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14/06/2022 | FRANCE | N°19/01103

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 14 juin 2022, 19/01103


AFFAIRE : N° RG 19/01103 -

N° Portalis DBVC-V-B7D-GJRS

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance de CAEN du 25 Février 2019

RG n° 18/02790







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 JUIN 2022





APPELANTE :



La SA AXA FRANCE IARD ès qualités d'assureur de la Société DELARUE COUVERTURE

N° SIRET : 722 057 640

[Adresse 4]

[Localité 8]

prise en la personne

de son représentant légal



représentée et assistée de Me Etienne HELLOT, avocat au barreau de CAEN





INTIMÉS :



Monsieur [U] [I]

né le 26 Octobre 1959

[Adresse 5]

[Localité 2]



Madame [V] [L] épouse [...

AFFAIRE : N° RG 19/01103 -

N° Portalis DBVC-V-B7D-GJRS

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance de CAEN du 25 Février 2019

RG n° 18/02790

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 JUIN 2022

APPELANTE :

La SA AXA FRANCE IARD ès qualités d'assureur de la Société DELARUE COUVERTURE

N° SIRET : 722 057 640

[Adresse 4]

[Localité 8]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Etienne HELLOT, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉS :

Monsieur [U] [I]

né le 26 Octobre 1959

[Adresse 5]

[Localité 2]

Madame [V] [L] épouse [I]

née le 15 Juillet 1960 à

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentés et assistés de Me Pierrick DESHAYES, avocat au barreau de CAEN

La Compagnie d'assurances MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

N° SIRET : B 775 652 126

[Adresse 1]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

La SA MMA IARD

N° SIRET : 440 048 882

[Adresse 1]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

représentées et assistées de Me Olivier FERRETTI, avocat au barreau de CAEN

La SARL DELARUE COUVERTURE

N° SIRET : 448 596 023

[Adresse 6]

[Localité 3]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Alain OLIVIER, avocat au barreau de CAEN

assistée de Me Xavier GRIFFITHS, avocat au barreau de LISIEUX,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

M. GANCE, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 26 avril 2022

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 14 Juin 2022 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

EXPOSE DU LITIGE

Courant octobre 2011, Monsieur [U] [I] et Madame [V] [L] son épouse ont sollicité la société Delarue Couverture aux fins de remplacer les tuiles mécaniques recouvrant l'extension de leur maison, par des tuiles plates.

Les travaux de couverture incluant des travaux d'isolation ont été achevés en janvier 2012.

Courant 2014, les époux [I] ont constaté une déformation du rampant de la toiture et ont obtenu, suivant ordonnance de référé du 15 septembre 2016, l'organisation d'une expertise judiciaire au contradictoire de l'entreprise Delarue Couverture, qui a été étendue par ordonnance de référé du 16 novembre 2015 à la SA AXA FRANCE IARD qui était son assureur au moment de l'ouverture du chantier, et la SA MMA IARD qui est son assureur actuel.

A la suite du dépôt du rapport d'expertise intervenu le 14 février 2018, les époux [I] ont saisi le tribunal de grande instance de Caen afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 25 février 2019, le tribunal a :

- dit que les désordres litigieux relèvent de la responsabilité décennale de la Société Delarue Couverture,

- constaté que les MMA IARD n'étaient pas l'assureur de la société Delarue Couverture au moment de l'ouverture du chantier,

- condamné in solidum la société Delarue Couverture et la société AXA FRANCE IARD à payer aux époux [I], la somme de 60.797,54 € TTC au titre des travaux de reprise, valeur février 2018, avec indexation sur l'indice du coût de la construction BT 01 au jour du jugement,

- débouté les époux [I] du surplus de leurs demandes indemnitaires,

- condamné in solidum, la société Delarue Couverture et la société AXA FRANCE IARD à payer aux époux [I] la somme de 3.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Delarue Couverture et de la société AXA FRANCE IARD,

- condamné la société AXA FRANCE IARD à garantir la société Delarue Couverture de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au profit des époux [I], sous réserve de la franchise contractuelle opposable à l'assuré,

- débouté la société AXA FRANCE IARD de son recours en garantie formé à l'encontre des MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles,

- condamné in solidum, la société Delarue Couverture et la société AXA FRANCE IARD aux dépens comprenant les frais de référé et d'expertise judiciaire.

La société AXA FRANCE IARD a formé appel du jugement le 3 avril 2019.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 8 novembre 2019, estimant que les désordres relèvent non pas de la responsabilité décennale, mais de la responsabilité civile de la société DELARUE COUVERTURE et que compte tenu de la date de résiliation du contrat, sa garantie n'est pas mobilisable, elle conclut à titre principal à la réformation du jugement et au rejet des prétentions adverses.

A titre subsidiaire, elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté les époux [I] de leurs demandes indemnitaires pour les préjudices liés à la gêne occasionnée par les travaux de reprise et l'a déclarée bien fondée à opposer le montant de sa franchise contractuelle.

Elle sollicite en outre la garantie des MMA IARD MUTUELLES à la garantir de toutes condamnations en principal, frais et accessoires qui serait prononcée à son encontre, le rejet de l'appel incident des époux [I] et leur condamnation à lui verser une somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de leurs écritures en date du 9 août 2019, les MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES qui rappellent que le contrat souscrit auprès d'elles par la société DELARUE COUVERTURE était à effet au 17 mars 2017, concluent à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il les a déboutées de leur demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau sollicite la condamnation de tout succombant au paiement d'une somme de 1.500,00 € au titre des frais irrépétibles de première instance.

A titre très subsidiaire, dans l'hypothèse d'une condamnation prononcée à son encontre, elle conclut à la réduction des sommes réclamées et au rejet des demandes relatives aux préjudices consécutifs aux désordres.

En toute hypothèse, elle sollicite la condamnation de tous succombants à leur payer une somme de 2.000,00 € au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses écritures en date du 4 septembre 2019, la société DELARUE COUVERTURE conclut au visa des articles 1792 et suivants du code civil, L.241-1 et L.124-5 du code des assurances à la confirmation du jugement entrepris, à la garantie de la compagnie AXA pour l'intégralité des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre et sa condamnation à lui payer une somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Subsidiairement, elle sollicite la condamnation de la MMA à la relever et garantir de l'intégralité des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.

Aux termes de leurs écritures en date du 27 septembre 2019, les époux [I] concluent à la confirmation du jugement sauf en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes indemnitaires complémentaires.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où ne serait pas retenue la responsabilité décennale de la société DELARUE COUVERTURE, ils sollicitent sa condamnation in solidum avec la société AXA FRANCE IARD ou à défaut les MMA IARD/MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES au paiement de la somme de 60.797,54 € indexée au titre des travaux de reprise des désordres sur le fondement de la responsabilité civile du couvreur.

Sur leur appel incident, ils sollicitent la condamnation in solidum de la société DELARUE COUVERTURE avec la société AXA FRANCE IARD ou à défaut les MMA IARD/MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES au paiement de la somme de 6.000,00 € au titre de leur préjudice de jouissance subi à l'occasion des travaux de reprise.

Il sollicitent en outre la condamnation de tout succombant au paiement d'une somme de 2.000,00 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de la société DELARUE

Les désordres constatés par l'expert judiciaire sont de deux ordres.

Ils concernent tout d'abord la flexion de la charpente à la suite du remplacement de tuiles mécaniques par des tuiles sur une charpente sous-dimensionnée qui n'est pas suffisamment résistante pour supporter le différentiel de charges amené par les tuiles plates (+ 35 kg/m²) venant en remplacement des tuiles mécaniques, sans que le couvreur n'ait demandé au maître de l'ouvrage de faire vérifier au préalable la capacité portante de la charpente.

L'expert précise que la solidité de la charpente est gravement affectée puisque les valeurs limites de contrainte des éléments structurels bois atteignent 216 à 278 % des valeurs admissibles selon les combinaisons de calculs et qu'en présence de neige, les taux de contraintes se rapprochent dangereusement de la limite théorique de rupture.

Il s'agit ensuite du développement de moisissures sur la tablette d'une fenêtre du toit, qui selon l'expert est la conséquence d'un pont thermique dû à un défaut ponctuel de mise en oeuvre de l'isolant sous rampant.

La compagnie AXA soutient que dans la mesure où l'ouvrage (la pose de tuiles) réalisé par son assuré n'est pas affecté de désordres et qu'il ne s'agit pas d'ouvrages aux existants totalement incorporés dans l'ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles, la garantie décennale ne s'applique pas.

En l'espèce, il est constant que la société Delarue a réalisé un ouvrage dont la réception tacite retenue par le tribunal, par des motifs que la cour adopte, n'est pas contestée, et que les désordres affectant la toiture porte atteinte à sa solidité et rende l'immeuble impropre à sa destination, sans que leur cause ne réside dans la charpente préexistante elle-même.

Néanmoins, la couverture installée sur la charpente forme avec elle un tout indivisible pour constituer la toiture.

Dès lors que celle-ci présente un défaut de planéité et un risque d'effondrement, la garantie décennale doit s'appliquer, sans que puisse être opposée par la compagnie AXA FRANCE IARD, assureur décennale de la société DELARUE au jour de l'ouverture du chantier, les dispositions de l'article 243-1-1 II du code des assurances.

S'agissant d'une garantie obligatoire, la société AXA FRANCE IARD qui était l'assureur de la société DELARUE au jour de l'ouverture du chantier lui doit garantie, les désordres étant apparus dans le délai de la garantie décennale.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la réparation des préjudices

L'expert a évalué le coût des travaux de reprise à la somme de 60.797,54 € TTC.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société DELARUE et la société AXA FRANCE IARD à payer aux époux [I] cette somme indexée sur l'indice BT 01.

Ceux-ci ont formé un appel incident en ce que le tribunal les a déboutés de leurs demandes indemnitaires complémentaires relatives au coût d'un déménagement et d'un réenménagement, du stockage des meubles, d'une location durant les 11 semaines de travaux, à des frais kilométriques pour venir nourrir leurs animaux domestiques et relever le courrier et à des frais de ménage.

Devant la cour, ils sollicitent l'allocation d'une somme de 6.000,00 € (500 €/semaine durant deux mois).

Ils indiquent que les travaux ont été réalisés au cours de l'été 2019 et qu'ils ont subi une gêne durant cette période résultant de :

- l'impossibilité d'utiliser deux des trois chambres à l'étage et donc d'héberger leur famille ou leurs amis,

- la nécessité de donner accès tôt le matin aux entreprises, de subir des nuisances sonores, des poussières, des odeurs et des allées et venues permanentes durant les vacances d'été,

- l'encombrement de l'unique salle de bains pour l'approvisionnement du chantier,

- la nécessité de vider les pièces concernées des meubles les garnissant et de les stocker en partie dans la seul chambre disponible, et à l'extérieur de leur domicile.

L'existence d'un préjudice de jouissance n'est pas contestable et a été retenu par l'expert.

Il sera alloué à ce titre la somme de 3.000,00 € (1.500,00 € par mois) aux époux [I] en indemnisation de ce poste de préjudice.

Si le contrat d'assurance souscrit auprès de la compagnie AXA FRANCE IARD a été résilié le 3 avril 2012, ce préjudice est consécutif au dommage de nature décennale garanti par elle.

Les conditions particulières prévoient que ce type de dommages est garanti.

Dès lors, la société AXA FRANCE IARD sera condamnée in solidum avec la société DELARUE au paiement de cette somme aux époux [I], sous déduction de la franchise contractuelle prévue au contrat d'assurance qui leur est opposable s'agissant d'une garantie facultative.

Sur les recours en garantie

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société AXA FRANCE IARD à garantir son assuré la société DELARUE des condamnations prononcées à son encontre et a débouté la société AXA FRANCE IARD de son recours en garantie à l'encontre des MMA, la cour ayant retenu que seule la garantie d'AXA était mobilisable.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de condamner in solidum la société DELARUE et la société AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur et madame [I] une somme de 3.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les autres parties seront déboutées de leur demandes de ce chef.

Succombant, la société DELARUE, la société AXA FRANCE IARD seront condamnées in solidum aux dépens, le jugement étant confirmé s'agissant de la charge des dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Monsieur et Madame [I] de leur demande d'indemnité au titre des préjudices complémentaires,

L'INFIRME de ce chef,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la SARL DELARUE COUVERTURE et la SA AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur [U] [I] et Madame [V] [L] son épouse, la somme de 3.000,00 € au titre de leur préjudice de jouissance, sous réserve de la franchise contractuelle,

CONDAMNE la SA AXA FRANCE IARD à garantir la SARL DELARUE COUVERTURE au titre de cette condamnation sous réserve de la franchise contractuelle,

DÉBOUTE la SA AXA FRANCE IARD de toutes ses demandes dirigées contre les MMA IARD et les MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,

CONDAMNE in solidum la SARL DELARUE COUVERTURE, la SA AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur [U] [I] et Madame [V] [L] son épouse, la somme de 3.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SARL DELARUE COUVERTURE, la SA AXA FRANCE IARD et les MMA IARD et les MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES de leurs demandes d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum la SARL DELARUE COUVERTURE, la SA AXA FRANCE IARD.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT

M. COLLETG. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/01103
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;19.01103 ?
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