AFFAIRE : N° RG 21/01985 -
N° Portalis DBVC-V-B7F-GZIA
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de COUTANCES
en date du 20 Mai 2021 - RG n° 19/00169
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 16 MARS 2023
APPELANTS :
Monsieur [G] [S]
né le [Date naissance 2] 1929 à [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Madame [X] [H] épouse [S]
née le [Date naissance 1] 1933 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentés par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN,
assistés de Me Axel DE VILLARTAY, avocat au barreau de RENNES
INTIMEE :
S.A. SOCIETE GENERALE
N° SIRET : 552 120 222
[Adresse 3]
[Localité 6]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de la SCP MAST-BOYER, avocat au barreau de COUTANCES
DEBATS : A l'audience publique du 09 janvier 2023, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 16 mars 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS
Selon acte sous seing privé du 13 février 2011, la Société générale (la banque) a consenti à M. [G] [S] et Mme [X] [H], épouse [S] (les époux [S]), un prêt n°811047632937 intitulé « Crédit lombard in fine taux révisable » d'un montant de 91.000 euros, au taux d'intérêt de 2,70 % l'an, hors assurance groupe avec variation de ce taux +2/-2 points, remboursable sur une période de 84 mois, le capital restant dû étant remboursable à la dernière échéance et chacune des échéances étant prélevée le 7 de chaque mois sur le compte n°00961 00050028233 ouvert dans les livres de la banque.
Ce prêt était destiné à financer divers investissements.
Il était garanti par un produit d'assurance-vie Sequoia n°21630317564 souscrit par M. [S] auprès de la société Sogecap à hauteur de la somme de 91.000 euros, sans délégation au profit de la banque.
Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 14 novembre 2017, la banque a clôturé le compte n°00961 00050028233 ouvert dans ses livres.
Suivant lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 11 octobre 2018, la banque a mis en demeure les époux [S] de lui payer le montant des échéances impayées depuis le 7 janvier 2018.
Suivant acte d'huissier du 20 décembre 2018, la banque a fait assigner les époux [S] devant le tribunal de grande instance de Coutances aux fins, notamment, de voir condamner ces derniers au paiement de la somme de 91.370,04 euros arrêtée au 29 octobre 2018 au titre du prêt du 15 février 2011.
Par jugement du 20 mai 2021, le tribunal judiciaire de Coutances a :
- débouté les époux [S] de leur demande avant dire droit de production de pièces,
- condamné solidairement ceux-ci à payer à la banque la somme de 91.370,04 euros selon décompte arrêté au 29 octobre 2018,
- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts,
- condamné solidairement les époux [S] à payer à la banque la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux dépens,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de sa décision.
Selon déclaration du 6 juillet 2021, les époux [S] ont interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions du 5 octobre 2021, les appelants poursuivent la réformation du jugement attaqué sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'ordonner son exécution provisoire.
Ils demandent à la cour, statuant à nouveau, de condamner, avant dire droit et sous astreinte d'un montant de 200 euros par jour de retard à compter de la signification à intervenir, la banque à communiquer l'ensemble des relevés, historiques des différents contrats de prêts, comptes, livrets et autres supports de placements des époux [S] et de justifier des différentes opérations intervenues depuis le 1er janvier 2017, de débouter la banque de toutes ses demandes et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts, celle de 5.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions du 4 janvier 2022, la banque demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, de débouter les époux [S] de toutes leurs demandes et de condamner ceux-ci au paiement de la somme de 2.500 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens.
La mise en état a été clôturée le 7 décembre 2022.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la demande avant dire droit de communication de pièces
Selon les articles 10 et 138 à 142 du code de procédure civile, une partie peut, dans le cours d'une instance, demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner à une autre partie de produire des éléments de preuve en sa possession, au besoin sous astreinte.
Il résulte de ces dispositions que la mesure sollicitée doit avoir pour but la sauvegarde d'un droit légalement reconnu ou judiciairement constaté et que les pièces dont il est demandé la production doivent être suffisamment déterminées.
Les époux [S] sollicitent avant dire droit la communication sous astreinte par la banque de « l'ensemble des relevés, historiques des différents contrats de prêts, comptes, livrets et autres supports de placements des époux [S] et de justifier des différentes opérations intervenues depuis le 1er janvier 2017 ».
Cependant, les appelants ne sauraient demander de manière générale la production par la banque de contrats de prêts, comptes, livrets et autres supports de placements, sans autre précision permettant leur détermination, alors que ces actes ont été souscrits par leurs propres soins et qu'ils ne prétendent pas ne pas en avoir reçu un exemplaire.
La demande des époux [S] tendant à ce qu'il soit exigé de la banque de justifier des différentes opérations intervenues depuis le 1er janvier 2017 est également insuffisamment déterminée, étant relevé que les parties produisent chacune les pièces relatives au prêt en cause utiles à la solution du litige.
Le rejet de la demande de production de pièces formée par les époux [S] sera donc confirmé.
2. Sur la demande de remboursement du prêt
Aux termes de l'article 1315 ancien du code civil applicable au litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il résulte des dispositions de l'article 1358 du code civil que la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens.
Si celui qui a donné quittance peut établir que celle-ci n'a pas la valeur libératoire qu'implique son libellé, cette preuve ne peut être rapportée que dans les conditions prévues par les articles 1341 ancien et suivants du code civil, de sorte qu'il ne peut être prouvé que par écrit contre ou outre l'écrit donnant quittance, qu'il s'agisse d'un acte ou d'un fait juridique.
Les appelants font en substance grief au tribunal de les avoir condamnés à payer les sommes restant dues au titre du prêt litigieux, alors que, d'une part, suivant une lettre du 17 avril 2018, la banque leur avait indiqué que ce prêt était réglé et, d'autre part, que ce règlement est intervenu au moyen de la garantie prise sur l'assurance-vie souscrite par M. [S] auprès de la société Sogecap.
En l'espèce, il ressort des productions, notamment du contrat de prêt, du tableau d'amortissement et des mises en demeure communiqués par la banque que les époux [S] ont souscrit auprès de cette dernière un prêt in fine d'un montant de 91.000 euros, au taux d'intérêt de 2,70 % l'an, hors assurance groupe avec variation de ce taux +2/-2 points, remboursable sur une période de 84 mois, le capital restant dû étant remboursable à la dernière échéance et chacune des échéances étant prélevée le 7 de chaque mois sur le compte n°00961 00050028233 ouvert dans les livres de la banque.
Les époux [S] produisent une lettre adressée le 17 avril 2018 par la banque attestant que le prêt d'un montant de 91.000 euros souscrit le 15 février 2011 était intégralement remboursé au 7 avril 2018, à la suite du règlement de la dernière échéance.
La banque réplique que cette lettre a été envoyée par erreur aux emprunteurs, que ce prêt n'a pas été remboursé et fait observer que les emprunteurs ne prétendent pas avoir payé les sommes restant dues par des versements effectués par leurs soins mais se bornent à invoquer un règlement par la mobilisation de l'assurance-vie souscrite en garantie du prêt litigieux, lequel n'est pas intervenu.
Comme le soutient exactement la banque, le prêt en cause était garanti par un produit d'assurance-vie Sequoia n°21630317564 souscrit par M. [S] auprès de la société Sogecap à hauteur de la somme de 91.000 euros, sans délégation au profit de la banque à la différence de la garantie assortissant le remboursement d'un précédent prêt souscrit le 13 octobre 2009 auprès de la banque par M. [S] et son fils.
La lettre adressée le 25 mars 2020 par la société Sogecap aux époux [S] (pièce n°10 intimée) comme le courriel envoyé par cette même société à la Société générale démontrent que cette assurance-vie était toujours en vigueur au 25 mars 2020 et, partant, qu'elle n'a pas été mobilisée en garantie du remboursement du prêt du 15 février 2011.
A cet égard, il ne saurait être reproché à la Société générale de se constituer des preuves à elle-même, la société Sogecap étant une personne morale distincte quoique filiale de la Société générale.
Ainsi, la banque rapporte valablement la preuve de ce que l'attestation qu'elle avait délivrée aux emprunteurs n'a pas la valeur libératoire qu'implique son libellé et de ce que la réalité du paiement invoqué par ceux-ci n'est pas établie.
Les époux [S] ne peuvent arguer de ce que la banque avait clôturé le compte sur lequel devaient être prélevées les échéances du prêt litigieux, dès lors qu'ils n'invoquent pas une rupture abusive de leurs relations avec la banque et ne prétendent pas ne pas avoir bénéficié d'un préavis suffisant pour faire prélever ces échéances sur un autre compte bancaire.
Les appelants affirment que la banque a effectué des opérations sur leurs divers comptes et placements sans ordre de leur part, sans toutefois établir de telles opérations.
Non autrement critiqué, le jugement entrepris sera donc confirmé en ses dispositions soumises à la cour.
3. Sur les demandes accessoires
La solution donnée au litige conduit à rejeter la demande de dommages-intérêts formée par les époux [S] pour procédure abusive.
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.
Les époux [S], qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel, déboutés de leur demande d'indemnité de procédure et condamnés à payer à la banque la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Déboute M. [G] [S] et Mme [X] [H], épouse [S], de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive :
Condamne M. [G] [S] et Mme [X] [H], épouse [S], aux dépens d'appel, et à payer à la Société générale la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY