AFFAIRE : N° RG 19/02838 -
N° Portalis DBVC-V-B7D-GNKB
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance de CHERBOURG EN COTENTIN
du 16 Septembre 2019 - RG n° 18/00275
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022
APPELANTE :
La société AMF ASSURANCES
N° SIRET : 487 597 510
[Adresse 8]
[Localité 9]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Noël LEJARD, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉS :
Monsieur [P] [G]
né le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 11] (50)
[Adresse 3]
[Localité 7]
représenté et assisté de Me Thomas DOLLON, avocat au barreau de CHERBOURG
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 1411800220199599 du 05/12/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)
Monsieur [O] [X]
né le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 6] (50)
[Adresse 10]
[Localité 6]
LE MINISTERE DE LA DEFENSE
[Adresse 2]
[Localité 5]
pris en la personne de son représentant légal
non représentés, bien que régulièrement assignés
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
M. GARET, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
DÉBATS : A l'audience publique du 13 septembre 2022
GREFFIER : Mme COLLET
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 29 Novembre 2022 par prorogation du délibéré initialement fixé au 15 Novembre 2022 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Le 12 février 2013, Monsieur [P] [G], quartier maître, mécanicien naval, affecté au service des moyens portuaires de la base navale de [Localité 6], a été victime d'un accident de la circulation alors qu'il était passager d'un véhicule conduit par son collègue, Monsieur [O] [X] et qu'ils se trouvaient dans l'enceinte de la base.
Ce dernier a été condamné par la chambre spécialisée dans les affaires militaires du tribunal correctionnel de Caen, le 23 septembre 2014 pour atteinte involontaire à l'intégrité physique ayant entraîné une ITT de plus de trois mois avec les circonstances aggravantes de conduite sous l'empire d'un état alcoolique et de stupéfiants, et conduite à une vitesse excessive eu égard aux circonstances.
Par arrêt du 4 septembre 2017, la cour de céans a annulé la décision du Ministre de la Défense du 23 mars 2016 ayant rejeté la demande de pension de Monsieur [G].
Par jugement du 16 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Cherbourg a :
- dit que la loi du 5 juillet 1985 s'applique à l'accident de la circulation dont a été victime Monsieur [G] le 12 février 2013 dans le cadre d'une indemnisation complémentaire,
- ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [R] [D],
- renvoyé l'affaire a une audience de mise en état ultérieure,
- réservé les dépens.
Le 8 octobre 2019, la société AMF Assurances, assureur de Monsieur [X], a formé appel de la décision.
Aux termes de ses écritures en date du 17 décembre 2019, soutenant que l'article L.455-1-1 du code de la sécurité sociale qui prévoit la possibilité d'une réparation complémentaire ne trouve pas à s'appliquer, l'accident n'ayant pas eu lieu sur une voie ouverte à la circulation publique, mais dans une enceinte militaire, elle conclut à la réformation du jugement entrepris, au rejet des demandes de Monsieur [G] et à sa condamnation à lui payer une somme de 2.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Aux termes de ses écritures en date du 24 février 2020, Monsieur [G] conteste cette interprétation et conclut à titre principal à la confirmation du jugement entrepris, et subsidiairement, demande que Monsieur [X] soit reconnu civilement responsable de l'accident.
Il sollicite la condamnation solidaire de celui-ci et de son assureur, au paiement d'une somme de 3.000,00 € par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.
Ni Monsieur [X], ni le Ministère de la Défense auxquels la déclaration d'appel et les conclusions ont été régulièrement signifiées, n'ont constitué avocat.
Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985
Il est constant que l'indemnisation complémentaire prévue à l'article L.455-1-1du code la sécurité sociale suppose d'une part que l'accident ait eu lieu sur une voie ouverte à la circulation publique et d'autre part, qu'il implique un véhicule terrestre à moteur conduit par l'employeur, un préposé ou une personne appartenant à la même entreprise que la victime.
Cette seconde condition est remplie puisque le véhicule impliqué dans l'accident était conduit par un collègue de Monsieur [G] et qu'il a été reconnu qu'il s'agissait d'un accident de service.
La discussion porte donc uniquement sur le point de savoir si l'accident a eu lieu ou non sur une voie ouverte à la circulation publique, sachant qu'il a eu lieu dans une enceinte militaire.
En l'espèce, il résulte de l'enquête de gendarmerie, qu'après avoir quitté le PCG GERANIUM sur lequel ils venaient de participer à 'un pot de l'amitié' organisé par l'un de leurs camarades, Messieurs [G] et [X] sont montés dans le véhicule de ce dernier stationné sur l'interforme 1-2, Monsieur [G] étant passager avant.
Les témoins visuels des faits ont déclaré :
' le véhicule quitte son emplacement, effectue un demi-tour à allure lente pour rejoindre le rue des formes Nord. Alors qu'il s'apprête à s'engager sur cette voie de circulation, le véhicule accélère brutalement en effectuant une brusque courbe à droite. Ce virage le ramène vers l'extrémité Nord de la forme de radoub N2, à sec et vide.
Le véhicule percute la barrière garde-corps, l'arrache et chute au fond du bassin, profond d'une douzaine de mètres...'
Est produit un plan reproduisant la trajectoire du véhicule (Cf. Pièce intimé N°11), ainsi qu'un plan des lieux (Cf. Pièce intimé N°12) qui permettent de confirmer que l'accident a bien eu dans l'enceinte de la base navale.
Si Monsieur [G] indique dans ses écritures que l'accident s'est produit alors que le véhicule avait rejoint le rue des formes Nord, force est de constater au regard du plan des lieux, que cette rue se trouve en plein coeur de la base navale dont il ne saurait être contesté qu'il ne peut s'agir d'un lieu ouvert à la circulation publique, ce qui est d'ailleurs confirmé par le procès-verbal de constat établi le 29 juillet 2016, par Maître [L], huissier de justice (Cf. Pièce appelant N°3).
Si l'accès sur la base peut parfois être autorisé à certains véhicules extérieurs, il n'est pas démontré par Monsieur [G], que l'accès de véhicules autres que militaires, soient autorisés précisément sur la voie sur laquelle a conduit la manoeuvre de Monsieur [X] ayant précipité le véhicule dont l'intimé était passager, au fond d'un bassin.
Les conditions permettant à la victime de prétendre à une indemnité complémentaire par application de l'article L.455-1-1 du code de la sécurité sociale n'étant pas réunies, le jugement sera infirmé en ce qu'il lui a reconnu le droit à cette indemnisation et a ordonné une expertise médicale.
Sur la responsabilité de Monsieur [X]
A titre subsidiaire, Monsieur [G] demande qu'il soit dit et jugé que Monsieur [X] qui a été condamné par le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires doit être tenu civilement responsable de l'accident, sans formuler d'autre demande à ce titre.
Monsieur [X] ayant été déclaré coupable de blessures involontaires sur la personne de Monsieur [G], sa responsabilité civile à son égard et donc nécessairement engagée, ce d'autant que l'accident a eu lieu avec la circonstance d'une consommation d'alcool et de stupéfiants.
Cette reconnaissance de responsabilité n'emporte pas l'organisation d'une expertise médicale.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande de ne pas faire droit à la demande de la société AMF Assurances en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La demande de Monsieur [G] tendant au paiment d'une indemnité sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle, est irrecevable puisqu'une telle indemnité ne peut être demandée qu'au profit de son conseil.
Succombant, Monsieur [G] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Cherbourg du 16 septembre 2019,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉBOUTE Monsieur [P] [G] de sa demande d'indemnité complémentaire prévue par l'article L.455-1-1 du code de la sécurité sociale,
DIT que Monsieur [O] [X] est civilement responsable de l'accident dont a été victime Monsieur [P] [G] le 12 février 2013,
DIT n'y avoir lieu d'ordonner une expertise médicale,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉCLARE irrecevable la demande d'indemnité de Monsieur [P] [G] sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,
CONDAMNE Monsieur [P] [G] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET G. GUIGUESSON