AFFAIRE : N° RG 20/02034 -
N° Portalis DBVC-V-B7E-GTL6
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de CAEN en date du 07 Octobre 2020
RG n° 2019004972
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. START ROCKET
N° SIRET : 818 422 305
[Adresse 3]
[Localité 1]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Thomas LECLERC, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
S.A.S. LAVOMATIQUE
N° SIRET : 653 820 704
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Jean-Jacques SALMON, avocat au barreau de CAEN
DEBATS : A l'audience publique du 29 septembre 2022, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre et Mme COURTADE, Conseillère, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
Mme VELMANS, Conseillère,
ARRÊT prononcé publiquement le 08 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
La SAS Lavomatique France, société spécialisée dans la création et l'implantation de lavomatique, s'est rapprochée de la SARL Start rocket, société informatique spécialisée dans la création et le lancement de site e.commerce, aux fins de lui confier une mission de réalisation de son nouveau site internet 'lavomatique.fr'.
Le 10 mars 2016, une proposition commerciale finale d'un montant de 8.407,80 euros TTC a été transmise par la société Start rocket à la société Lavomatique. Le même jour, la société Lavomatique a retourné cette proposition avec les mentions 'Bon pour accord' et 'Acompte de 4.200 euros par virement ce jour'.
Une facture datée du 10 mars 2016 de 8.407,80 euros TTC a été émise par la société Start rocket mentionnant un reste à payer de 4207, 80 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 juin 2017, revenue avec la mention 'pli avisé et non réclamé', de nouveau adressée par mail du 7 août 2017 en pièce jointe, la SAS Lavomatique France a notifié à la SARL Start rocket la résiliation du contrat au motif qu'elle n'avait pas terminé son travail malgré plusieurs relances, et sollicité le remboursement de l'acompte de 4200€.
Estimant avoir exécuté sa prestation, la société Start rocket, après une mise en demeure et une sommation de payer restées infructueuses, a obtenu du président du tribunal de commerce de Caen une ordonnance du 16 avril 2019 enjoignant la société Lavomatique de lui payer la somme principale de 4.207,80 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2019, des frais de requête pour 51,48€ outre les dépens.
Par lettre recommandée du 20 mai 2019, la SAS Lavomatique a fait opposition à ladite ordonnance.
Par jugement rendu le 7 octobre 2020, le tribunal de commerce de Caen a :
- débouté la société Start rocket de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- prononcé la résolution du contrat liant la société Start rocket et la société Lavomatique ; - condamné la société Start rocket à rembourser à la société Lavomatique la somme de 4.200 euros au titre de l'acompte versé ;
- condamné la société Start rocket à rembourser à la société Lavomatique la somme de 2.270 euros ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la société Start rocket aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s'élevant à la somme de 96,89 euros, dont TVA 16,15 euros.
Par déclaration en date du 22 octobre 2020, la société Start rocket a relevé appel de ce jugement.
Par dernières conclusions déposées le 14 mai 2021, la SARL Start Rocket demande à la cour de :
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Débouter la société Lavomatique France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner la société Lavomatique France à lui régler la somme de 4.207,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019,
- Condamner la société Lavomatique France à lui régler la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive au paiement,
- Condamner la société Lavomatique à lui régler le coût de la sommation de payer du 25 mars 2019,
- Condamner la société Lavomatique France à lui régler la somme de 1.050 euros TTC, au titre de l'intervention de la société Zaacom,
- Condamner la société Lavomatique France à lui régler la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure en première instance et 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
- Condamner la société Lavomatique France aux entiers dépens.
Par dernières conclusions déposées le 18 février 2021, la société Lavomatique demande à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer le jugement dont appel,
Y additant,
- Condamner la société Start rocket à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Start rocket aux entiers dépens,
A titre subsidiaire,
- Débouter la société Start rocket de l'ensemble de ses demandes.
- Réduire dans les plus amples proportions la demande de dommages et intérêts.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 décembre 2021.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de relever que le tribunal a statué ultra petita en prononçant la résiliation du contrat qui n'était réclamée par aucune des parties.
Il convient donc d'infirmer cette disposition et de constater qu'aucune demande n'a été présentée de ce chef.
Par ailleurs, aux termes des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code civil, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
La demande en nullité du contrat développée par la SAS Lavomatique France dans le corps de ses conclusions ne figurant pas dans leur dispositif, ne sera donc pas examinée.
L'article 1134 ancien du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1315 ancien du même code énonce que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Par ailleurs, selon l'article L 110-3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
Pour s'opposer à la demande en paiement du solde de la facture réclamée par la SARL Start rocket, la SAS Lavomatique France fait valoir que le site internet préparé n'est pas conforme aux règles de l'art et en tout cas non-opérationnel, étant affecté de difficultés techniques relevant de la responsabilité de l'appelante; que celle-ci était investie d'une mission complète de développement et de référencement naturel du site; qu'elle a manqué à ses obligations et en tout état de cause à son obligation de conseil en ne l'avisant pas de ce qu'il convenait de faire appel à d'autres prestataires.
La SARL Start rocket réplique que l'intimée a validé la conception du site web en juin 2016; qu'elle effectué toutes les prestations prévues sauf la mise en ligne, ce défaut étant imputable à la SAS Lavomatique France qui n'a plus donné signe de vie pendant un an jusqu'à ce qu'elle annonce la résiliation du contrat; que les dysfonctionnements invoqués relèvent du référencement naturel lequel n'entrait pas dans ses attributions.
En vertu des dispositions susvisées, il incombe à SARL Start rocket, qui réclame le règlement du prix de ses prestations, de prouver qu'elles ont bien été commandées et réalisées.
Il convient d'ajouter que la SAS Lavomatique France étant une société commerciale, la SARL Start rocket peut librement prouver le bien fondé de sa créance.
Aux termes du contrat signé le 10 mars 2016, la SAS Lavomatique France a confié à la SARL Start rocket la création d'un site internet professionnel comportant les missions suivantes :
- webdesign (création d'un thème aux couleurs de la marque 'lavomatique')
- intégration du thème et du contenu textuel
- développement spécifique (différents onglets du menu principal, installation et configuration de Wordpress pour gérer le contenu des pages, intégration et configuration de WooCommerce pour gérer les produits, installation et paramétrage de Google Analytics)
- formation d'une personne à l'administration du site.
Il résulte des échanges de mails entre les parties (pièce n° 6 de l'appelante) que la SARL Start rocket a travaillé sur la conception du web design en concertation avec sa cliente; que la dernière maquette du site internet proposée a reçu l'approbation de l'intimée qui a indiqué le 16 juin 2016 'mis à part quelques détails, l'ensemble me convient' et le 23 juin suivant 'cela nous convient dans l'ensemble. Nous attendons votre retour pour la suite.'
Le 4 juillet 2016 à 13h36, la SARL Start rocket a adressé à la SAS Lavomatique France un mail mentionnant que l'étape était terminée pour la mission 'création du site web design', sans que cela ne suscite la moindre remarque ou réserve de la part de cette dernière (pièce n°7 de l'appelante).
Ces éléments prouvent que cette diligence a bien été réalisée et validée par l'intimée.
La SARL Start rocket a ensuite procédé à l'intégration et au développement du web design en tenant sa cliente informée à chaque fois qu'une étape était terminée (cf mails du 4 au 8 juillet 2016 - pièces n° 7 et 8 de l'appelante).
Il résulte enfin de la pièce n° 9 de la SARL Start rocket (screenshot de la version du site) qu'elle a livré le site ainsi créé sur le serveur de la SAS Lavomatique France à l'adresse 'lavomatique.fr/dev'.
La SARL Start rocket assure avoir également dispensé la formation prévue au contrat. La SAS Lavomatique France est taisante sur ce point. Il y a donc lieu de considérer que ce poste a été exécuté.
Par la suite, la SAS Lavomatique France a cessé tout contact et est devenue injoignable ainsi qu'il ressort du mail que lui a adressé la société informatique le 28 septembre 2016 dans lequel elle la relançait pour la mise en ligne du site (cf sa pièce n°10).
Ce n'est qu'en juin 2017, soit neuf mois plus tard, que la SAS Lavomatique France s'est manifestée pour résilier le contrat au motif que la SARL Start rocket n'aurait pas fini son travail et que le site serait inexploitable, sans justifier lui avoir, au préalable, adressé la moindre critique sur ses prestations ni l'avoir mise en demeure de terminer sa mission.
Au vu de ces observations, la cour considère que la preuve de l'exécution par la SARL Start rocket des prestations convenues est sufisamment rapportée, à l'exclusion de la mise en ligne, la non-réalisation de ce dernier poste étant toutefois imputable à la SAS Lavomatique France.
S'agissant du moyen tiré de la mauvaise qualité des travaux, il incombe à l'intimée de démontrer l'existence des dysfonctionnements dont elle se prévaut.
À l'appui de son allégation, elle produit une facture d'intervention de la société Black Magik du 7 novembre 2017 d'un montant total de 2270€ portant sur la reprise du site internet et sa mise en ligne (pièce n° 8), une attestation de la gérante de ladite société indiquant avoir constaté divers problèmes liés à la création du thème, à la quasi absence de travail de mise en forme du texte ou encore aux mises à jour qu'elle impute au développement initial (pièce n°9), ainsi qu'un audit du site effectué le 5 janvier 2020 relevant notamment plus de 1000 problèmes avec les fichiers Javascript et CSS et les pages HTTPS (pièce n°13).
Le recours à un autre prestataire un an après la conception du site litigieux qui n'avait donné lieu à aucune réserve, et le témoignage de ce dernier, dont l'impartialité n'est dans ce contexte pas garantie, ne sont pas probants, étant rappelé que la SAS Lavomatique France a par son attitude empêché l'appelante de mener sa mission jusqu'à son terme.
Quant à l'audit, réalisé sur un projet conçu plusieurs années auparavant et ayant ensuite subi des modifications, il ne permet pas d'imputer au concepteur initial les erreurs relevées.
En tout état de cause, il ressort de l'étude de la société Zaacom commissionnée par l'appelante, non démentie par des éléments contraires, que l'audit en cause a été effectué avec 'Semrush' qui est un outil d'analyse du référencement naturel d'un site, pour une optimisation de la visibilité sur les moteurs de recherche, mais non un outil d'analyse du développement web du site; que le contenu d'un site web est géré par l'administrateur du site et non par le développeur et que pour améliorer son contenu, la société Lavomatique peut se rapprocher d'un rédacteur web ; que le certificat SSL (qui permet de basculer un site en HTTPS) est géré par l'hébergeur.
Il ne ressort pas des termes du contrat que les parties ont convenu une prestation de référencement naturel qui d'ailleurs n'a pas été facturée. En outre, rien dans l'acte ni dans le les autres pièces du dossier ne permet d'établir que la SAS Lavomatique France a été induite en erreur sur ce point et qu'elle a pu légitimement croire qu'une telle diligence, qui est distincte de l'activité de conception et de développement du site, était incluse dans la mission de la SARL Start rocket.
A cet égard, on note que le site internet de la SARL Start rocket distingue bien la création d'un site e-commerce et la stratégie de référencement.
Il s'ensuit que l'audit produit par l'intimée n'est pas pertinent.
La preuve d'une mauvaise conception du site web et de dysfonctionnements l'affectant en lien avec la mission contractuelle de la SARL Start rocket et relevant de sa responsabilité n'est donc pas caractérisée.
De même, au vu des observations précédentes, notamment de la rupture brutale des relations par la cliente ayant empêché l'appelante de procéder aux modifications et ajustements nécessaires, aucun manquement de l'appelante à son obligation de conseil n'est susceptible d'être retenu.
La SARL Start rocket est donc bien fondée à réclamer le règlement du solde de sa facture.
La SAS Lavomatique France est condamnée à lui payer à ce titre la somme de 4207,80€ avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019, date de la sommation de payer, et est déboutée de ses demandes de remboursement de l'acompte de 4200€ et de la facture Black Magik de 2270€.
La SARL Start rocket, qui ne justifie pas que la résistance de l'intimée procède d'un abus de droit ou de l'intention de nuire, est déboutée de sa demande indemnitaire.
La SAS Lavomatique France succombant, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel, à payer à la SARL Start rocket la somme de 5500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile comprenant le coût de la sommation de payer (156,09€) et de l'étude Zaacom (1050€ TTC), et est déboutée de sa demande formée à ce titre.
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont infirmées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONSTATE qu'aucune demande de résiliation du contrat liant les parties n'a été présentée tant devant le tribunal que devant la cour ;
CONDAMNE la SAS Lavomatique France à payer à la SARL Start rocket la somme de 4207,80€ avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2019, au titre du solde de la facture du 10 mars 2016 ;
DEBOUTE la SAS Lavomatique France de ses demandes en paiement ;
DEBOUTE la SARL Start rocket de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
CONDAMNE la SAS Lavomatique France à payer à la SARL Start rocket la somme de 5500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile comprenant le coût de la sommation de payer et de l'étude Zaacom ;
DEBOUTE la SAS Lavomatique France de sa demande formée à ce titre.
CONDAMNE la SAS Lavomatique France aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY