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14/02/2023 | FRANCE | N°20/01708

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 14 février 2023, 20/01708


AFFAIRE : N° RG 20/01708 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GSTY

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN du 01 Juillet 2020

RG n° 18/02531







COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023





APPELANTS :



Monsieur [I] [D]

né le 18 Juin 1967 à [Localité 5]

La Crette

[Localité 2]



Madame [G] [X] épouse [D]

née le 04 Décembre 1

967 à [Localité 6]

La Crette

[Localité 2]



représentés et assistés de Me Antoine DE BREK, avocat au barreau de CAEN





INTIMÉES :



La S.A.R.L. CGL ISOLATION

N° SIRET : 316 489 335

[Adresse 3]

[Localité 1]

prise e...

AFFAIRE : N° RG 20/01708 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GSTY

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN du 01 Juillet 2020

RG n° 18/02531

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 14 FEVRIER 2023

APPELANTS :

Monsieur [I] [D]

né le 18 Juin 1967 à [Localité 5]

La Crette

[Localité 2]

Madame [G] [X] épouse [D]

née le 04 Décembre 1967 à [Localité 6]

La Crette

[Localité 2]

représentés et assistés de Me Antoine DE BREK, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉES :

La S.A.R.L. CGL ISOLATION

N° SIRET : 316 489 335

[Adresse 3]

[Localité 1]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Catherine FOUET, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Hervé ABOUL, avocat au barreau de CAEN

La S.A. MAAF ASSURANCES

N° SIRET : B 542 073 580

Chauray

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Olivier FERRETTI, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme VELMANS, Conseillère,

M. GARET, Président de chambre,

DÉBATS : A l'audience publique du 13 décembre 2022

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 14 Février 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS ET PROCEDURE

M. [I] [D] et son épouse Mme [G] [X] (ci-après les époux [D]) sont propriétaires d'une maison d'habitation située à [Localité 2] (Calvados).

A l'automne 2006, ils ont confié à la société CGL Isolation le soin de réaliser une isolation thermique de leur maison par l'extérieur.

Le coût définitif des travaux a fait l'objet d'une facture en date du 8 janvier 2007 qui a été intégralement acquittée par les époux [D] sans qu'aucun procès-verbal de réception de travaux n'ait jamais été établi.

Courant 2013, les époux [D] se sont plaints de l'apparition de nombreuses fissures sur l'enduit recouvrant l'isolation extérieure.

Pour autant et en dépit d'une mise en demeure adressée à la société CGL Isolation, ils ne sont jamais parvenus à obtenir la réparation des désordres.

Ils ont donc fait assigner la société, suivant acte du 23 février 2017, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise, demande à laquelle il a été satisfait par ordonnance du 23 mars 2017.

M. [B] [H], expert commis, a déposé son rapport définitif le 6 décembre 2017.

Les époux [D] ont alors fait assigner la société CGL Isolation ainsi que la Maaf, assureur de celle-ci, devant le même tribunal aux fins de les voir condamner solidairement à l'indemnisation du coût des travaux de reprise ainsi que de leur préjudice de jouissance.

Par jugement du 1er juillet 2020, le tribunal a':

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion ou de la prescription de l'action intentée par les époux [D]';

- débouté les époux [D] de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de la société CGL Isolation ainsi que de la Maaf';

- débouté la société CGL Isolation et la Maaf de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné les époux [D] aux entiers dépens, en ce compris ceux de l'instance en référé et les frais de l'expertise judiciaire';

- accordé aux avocats des défenderesses le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 9 septembre 2020, les époux [D] ont interjeté appel de ce jugement.

