/ ODON actuellement hospitalisé à l'EPSM 15 Ter Rue St Ouen-14000 CAEN Comparant, assisté de Me Daniel TASCIYAN, avocat au barreau de CAEN, commis d'office
PARTIES INTERVENANTES :
- Le Directeur de l'Etablissement public de Santé Mentale de Caen
-M. René X..., chef de service à l'ATC de Bretteville-sur-Odon, en ses qualités de tiers demandeur et de curateur d'Alain Y...
LE MINISTÈRE PUBLIC :
En la personne de M. Jacky COULON, avocat général auquel l'affaire a été régulièrement communiquée,
Devant Nous, Laurence TURBE-BION, présidente de chambre, déléguée par ordonnance du premier président en date du 02 septembre 2013, assistée de Ghislaine LEPELLEY, greffière
DÉBATS à l'audience publique du 22 mai 2015 ;
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera prononcée le même jour et leur sera immédiatement notifiée ;
ORDONNANCE prononcée publiquement le 22 mai 2015 et signée par Laurence TURBE-BION, présidente de chambre, déléguée par le premier président, et Ghislaine LEPELLEY, greffière ;
Nous, Laurence TURBE-BION, magistrat délégué,
Vu les articles L. 3211 ¿ 1 et suivants, R. 3211 ¿ 1 et suivants du Code de la santé publique et R. 91, R. 93 (- 2o), R. 93-2 et R. 117 (- 9o) du Code de procédure pénale ;
Vu l'ordonnance du 30 avril 2015 du juge des libertés et de la détention de CAEN qui a maintenu l'hospitalisation complète d'Alain Y..., hospitalisé à la demande d'un tiers, à l'Etablissement Public de Santé Mentale de Caen depuis le 10 février 2011 ;
Vu la notification de cette ordonnance le 30 avril 2015 à la personne hospitalisée ;
Vu l'appel de cette ordonnance interjeté par cette personne le 11 mai 2015 ;
Vu les avis adressés le 11 mai 2015 aux parties et au ministère public les informant de la tenue de l'audience le 22 mai 2015 ;
Vu les pièces du dossier ;
Vu l'avis écrit du Ministère Public ;
Vu le certificat médical de situation établi par le Dr Jean-Michel Z...le 18 mai 2015 ;
Alain Y...et Maître Daniel TASCIYAN ayant été entendus et la personne hospitalisée ou son avocat ayant eu la parole en dernier ;
DÉCISION :
Alain Y..., en proie depuis plusieurs années à des troubles cognitifs et mnésiques graves très probablement secondaires à une intoxication éthylique chronique importante et ancienne, avait été admis au CHS de Caen le 11 février 2011, à la demande de son curateur, René X..., chef de service à l'ATC, selon la procédure d'urgence, sur la base d'un certificat du Docteur A..., exerçant au service des Urgences psychiatriques du CHU de Caen, du 10 février 2011.
Le certificat, qui vise l'article L3212-3 du Code de la santé publique, faisait état d'idées suicidaires récurrentes, et mentionnait que son état nécessitait des soins psychiatriques immédiats, assortis d'une surveillance médicale constante, auxquels Alain Y...n'était pas en état de consentir.
Le certificat de 24h du Docteur B...exerçant au CHS de Caen, établi le 11 février 2011 mentionnait une alcoolisation à visée suicidaire.
Les soins ont été reconduits sous cette même forme sur décisions du Directeur de l'E. P. S. M de Caen, sur la base de certificats mensuels dont ceux établis les 26 janvier 2015 et 24 février 2015.
Par une précédente ordonnance du 24 février 2015, confirmée en appel le 12 mars 2015, la requête présentée par Alain Y...le 19 février 2015 sur le fondement de l'article L3211-12 du Code de la santé publique, tendant à voir lever la mesure de soins psychiatriques sans consentement, a été rejetée.
Le certificat de situation du Dr Z...du 9 mars 2015 adressé entre temps à la Cour relevait qu'Alain Y...risquait toujours de se mettre en danger à l'extérieur, celui-ci n'adhérant pas aux propositions de suivi en addictologie qui lui sont faites.
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Dans le cadre du contrôle de plein droit, par requête du 22 avril 2015, le Directeur de l'E. P. S. M de Caen a saisi le juge des libertés et de la détention en joignant l'avis motivé du Docteur B...du 21 avril 2015, et un précédent certificat mensuel du Dr Z...du 23 mars 2015, qui concluent au maintien de l'hospitalisation complète.
Par l'ordonnance du 30 avril 2015 dont appel, notifiée à l'intéressée le même jour, ce magistrat a autorisé la poursuite des soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète, les conditions demeurant réunies.
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Dans son courrier d'appel du 11 mai 2015, Alain Y...écrit " mon comportement face à mon problème d'alcool s'est nettement amélioré "... " j'ai des problèmes de jambe dus à la cigarette et non à l'alcool "... " je ne suis pas suicidaire comme on le prétend ".
Un certificat médical de situation établi le 18 mai 2015 par le Dr Z...a été transmis le même jour à la Cour par télécopie, faisant état du refus du patient de vouloir arrêter l'alcool, de son incurie, de son incapacité à se nourrir, et de sa mise en danger vital.
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A l'audience, Alain Y..., qui comparaît sans son curateur, indique une nouvelle fois qu'il est apte à se prendre en charge. Il rappelle son parcours, son alcoolisation massive à la suite d'un divorce mal vécu, à compter de 1998. Il précise que son hospitalisation complète trouve sa source dans une grave dépression en 2014, aves échec du programme de soins en cours, pourtant respecté pendant trois ans, de 2011 à 2013 inclus. Il aspire toujours à regagner son domicile situé à Bretteville sur Odon. Il a toujours ses sorties quotidiennes d'une heure dans les jardins, précise que depuis peu il a non seulement des permissions chaque mercredi et samedi de 10h à 18h, mais également chaque dimanche, pour lui permettre d'aller chez lui, avec dosage de son alcoolémie à son retour. Il admettait à l'audience du 12 mars dernier entreposer du Ricard chez lui. Ce jour, il s'engage à ne plus consommer d'alcool au cours de ces permissions, ne contestant pas pouvoir être encore parfois contrôlé positif à son retour. Il aspire à pouvoir passer la nuit chez lui et voir ainsi plus souvent sa compagne ainsi que ses petits-enfants.
Maître TASCIYAN fait observer que le Dr B..., auteur du certificat du 21 avril 2015, n'a pas examiné Alain Y...depuis mai 2014, et s'est contentée de faire un copier-coller de certificats précédents de son confrère.
MOTIFS
Il sera rappelé que l'article L3212-3 du Code de la santé publique prévoit qu'en cas d'urgence, lorsqu'il existe un risque grave d'atteinte à l'intégrité du malade, le directeur d'un établissement mentionné à l'article L3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d'un tiers l'admission en soins psychiatriques de la personne au vu d'un seul certificat médical, émanant le cas échéant d'un médecin exerçant dans l'établissement ;
Conformément au texte, le certificat initial du Dr A...figurant au dossier, qui respecte les conditions légales, atteste de ce que les troubles présentés par Alain Y...rendaient impossible son consentement et imposaient des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète ;
Alain Y...adhère à son traitement et est implicitement conscient du bénéfice retiré de son hospitalisation complète dès lors qu'il convient que son état s'est amélioré ;
Le Dr B...a établi le certificat mensuel d'avril 2015 à partir d'éléments qui lui ont été communiqués par les soignants du service, et de ce qui a été noté dans le dossier médical du patient ; aucun texte n'impose un examen médical dans un tel cadre ; la reproduction des termes de précédents certificats ne signifie pas que la teneur de celui critiqué ne soit pas conforme à la réalité de l'état du patient ;
Les conditions d'une admission en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète apparaissent toujours réunies même si la situation de l'appelant a évolué vers une ouverture et un assouplissement des conditions de son hospitalisation complète ; Alain Y...a sans doute fait des progrès, dans le respect des règles sans cesse rappelées, mais selon les médecins, un risque de rechute éthylique n'est encore pas à exclure, qui serait de nature à le mettre en danger à l'extérieur ; le retour à domicile apparaît dès lors prématuré ;
L'évolution de la situation ne justifiant pas à ce jour une levée des soins contraints, il convient dans ces conditions de confirmer l'ordonnance entreprise qui a prescrit la poursuite des soins psychiatriques sous la forme de l'hospitalisation complète ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement par ordonnance,
Confirmons l'ordonnance entreprise,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à Monsieur Alain Y..., à son conseil Maître Daniel TASCIYAN, au Directeur de l'Etablissement Public de Santé Mentale de CAEN, à l'ATC 14, curateur et tiers demandeur,
Disons que la présente décision sera communiquée au ministère public ;
Laissons les dépens à la charge de l'Etat.
La greffière La présidente de chambre, déléguée
Ghislaine LEPELLEY Laurence TURBE-BION