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08/12/2022 | FRANCE | N°21/00185

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 08 décembre 2022, 21/00185


AFFAIRE : N° RG 21/00185 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVMK

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de CAEN en date du 06 Janvier 2021

RG n° 2020004125





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022









APPELANTE :



S.A. AXA FRANCE IARD

N° SIRET : 722 057 460

[Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal
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représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Pascal ORMEN, avocat au barreau de PARIS







INTIMEE :



S.A.R.L. LG RESTAURATION

N° SIRET : 435 077 201

[Adresse 3]

[Localité 1]...

AFFAIRE : N° RG 21/00185 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-GVMK

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION du Tribunal de Commerce de CAEN en date du 06 Janvier 2021

RG n° 2020004125

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 08 DECEMBRE 2022

APPELANTE :

S.A. AXA FRANCE IARD

N° SIRET : 722 057 460

[Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Pascal ORMEN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

S.A.R.L. LG RESTAURATION

N° SIRET : 435 077 201

[Adresse 3]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Anne-Laure BOILEAU, avocat au barreau de CAEN

DEBATS : A l'audience publique du 29 septembre 2022, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre et Mme COURTADE, Conseillère, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

Mme VELMANS, Conseillère,

ARRÊT prononcé publiquement le 08 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

Suivant acte en date du 2 décembre 2016, la société LG restauration, exploitant une activité de restauration sous l'enseigne « Le sans-gêne », a conclu avec la société Axa France Iard un contrat d'assurance multirisque professionnelle, prenant effet le jour de la signature, dont l'une des clauses, intitulée « protection financière », traite de la perte d'exploitation consécutive à une fermeture administrative.

A compter du 15 mars 2020, la société LG restauration a été contrainte de cesser toute activité en application des dispositions réglementaires portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19.

Le 28 avril 2020, la société LG restauration a adressé à la société Axa France Iard une déclaration de sinistre pour actionner la garantie souscrite au titre de la perte d'exploitation.

Le 7 mai 2020, la société Axa France Iard a accusé réception de la lettre adressée par l'assurée promettant une réponse dans les plus brefs délais.

Le 8 juin 2020, à défaut de toute réponse de la part de l'assureur, la société LG restauration a mis en demeure la société Axa France Iard d'indemniser le préjudice d'exploitation qu'elle a subi pendant la période de cessation de son activité commerciale.

Par lettre du 16 juin 2020, la société Axa France Iard s'est opposée à l'activation de la clause de garantie.

Par exploit d'huissier de justice en date du 6 juillet 2020, la société LG restauration a assigné la société Axa France Iard devant le tribunal de commerce de Caen, aux fins d'obtenir l'indemnisation de sa perte d'exploitation conformément aux clauses prévues par le contrat d'assurance liant les parties.

Par jugement du 6 janvier 2021, le tribunal de commerce de Caen a :

- débouté les parties de leur demande d'expertise judiciaire ;

- déboute la société Axa France Iard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamné la société Axa France Iard à payer à la société LG restauration la somme de 154.399,32 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 17 juin 2020 ;

- ordonné la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière et ce, à compter du 6 juillet 2020 ;

- débouté la société LG restauration de toutes ses autres demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire ;

- condamné la société Axa France Iard à payer à la société LG restauration la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Axa France Iard aux entiers dépens, y compris les frais de greffe s'élevant à la somme de 65,93 euros, dont TVA 10,99 euros.

Par déclaration en date du 20 janvier 2021, la société Axa France Iard a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions en date du 10 juin 2022, la société Axa France Iard, outre des demandes de « juger » et « déclarer » ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien-fondé l'appel interjeté par la société Axa France Iard et, y faisant droit,

A titre principal,

- infirmer le jugement déféré ;

Et statuant à nouveau,

- débouter la société LG restauration de l'intégralité de ses demandes formées à l'encontre d'Axa France Iard et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du 6 janvier 2021;

A titre subsidiaire,

- débouter la société LG restauration de sa demande de condamnation formulée à l'encontre d'Axa France Iard ;

- désigner tel expert qu'il plaira au tribunal, aux frais avancés par l'intimée, avec pour mission de :

*se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;

*entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;

*examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance et se rapportant uniquement à l'activité de restauration, en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable au sinistre :

*donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, comprenant le calcul de la perte de marge brute et déterminer le montant des charges salariales et des économies réalisées ;

*donner son avis sur le montant des aides/subventions d'Etat perçues par l'assurée ;

*donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture en se fondant notamment sur les recettes encaissées dans les semaines ayant précédé le 15 mars 2020 ;

En tout état de cause,

- débouter l'assurée de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif ;

- condamner la société LG restauration à payer à Axa France Iard la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions en date du 29 juin 2022, la société LG restauration, outre des demandes de « dire et juger » et de « constater » qui ne sont pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, demande à la cour de :

-infirmer le jugement déféré sur le quantum en ce qu'il a condamné la société Axa France Iard à payer à la société LG restauration la somme de 154.399,32 euros majorée des intérêts de retard au taux légal à compter du 7/06/2020 et condamné la société Axa France Iard à payer à la société LG restauration la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement déféré pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Axa France Iard à garantir la société LG restauration au titre de ses pertes d'exploitation pour la période du 15 mars 2020 au 15 juin 2020 inclus ;

En conséquence,

- condamner la société Axa France Iard à verser à la société LG restauration la somme de 182 851,30 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 17 juin 2020, date de réception par la société Axa France Iard de la mise en demeure de régler l'indemnité perte d'exploitation ;

A titre subsidiaire,

- condamner la société Axa France Iard à verser à la société LG restauration à titre de provision une somme de 155 336,76 euros ;

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour aux fins d'évaluer les pertes d'exploitation subies par la société LG restauration, avec pour mission de :

*convoquer les parties et leurs conseils,

*se faire remettre tous documents nécessaires à l'exécution de la mission,

*déterminer les pertes d'exploitation réelles de la société LG restauration pendant la période couverte par la garantie perte d'exploitation souscrite par la société lg restauration et à tout le moins pendant la période du 15 mars 2020 au 15 juin 2020,

*de déposer son rapport au greffe du tribunal dans les trois mois de sa saisine après avoir soumis aux parties un pré rapport en leur laissant un délai suffisant pour faire connaitre leurs observations ;

- condamner la société Axa France Iard à la prise en charge des frais d'expertise en ce compris toute provision sur honoraires de l'expert ;

En tout état de cause,

- condamner la société Axa France Iard au paiement à la société LG restauration de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance ;

- fixer le point de départ des intérêts au taux légal de toutes les sommes susvisées au 17 juin 2020, date de réception par la société Axa France Iard de la mise en demeure de régler qui lui a été adressée ;

- ordonner la capitalisation des intérêts légaux ;

- débouter la société Axa France Iard de ses demandes, fins et conclusions ;

Y additant,

- condamner la société Axa France Iard au paiement à la société LG restauration de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel ;

- débouter la société Axa France Iard de ses demandes, fins et conclusions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 juin 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions.

SUR CE, LA COUR

Les conditions particulières multirisque professionnelle du contrat d'assurance prévoient une garantie complémentaire dénommée « Protection financière » qui étend la garantie aux pertes d'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré lorsque deux conditions sont réunies à savoir une décision de fermeture de l'établissement prise par une autorité administrative compétent, extérieure à l'assuré et une décision de fermeture qui est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

Il sera constaté que l'appelante ne conteste pas que les deux conditions cumulatives exigées par la clause de garantie de fermeture administrative sont remplies en l'espèce.

Toutefois, il est prévu une clause d'exclusion précisant que sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.

Sur le caractère apparent de la clause d'exclusion exigé par l'article L. 112-4 du code des assurances

L'article L112-4 du code des assurances énonce que les clauses des polices d'assurance édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

La société Axa France Iard fait valoir que la notion de caractères très apparents, non définie par le législateur, est souverainement appliquée par les juges du fond ; qu'en l'espèce, la rédaction de la clause en lettres majuscules, en grand format et détachée des paragraphes précédents, répond au formalisme exigé par l'article L. 112-4 du Code des assurances et par la jurisprudence.

La SARL LG restauration soutient que la clause d'exclusion n'est pas rédigée en caractères très apparents de sorte qu'elle doit être réputée non-écrite.

Il sera constaté que contrairement à ce que conclut la société LG Restauration, la société Axa France Irad ne soutient pas qu'il s'agit d'une demande nouvelle qui serait irrecevable.

La garantie perte d'exploitation apparaît dans le contrat rédigée en caractères minuscules.

Immédiatement à la suite de l'énoncé de l'extension de garantie, et rédigée en lettres capitales, apparaît la clause d'exclusion faisant ressortir la mention « SONT EXCLUES » puis à la ligne toujours en majuscules « LES PERTES D'EXPLOITATION ' ».

Cette présentation attire suffisamment l'attention de l'assuré et favorise sa prise de connaissance que la garantie comprend des exclusions.

Au vu de ces éléments, il doit être considéré que la clause d'exclusion est mentionnée en caractère très apparents et qu'elle est donc valable.

Sur le caractère formel de la clause d'exclusion

La société Axa France Iard soutient que la clause d'exclusion revêt bien un caractère formel comme l'exige l'article L113-1 du code des assurances dès lors qu'elle dépourvue d'ambiguïté, qu'elle n'a pas à faire l'objet d'une interprétation, ce caractère formel ne devant pas s'apprécier par rapport aux clauses définissant l'objet de la garantie ou encore des conditions de garantie.

Elle indique en outre que le risque garanti est celui d'une fermeture administrative, que la nature, la localisation et l'étendue de l'épidémie importent peu, l'extension de garantie ayant seulement vocation à couvrir la fermeture administrative individuelle de l'établissement de l'assuré quelle que soit l'épidémie, le seul critère de la clause d'exclusion résidant dans le périmètre de la fermeture administrative : individuelle ou collective.

L'appelante argue en outre de la qualité de professionnel de l'assuré qui n'a pu se méprendre sur la portée de la clause d'exclusion.

La SARL LG Restaurations conteste le caractère formel de la clause d'exclusion de garantie considérant qu'il est impossible d'appréhender l'étendue de la clause d'exclusion, sans que les causes visées ne soient définies et relevant que la société Axa France Iard n'a pas défini de manière précise la notion d'épidémie qu'elle entendait voir appliquer. Elle estime qu'elle ne pouvait, en sa qualité de restaurateur, envisager qu'une épidémie pouvait être entendue comme une maladie contagieuse pouvant se limiter dans sa propagation à un seul établissement, faute pour le contrat souscrit de présenter toute précision à ce titre et qu'elle a pu de bonne foi par conséquent ne pas être alertée sur le fait que l'assureur n'entendait garantir que les épidémies ayant une origine interne à l'établissement ou à tout le moins une origine externe mais circonscrite au seul établissement assuré, que dans le doute, le contrat d'adhésion s'interprète contre celui qui l'a proposé et conformément à la commune intention des parties.

L'intimée précise qu'en l'espèce sa volonté en souscrivant le contrat d'assurance était de couvrir le risque d'une fermeture administrative causée par une épidémie. Elle fait valoir que la compagnie d'assurance a depuis lors modifié ses contrats et réécrit les causes d'exclusion de la garantie, ce qui démontre que la clause d'exclusion était sujette à interprétation.

Aux termes de l'article L113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

La garantie « Protection financière », selon les termes du contrat, couvre la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré en cas de fermeture administrative prise à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.

Une clause d'exclusion est prévue qui exclut la garantie si un autre établissement du même département fait également au même moment l'objet d'une fermeture administrative pour la même cause.

Il apparaît que cette clause est claire et non sujette à interprétation. Elle est rédigée en termes courants, non techniques et ne présente pas d'ambiguïté quant à son sens.

Il est clairement précisé que l'exclusion de garantie s'apprécie par rapport au nombre de fermeture administrative dans le département pour la même cause. La garantie ne joue que dans le cas d'une fermeture « individuelle » de l'établissement assuré , c'est-à-dire lorsque cet établissement est le seul établissement du département concerné par une décision de fermeture administrative motivée par l'un des cinq cas couverts par la garantie.

Dès lors, peu importe l'absence de définition donnée au terme épidémie puisque ce n'est pas la nature de l'épidémie qui va déclencher l'exclusion de la garantie.

La proposition d'avenants par la société Axa France Iard supprimant la garantie la garantie perte d'exploitation suite à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ou de maladie infectieuse et réécrivant la garantie perte d'exploitation suite à une fermeture administrative ne remet pas en cause la validité de la clause d'exclusion litigieuse et ne constitue pas un aveu d'inopposabilité de la clause d'exclusion l'assureur expliquant que la crise de Covid 19 a entraîné une reconsidération des risques liés aux épidémies

Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que la clause d'exclusion n'est pas de nature à créer un doute sur la portée de l'exclusion. Il n'y a donc pas lieu à interprétation.

La clause d'exclusion présente par conséquent un caractère formel.

Sur le caractère limité de la clause d'exclusion de garantie

La société Axa France Iard fait valoir que la charge de la preuve de la non validité de la clause d'exclusion pèse sur l'assuré, que la clause d'exclusion est en l'espèce bien limitée, qu'elle ne supprime pas la garantie du risque dès lors qu'une épidémie peut être la cause de la fermeture administrative d'un unique établissement que le foyer de l'épidémie se trouve à l'intérieur ou à l'extérieur de l'établissement, le terme d'épidémie devant de surcroît être appliqué selon son sens exact qui s'entend du développement et de la propagation rapide d'une maladie contagieuse dans une population, une population correspondant à l'ensemble des personnes occupant un lieu quelconque.

Elle précise que la substance de l'obligation essentielle d'Axa France ne peut s'apprécier au seul regard de la situation épidémique du Covid 19 , que la garantie d'un risque aléatoire est l'essence même du contrat d'assurance, que le caractère improbable du risque, contesté par Axa France, n'est pas de nature à priver la clause d'exclusion de son caractère limité, que le seul critère d'application de la clause d'exclusion tient à la nature isolée de la fermeture administrative, la prétendue perception usuelle de la notion d'épidémie étant sans effet.

Selon la société Axa France Iard, la commune intention des parties était de couvrir les conséquences de la fermeture administrative isolée de l'établissement assuré, et non de couvrir les conséquences d'une fermeture généralisée, risque totalement imprévisible à l'époque de la souscription du contrat, une mesure de fermeture administrative généralisée constituant un préjudice anormal et spécial dont les conséquences ne peuvent incomber à l'assureur.

Elle soutient en outre que la couverture des pertes d'exploitation consécutives à la fermeture de l'établissement en cas d'épidémie apporte une protection supplémentaire à l'assuré par rapport à la maladie contagieuse ou l'intoxication, qu'il y a bien un intérêt à la souscription de cette garantie dans la mesure ou l'assurance correspond à la couverture de risques inhérents à l'activité de l'assuré ( fermeture administrative au motif d'épidémie de légionellose, de gastro-entérite, de listériose') dans une fréquence et une proportion beaucoup plus larges que ceux d'une crise sanitaire nationale ayant pour effet la fermeture de plusieurs établissements, et qu'il n'existe pas de déséquilibre au détriment de l'assuré dès lors que la fréquence de réalisation du risque assuré est plus « probable » que celle du risque exclu.

La SARL LG Restauration fait valoir que la clause d'exclusion n'est pas limitée et qu'elle vide la garantie de sa substance et doit donc être réputée non écrite, la notion d'épidémie étant antinomique de la notion de fermeture individuelle d'un établissement, que du fait de cette clause d'exclusion, si la fermeture administrative pour cause d'épidémie est contractuellement prévue au titre de la garantie, les conséquences de cette épidémie en sont exclues, que les exemples de fermetures individuelles donnés par Axa France ne concernent pas des épidémies.

Pour déterminer si en cas d'épidémie, il est possible qu'un seul établissement d'un département fasse l'objet d'une fermeture administrative, il y a lieu de considérer que le terme épidémie couvre plusieurs situations et ne doit pas être envisagé uniquement par rapport à l'épidémie de Covid19.

Comme le souligne l'appelante, une épidémie n'est pas nécessairement à l'échelle d'un pays, d'un département ou même d'une localité et peut être la cause de la fermeture d'un seul établissement (épidémie de gastro-entérite, de légionellose, de salmonellose').

Par ailleurs, même en considérant l'épidémie au sens plus large et au sens de la Covid 19, il est envisageable qu'en début d'épidémie pour limiter la contagion, l'autorité administrative décide de la fermeture d'un établissement en cas de cluster.

Comme le souligne justement l'assureur, la commune intention des parties n'était pas lors de la souscription du contrat de couvrir le risque d'une fermeture généralisée des établissements à l'ensemble du territoire mais de couvrir les aléas inhérents à l'exploitation du restaurant exposé à des risques sanitaires, l'assuré s'assurant pour un dommage qui lui est propre et personnel, les pertes alléguées résultant de mesures gouvernementales généralisées se traduisant par une fermeture collective constituant un préjudice anormal et spécial qui ne relève pas d'une garantie individuelle de droit privé. La clause d'exclusion, clairement exprimée et connue de l'assuré, est d'ailleurs la conséquence de cette analyse.

Il résulte de ces éléments, que la clause d'exclusion ne vide pas de sa substance la garantie et que celle-ci respecte les exigences de l'article L113-1 du code des assurances.

Les mesures prévues dans l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid 19 et les décrets des 23 mars et 11 mai 2020, ont prévu l'interdiction sur l'ensemble du « territoire de la République » pour les restaurants d'accueillir du public du 15 mars 2020 jusqu'au 1er juin 2020 inclus.

Ces mesures administratives ont entraîné la fermeture de plus d'un établissement dans le département du calvados sur la période considérée en raison de l'épidémie de Covid 19.

En conséquence, la clause d'exclusion prévue au contrat d'assurance s'applique et les sinistres déclarés par la SARL LG Restauration au titre de la perte d'exploitation consécutive à la fermeture administrative du restaurant dans le cadre des mesures ci-dessus rappelées sont donc exclus de la garantie « Perte financière suite à fermeture administrative ».

Le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.

La société LG Restauration sera déboutée de sa demande principale en paiement.

Partie succombante, la SARL LG Restauration supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et conservera à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

L'équité commande de débouter la société Axa France Iard de sa demande d'indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

DEBOUTE la SARL LG Restauration de l'ensemble de ses demandes ;

DEBOUTE la SA Axa France Iard de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL LG Restauration aux dépens de première instance et d'appel ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00185
Date de la décision : 08/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-08;21.00185 ?
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