Les époux [D] ont notifié leurs dernières conclusions le 17 mai 2021, la société CGL Isolation les siennes le 12 novembre 2021, enfin la Maaf les siennes le 18 février 2021.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 9 novembre 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Les époux [D] demandent à la cour de :

- déclarer leur appel recevable et fondé';

Y faisant droit,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion ou de la prescription de leur action';

- l'infirmer en ce qu'il les a déboutés de toutes leurs demandes';

En conséquence,

- condamner la société CGL Isolation solidairement avec la Maaf au paiement des sommes suivantes :

* 63.714,10 € TTC à titre principal au titre des travaux de reprise des désordres outre intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2018 jusqu'à parfait paiement avec indexation du devis au jour de la signification de l'arrêt à intervenir selon l'indice BT01 de la construction,

* 1.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance pendant la durée des travaux';

- débouter la société CGL Isolation de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [D] aux entiers dépens, en ce compris ceux de l'instance en référé et les frais de l'expertise judiciaire';

En conséquence,

- condamner solidairement la société CGL Isolation et la Maaf aux entiers dépens, lesquels comprendront ceux de l'instance en référé et les frais de l'expertise judiciaire, outre ceux de la première instance et ceux de l'instance d'appel';

- condamner solidairement la société CGL Isolation et la Maaf au paiement de la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au contraire, la société CGL Isolation demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident';

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable l'action engagée par les époux [D] en responsabilité contractuelle pour faute prouvée au titre des dommages intermédiaires, et en ce qu'il a débouté la société CGL Isolation de sa demande au titre de l'article 700';

Statuant à nouveau,

- fixer la date de la réception tacite des travaux au 8 janvier 2007 (date de remise du chèque de 12.000 €) ou à défaut au 29 janvier 2007 (date d' encaissement de ce chèque)';

- déclarer forclose l'action engagée par les époux [D] sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute prouvée au titre des dommages intermédiaires';

- confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions non contraires';

- déclarer prescrite l'action des époux [D] sur le fondement de la responsabilité de droit commun';

- à titre subsidiaire, rejeter comme mal fondée l'action en responsabilité contractuelle, tant sur le fondement des dommages intermédiaires que sur le fondement du droit commun et ce, en l'absence de faute prouvée de la société CGL Isolation en lien de causalité direct et certain avec le préjudice allégué, et débouter les époux [D] de l'ensemble de leurs demandes';

- à titre subsidiaire, réduire à la somme de 41.407,82 € la demande indemnitaire des époux [D] et les débouter de toutes autres réclamations';

- débouter la Maaf de ses moyens de non-garantie et accorder en toute hypothèse recours et garantie intégrale à la société CGL Isolation à l'encontre de la Maaf pour toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit des époux [D] en principal, intérêts, frais, accessoires, dépens, frais d'expertise et article 700';

- à titre très subsidiaire, ordonner une nouvelle expertise judiciaire aux frais avancés des époux [D] et désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

* se rendre sur les lieux ;

* se faire remettre tous documents contractuels, ainsi que les rapports d'expertise de MM. [H] et [C]';

* constater les désordres ci-dessus évoqués;

* les décrire et dire s'il s'agit de malfaçons, défauts de construction, non-conformités aux règles de l'art et/ou aux stipulations contractuelles imputables ou non à la société CGL Isolation';

* dire si les désordres affectent la destination ou la solidité de l'ouvrage ;

* indiquer et évaluer les travaux nécessaires pour remédier aux désordres ainsi que leur durée ;

* fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la juridiction d'apprécier les responsabilités encourues;

* déposer un pré-rapport en laissant un délai de quatre semaines aux parties pour présenter leurs dires et observations éventuels auxquels l'expert répondra dans son rapport';

- condamner les époux [D] et la Maaf à payer à la société CGL Isolation une somme de 5.500 € par application de l'article 700 pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel';

- condamner les parties succombantes aux dépens de première instance en ce compris les frais et honoraires d'expertise judiciaire et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de Me [F] dans les conditions de1'article 699.

Enfin, la Maaf demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la Maaf en son appel incident';

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion ou de la prescription de l'action, et en ce qu'il a débouté la Maaf de sa demande au titre de l'article 700';

Statuant à nouveau,

- déclarer forclose l'action intentée par les époux [D] sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour faute prouvée au titre des dommages intermédiaires';

- déclarer forclose ou à défaut prescrite l'action intentée par les époux [D] sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun';

- débouter en conséquence les époux [D] de toutes leurs demandes, fins et prétentions';

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la garantie de la Maaf n'est pas mobilisable au titre des dommages intermédiaires ni de la responsabilité de droit commun de la société CGL Isolation';

- constater que la preuve n'est pas rapportée que ladite société ait commis une faute';

- constater que ladite société n'a pas souscrit de garantie complémentaire des dommages intermédiaires ni au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun';

- par conséquent, rejeter toutes demandes à l'encontre de la Maaf sur le fondement de la garantie des dommages intermédiaires ainsi que de la responsabilité contractuelle de droit commun';

- mettre la Maaf purement et simplement hors de cause';

A titre très subsidiaire,

- réduire les demandes formulées à l'encontre de la Maaf au titre du coût de réparation des désordres qui ne pourra excéder 41.407.82 € HT';

- rejeter toute demande formulée à l'encontre de la Maaf au titre du préjudice de jouissance';

- dire et juger opposable la franchise contractuelle égale à 1.800 €';

En toute hypothèse,

- condamner les succombants solidairement à payer à la Maaf la somme de 5.000 € par application de l'article 700 pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel';

- condamner les succombants solidairement aux entiers dépens de l'instance avec droit de recouvrement direct au profit de l'avocat de la Maaf par application de l'article 699.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur l'action en réparation fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée au titre de dommages intermédiaires':

A - Sur la recevabilité':

Il est constant qu'une telle action se prescrit par dix ans à compter de la réception des travaux et ce, par application des dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil.

En l'espèce, tant la société CGL Isolation que la Maaf sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a déclaré l'action des époux [D] recevables au motif que moins de dix ans se sont écoulées entre la date de réception tacite des travaux, caractérisée selon les premiers juges par le dernier paiement intervenu le 14 mars 2007, et l'assignation en référé, elle-même en date du 23 février 2017.

Pour s'y opposer, les deux sociétés font valoir que les époux [D] ne justifient pas de ce dernier paiement, affirmant au contraire qu'ils ont soldé la facture de travaux par un chèque remis à l'encaissement le 29 janvier 2007.

Cependant, à l'instar du tribunal, la cour constate, à la lecture des pièces du dossier, que la facture émise par la société CGL Isolation, d'un montant total de 27.996,63 € TTC, a été réglée en trois termes':

- le premier sous la forme d'un chèque d'acompte de 14.996,63 € établi le 29 décembre 2016,

- le deuxième par un chèque de 12.000 € encaissé par la société le 29 janvier 2017,

- le troisième et dernier par un chèque de 1.000 € émis le 14 mars 2007 ainsi qu'il en est fait mention manuscrite sur la facture elle-même, d'ailleurs sous la signature du représentant de la société CGL Isolation : «'reçu 1.000 € pour solde le 14/03/07 par chèque C.E. n° 2128871'».

Compte tenu de cette mention qui engage son auteur, ni la société CGL Isolation ni la Maaf ne peuvent sérieusement contester la date de ce dernier paiement.

Par ailleurs et en dépit de l'absence d'établissement d'un procès-verbal de réception, il y a lieu de retenir que c'est par cet ultime règlement, qui seul manifeste leur acceptation tacite, non équivoque et sans réserves des travaux réalisés, que les époux [D] ont réceptionné le chantier.

En conséquence et dès lors qu'ils ont agi en justice moins de dix années plus tard puisque dès le 23 février 2017, leur action sera jugée recevable, le jugement devant être confirmé sur ce point.

B - Sur le fond':

Pour débouter les époux [D] de leurs demandes indemnitaires, le tribunal a retenu que les travaux réalisés par la société CGL Isolation ne constituaient pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil dans la mesure où ils

consistaient en une simple rénovation de l'immeuble préexistant pour améliorer son isolation thermique par l'extérieur, les premiers juges ayant aussi estimé qu'il n'était pas établi que le revêtement ainsi posé ait eu une fonction d'étanchéité, alors par ailleurs que les travaux n'avaient pas affecté la structure de la maison ni entraîné aucune atteinte ou modification à la surface préexistante de celle-ci.

Les époux [D] critiquent cette appréciation, faisant observer au contraire que les travaux litigieux, soit une isolation par l'extérieur, avaient pour fonction de renforcer non seulement l'étanchéité à l'air pour limiter les déperditions et supprimer les ponts thermiques affectant la maison, mais également pour renforcer l'étanchéité à l'eau, en particulier celle du soubassement de l'immeuble pour le prémunir contre les remontées capillaires. Ils en déduisent que les travaux litigieux sont bien constitutifs d'un ouvrage au sens de la loi.

La cour partage cette analyse, rappelant en effet que la notion d'ouvrage ne se limite pas à celle de construction puisqu'il peut aussi recouvrir d'autres types de travaux, notamment la pose d'un enduit destiné à assurer une fonction d'étanchéité sur un mur préexistant.

Tel était le cas des travaux réalisés par la société CGL Isolation en ce qu'ils ont consisté notamment en l'application d'un procédé dit «'Rhea 100'» d'une épaisseur de 7 cm collé sur l'enduit précédent, s'agissant là d'un complexe à fonction isolante et par là même étanche sur lequel un nouvel enduit a été réalisé, celui-là même dont la défaillance a été constatée par l'expert.

Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu'il a écarté toute possibilité de mise en cause de la responsabilité contractuelle de la société CGL Isolation «'faute d'ouvrage relevant de la construction'».

Par suite, s'agissant du régime de responsabilité encourue par l'artisan, la cour fera application de la responsabilité contractuelle de droit commun pour faute prouvée à l'origine de dommages dits intermédiaires, étant en effet observé':

- que les désordres constatés par l'expert, soit la présence de nombreuses fissures verticales et horizontales sur l'ensemble des façades ainsi traitées, ne relèvent pas de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil puisque, en l'absence d'infiltrations associées, ils ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage ni ne le rendent impropre à sa destination';

- qu'en revanche, ces désordres engagent la responsabilité civile de l'artisan pour manquement aux règles de l'art, l'expert lui reprochant en effet de ne pas avoir correctement analysé le support sur lequel il a travaillé, support lui-même déjà

fissuré et qu'il aurait fallu traiter préalablement par rebouchage avant toute intervention, lesdites fissures, encore actives et évolutives, s'étant ainsi propagées au complexe isolant que l'artisan a collé contre le support alors qu'il aurait été plus judicieux de le désolidariser du support en le fixant mécaniquement sur celui-ci.

A cet égard, c'est vainement que la société CGL Isolation, bien qu'ayant participé aux opérations d'expertise judiciaire sans jamais protester contre les constatations de l'expert, prétend les contester aujourd'hui en se prévalant de sa propre expertise privée selon laquelle il ne serait pas établi que le support était déjà fissuré, l'artisan envisageant que ces fissures aient pu elles-mêmes apparaître postérieurement à ses travaux.

En effet, c'est au moment des opérations d'expertise qu'il aurait fallu faire valoir cette argumentation afin que l'expert puisse y répondre dans le respect du principe contradictoire.

En outre et en toute hypothèse, cette argumentation, même à la supposer crédible, ne remet pas en cause l'appréciation de l'expert selon laquelle il eût été plus judicieux, afin d'éviter la propagation des fissures du support - quelle que soit la date de leur apparition - au nouvel complexe isolant posé par l'artisan, de ne pas le coller sur ce support.

Ainsi et sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise, il est établi que la société CGL Isolation a manqué à ses obligations contractuelles en ce qu'il n'a pas réalisé son ouvrage conformément aux règles de l'art. Dès lors, sa responsabilité civile est engagée pour faute conformément au droit commun.

S'agissant des préjudices en résultant, l'expert les a estimés':

- d'une part à 55.000 € TTC, s'agissant du coût des travaux de reprise,

- d'autre part à un mois de travaux, d'où un préjudice de jouissance pour les époux [D].

Ici encore, ni la société CGL Isolation ni la Maaf ne justifient en quoi cette estimation serait excessive, alors en effet que si l'artisan produit un devis d'un montant de 43.685,25 € TTC seulement, la cour observe d'une part que ce devis émane de la société CGL Isolation elle-même, d'autre part qu'il aurait été opportun de le produire au moment des opérations d'expertise judiciaire afin que l'expert puisse l'analyser et dire si les travaux ainsi devisés sont adaptés, suffisants et évalués à leur juste prix.

A l'inverse, les époux [D] ne justifient pas davantage de la justesse du devis de 61.714,10€ qu'ils produisent à l'appui de leur demande indemnitaire, et ce, toujours faute de l'avoir présenté à l'expert judiciaire afin qu'il puisse en apprécier la validité.

En conséquence, les époux [D] ne sauraient obtenir, au titre des travaux de reprise, une indemnité excédant celle préconisée par l'expert, soit 55.000 € TTC, sauf à indexer cette condamnation sur l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction intervenue depuis le 6 décembre 2017, date du dépôt du rapport d'expertise, jusqu'au jour du présent arrêt liquidatif.

Par ailleurs, il leur sera alloué une indemnité de 300 € en réparation du trouble de jouissance qu'ils ne manqueront pas de souffrir pendant le cours des travaux à intervenir du fait de la pose d'échafaudages contre leur maison pendant une durée d'un mois.

II - Sur la garantie due par la Maaf':

Pour dénier sa garantie, l'assureur fait valoir':

- qu'il n'assure que la garantie décennale obligatoire de la société CGL Isolation';

- que si les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par la société CGL Isolation prévoient certes la possibilité de garantir les dommages intermédiaires, encore fallait-il souscrire cette garantie, qui demeure optionnelle';

- qu'or, cette garantie ne figure pas dans les conditions particulières du contrat souscrit par la société.

En outre et à titre subsidiaire, la Maaf se prévaut d'une franchise contractuelle de 1.800 € qui, en toute hypothèse, devrait rester à la charge de la société qui se prétend assurée.

Cependant, cette dénégation de garantie n'est pas conforme aux données objectives du dossier, notamment aux termes du contrat d'assurance souscrit par la société CGI Isolation auprès de la Maaf, la cour observant en effet':

- que contrairement aux affirmations de l'assureur, la «'garantie des dommages intermédiaires'», qui est expressément visée à l'article 6.2.5 des conditions générales, ne fait pas partie des «'garanties optionnelles'» (au contraire de la «'garantie maîtrise d'oeuvre'», elle-même prévue à l'article 6.4 et qui est expressément qualifiée d'optionnelle), mais des «'garanties complémentaires après réception'», au même titre que la «'garantie du sous-traitant'» (6.2.1), la «'garantie de bon fonctionnement'» (6.2.2), la «'garantie des dommages aux existants divisibles'» (6.2.3), ou encore la «'garantie des dommages immatériels consécutifs'» (6.2.4)';

- que l'ensemble de ces garanties dites «'complémentaires'» sont d'ailleurs expressément rappelées dans l'attestation d'assurance de responsabilité décennale délivrée le 5 avril 2017 par l'assureur à la société CGL Isolation, ces différentes garanties ayant ainsi été souscrites en complément à la garantie légale obligatoire, au demeurant dans la limite de certains plafonds déterminés par le contrat, en l'occurrence de 153.000 € s'agissant de la garantie des dommages intermédiaires';

- que de même, les conditions particulières du contrat ne font pas davantage apparaître la garantie des dommages intermédiaires parmi les garanties optionnelles, lesquelles se limitent en effet, aux termes de ces conditions particulières, aux «'dommages immatériels non consécutifs'», à la «'responsabilité liée aux véhicules confiés'», à la «'responsabilité civile des dirigeants'», enfin à la garantie «'maîtrise d'oeuvre'».

Dans ces conditions, il est établi que la société CGL Isolation était assurée par la Maaf, à la date des travaux litigieux, en complément de la garantie décennale obligatoire, pour les dommages intermédiaires qu'elle était susceptible de causer dans le cadre de son activité déclarée d'isolation thermique extérieure et de réalisation d'enduits projetés, et ce, dans la limite d'un plafond de 153.000 € sous déduction d'une franchise de 1.800 €, laquelle, en matière d'assurance de responsabilité non obligatoire, est opposable tant à l'assurée (la société CGL Isolation) qu'au tiers lésé (en l'espèce les époux [D]).

En conséquence et par application de l'article L 124-3 du code des assurances qui confère au tiers lésé un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile du responsable, la société CGL Isolation et la Maaf seront condamnées in solidum à payer aux époux [D], en réparation des dommages intermédiaires causés par la faute de l'artisan':

- d'une part une somme de 53.200 € TTC (55.000 - 1.800) au titre des travaux de reprise des désordres, outre indexation de cette indemnité sur l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre le 6 décembre 2017, date du dépôt du rapport d'expertise, et le jour du présent arrêt liquidatif';

- d'autre part une somme de 300 € en réparation du préjudice de jouissance, s'agissant là d'un dommage immatériel consécutif à un risque garanti.

En outre, la société CGL Isolation sera condamnée, seule, à payer aux époux [D] la somme de 1.800 € correspondant au montant de la franchise précitée.

III - Sur les autres demandes':

Parties perdantes, la société CGL Isolation et la Maaf seront condamnées in solidum à payer aux époux [D] une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles seront elles-mêmes déboutées de leurs demandes présentées sur le même fondement.

Elles seront également condamnées in solidum aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais de l'instance en référé ainsi que les frais d'expertise.

Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile en faveur de l'avocat des époux [D].

Enfin, la Maaf sera condamnée à garantir la société CGL Isolation de l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci, tant en principal qu'en intérêts, frais, article 700 et dépens, à l'exception seulement de la franchise de 1.800 € qui restera définitivement à la charge de la société CGL Isolation.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant publiquement par mise à disposition, contradictoirement et en dernier ressort':

- confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la forclusion ou de la prescription de l'action intentée par les époux [D]';

- l'infirmant pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant':

* dit n'y avoir lieu à nouvelle expertise';

* juge que la responsabilité civile de la société CGL Isolation est engagée pour faute prouvée au titre de dommages intermédiaires';

* juge que la garantie de la société Maaf Assurances est acquise';

* condamne en conséquence la société CGL Isolation in solidum avec la société Maaf Assurances à payer aux époux [D]':

° une somme de 53.200 € TTC au titre du coût des travaux de reprise, cette indemnité devant être indexée sur l'évolution de l'indice BT01 du coût de la construction entre le 6 décembre 2017 et le jour du présent arrêt';

° une somme de 300 € au titre du préjudice de jouissance';

° une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

* condamne en outre la société CGL Isolation, seule, à payer aux époux [D] une somme de 1.800 € au titre de la franchise d'assurance';

* déboute les époux [D] du surplus de leurs demandes indemnitaires';

* condamne la société CGL Isolation in solidum avec la société Maaf Assurances aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais de l'instance en référé ainsi que les frais d'expertise';

* dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile en faveur de l'avocat des époux [D]';

* condamne la société Maaf Assurances à garantir la société CGL Isolation de l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci, tant en principal qu'en intérêts, frais, article 700 et dépens, à l'exception seulement de la franchise de 1.800 € qui restera définitivement à la charge de la société CGL Isolation';

* déboute la société CGL Isolation ainsi que la société Maaf Assurances du surplus de leurs demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01708
Date de la décision : 14/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-14;20.01708 ?
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