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08/12/2022 | FRANCE | N°19/01891

France | France, Cour d'appel de Caen, Chambre sociale section 1, 08 décembre 2022, 19/01891


AFFAIRE : N° RG 19/01891

N° Portalis DBVC-V-B7D-GLIF

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 13 Juin 2019 RG n° F17/00444











COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022







APPELANT :



Monsieur [O] [C]

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représenté par Me Olivier LEHOUX, avocat au barreau de

CAEN







INTIME :



Association CENTRE DE FORMATION D'APPRENTIS DE L'INDUSTRIE DU CALVADOS DE LA MANCHE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adress...

AFFAIRE : N° RG 19/01891

N° Portalis DBVC-V-B7D-GLIF

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 13 Juin 2019 RG n° F17/00444

COUR D'APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022

APPELANT :

Monsieur [O] [C]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Olivier LEHOUX, avocat au barreau de CAEN

INTIME :

Association CENTRE DE FORMATION D'APPRENTIS DE L'INDUSTRIE DU CALVADOS DE LA MANCHE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Jérémie PAJEOT, substitué par Me LEFEBVRE, avocats au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 06 octobre 2022

GREFFIER : Mme ALAIN

ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 08 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er septembre 1997, M. [C] a été engagé par l'association de gestion du centre de formation des apprentis de l'industrie du Calvados et de la Manche (CFAI) en qualité de professeur d'enseignement général coefficient 285 de la convention collective de la métallurgie du Calvados moyennant un salaire de 12 600 francs brut ;

Selon avenant du 17 juillet 2001 à effet du 1er août 2001, le temps de travail a été fixé à 151.67 heures, le classement de M. [C] au coefficient 305 niveau 13 pour des fonctions de formateur et un salaire de 2164.78 € ;

Selon avenant à effet du 1er juillet 2002, une rémunération forfaitaire de 2451 € pour 215 jours de travail par an a été fixée, le classement de M. [C] au coefficient 92 niveau 15 pour des fonctions de formateur de la convention collective des ingénieurs et cadres;

Selon avenant à effet du 1er septembre 2003, les fonctions de M. [C] ont été celles de formateur coordonnateur ;

Se plaignant de subir une discrimination l'empêchant d'accéder à des postes de responsabilité et également d'une mauvaise classification, M. [C] a le 12 juillet 2017 le conseil de prud'hommes de Caen, instance à laquelle le syndicat CFDT des industries métallurgiques est volontairement intervenu.

Par jugement rendu le 13 juin 2019, le Conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [C] de ses demandes au titre de la classification et rappels de salaire ;

- débouté M. [C] de ses demandes (prescrites et infondées) au titre de la discrimination  ;

- débouté M. [C] de ses demandes pour violation des dispositions conventionnelles ;

- condamné l'association CFAI à lui payer la somme de 3500 € pour absence d'entretien annuel et 1200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté l'association CFAI de ses demandes

- débouté le syndicat CFDT de ses demandes ;

- condamné l'association CFAI aux dépens ;

Entre temps, M. [C] a saisi le défenseur des droits le 7 avril 2017 qui le 12 janvier 2018 a estimé que « dans la mesure où il n'a pas été possible d'établir la preuve d'une discrimination à votre égard, l'instruction de votre réclamation ne peut être poursuivie » ;

Par déclaration au greffe du 25 juin 2019, M. [C] a formé appel du jugement ;

Par conclusions remises au greffe le 7 novembre 2019 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, demande à la cour de :

- confirmer le jugement sur les chefs de demande retenus et l'infirmer pour le surplus ;

- ordonner la transmission des pièces suivantes : registre du personnel, contrat de M. [S] directeur du CFIA, contrat et CV de Mme [G] directrice du CFIA, information faite autour des candidatures internes et externes pour le poste de directeur CFIA en remplacement de M. [S], annonce déposée et publiée par Pôle Emploi (APEC) sur la période de juin à septembre 2017 pour le remplacement de M. [S], bulletins de salaire de M. [W] [A] (décembre 2011, 2003, 2007,

2010 et 2013), bulletins de salaire de Mme [Z] [K] (décembre 2011, 2003, 2007, 2010 et 2013), bulletins de salaire de M. [D] (décembre 2011, 2003, 2007, 2010 et 2013), contrat d'embauche et bulletin de salaire de janvier 2018 de M. [H] et contrat d'embauche et bulletin de salaire de janvier 2018 de M. [V] ;

- à titre principal, condamner l'association à lui payer la somme de 37 211.57 € à titre de rappel de salaire et congés payés afférents en suite de la discrimination par rapport à la classification et au coefficient fixés par la convention collective, celle de 45 000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination et préjudice financier subi, celle de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation d'une disposition conventionnelle et celle de 5000 € de dommages et intérêts pour violation de l'article L3121-46 du code du travail ;

- à titre subsidiaire, prononcer la requalification et la régularisation de la position et du coefficient et du salaire correspondant, condamner l'association à lui payer la somme de 37 211.57 € à titre de rappel de salaire et congés payés afférents, et celle de 15 000 € pour violation d'une disposition conventionnelle ;

- dans tous les cas, ordonner la remise des critères prédéfinis de l'augmentation individuelle 2018 et la liste des salariés bénéficiaires sous astreinte de 150 € par jour, se réserver la possibilité de liquider l'astreinte ;

- condamner l'association à lui payer à une somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Par conclusions remises au greffe le 9 décembre 2019 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, l'association CFAI demande à la cour de :

- rejeter l'intervention volontaire, à titre subsidiaire dire que le syndicat n'a pas intérêt à agir, à titre infiniment subsidiaire dire qu'il n'a subi aucun préjudice et le débouter de ses demandes ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes, dire qu'il n'y a pas lieu à communication des documents sollicités

- à titre subsidiaire dire que M. [C] ne pourrait prétendre qu'à un rappel de salaire de 17 456.11 € bruts ;

- en tout état de cause infirmer le jugement sur les indemnités de procédure et les dépens,

- condamner M. [C] à lui payer à une somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [C] aux dépens ;

Par conclusions remises au greffe le 18 juillet 2019 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, syndicat CFDT des industries métallurgiques de la région caennaise demande à la cour de :

- dire recevable son intervention volontaire

- condamner l'association CFAI à lui verser une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour agissements discriminatoires, et celle de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions conventionnelles ;

- condamner l'association CFIA à lui payer une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'association CFIA aux dépens ;

Par ordonnance du 16 novembre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque l'appel de M. [C] et irrecevable l'intervention volontaire du syndicat CFDT ;

Par arrêt du 8 avril 2021, la cour statuant sur déféré de cette ordonnance a dans les limites de l'appel de M. [C], infirmé l'ordonnance et débouté l'association CFAI de sa demande de prononcé de la caducité de l'appel de M. [C] ;

La cour a statué dans la limite de l'appel de M. [C] et a précisé qu'elle n'était pas saisie des dispositions par lesquelles il a été statué sur l'irrecevabilité de l'intervention volontaire du syndicat ;

MOTIFS

I - Sur la discrimination

Aux termes de l'article L.1134-1 du code du travail, 'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ;

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'

Il convient au préalable de souligner que contrairement à ce qu'indique l'employeur, le salarié invoque bien un critère de discrimination fondé selon lui sur ses origines africaines (page 6 de ses conclusions), sa requête introductive devant le conseil de prud'hommes mentionnant également une discrimination en raison de l'origine ;

Il convient également de relever que l'employeur a produit aux débats la plupart des pièces sollicitées par le salarié, et que les autres sont soit sans lien avec la demande fondée sur la réparation d'une discrimination (notamment le registre d'entrée et de sortie du personnel ou les bulletins de salaire concernant des salariés n'exerçant pas les mêmes fonctions que M. [C]) ;

La demande de transmission de ces pièces sera donc rejetée ;

1) Le salarié fait valoir des erreurs manifestes et volontaires sur ses bulletins de salaire quant à la date de recrutement, soutient qu'il aurait dû être embauché en qualité de cadre compte tenu de ses diplômes et des dispositions de la convention collective, également qu'il a été embauché à un coefficient ne correspondant à ses fonctions et différent de celui appliqué à ses collègues recrutés pour des fonctions similaires ;

L'employeur fait valoir que son action est prescrite, s'agissant de faits antérieurs au 12 juillet 2012, à titre subsidiaire qu'il ne peut prétendre à la qualification de cadre lors de son embauche faute de satisfaire aux conditions prévues par la convention collective, que les erreurs faites sur ses bulletins de salaire datent de plus de 20 ans et ont été réparées, que les salariés formateurs ont été embauchés en qualité de non cadre, sauf M. [V] mais qui avait déjà le statut cadre, et indique enfin que le défenseur des droits saisi par M. [C] a conclu à une absence de discrimination ;

Concernant la date d'embauche du salarié, il convient de relever que même si aucun contrat n'est produit par l'une ou l'autre des parties (le contrat de travail conclu le 28 août 1997 n'étant pas entré en vigueur le 1er septembre 1995 contrairement à ce que soutient le salarié page 11 de ses écritures), il n'est pas discuté que le salarié a été recruté à compter du 1er septembre 1995 comme vacataire. Son dernier bulletin de salaire produit (mars 2017) mentionne d'ailleurs une ancienneté de 21 ans et 7 mois, ce qui confirme une ancienneté au 1er septembre 1995 ;

L'article L1134-5 du code du travail dispose que l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ;

Le salarié critique des erreurs quant à la date de recrutement sur son bulletin de salaire de janvier 1999 et ce jusqu'au 31 août 2001, puis de septembre jusqu'au 31 décembre 2001 ;

Il a donc eu connaissance de ces erreurs qu'il pouvait constater sur ses bulletins de salaire au moins jusqu'au 31 décembre 2001, ces erreurs ayant ensuite été réparées ;

A cette date, il avait un délai de 30 ans pour agir, délai réduit à cinq ans par la loi du 17 juin 2008 dont les dispositions transitoires, applicables puisque la prescription était toujours en cours, prévoient que les dispositions qui réduisent le délai de la prescription s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Le délai de 5 ans courrait à compter du 17 juin 2008, soit jusqu'au 17 juin 2013, la saisine du conseil de prud'hommes est donc tardive et l'action prescrite ;

L'employeur soutient que l'action est prescrite en prenant comme point de départ la date d'embauche de 1995 mais sans établir qu'à cette date le salarié avait connaissance de la mauvaise application de la convention collective et des différences de statuts et de rémunération avec les autres salariés exerçant les mêmes fonctions ;

Dans ses écritures le salarié indique qu'il apprendra des années plus tard après son embauche que « la direction a tendance à traiter sa situation contractuelle et financière de façon totalement différente des autres, notamment en ce qui concerne l'application de la CCN et des accords de la métallurgie ». Par ailleurs, ce n'est que par une lettre du 18 janvier 2014 qu'il fait état d'une discrimination au soutien de ses demandes de revalorisation salariale, et du 10 mars 2016 qu'il évoque forme pour la première fois une mauvaise application de la convention collective à son encontre et une discrimination en ce sens ;

L'action introduite le 12 juillet 2017n'est donc pas prescrite ;

Sur le fond, le salarié présente les faits suivants :

- absence de prise en compte de ses diplômes pour l'engager au statut cadre lors de son embauche ;

Le statut cadre a été appliqué à M. [C] dans l'avenant à effet du 1er juillet 2002, son classement étant niveau 15 coefficient 92 de la convention collective national des ingénieurs et cadres. Ses fonctions sont restées les mêmes et sont devenues des fonctions de formateur coordonnateur à la suite de l'avenant du 20 septembre 2004 à effet du 1er septembre 2003 ;

La convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie dispose en son article 1er, 3 (personnel visé)

Le personnel visé par la présente convention est ainsi défini :

a) Années de début (position I). - Les dispositions relatives aux années de début

s'appliquent au personnel de l'un ou l'autre sexe suivant :

- ingénieurs diplômés selon les termes de la loi et engagés pour remplir immédiatement ou au bout d'un certain temps une fonction d'ingénieur ;

- autres diplômés engagés pour remplir immédiatement ou au bout d'un certain temps des fonctions de cadres techniques, administratifs ou commerciaux et titulaires de l'un des diplômes nationaux suivants (...)

(...) diplômes d'études supérieures spécialisées, maîtrise et licences, délivrés par les universités des lettres, de droit, des sciences économiques, des sciences humaines et de sciences ;

(...)

b) Positions II et III. - Pour l'application des dispositions relatives à ces positions et pour les ingénieurs comme pour les cadres administratifs ou commerciaux, seul doit être retenu le critère de la fonction exercée (cf. art. 4 et 6).

Les ingénieurs et cadres administratifs ou commerciaux ne justifiant pas d'un des diplômes énumérés au paragraphe a bénéficient donc de ces dispositions d'après les fonctions effectivement remplies.

L'accord nationale du 29 janvier 2000 portant révision provisoire des classifications dans la métallurgie a créé une grille de classification intermédiaire avec six coefficients de classement : 60 68 76 80 86 92, permettant aux salariés justifiant d'une certaine autonomie et justifiant d'une rémunération forfaitaire d'être reclassés cadres avec un coefficient particulier ;

Le salarié considère qu'il devait de par ses diplômes formations et expériences professionnelles être directement intégré en septembre 1995 à la catégorie cadre position I lui donnant ensuite droit d'être affecté à la position II et transposé par la suite par l'accord du 29 janvier 2000 ;

Toutefois, il résulte de l'article 1, 3° de la convention collective précité que la seule détention de diplômes ne confère pas nécessairement la qualité de cadre, le critère étant celui de la fonction exercée. Le salarié qui produit un diplôme d'ingénieur des sciences appliqués (spécialité électromécanique), un certificat d'aptitude à l'administration des entreprises et un diplôme d'études approfondies en gestion publique, n'invoque et à fortiori ne justifie que ses fonctions de professeur d'enseignement général auxquelles il a été engagé en 1997 correspondaient à des fonctions de cadre. En outre, le fait qu'il réalise des tâches variées est inopérant, faute d'autres éléments, pour caractériser un statut cadre ;

- sur l'application de l'article 22 de la convention collective relatif à réévaluation du coefficient ;

L'article 22 de la convention collective du 13 mars 1972, qui instaurent des systèmes de progression automatique de coefficient pour les cadres des positions I et II. Selon l'article 3 de l'accord national du 29 janvier 2000 portant révision provisoire des classifications dans la métallurgie pour les ingénieurs et cadres confirmés, aux articles 1er, 21 et 22 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972 modifiée, il est ajouté, parallèlement à la position I et sans condition d'âge ou d'ancienneté, les six coefficients de classement suivants : 60, 68, 76, 80, 86 et 92 ; selon l'article 4 de cet accord, il est institué, à partir de l'an 2000 et à titre transitoire, une grille de transposition permettant, pour les salariés qui remplissent les conditions définies à l'article 2, de bénéficier de la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche de la métallurgie, et de déterminer le coefficient de classement résultant de cette convention collective, correspondant au coefficient de même niveau résultant de l'accord national du 21 juillet 1975 modifié

sur la classification. Il en résulte qu'un salarié bénéficiant de la qualité de cadre en vertu des dispositions prévues par cet accord ne peut bénéficier du mécanisme de progression automatique triennal prévu pour les ingénieurs et cadres confirmés ;

En l'occurrence, l'avenant signé le 30 août 2002 précise qu'il est conclu suite à l'affiliation au régime des cadres de M. [C], classé niveau coefficient 92 et n'a pas modifié ses fonctions de formateur principal . Il est ainsi devenu cadre transposé en application de l'accord du 29 janvier 2000 et ne peut donc bénéficier du mécanisme de progression automatique prévu pour les ingénieurs et cadres confirmés ;

Il en résulte ainsi que M. [C] ne pouvait prétendre ni à l'application d'un statut cadre compte tenu de ses seuls diplômes, ni à la réévaluation du coefficient en application de l'article 22 de la convention collective.

Ce fait n'est donc pas établi ;

- un salaire moindre que celui de M. [Y] formateur ;

M. [Y] a été engagé par l'association à effet du 1er janvier 1989 comme professeur au coefficient 305 de la convention collective de la métallurgie.

Le bulletin de salaire de 2008 de M. [Y] démontre qu'il était formateur coordonnateur niveau 17 coefficient 108 cadre, salaire 3490 € brut et 40 € prime ;

Pour une ancienneté équivalente (19 ans d'ancienneté), le bulletin de salaire du du mois d'août 2014 du salarié démontre qu'il a le statut cadre niveau 17 coefficient 108 et un salaire brut de 3328 € et 65 € prime ;

Ainsi à ancienneté égale, pour les mêmes fonctions, M. [Y] avait une rémunération supérieure de 162 € ;

Ce fait est donc établi ;

- un classement et un coefficient inférieurs à ceux de M. [H]

M. [H] a été engagé en qualité de professeur d'enseignement technique le 5 janvier 1998 au coefficient 285 (11400 francs brut), à compter du 1er août 2001, il est devenu responsable de filière, niveau 16 coefficient 100 avec une rémunération de 2408.69 € (forfait 215 jours). En janvier 2018 il est au niveau 18 coefficient 114 ;

De 1998 au 1er août 2001, ses fonctions sont les mêmes que M. [C], ils sont engagés au même coefficient 285 et mais M. [C] a un salaire supérieur (12 600 francs). Ensuite les deux salariés n'exercent plus les mêmes fonctions et leurs situations ne sont donc plus comparables. Au demeurant et en tout état de cause, en 2017, M. [C] a un salaire de 3374€ et 70 € de prime alors que [H] a un salaire de 3378€ + 70€ de prime ;

Ce fait n'est donc pas établi ;

- une différence avec M. [V] qui a été placé directement cadre M. [V] a été engagé par l'ARFOP (association de formation professionnelle) le 23 septembre 1992 comme animateur de formation au coefficient 270, puis 285, puis 305 à compter du 1er septembre 1993 (12 500 francs), il deviendra responsable de filière le 3 juin 2002 statut cadre niveau 16 coefficient 100. Il a ensuite été engagé par l'association CFAI le 2 janvier 2004 au même statut comme formateur coordonnateur avec reprise de son ancienneté ;

Ainsi, il est établi que M. [V] était déjà cadre lorsqu'il a été embauché par l'association CFAI pour exercer les mêmes fonctions, il n'est donc pas dans la même situation que M. [C] et ce dernier ne peut donc se comparer avec lui ;

Ce fait n'est donc pas établi ;

-un recrutement à des conditions moins avantageuses que M. [R], [W] et [M] ;

Le salarié fait état de sa pièce n°27 intitulé « hypothèses de personnel de 2012 à 2015 » qu'il ne commente pas et n'indique pas en quoi elle démontrerait que Mrs [R], [W] et [M] auraient été recrutés à des « niveaux et des rémunérations plus importants », alors qu'il résulte de ce document que M. [W] et M. [R] exercent des fonctions différentes, le premier est directeur technique et le second responsable des relations extérieurs, et que M. [M], formateur coordonnateur a un statut agent de maîtrise et perçoit une rémunération très largement inférieure celle de M. [C] (en 2015 le premier a une rémunération annuelle de 46 549 € et le second de 65605 €) ;

En outre, l'employeur justifie par ses pièces non utilement contredites que M. [R] a été engagé le 1er janvier 1989 en qualité d'agent administratif, est devenu formateur en 1993, et le 1er août 2001, son coefficient est niveau 13 coefficient 305, son salaire de 1990.53 €. Ainsi, non seulement le statut et le coefficient sont les mêmes mais M. [C] a une rémunération plus élevée ;

Ce fait n'est donc pas établi ;

-M. [C] se plaint également d'avoir des tâches et missions plus variées que ses collègues, et que cette variété justifie un niveau et une rémunération supérieur. Il fait valoir que son contrat de travail contient les attributions suivantes : assurer les cours d'enseignement relevant des mathématiques, des sciences ou de gestion, assurer toutes les actions nécessaires au bon fonctionnement de la formation en alternance, de participer aux réunions et jurys d'examen et de participer à la vie du CFAI ;

Or, il résulte des contrats de travail de formateurs ou professeur d'enseignement conclus en 1998 (donc contemporains du contrat de M. [C] de 1997) que les attributions décrites sont parfaitement similaires, la première variant en fonction des spécialités enseignées ;

Par ailleurs, à compter de 2001, une fiche de poste de formateur identique a été annexée à l'ensemble des contrats de travail, y compris l'avenant de M. [C] en 2001, ce dernier ayant à compter de 2004 une fiche de poste de formateur coordonnateur également identique aux autres salariés exerçant cette fonction (par exemple M. [M]) ;

Ce fait n'est donc pas établi ;

2) M. [C] fait valoir qu'il a bénéficié de l'augmentation de 1% mais n'a pas bénéficié des augmentations individuelles de salaire prévues par un accord du 5 décembre 2017, sans que l'employeur ne communique les critères retenus et la liste des salariés ayant été augmentés ;

L'employeur indique que le salarié ne présente aucune fait susceptible de faire présumer d'une discrimination ou d'une inégalité de traitement, le salarié souhaitant obtenir les critères et la liste des salariés bénéficiaires de cette augmentation ;

Il considère par ailleurs qu'il est libre de décider des augmentations de salaires, sauf inégalité de traitement ;

Il résulte du procès-verbal d'accord signé le 5 décembre 2017 entre l'employeur et les représentants du personnel une augmentation générale de 1% à compter du 1er janvier 2018 et l'allocation d'un budget de 0.70% de la masse salariale destiné à des augmentations individuelles sur la base de critères prédéfinis ;

L'employeur qui ne soutient pas ne pas avoir procédé à ces augmentations individuelles a, répondant au courrier de M. [C] se plaignant de l'absence d'augmentation individuelle et sollicitant les critères appliqués, indiqué que l'augmentation individuelle permet « essentiellement le réajustement de certains salaires » ;

Cette réponse est toutefois imprécise sur les critères appliqués et les motifs ayant conduit l'employeur à ne pas faire bénéficier M. [C] de ces augmentations individuelles décidées par l'accord d'entreprise, et ce peu important que ce dernier ne se compare pas sur ce point avec d'autres salariés sur le fondement de la discrimination et/ l'inégalité de traitement, l'absence de réponse de l'employeur ne lui permettant justement pas de procéder à une telle comparaison ;

Ce fait est ainsi établi ;

3) demandes de candidature aux postes de directeur de l'association

Le salarié fait état de sa candidature du 29 août 2004 et de celle du 30 mars 2017 et se plaint de n'avoir obtenu aucune réponse ;

L'employeur considère que les faits relatifs à la première candidature sont prescrits, et fait valoir sur la seconde que l'annonce portait sur un poste de directeur Pôle formation pour lequel M. [C] n'avait pas les compétences requises ;

M. [C] a adressé le 29 août 2004 une lettre au président de l'association l'informant de sa « candidature spontanée » au poste de directeur de l'association ;

Sans être contredit, le salarié indique n'avoir reçu aucune réponse à cette lettre ; Ce fait est toutefois prescrit, le salarié ne pouvant ignorer que sa candidature n'avait pas été retenue et n'établit au demeurant pas que le poste était libre lorsqu'il a candidaté ;

M. [C] a adressé le 30 mars 2017, une lettre au président de l'association avec son CV l'informant de sa candidature au poste de directeur de l'association, et fait état de l'absence de réponse, de l'engagement d'une directrice qui a démissionné en septembre 2017, de la mise en place d'une direction par intérim confiée à trois salariés, et considère que l'employeur aurait dû privilégier les candidatures internes ;

Toutefois il résulte des pièces produites, notamment l'annonce publiée sur le site APEC le 31 janvier 2017 que le poste recherché était un poste de directeur de pôle formation sur trois territoires comptant plus de 90 employés et non directeur de l'association, nécessitant une expérience dans un poste de management d'au moins 10 années, ce que M. [C] au vu du CV qu'il produit aux débats ne dispose pas. Mme [G], salariée recrutée à ce poste par l'association le 25 juin 2017 était une candidate externe dont le CV démontre qu'elle avait les compétences mentionnées sur l'annonce.

Par ailleurs, M. [C] n'a pas candidaté à cette annonce à laquelle il pouvait avoir accès, d'autant qu'il résulte du témoignage de M. [I], délégué général UIMM Normandie Sud qui a reçu M. [C] en entretien le 21 avril 2017 l'a informé de l'annonce de l'APEC et de la nature du poste. Enfin il n'a pas davantage candidaté lorsque l'annonce a été actualisée le 4 octobre 2017 à la suite de la rupture de la période d'essai de Mme [G] ;

Ce fait n'est donc pas établi ;

De ce qu'il vient d'être exposé, la différence de rémunération entre M. [C] et M. [Y], et l'absence d'augmentation individuelle sont de nature à faire présumer une discrimination ;

L'employeur n'établit pas que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. En effet, concernant la différence de rémunération, il invoque une situation de reprise particulière de M. [Y] en qualité d'ancien formateur à la SMN sans cependant produire d'éléments ou pièces en lien avec le statut de M. [Y] lors de son précédent emploi et les avantages acquis devant être pris en compte ;

Concernant l'absence d'augmentation, l'employeur en refusant de communiquer les critères appliqués alors qu'il ne conteste pas avoir procédé à des augmentation individuelles, n'apporte aucun élément objectif susceptible de justifier l'absence d'augmentation individuelle de M. [C] en application de l'accord du 5 décembre 2017 ;

Le préjudice moral subi par M. [C] sera évalué à une somme de 5000 € de dommages et intérêts ;

Le refus de communiquer les critères ayant été considéré comme un fait discriminatoire et indemnisé à ce titre, et aucun préjudice disctinct n'étant établi au soutien de la demande de dommages et intérêts de 3000 € pour défaut de communication des critères, cette demande sera rejetée. Il en est de même et pour les mêmes motifs de la demande de communication des critères et de la liste des salariés ayant bénéficié des augmentations individuelles ;

II - Sur le rappel de salaire

Le salarié sollicite à titre subsidiaire et en se fondant sur une mauvaise classification par l'employeur, l'application du statut cadre depuis son embauche et en conséquence l'application du statut cadre en application de l'article 1er et l'application de la revalorisation des coefficients prévue par l'article 22 de la convention collective.

Toutefois, il a été jugé ci-avant que M. [C] ne pouvait prétendre à l'application du statut cadre dès son embauche, et qu'en qualité de cadre dit transposé il ne pouvait prétendre au mécanisme de revalorisation prévu à l'article 22 qui ne s'appliquent qu'aux cadres dits confirmés ;

Il convient de le débouter de sa demande subsidiaire en paiement d'un rappel de salaire ;

III- Sur les autres demandes

1) Sur l'absence d'entretien individuel prévu par l'article L3121-46 du code du travail

Le salarié fait valoir qu'il n'a pas bénéficié de l'entretien annuel prévu pour les salariés en forfait jours ;

L'article L 3121-65 du code du travail (et non l'article L3121-46) prévoit à défaut de stipulations conventionnelles prévues à l'article L3121-64, l'organisation une fois par an d'un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail qui doit être raisonnable, l'organisation de son travail, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle ainsi que sa rémunération ;

Pas davantage qu'en premier instance, l'employeur ne justifie avoir procédé à l'entretien. Il ne développe aucun moyen en appel pour s'opposer à cette demande dont il ne demande d'ailleurs pas l'infirmation au dispositif de ses écritures ;

Le jugement sera confirmé sur ce point ;

2) Sur la demande de dommages et intérêts de 15000 € pour abus de droit, agissements vexatoires et méprisants

Le salarié fonde l'abus de droit invoqué par le silence (absence de réponses de l'employeur) et la discrimination ;

En l'occurrence, le préjudice fondé sur la discrimination a été réparé ci-avant dans la limite des faits établis ;

Par ailleurs, si l'employeur ne justifie pas avoir répondu à l'ensemble des courriers adressés par le salarié, soit un courrier du 21 février 2006 relatif à une demande de reconnaissance professionnelle (dans lequel il indique avoir obtenu de la direction précédente une amorce de solution), un courrier du 7 février 2007 relatif à une demande similaire, un courrier du 14 septembre 2012 dans lequel il sollicite une augmentation de sa rémunération, réitérée le 18 janvier 2014, puisque seule une réponse sera apportée le 28 août 2015 suite à un nouveau courrier du 1er juin 2015, le salarié ne caractérise toutefois pas en quoi cette absence de réponse serait constitutive d'un abus de droit, et surtout le préjudice qui en est résulté et qui serait distinct de celui indemnisé pour la discrimination ;

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;

La remise des documents demandés, sans objet en l'absence d'une condamnation à un rappel de salaire, sera rejetée ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées ;

En cause d'appel, l'association CFIA qui perd le procès sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. En équité, elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 1300 € à M. [C] ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Déboute M. [C] de sa demande de pièces listées au dispositif de ses écritures ;

Confirme le jugement rendu le 13 juin 2019 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf en ce qu'il a rejeté la discrimination fondée sur l'application de la convention collective des ingénieurs et cadres de la Métallurgie et sur les différences de rémunération;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;

Dit non prescrite l'action en réparation de la discrimination fondée sur l'application de la convention collective des ingénieurs et cadres de la Métallurgie et sur les différences de rémunération ;

Dit fondée la discrimination sur la différence de rémunération ;

Condamne en conséquence l'association CFAI à payer à M. [C] la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts ;

Déboute M. [C] de ses autres demandes ;

Condamne l'association CFIA à payer à M. [C] la somme de 1300 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande aux mêmes fins ;

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne l'association CFIA aux dépens de première instance et d'appel ;

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : Chambre sociale section 1
Numéro d'arrêt : 19/01891
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;19.01891 ?
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