AFFAIRE :N° RG 21/00066 -
N° Portalis DBVC-V-B7F-GVEV
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION en date du 14 Décembre 2020 du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,
JCP de CAEN - RG n° 15/02722
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022
APPELANTE :
S.C.I. LES ROSES
N° SIRET : 453 824 583
[Adresse 6]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me David DREUX, avocat au barreau de CAEN
INTIMES :
Monsieur [O] [J]
né le 13 Mars 1944 à [Localité 10]
[Adresse 9]
[Localité 4]
Madame [Z] [C] épouse [J]
née le 31 Août 1948 à [Localité 10]
[Adresse 9]
[Localité 4]
représentés et assistés de Me Pierre BAUGAS, avocat au barreau de CAEN
S.A.R.L. ADDICT [Localité 10]
N° SIRET : 534 310 479
[Adresse 7]
[Localité 10]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Véronique LEVET, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
Mme VELMANS, Conseillère,
DÉBATS : A l'audience publique du 29 septembre 2022
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
ARRÊT prononcé publiquement le 08 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
M. [O] [J] et Mme [Z] [C] épouse [J] étaient les propriétaires de deux ensembles immobiliers situés à [Localité 10], le premier sis [Adresse 8] et [Adresse 1], le second sis [Adresse 7].
Par acte notarié en date du 1er juillet 2010, reçu par Maître [P] [S], notaire à [Localité 10], les époux [J] ont vendu à la SCI Les roses les biens sis [Adresse 8] et [Adresse 1].
Les époux [J] sont restés propriétaires de l'immeuble situé [Adresse 7], cadastré KY n°[Cadastre 2], qu'ils louent à la société Addict [Localité 10], à qui ils ont consenti un nouveau bail commercial d'une durée de neuf ans à compter du 1er octobre 2011.
Soutenant avoir découvert courant 2014, à l'occasion des travaux d'aménagement de sa boutique située [Adresse 8], l'existence d'un local à usage de WC sous l'escalier desservant les étages de son immeuble, occupé par la société Addict [Localité 10], et estimant que cet espace faisait partie de son immeuble, la société Les roses a demandé à récupérer ce local sanitaire auprès des époux [J].
Les parties ont essayé de trouver une solution amiable, sans y parvenir.
Par exploit d'huissier en date du 26 juin 2015, la SCI Les roses a fait assigner M. [O] [J], Mme [Z] [C] épouse [J] et la société Addict [Localité 10] devant le tribunal de grande instance de Caen aux fins notamment d'obtenir la libération du local sanitaire et l'expulsion du locataire et de voir condamner les vendeurs pour manquement à leur obligation de délivrance au paiement d'une indemnité d'occupation et de dommages et intérêts.
Par jugement rendu le 20 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Caen a :
- débouté la SCI Les roses de l'intégralité de ses demandes ;
- dit sans objet toutes les demandes subsidiaires formées par M. [O] [J] et Mme [Z] [C] épouse [J] d'une part, la SARL Addict [Localité 10] d'autre part;
- débouté la SARL Addict [Localité 10] de sa demande de dommages et intérêts ;
- condamné la SCI Les roses à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 2.500 euros à M. [O] [J] et à Mme [Z] [C] épouse [J], unis d'intérêt, et 2.500 euros à la SARL Addict [Localité 10] ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- condamné la SCI Les roses aux dépens, dont distraction au profit de Maître Pierre Baugas avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 11 janvier 2020 adressée au greffe de la cour, la société SCI Les roses a relevé appel de ce jugement.
Par dernières conclusions déposées le 13 septembre 2022, la SCI Les roses demande à la cour de :
- Ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture du 15 juin 2022 et Ordonner la clôture au 29 septembre 2022 ou, subsidiairement, Rejeter pour tardiveté les conclusions signifiées par les époux [J] et la société Addict [Localité 10] le 14 juin 2022 ;
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Statuant à nouveau,
- Juger que M. [O] [J] et Mme [Z] [C] épouse [J] ont manqué à leur obligation de délivrance sur une partie du rez-de-chaussée de l'immeuble qu'ils ont vendu à la SCI Les roses par acte authentique reçu par Maître [P] [S], notaire associé à [Localité 10], en date du 1er juillet 2010 ;
- Juger que M. [O] [J] et Mme [Z] [C] épouse [J] sont sans droit ni titre sur le local sanitaire appartenant à la SCI Les roses et donner à bail à la société [Localité 10] Addict ;
En conséquence,
- Condamner solidairement M. [O] [J] et Mme [Z] [C] épouse [J] à lui régler :
* la somme de 100 euros par mois à titre d'indemnité pour l'occupation irrégulière d'une partie de son bien, pour la période du 1er juillet 2010 jusqu'à l'arrêt à intervenir ;
* la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts complémentaires,
- Déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à la société Addict [Localité 10],
- Débouter M. [O] [J], Mme [Z] [C] épouse [J] et la société Addict [Localité 10] de toutes demandes formées à son encontre,
- Condamner solidairement M. [O] [J] et Mme [Z] [C] épouse [J] à lui régler une somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner solidairement M. [O] [J] et à Mme [Z] [C] épouse [J] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Bertrand Olivier selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions déposées le 14 juin 2022, M. [O] [J] et à Mme [Z] [C] épouse [J] demandent à la cour de :
A titre principal,
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Débouter la SCI Les roses ainsi que la société Addict [Localité 10] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- Donner acte aux M. et Mme [J] de ce qu'ils mettront à disposition un WC et feront réaliser à leurs frais l'implantation d'un point d'eau dans le local donné à bail à la société Addict [Localité 10] dans l'hypothèse d'une condamnation de cette dernière à libérer le local sanitaire,
En conséquence,
- Débouter la société Addict [Localité 10] de ses demandes,
A titre infiniment subsidiaire,
- Ordonner une expertise judiciaire confiée à tel expert qu'il plaira à la cour aux fins d'évaluer la perte de valeur du fonds de commerce subie par la société Addict [Localité 10] par suite de la perte du local sanitaire et ses éventuels préjudices,
Y ajoutant,
- Condamner la SCI Les roses ou tout autre partie succombant à leur verser la somme de 7.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
Par dernières conclusions déposées le 14 juin 2022, la société Addict [Localité 10] demande à la cour de :
- Rejeter l'appel interjeté par la SCI Les roses et la débouter de toutes ses demandes,
- Recevoir la SARL Addict [Localité 10] en son appel incident,
- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SCI Les roses de ses demandes et condamné la SCI Les roses à payer à la SARL Addict [Localité 10] une somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Addict [Localité 10] de sa demande de paiement de dommages et intérêts à l'encontre de la SCI Les roses,
Statuant à nouveau,
- Condamner la SCI Les roses à payer à la SARL addict [Localité 10] une somme de 10.000 euros titre de dommages et intérêts ainsi que 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de produire civile,
Subsidiairement,
- Si la cour d'appel infirmait la décision déférée et jugeait que les époux [J] devaient restituer les WC à la SCI Les roses,
- Prononcer la résiliation du bail commercial aux torts des bailleurs,
- Condamner solidairement M. [O] [J] et Mme [Z] [C] épouse [J] à lui payer 150.000 euros titre de dommages et intérêts pour perte du fonds de commerce,
- Condamner solidairement M. [O] [J] et Mme [Z] [C] épouse [J] à lui payer 50.000 euros titre de dommages et intérêts pour déménagement et rétablissement,
- Condamner solidairement M. [O] [J] et Mme [Z] [C] épouse [J] à lui payer 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudices divers,
- Autoriser la SARL Addict [Localité 10] à rester dans les lieux et à conserver les WC avec lave-mains tout le temps que les indemnités ne lui auront pas été versées.
Plus subsidiairement,
- Ordonner une expertise confiée à tel expert qu'il plaira à la cour qui devra déterminer le montant de l'indemnité due au locataire suite à la résiliation du bail pour faute du bailleur,
- L'expert devra déterminer la valeur du fonds de commerce, la valeur du droit au bail et toutes autres indemnités liées à la perte du local commercial,
A titre infiniment subsidiaire,
-Condamner solidairement M. [O] [J] et Mme [Z] [C] épouse [J] à lui payer une somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts,
En tout état de cause,
- Condamner tous succombants à lui verser une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de produire civile,
- Condamner tous succombants aux entiers dépens.
Par arrêt avant dire droit du 29 septembre 2022, la cour a fait droit à la demande de la SCI Les roses de révocation de l'ordonnance de clôture du 15 juin 2022 et fixé la nouvelle clôture au 29 septembre 2022. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette prétention.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
En application des articles 1603 et 1604 du code civil, le vendeur est tenu de délivrer à l'acheteur la chose convenue.
La SCI LES ROSES soutient que local sanitaire litigieux fait partie de l'assiette de l'immeuble situé au [Adresse 8] d'une contenance de 55ca qui lui a été vendu par les époux [J].
Cependant, comme pertinemment relevé par les premiers juges :
- l'acte de vente du 1er juillet 2010 conclu entre les époux [J] et la SCI LES ROSES vise 'deux boutiques au rez de chaussée' sans faire aucune mention de la présence de WC ;
- le local sanitaire n'était pas visible lors de la vente, la SCI LES ROSES ayant reconnu avoir découvert son existence seulement en 2014 à l'occasion de travaux d'aménagement ;
- cet espace WC est expressément désigné dans les baux commerciaux consentis depuis 2001 par les époux [J] sur le local situé [Adresse 7], restant leur appartenir ;
- les échanges intervenus entre les parties dans le cadre de la recherche d'un accord amiable ne caractérisent pas un aveu de la part des intimés du bien-fondé de la revendication de l'appelante.
Le tribunal en a exactement déduit que l'espace sanitaire litigieux qui ne figure pas dans la description des caractéristiques de l'immeuble vendu, qui est exploité par le locataire du [Adresse 7] conformément à son bail commercial, et qui n'était pas visible par l'appelante lors de l'achat, n'est pas entré dans les prévisions contractuelles et ne faisait donc pas partie de la cession.
Les éléments invoqués par SCI LES ROSES en cause d'appel ne sont pas de nature à infirmer cette analyse.
Les propos tenus par les époux [J] dans la phase amiable, notamment 'je vous confirme que le local sanitaire est malheureusement situé sous l'immeuble (l'escalier) du 34 qui ne nous appartient plus' traduisent uniquement leur reconnaissance de l'imbrication des WC litigieux dans l'immeuble du 34 sans pour autant que cette reconnaissance soit susceptible d'établir contre eux la preuve du droit de propriété de la SCI LES ROSES, étant rappelé que l'existence d'un droit de propriété ne peut faire l'objet d'un aveu.
La SCI LES ROSES fait encore vainement valoir qu'elle a acquis un bien d'une contenance de 55 ca, tel que mentionné dans l'acte du 1er juillet 2010 et le relevé de propriété, soit 55 m² au sol, de sorte que le local sanitaire serait nécessairement inclus dans l'assiette de l'immeuble acquis.
Elle s'appuie notamment sur le plan intérieur du rez-de chaussée réalisé par le cabinet GEOMAT, géomètre, marquant la prétendue emprise du local sanitaire sur la parcelle KY n° [Cadastre 5] achetée par la SCI LES ROSES.
Ce document, établi non contradictoirement, sans indication de mesures, sur la base du plan cadastral qui comporte nécessairement une imprécision, n'est pas probant.
De même, la contenance de 55 ca indiquée dans le titre d'acquisition, ne peut, à défaut de mesurage de la superficie au sol, qu'être approximative, étant rappelé que le local incriminé présente, selon la SCI LES ROSES, une surface de seulement 2,50 m².
Le moyen développé par l'appelante tiré de la contenance acquise est donc inopérant.
Ainsi, le jugement mérite confirmation en ce qu'il a jugé que l'espace WC, exploité par la SARL ADDICT, n'est pas entré dans le champ contractuel lors de la vente du 1er juillet 2010 et que la preuve d'un manquement des époux [J] à leur obligation de délivrance n'est pas rapportée, et débouté la SCI LES ROSES de ses demandes.
La procédure engagée, quoique mal fondée, ne procède pas d'un comportement fautif ou négligent de la part de la SCI LES ROSES, de nature à faire dégénérer en abus le droit d'agir en justice ou de contester une décision, et c'est à bon droit que la demande indemnitaire présentée par la SARL ADDICT a été rejetée.
Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont confirmées.
La SCI LES ROSES succombant, est condamnée aux dépens de l'appel, à payer aux époux [J] d'une part, et à la SARL ADDICT d'autre part, la somme complémentaire de 3000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et est déboutée de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
CONDAMNE la SCI LES ROSES à payer à M. et Mme [J] la somme complémentaire de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCI LES ROSES à payer à la SARL ADDICT la somme complémentaire de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SCI LES ROSES de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SCI LES ROSES aux dépens de l'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués en la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY