AFFAIRE : N° RG 21/00586
N° Portalis DBVC-V-B7F-GWIC
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Pôle social du Tribunal Judiciaire de COUTANCES en date du 20 Janvier 2021 - RG n° 18/00236
COUR D'APPEL DE CAEN
2ème chambre sociale
ARRET DU 06 AVRIL 2023
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE LA MANCHE
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Mme DESLANDES, mandatée
INTIMEE :
S.A.S. [5]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me LEDOUX, substitué par Me LHUISSIER, avocats au barreau de PARIS
DEBATS : A l'audience publique du 06 février 2023, tenue par M. GANCE, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme GOULARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme CHAUX, Présidente de Chambre,
M. LE BOURVELLEC, Conseiller,
M. GANCE, Conseiller,
ARRET prononcé publiquement le 06 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme CHAUX, présidente, et Mme GOULARD, greffier
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche (la caisse) d'un jugement rendu le 20 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Coutances dans un litige l'opposant à la société [5] (la société).
FAITS et PROCEDURE
M. [K], salarié de la société [5] a complété une déclaration de maladie professionnelle le 2 octobre 2017 au titre d'une 'épicondylite bilatérale'.
Le certificat médical initial du 26 septembre 2017, mentionne une 'épicondylite bilatérale'.
Par courrier du 21 décembre 2017, la caisse a notifié à M. [K] sa décision de prendre en charge sa maladie concernant le coude gauche au titre de la législation professionnelle sur le fondement du tableau n° 57 : 'tendinopathie des muscles épicondyliens du coude gauche', 'affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail'.
La société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse par courrier du 26 février 2018.
En l'absence de réponse explicite, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Manche afin de contester la décision implicite de rejet de la commission, et ce par courrier recommandé du 24 mai 2018.
Par jugement du 20 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Coutances auquel a été transféré le contentieux des affaires de sécurité sociale à compter du 1er janvier 2019 a :
- déclaré recevable le recours de la société
- dit que la décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [K] le 26 septembre 2017 au titre d'une tendinopathie des muscles épicondyliens du coude gauche est inopposable à la société
- condamné la caisse aux dépens
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 25 février 2021, la caisse a formé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 3 février 2023 soutenues oralement à l'audience, la caisse demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré
- constater que l'ensemble des conditions médicales et réglementaires afférentes au tableau n° 57 des maladies professionnelles étaient réunies et que dés lors, c'est à bon droit que la caisse a pris en charge la pathologie de M. [K] au titre de la législation professionnelle
- déclarer opposable à la société la décision de prise en charge de la maladie de M. [K]
- débouter la société de ses demandes.
Selon conclusions reçues au greffe le 31 janvier 2023 soutenues oralement à l'audience, la société demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 20 janvier 2021
en conséquence,
- déclarer que la décision de la caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'épicondylite gauche du 26 septembre 2017 déclarée par M. [K] est inopposable à la société, le caractère professionnel de la maladie n'étant pas établi.
Pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, il est expressément renvoyé à leurs conclusions écrites conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
L'article L 461-1 du code de la sécurité sociale dispose que :
'Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.'
(...)
'Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées dans ce tableau.
Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée de l'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladie professionnelle peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions de l'article L 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.
Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance de maladie professionnelle. '
Le délai de prise en charge s'entend comme la période au cours de laquelle, après la fin de l'exposition au risque, l'état pathologique doit se révéler et être constaté par les médecins.
Il court à compter de la première constatation médicale qui atteste l'affection.
Il est constant que la pièce caractérisant la première constatation d'une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial n'est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui - ci et n'est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à la disposition de la victime ou de ses ayants droit et de l'employeur en application de l'article R 441-14 alinéa 3 du code de la sécurité sociale .
En cas de contestation du caractère professionnel de la maladie, il appartient à la juridiction de vérifier les éléments de preuve permettant de fixer la date de première constatation médicale et donc de vérifier le respect du délai de prise en charge édicté au tableau.
En l'espèce, M. [K], salarié de la société [5] a complété une déclaration de maladie professionnelle le 2 octobre 2017 au titre d'une 'épicondylite bilatérale'.
Le certificat médical initial du 26 septembre 2017, mentionne une 'épicondylite bilatérale'.
Par courrier du 21 décembre 2017, la caisse a notifié à M. [K] sa décision de prendre en charge sa maladie concernant le coude gauche au titre de la législation professionnelle sur le fondement du tableau n° 57 : 'tendinopathie des muscles épicondyliens du coude gauche', 'affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail'.
La société conteste le caractère professionnel de la maladie de M. [K] affectant son coude gauche, au motif qu'il n'est pas justifié que la condition tenant au délai de prise en charge de la maladie, prévue au tableau n° 57 est remplie.
Ce tableau prévoit qu'en cas de tendinopathie d'insertion des muscles épicondyliens associée ou non à un syndrome du tunnel radial, ce qui correspond à la maladie déclarée par M. [K] concernant son coude gauche, le délai de prise en charge est de 14 jours à compter de la fin de l'exposition au risque.
Il est constant que M. [K] a bénéficié d'un arrêt de travail continu à compter du 12 mai 2017 jusqu'à sa déclaration de maladie professionnelle.
Il n'a donc plus été exposé au risque à compter du 12 mai 2017.
La société relève que le certificat médical initial mentionne que la date de première constatation de la maladie est le 26 septembre 2017, soit plus de 14 jours après la fin de l'exposition au risque.
La caisse prétend toutefois que la date de première constatation de la maladie remonte au 15 mai 2017 de telle sorte que la condition tenant au délai de prise en charge est remplie.
Pour en justifier, elle se fonde sur le colloque médico-administratif maladie professionnelle et plus précisément sur les informations portées par le médecin conseil de la caisse :
'date de première constatation médicale : 15/05/2017
document(s) ayant permis de fixer la date de première constatation médicale de la maladie déclarée (CMI, examen, arrêt de travail AS ou AT, lettre médecin)
arrêt de travail du 15/05/2017.'
Cependant, comme le constate la société, la caisse ne produit pas le certificat médical d'arrêt de travail du 15 mai 2017. La cause de cet arrêt de travail n'est donc pas établie.
En outre, le certificat médical initial mentionne une autre date de première constatation médicale de la maladie qui est fixée au 26 septembre 2017.
Enfin, M. [K] est affecté de deux maladies professionnelles (épicondylite droite et épicondylite gauche) ce qui ajoute à l'incertitude sur la cause de l'arrêt de travail du 15 mai 2017.
En conséquence, la caisse n'apporte pas la preuve que l'épicondylite gauche de M. [K] a été constatée médicalement dans le délai de 14 jours après la fin de l'exposition au risque.
La caisse ne rapporte pas la preuve que la condition du tableau n° 57 relative au délai de prise en charge est remplie.
La caisse ne pouvait donc pas prendre en charge la maladie déclarée par M. [K] au titre de la législation professionnelle sur le fondement du tableau n° 57.
En conséquence, sa décision doit être déclarée inopposable à la société.
Dans son dispositif, le jugement déféré vise la maladie déclarée par M. [K] le 26 septembre 2017 alors que la déclaration de maladie professionnelle est datée du 2 octobre 2017.
Le jugement sera donc rectifié en ce sens que la mention du dispositif '26 septembre 2017' est remplacée par la mention '2 octobre 2017'.
Le jugement ainsi rectifié sera confirmé en toutes ses dispositions.
Succombant, la caisse sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rectifie le jugement déféré en ce sens que la mention du dispositif '26 septembre 2017' est remplacée par la mention '2 octobre 2017';
Confirme le jugement déféré ainsi rectifié ;
Y ajoutant,
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Manche aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD C. CHAUX