AFFAIRE : N° RG 20/01208 -
N° Portalis DBVC-V-B7E-GRSI
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN du 15 Juin 2020
RG n° 17/02075
COUR D'APPEL DE CAEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023
APPELANTS :
Monsieur [K] [L]
né le 13 Octobre 1945 à [Localité 9] (93)
[Adresse 2]
[Localité 4]
La S.A. FILIA-MAIF
N° SIRET : 341 672 681
[Adresse 10]
[Localité 5]
prise en la personne de son représentant légal
représentés et assistés de Me Marie BOURREL, avocat au barreau de CAEN
INTIMÉES :
La S.A.S. SAUR
N° SIRET : 339 379 984
[Adresse 3]
[Localité 6]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN
assistée de Me Brigitte BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS,
La Société ENGIE HOME SERVICES anciennement dénommée SAVELYS
N° SIRET : 301 340 584
[Adresse 1]
[Localité 7]
prise en la personne de son représentant légal
représentée par Me Stéphane PIEUCHOT, avocat au barreau de CAEN
assistée de Me Sébastien THEVENET, avocat au barreau de LYON,
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
M. GUIGUESSON, Président de chambre,
Mme VELMANS, Conseillère,
M. GARET, Président de chambre,
DÉBATS : A l'audience publique du 13 décembre 2022
GREFFIER : Mme COLLET
ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 14 Février 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [K] [L] est propriétaire d'une résidence secondaire située à [Localité 8] (14) qu'il loue comme gîte.
Le 22 décembre 2011, il a demandé à la société Savelys, de remettre le chauffage en marche, la maison étant louée pour la période de Noël
Le 25 décembre 2011, ses locataires l'ont avisé que le chauffage était en panne.
Le 26 décembre 2011, un technicien de la société Savelys est intervenu et a remis l'installation en route.
Le même jour, la société Saur, fermier du réseau et de la station d'épuration de [Localité 8], a constaté la présence d'hydrocarbures sur les effluents des eaux usées au niveau de la station d'épuration.
L'origine du sinistre a été identifiée comme provenant d'une fuite accidentelle de la cuve à fioul de Monsieur [L].
Les 27 et 28 décembre 2011, des mesures ont été prises pour pomper le fioul au niveau de la station d'épuration et chez ce dernier, qui a déclaré le sinistre à sa compagnie d'assurance, la Filia MAIF.
Une expertise a été diligentée par les experts des compagnies d'assurance, qui ont conclu que la pollution par les hydrocarbures provenait d'une fuite accidentelle chez Monsieur [L].
Par ordonnance du 18 juin 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Caen, saisi par la Saur, a ordonné une expertise confiée à Madame [Z], afin d'obtenir un avis sur la cause des désordres et déterminer la nature et le coût des travaux permettant d'y remédier.
Par ordonnance du 12 septembre 2012, les opérations d'expertise ont été étendues à la Filia MAIF, assureur de Monsieur [L].
L'expert a déposé son rapport le 26 janvier 2013.
Parallèlement, Monsieur [L], dont la demande avait été rejetée par le juge des référés du tribunal administratif, a assigné la société Savelys, la Saur et les deux sociétés Dumont-Brillaud et Lehoux qui étaient intervenues lors de la constatation du sinistre, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen aux fins d'expertise.
Par ordonnance en date du 2 mai 2013, le juge des référés a désigné Monsieur [O] en qualité d'expert, et a débouté Monsieur [L] de sa demande à l'encontre de la Saur, et des sociétés Dumont-Brillaud et Lehoux.
Par ordonnance en date du 5 septembre 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen, saisi par la Saur, a condamné in solidum Monsieur [L] et la Filia MAIF, au vu des conclusions du rapport d'expertise de Madame [Z], à payer à celle-ci une provision de 268.380,00 € outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de céans du 6 janvier 2015.
Suivant actes d'huissier des 30 avril et 5 mai 2014, Monsieur [L] et la Filia MAIF ont assigné la Saur et la société Savelys au fond devant le tribunal de grande instance de Caen, afin de voir écarter le rapport d'expertise de Madame [Z], voir reconnaître la responsabilité de la société Savelys et la condamner à leur rembourser les sommes mises à leur charge.
Par ordonnance du 3 octobre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Caen a ordonné à la requête de la Saur, un complément d'expertise afin d'évaluer le montant de l'ensemble des mesures, actions et travaux permettant de remédier au sinistre, et a désigné le même expert que précédemment, Madame [Z].
L'appel de Monsieur [L] et de la MAIF à l'encontre de cette décision, a été rejeté par ordonnance de la cour administrative d'appel de Nantes du 19 mai 2015.
Dans le cadre de l'affaire pendante au fond devant le tribunal de grande instance de Caen, le juge de la mise en état, saisi d'un incident par la Saur, s'est déclaré incompétent pour statuer sur le demande en nullité du rapport d'expertise de Madame [Z] sollicitée par les demandeurs, et a ordonné un sursis à statuer dans l'attente du dépôt des rapports d'expertise de celle-ci et de Monsieur [O].
Parallèlement, Monsieur [L] et la MAIF ont saisi le tribunal administratif de Caen d'une requête en récusation de Madame [Z] qui a été rejetée par décision du 16 juillet 2015. Ils se sont par la suite désistés de leur appel à l'encontre de cette décision, celle-ci étant devenue sans objet après dépôt du rapport d'expertise.
Par acte d'huissier du 22 décembre 2014, ils ont également assigné Madame [Z] devant le tribunal de grande instance de Cherbourg, aux fins de voir engager sa responsabilité professionnelle.
Ils ont été déboutés de leurs demandes par jugement du 19 novembre 2018.
Monsieur [O] a déposé son rapport le 6 avril 2017.
Par jugement du 15 juin 2020, le tribunal judiciaire de Caen a :
- débouté Monsieur [L] et la MAIF de leur demande de rejet des deux rapports d'expertise de Madame [Z],
- condamné Monsieur [L] et la Filia MAIF in solidum à payer à la Saur, la somme totale de 574.951,52 €, après déduction sur le somme de 843.331,52 € HT de la provision de 268.380,00 € déjà versée,
- en conséquence, débouté Monsieur [L] et la Filia MAIF de leur demande de nouvelle expertise, et à défaut de contre-expertise, et de leur demande de remboursement dirigée contre la Saur,
- condamné in solidum Monsieur [L] et la Filia MAIF à payer à la Saur, la somme de 28.751,94 € HT en remboursement des frais d'huissier de justice exposés dans le cadre de ce litige et les sommes de 13.089,10 € HT et de 9.539,06 € HT en remboursement des frais et honoraires relatifs aux deux expertises réalisées par Madame [Z],
- débouté Monsieur [L] et la société Filia MAIF de toutes leurs demandes dirigées contre la société Engie Home Services,
- condamné in solidum Monsieur [L] et la société Filia MAIF aux dépens comprenant les frais de l'expertise judiciaire réalisée par Monsieur [O], ainsi que les dépens de première instance de référés devant le président du tribunal de grande instance de Caen,
- accordé le bénéfice du recouvrement direct des dépens à Maître Jusseaume et à Maître Pieuchot, avocats,
- condamné in solidum Monsieur [L] et la société Filia MAIF à payer à la Saur la somme de 30.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Monsieur [L] et la société Filia MAIF à payer à la société Engie Home Services, la somme de 4.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à rendre le jugement commun et opposable à la commune de [Localité 8], laquelle est partie à l'instance,
- ordonné d'office l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 9 juillet 2020, Monsieur [L] et la société Filia MAIF ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières écritures en date du 4 mars 2021, soutenant que la fuite accidentelle provenant de chez Monsieur [L] n'est pas à l'origine de la totalité de la pollution constatée, ils concluent à l'infirmation du jugement entrepris et demandent à la cour :
- au visa des articles 1231-1 et suivants du code civil, d'écarter les rapports d'expertise de Madame [Z] et d'ordonner une expertise, sinon une contre-expertise,
- au visa de l'article 1147 du code civil de retenir la responsabilité de la société Engie Home Services (anciennement Savelys) et de la condamner à leur rembourser toutes les sommes qui ont été mises ou qui seraient mises à leur charge au profit de la Saur,
- de dire qu'ils ne peuvent être tenus de réparer le préjudice allégué par la Saur, et par voie de conséquence la société Engie Home Service, qu'à hauteur du coût des travaux de dépollution directement en lien avec le sinistre, tels qu'ils auraient dûs être normalement réalisés,
- constater à cet égard que la Saur avait elle-même évalué le coût des travaux de nettoyage de la STEP à 70.000,00 € dans ses déclarations au maire de la commune,
- condamner, en l'état à titre provisionnel, la Saur à restituer partie des sommes perçues en exécution de l'ordonnance de référé du 5 septembre 2013, soit la somme de 198.380,00 €,
- condamner les parties qui succomberont au paiement d'une somme de 10.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et droit de recouvrement direct au profit de leur conseil,
- rejeter les demandes indemnitaires portant sur les préjudices allégués par la Saur depuis qu'elle a fait procéder aux travaux de dépollution fin décembre 2011 à Janvier 2012,
- déclarer le jugement à intervenir commun à la Commune de [Localité 8],
- débouter les sociétés Saur et Engie Home Services de
leurs demandes.
Aux termes de ses écritures en date du 30 décembre 2020, la société Saur soutient à titre principal que la déclaration d'appel du 9 juillet 2020 est dépourvue d'effet dévolutif.
Subsidiairement, au visa des articles 1240, 1241 et 1242 du code civil, elle conclut à la confirmation du jugement entrepris sauf s'agissant du quantum des sommes qui lui ont été allouées, et au rejet des prétentions des appelants.
Elle sollicite la condamnation in solidum de ces derniers à réparer l'intégralité de son préjudice à hauteur de 900.041,16 € HT dont à déduire la provision de 268.380,00 € allouée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen par ordonnance du 5 septembre 2013, et en tout état de cause, leur condamnation au paiement d'une somme de 50.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais de référé, les frais d'huissier et les frais des deux expertises, avec bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses écritures en date du 30 décembre 2020, la société Engie Home Services anciennement dénommée Savelys, conclut au visa des articles 1217 et suivants du code civile, 9 et suivants du code de procédure civile, à :
- la confirmation de la décision entreprise,
- au rejet des prétentions adverses en l'absence de preuve de l'existence d'une faute contractuelle qui lui soit imputable, et d'un lien de causalité direct avec les préjudices dont il est demandé réparation,
- la condamnation des appelants au paiement d'une somme de 10.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec bénéfice du droit de recouvrement direct au profit de son conseil,
- subsidiairement et avant-dire-droit, à l'organisation d'une expertise,
- au sursis à statuer sur les réclamations indemnitaires des appelants avec réserve des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la régularité de l'appel de Monsieur [L] et de la Filia MAIF
Il est constant que la déclaration d'appel figurant au dossier, comporte la liste des chefs du jugement dont il est demandé la réformation.
C'est donc à tort que la Saur soutient qu'elle en serait pas conforme aux dispositions de l'article 901 du code de procédure civile.
Cet argument sera donc rejeté.
Sur la demande tendant à voir écarter les rapports d'expertise de Madame [Z]
Les appelants demandent à la cour d'écarter les deux rapports d'expertise déposés par Madame [Z] , les opérations d'expertise s'étant selon eux déroulées sans respecter le principe du contradictoire, l'expert ayant fait preuve de partialité, ayant refusé de se rendre chez Monsieur [L] et ayant commis de nombreuses erreurs.
Il sera rappelé que par jugement du 16 juillet 2015, le tribunal administratif de Caen a d'ores et déjà statué sur la demande de récusation formée par Monsieur [L] à l'encontre de Madame [Z] dans le cadre de laquelle il a invoqué les mêmes griefs que ceux dont il fait état dans la présente procédure.
Le tribunal l'a débouté de sa demande.
Le tribunal de grande instance de Cherbourg l'a également débouté de sa demande en responsabilité à l'encontre de cet expert en vers lequel il se prévalait des mêmes manquements, par jugement en date du 19 novembre 2018.
En tout état de cause, force est de constater que Monsieur [L] est mal-fondé tout d'abord, à se prévaloir du non-respect du principe du contradictoire, alors qu'il résulte des rapports d'expertise, que s'il n'a pas été présent en personne, il a été représenté à toutes les réunions d'expertise, par l'expert de sa compagnie et / ou par son conseil, qui a adressé des dires à l'expert.
Il ne peut par ailleurs être reproché à Madame [Z] d'avoir accepté le complément d'expertise ordonné le 3 octobre 2014 par le juge des référés du tribunal administratif, alors que l'assignation devant le tribunal de grande instance de Cherbourg, visant à voir constater des manquements de sa part, n'avait pas encore été délivrée.
S'agissant du refus de Madame [Z] de se rendre au domicile de Monsieur [L], il sera rappelé qu'elle était tenu par les termes de la mission telle que fixée par le tribunal administratif, qui ne prévoyait pas spécifiquement de s'y rendre, la mention 'se rendre sur le site', impliquant de se rendre sur le lieu de la pollution, soit sur le site de la Saur.
En outre, elle indique dans son premier rapport, sans être contredite, qu'elle a demandé à Monsieur [L], de produire les factures relatives aux opérations de pompage à son domicile, et de justifier de la contenance de la cuve à fioul afin d'estimer le volume maximal qui s'est déversé dans le réseau, justificatif qui n'a jamais été transmis.
Eu égard à l'objet de sa mission qui ne portait pas sur l'état des cuves à fioul de Monsieur [L], mais qui nécessitait seulement de connaître leur contenance, ce dont il pouvait justifier par la production des pièces demandées, il ne saurait lui être fait grief de ne pas s'être rendue à son domicile, étant rappelé que l'origine du dommage était parfaitement établie, et que l'analyse réalisée par la société Ikos à la demande de l'expert a permis de déterminer la proportion de fioul domestique contenu dans les hydrocarbures ayant pollué la station d'épuration.
Quant aux prétendues erreurs d'appréciation de Madame [Z] dans son rapport, elles ne sauraient justifier que ses rapports soient écartés, étant ici rappelé que la cour n'est pas tenue par ses conclusions qui constituent des éléments de preuve parmi d'autres, dont il lui appartiendra d'apprécier la pertinence au regard des autres pièces produites.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de rejet des rapports d'expertise de Madame [Z].
L'ancienneté des faits (plus de 12 ans) justifie qu'il ne soit pas fait droit à la demande d'expertise des appelants, aucune constatation ne pouvant plus être faite, et la cour disposant d'éléments lui permettant de statuer.
Une contre-expertise ne peut quant à elle, être ordonnée, l'expertise initiale, l'ayant été par une juridiction de l'ordre administratif.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [L] et son assureur, de leurs demandes de nouvelle expertise ou de contre-expertise.
Sur la responsabilité de Monsieur [L]
Aux termes de l'article 1242 du code civil (anciennement 1384), on est responsable du dommage qui est causé par des choses que l'on a sous garde.
Il n'est contesté par aucune des parties, que le dommage subi par la Saur a été causé par une fuite accidentelle de fioul domestique en provenance de chez Monsieur [L], ce que confirme d'ailleurs le rapport d'expertise judiciaire de Monsieur [O].
Dès lors que la chose dont Monsieur [L] avait la garde a eu un rôle causal dans la survenance du dommage, sa responsabilité se trouve donc engagée et il lui incombe de réparer le préjudice subi résultant du rôle causé par le fioul qui s'est échappé de son domicile, dont le montant sera examiné ci-après, tout comme son éventuel recours contre la société Engie Home Services.
Sur le préjudice de la Saur
Dans son premier rapport d'expertise, Madame [Z] avait chiffré le montant des travaux à réaliser à 367.643,84 € HT.
Ce montant a dû être revu à la hausse, la société IKOS initialement retenue pour réaliser les travaux, ayant été défaillante, ce qui explique également le retard pris dans leur réalisation.
Dans son second rapport, Madame [Z] a listé l'ensemble des actions de dépollution réalisées depuis l'origine du sinistre jusque fin 2014, période à laquelle la dépollution a été terminée.
Elle précise bien qu'à la suite de la décision de la Commune de [Localité 8] de démolir tous les ouvrages existants, à l'exception du silo à boues et du bassin de marée dans le cadre du projet de modernisation de la station d'épuration, le programme des travaux de dépollution, a été modifié.
Le montant des travaux effectivement réalisés, qui s'élève à la somme de 843.331,52 € HT prend donc en compte cette modification.
Le détail des travaux est joint au second rapport d'expertise.
Les appelants n'établissent pas qu'ils n'auraient pas été nécessaires, et que la Saur aurait contribué à aggraver son préjudice, alors qu'il résulte du rapport d'expertise qu'elle a pris immédiatement les mesures qui s'imposaient.
Il ne saurait lui être reproché la durée des mesures de dépollution, puisqu'il s'agit d'opérations particulièrement complexes, impliquant non seulement le nettoyage de la station elle-même, mais également le transfert des boues et des eaux polluées, et nécessitant une expertise préalable, un audit, une maîtrise d'oeuvre et un contrôle a posteriori.
Ils ne démontrent pas non plus la fausseté de l'affirmation de l'expert selon laquelle les mesures oscillantes des quantités d'hydrocarbures encore présentes dans les boues de la station d'épuration après que la fuite de fioul ait cessé, s'expliquent par les conditions physico-chimiques (température, concentration en molécules, vitesse de circulation du liquide...) environnant la paroi du béton des forces plus ou moins fortes qui se sont exercées sur la paroi du matériaux poreux, permettant un relargage aléatoire et partiel du contenu des pores du béton, qui se sont gorgées d'eau et de polluants par capillarité.
Les rapports GEOREM qu'ils produisent, établis à leur seule demande, ne sont pas de nature à démontrer le contraire.
L'expert judiciaire a indiqué par ailleurs qu'il résultait des analyses réalisées par la société IKOS à sa demande, que seule une proportion de 73 % de carbones provenant de fioul domestique, avait été retrouvée dans la pollution de la station d'épuration.
Les appelants en tirent la conclusion que les boues stockées dans le silo de la STEP de [Localité 8] ne provenaient pas uniquement du domicile de Monsieur [L], mais avaient une autre origine, qui n'a pas été déterminée par l'expert judiciaire.
Ils ne rapportent pas pour autant la preuve de l'origine des boues comportant du fioul lourd.
En l'absence de preuve d'un cas de force majeure, d'une faute exonératoire même partielle de la Saur ou le fait d'un tiers identifié, Monsieur [L] en sa qualité de gardien du fioul qui s'est répandu dans le réseau d'assainissement, est tenu de réparer l'intégralité du dommage causé à la Saur.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qui a condamné in solidum les appelants à payer à la saur la somme totale de 574.951,52 €, après déduction sur la somme de 843.331,52 € HT de la provision de 268.380,00 € déjà versée en exécution de l'ordonnance définitive du juge des référés du tribunal de grande instance de Caen du 5 septembre 2013.
Il n'y a pas lieu en tout état de cause d'y ajouter les frais d'huissier et d'avocats qui seront indemnisés dans le cadre des frais irrépétibles, pas plus que le temps du personnel de la Saur, dont il n'est pas établi qu'il soit en lien avec le sinistre, comme l'a jugé à juste titre le tribunal.
Le jugement sera donc confirmé quant à la somme allouée.
Sur le recours en garantie de Monsieur [L] à l'encontre de la Saur
Monsieur [L] et son assureur entendent obtenir la garantie de la société Engie Home Services (anciennement Savelys) au motif que la fuite accidentelle est nécessairement concomitante avec la panne de chauffage survenue dans la nuit du 24 au 25 décembre 2011, alors qu'un technicien de la société Savelys est intervenu le 22 décembre 2011 pour remettre la chaudière en route.
Ils lui reprochent de ne pas avoir vérifié l'installation de chauffage lors de cette intervention, ce qui lui aurait permis de s'interroger sur la permanence du circuit d'alimentation de la chaudière, sur la défaillance de la canalisation de retour de fioul de la chaudière vers les cuves, et de mettre en garde Monsieur [L] sur l'incongruité de la pompe de relevage.
Monsieur [O], expert judiciaire, a constaté que la canalisation de retour de fioul depuis la chaudière jusqu'aux cuves s'était trouvée fuyarde en répandant le fioul au sol et plus précisément dans le bac de rétention construit autour des cuves à fioul (qui sont situées derrière une cloison en maçonnerie), et dans lequel, se trouvait une pompe de relevage destinée à évacuer l'eau susceptible d'inonder la cave à l'occasion d'orages.
Il indique toutefois concernant le déversement de fioul dans le réseau d'eaux usées :
' Une grave erreur a été commise ; en plaçant une pompe de relevage à l'intérieur du bac de rétention des citernes à fioul et en raccordant son tuyau d'évacuation de façon telle qu'il puisse se déverser dans le réseau des eaux usées.'
En effet, ce n'est pas la fuite de la canalisation de fioul qui est en elle-même à l'origine de la pollution, mais le fait qu'en raison de son emplacement inapproprié, qui plus est derrière un muret rendant son usage prévu (évacuation des eaux en cas d'inondation du sous-sol) quasi-impossible, la pompe de relevage a évacué dans le réseau des eaux usées, le fioul répandu sur le sol du bac de rétention.
Monsieur [L] qui n'ignorait pas la présence de cette pompe, ne saurait utilement reprocher au technicien de la société Savelys, de ne pas lui avoir signalé, les risques inhérents à son emplacement.
Le bon d'intervention du 22 décembre 2011, n'est pas versé aux débats, seul l'étant le contrat d'entretien, daté du 10 novembre 2011, mais prévoyant une prise d'effet au 1er janvier 2012, donc postérieurement au fait dommageable.
Il n'est donc pas établi que le technicien Savelys ait eu d'autre mission que de relancer la chaudière, ce qui ne lui imposait pas de vérifier l'absence de fuite au niveau des cuves situées derrière un mur en maçonnerie, ce d'autant que la remise en route, s'est déroulée apparemment sans difficulté puisque ce n'est que dans la nuit du 24 eu 25 décembre que la chaudière s'est arrêtée.
Aucune faute ne peut donc être imputée à la société Engie Home Services (anciennement Savelys) en lien avec la pollution du réseau d'assainissement.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [L] et son assureur de ses demandes formées à l'encontre celle-ci.
Sur la demande des appelants tendant à voir déclarer le jugement commun à la commune de [Localité 8]
La Commune de [Localité 8] n'étant pas à la cause, c'est à juste titre que le tribunal, a dit n'y avoir lieu à lui déclarer le jugement commun.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Il en va de même en cause d'appel.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande de confirmer le jugement entrepris s'agissant des sommes allouées à la Saur et à la société Engie Home Services au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner in solidum Monsieur [L] et son assureur, la SA Filia MAIF à payer à la Saur, une somme de 4.000,00 €, et à la société Engie Homme Services, une somme de 3.000,00 € au titres frais irrépétibles, et de les débouter de leur demande sa demande à ce titre.
Succombant au principal, ils seront condamnés aux dépens d'appel dont distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre, le jugement étant confirmé s'agissant de la condamnation prononcée à ce titre, y compris au titre du remboursement des frais d'huissier et des frais d'expertise.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
DÉCLARE recevable et régulier, l'appel formé par Monsieur [K] [L] et la SA Filia MAIF,
CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Caen du 15 juin 2020 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE Monsieur [K] [L] et la SA Filia MAIF in solidum à payer à la société Saur, la somme de 4.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Monsieur [K] [L] et la SA Filia MAIF in solidum à payer à la société Engie Home Services, la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE Monsieur [K] [L] et la SA Filia MAIF de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum Monsieur [K] [L] et la SA Filia MAIF aux dépens d'appel dont distraction au profit des avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
M. COLLET G. GUIGUESSON