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13/04/2023 | FRANCE | N°20/00167

France | France, Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 13 avril 2023, 20/00167


AFFAIRE :N° RG 20/00167 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GPKV

 



ARRÊT N°



JB.





ORIGINE : DECISION en date du 18 Octobre 2019 du Tribunal de Commerce de CHERBOURG

RG n° 2018000154





COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 13 AVRIL 2023









APPELANTE :



SNC BOUGREL LECACHEUR

N° SIRET : 413 248 006

[Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de son représentant légal
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représentée et assistée la SCP FERRETTI HUREL LEPLATOIS, avocat au barreau de CAEN





INTIMEE :



S.A.S. ETABLISSEMENTS MOTIN FRERES

N° SIRET : 301 191 391

[Adresse 3]

[Adresse 3]

prise en la personne de son...

AFFAIRE :N° RG 20/00167 -

N° Portalis DBVC-V-B7E-GPKV

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 18 Octobre 2019 du Tribunal de Commerce de CHERBOURG

RG n° 2018000154

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 13 AVRIL 2023

APPELANTE :

SNC BOUGREL LECACHEUR

N° SIRET : 413 248 006

[Adresse 1]

[Adresse 1]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée la SCP FERRETTI HUREL LEPLATOIS, avocat au barreau de CAEN

INTIMEE :

S.A.S. ETABLISSEMENTS MOTIN FRERES

N° SIRET : 301 191 391

[Adresse 3]

[Adresse 3]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de la SCP CLEMENT DE COLOMBIERES & BOULCH, avocat au barreau de CHERBOURG

INTERVENANTE FORCEE :

S.A.S. JACQUES LEBAUDY

N° SIRET : 420 909 293

[Adresse 4]

[Adresse 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Stéphane PIEUCHOT, avocat au barreau de CAEN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 09 février 2023

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 13 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

Le 31 mars 2016, la société Bougrel Lecacheur, spécialisée dans les travaux agricoles, a acquis auprès de la société Établissements Motin frères un tracteur d'occasion de marque John Deere mis en circulation le 21 mars 2012, moyennant un prix de 46.000 euros hors taxes, lequel lui a été livré le 19 avril 2016.

Ce tracteur appartenait auparavant à la CUMA Saint-Germain-le-Gaillard et son entretien était assuré par la société Jacques Lebaudy

A la suite d'une expertise amiable réalisée le 22 mars 2017 ayant révélé un dysfonctionnement de la boîte de vitesse et au visa des articles 1641 et suivants du code civil, la société Bougrel Lecacheur a, par acte d'huissier du 22 décembre 2017, fait assigner les Établissements Motin frères devant le tribunal de commerce de Cherbourg afin, notamment, de voir celle-ci condamnée au paiement des sommes de 14.435,82 euros HT au titre des frais de réparation de ce tracteur, de 6.900 euros et de 4.305,60 euros au titre des frais de location d'un tracteur de remplacement.

La société Bougrel Lecacheur a également fait assigner en intervention forcée la société John Deere, fabricant du tracteur en cause.

Par jugement du 18 octobre 2019, le tribunal de commerce de Cherbourg a :

- débouté la société Bougrel Lecacheur de toutes ses demandes,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société Bougrel Lecacheur au paiement au profit des Établissements Motin frères de la somme de 2.000 euros à titre d'indemnité de procédure,

- débouté la société John Deere de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- débouté la société John Deere de sa demande d'indemnité de procédure,

- condamné la société Bougrel Lecacheur aux entiers dépens comprenant les frais de greffe, d'un montant de 88,94 euros TTC.

Par déclaration du 20 janvier 2020, la société Bougrel Lecacheur a interjeté appel de cette décision.

Suivant ordonnance du 25 novembre 2020, le conseiller de la mise en état a ordonné, sur la demande de l'appelante, une expertise judiciaire, confiée à M. [L] [C], afin notamment de déterminer les dysfonctionnements affectant éventuellement le tracteur en cause.

Le 16 juillet 2021, cet expert judiciaire a déposé son rapport.

Les frais d'expertise ont été taxés à la somme totale de 7.193,15 euros, par ordonnance du 29 septembre 2021.

Suivant ordonnance du 23 février 2022, le conseiller de la mise en état a débouté les Établissements Motin frères de leurs demandes tendant à voir ordonner qu'il soit sursis au dépôt du rapport d'expertise ou à ce que les opérations soient reprises, à lui donner acte de ce qu'elle allait attraire à la procédure en cours la société Jacques Lebaudy mise en cause par l'expert, afin que les opérations d'expertises lui soient communes et opposables, à voir ordonner à l'expert de reprendre et poursuivre les opérations pour lesquelles il a été missionné après extension de la procédure à la société Jacques Billebaude, à surseoir à la demande de taxation des frais et honoraires de l'expert et à ordonner que les frais et dépens du présent incident suivront le sort des dépens de la procédure principale.

Par acte du 17 mars 2022, les Établissements Motin frères ont fait assigner en intervention forcée la société Lebaudy.

Les instances ont été jointes.

Par dernières conclusions du 23 septembre 2022, la société Bougrel Lecacheur demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, statuant à nouveau, de dire et juger que le tracteur de marque John Deere immatriculé [Immatriculation 2] était affecté d'un vice caché, de condamner en conséquence les Établissements Motin frères à lui payer les sommes de 19.173,24 euros HT au titre des frais de réparation, 59.894 euros HT au titre des frais de location d'un tracteur entre le 15 avril 2017 et le 11 mai 2021, 1.500 euros HT par mois au titre des frais de location à compter du 11 mai 2021 jusqu'à l'exécution de l'arrêt à intervenir, de rejeter toutes demandes formées à son encontre et de condamner l'intimée à lui verser la somme de 8.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions du 1er août 2022, les Établissements Motin frères demandent à la cour de les recevoir et dire bien fondée en leur action en intervention forcée à l'encontre de la société Billebaude, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il les a mis hors de cause et a débouté la société Bougrel Lecacheur de toutes ses demandes.

Subsidiairement, outre des demandes de « dire et juger » ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, ils demandent à la cour de juger que la société Jacques Lebaudy est responsable des dysfonctionnements et vices affectant le tracteur objet de la vente du 19 avril 2016, de juger que la société Bougrel Lecacheur a commis une faute envers eux en omettant de leur ramener le tracteur immédiatement au moment de la survenance de la panne initiale et en le déposant dans les locaux de la société Lebaudy, son concurrent direct, de juger que la faute commise par celle-ci à l'occasion des interventions réalisées sur le tracteur litigieux est directement et exclusivement à l'origine du sinistre subi par la société Bougrel Lecacheur et de les mettre hors de cause.

À titre infiniment subsidiaire, en cas de condamnation prononcée contre les Établissements Motin frères, ceux-ci demandent à la cour de condamner la société Jacques Lebaudy à les garantir de toute condamnation prononcée contre eux.

En tout état de cause, ils demandent à la cour de condamner toute partie succombante au paiement de la somme de 8.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens comprenant ceux de première instance, des incidents de mise en état et d'appel et les frais d'expertise.

Par dernières conclusions du 10 mai 2022, la société Jacques Lebaudy demande à titre principal à la cour de déclarer irrecevable l'action en intervention forcée dirigée contre elle et de débouter les Établissements Motin frères de sa demande en intervention forcée dirigée contre elle.

Subsidiairement, elle demande à la cour de débouter les Établissements Motin frères de toutes ses prétentions à son encontre.

En toute hypothèse, elle sollicite la condamnation des Établissements Motin frères au paiement de la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité de procédure ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

La mise en état a été clôturée le 11 janvier 2023.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur la recevabilité de l'intervention forcée

Aux termes de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Selon l'article 555, ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

Il résulte de ces dispositions que l'évolution du litige n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit, née du jugement entrepris ou postérieure à celui-ci, modifiant les données juridiques du litige.

L'évolution du litige s'apprécie à la date de clôture des débats de première instance.

Il ne peut être prétendu à une évolution du litige lorsque les éléments dont se prévaut le demandeur en intervention étaient déjà connus en première instance.

Les Établissements Motin frères font valoir que ce sont les opérations de l'expertise ordonnée en appel qui lui ont révélé et ont établi l'existence d'interventions inadaptées voire inutiles par les techniciens de la société Jacques Lebaudy sur le tracteur en cause.

Cependant, la société Jacques Lebaudy réplique à juste titre que les interventions réalisées par ses soins sur le tracteur en cause avant sa vente à la société Bougrel Lecacheur par les Établissements Motin frères le 31 mars 2016 étaient connues de ceux-ci, lesquels indiquent dans leur assignation en intervention forcée que la société Bougrel Lecacheur s'était « abstenue d'attraire la société Lebaudy dont elle connaissait pourtant l'existence des interventions antérieurement à son acquisition » et que cette abstention avait été « soulignée par les autres parties dans leurs conclusions et leurs plaidoiries en première instance ».

Dès lors, les Établissements Motin frères, vendeur du tracteur litigieux, ne saurait prétendre que les interventions effectuées par la société Jacques Lebaudy, chargée de l'entretien de ce tracteur lorsqu'il appartenait à la CUMA Saint-Germain-le-Gaillard, ne lui ont été révélées que par l'expertise ordonnée en appel et constitueraient un élément nouveau révélé postérieurement au jugement dont appel et impliquant la mise en cause de la société Jacques Lebaudy.

L'intervention forcée de la société Jacques Lebaudy en cause d'appel sera donc déclarée irrecevable.

2. Sur les demandes principales

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

Selon l'article 1643, le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il en sera obligé à aucune garantie.

Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'acheteur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères.

Le vendeur professionnel ne peut ignorer les vices de la chose vendue, même à un professionnel.

Selon l'article 1644, dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le droit de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix.

Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a retenu que la société Bougrel Lecacheur avait entendu dispenser les Établissements Motin frères de la réalisation des contrôles préalables à la vente, qu'elle est un professionnel des travaux agricoles et de l'utilisation des engins agricoles et qu'en sa qualité de professionnel averti elle ne pouvait invoquer la garantie des vices cachés.

La société Bougrel Lecacheur fait grief au jugement attaqué d'avoir rejeté ses demandes, alors que sa qualité de professionnel ne la prive pas de la faculté d'invoquer la garantie des vices cachés, qu'elle n'avait pas exempté le vendeur de son obligation de lui céder un bien dépourvu de vices, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dans le choix de confier le tracteur en cause à la société Jacques Lebaudy, à laquelle elle confie habituellement ses engins pour entretien, afin de déterminer l'origine du dysfonctionnement, que le dysfonctionnement de la boîte de vitesse était en germe avant la vente et constitue un vice caché au sens des articles 1641 et suivants du code civil.

Les Établissements Motin frères répliquent qu'ils n'ont pas pu effectuer les vérifications habituelles précédant toute vente d'un matériel d'occasion, que la société Bougrel Lecacheur a acheté le tracteur litigieux en l'état et en bon état de fonctionnement, se réservant sa vérification et son entretien notamment le changement du filtre à huile de la boîte de vitesse, que celle-ci n'a porté à sa connaissance que tardivement le bruit émanant de la boîte de vitesse du tracteur utilisé durant 360 heures entre sa livraison en avril 2016 et son dépôt à la société Jacques Lebaudy au mois de septembre suivant, qu'elle a préféré confier le tracteur à la société Jacques Lebaudy, son concurrent, plutôt qu'à ses soins, que le vice en cause n'a pu être décelé qu'après réalisation d'un diagnostic soumis au constructeur qui ne connaissait pas le nombre d'heures d'utilisation du tracteur depuis sa livraison et que l'appelante n'a pas accepté son offre de prêt gratuit d'un tracteur de remplacement formulée par lettre du 5 octobre 2017, ni sa proposition d'échange avec un tracteur équivalent de marque Valtra.

Ils mettent en doute les conditions d'utilisation du tracteur litigieux, soulignant que celui-ci avait été acheté en urgence suite à la panne d'un précédent tracteur de marque Valtra dont la boîte de vitesse était cassée à 11 000 heures de fonctionnement.

Ils font observer qu'une anomalie semble affecter la boîte de vitesse équipant le tracteur litigieux, imputable au constructeur qui en a préconisé en l'occurrence le remplacement et affirment qu'ils ne leur appartenait pas de mettre en cause le fabricant du tracteur en cause.

C'est à tort que le tribunal a retenu qu'en sa qualité de professionnel la société Bougrel Lecacheur ne pouvait se prévaloir de la garantie des vices cachés, cette garantie pouvant être invoquée par tout acheteur.

En l'espèce, aucune présomption de connaissance par l'acquéreur professionnel des vices en cause n'est invoquée par le vendeur, qui ne soutient pas que les vices en cause étaient apparents lors de la vente.

Il ressort des productions, notamment de la facture et du rapport d'expertise amiable établi contradictoirement le 21 juin 2017, que le tracteur de marque John Deere acheté d'occasion le 31 mars 2016 et comportant 2 491 heures d'utilisation est affecté d'un dysfonctionnement interne de la boîte de vitesse se manifestant par un sifflement prononcé lors d'un essai routier, que le diagnostic de cette boîte de vitesse a été réalisé le 5 octobre 2016 par la société Jacques Lebaudy suivant le mode opératoire conseillé par le constructeur et que ce dernier a préconisé le remplacement de la boîte de vitesse.

L'expert judiciaire, dans son rapport établi le 15 juillet 2021, conclut notamment que des dysfonctionnements affectent la boîte de vitesse de marque ZF, se traduisant par des temps de réponse aléatoires lors des commandes de translation, un sifflement au-dessus d'une certaine vitesse et l'allumage des voyants, que ces dysfonctionnements étaient « en germe au moment de la vente » et rendent le tracteur « hors service » en raison de la boîte de vitesse endommagée, que plusieurs interventions ont été réalisées sur la transmission par la société Jacques Lebaudy avant l'acquisition de celui-ci par la société Bougrel Lecacheur, que le gérant de cette dernière aurait dû informer les Établissements Motin frères de ces désordres et que le protocole de diagnostic de la boîte de vitesses aurait dû être mis en 'uvre par ces derniers.

Le vendeur ne saurait s'exonérer de toute garantie en soutenant que le tracteur a été vendu en l'état, en bon état de fonctionnement et que l'acquéreur, professionnel des engins agricoles, l'avait dispensé des vérifications habituelles lors de la vente de matériel d'occasion, alors, d'une part, qu'en tant que professionnel de la vente d'engins agricoles il est tenu à la garantie des vices cachés, qu'il ne ressort d'aucune mention de la facture ou d'autres pièces produites que le tracteur en cause a été cédé en l'état et en bon état de fonctionnement et, d'autre part, que cette vente n'est assortie d'aucune clause limitative de garantie.

Il ne saurait être reproché à faute à la société Bougrel Lecacheur d'avoir confié le tracteur en cause à la société Jacques Lebaudy et non aux Établissements Motin frères, son vendeur, dès lors que la société Jacques Lebaudy était habituellement chargée de l'entretien de ses engins, est un concessionnaire John Deere, marque du tracteur litigieux, et a réalisé le diagnostic de la boîte de vitesse défectueuse conformément aux préconisations du constructeur.

Le vendeur se borne à mettre en doute de manière hypothétique les conditions d'utilisation du tracteur litigieux par la société Bougrel Lecacheur durant les 360 heures d'utilisation entre sa livraison en avril 2016 et son dépôt à la société Jacques Lebaudy au mois de septembre suivant, sans rapporter la preuve d'un usage anormal de la chose vendue par son acquéreur ayant un lien de causalité avec la défectuosité de la boîte de vitesse déjà en germe lors de la vente selon l'expert judiciaire.

Ainsi se trouve établie l'existence à la date de la vente d'un vice caché rendant le tracteur impropre à sa destination normale.

Il ne saurait être reproché à la société Bougrel Lecacheur d'avoir refusé l'offre d'échange du tracteur litigieux, de marque John Deere, avec un tracteur de marque Valtra, ces deux engins n'étant pas identiques et l'acheteur bénéficiant d'une option entre une action résolutoire et une action estimatoire.

S'agissant des demandes formées par la société Bougrel Lecacheur, il ressort du rapport d'expertise judiciaire, non utilement contredit, que le coût du remplacement de la boîte de vitesse s'élève à la somme de 19.173,24 euros HT et que les frais de location d'un tracteur de remplacement sont d'un montant de 59.894 euros HT pour la période du 15 avril 2017 au 11 mai 2021.

Il ne saurait être fait droit au surplus des demandes de l'appelante au titre des frais de location d'un tracteur de remplacement, aucun justificatif n'étant produit concernant la période postérieure au 11 mai 2021.

Contrairement à ce que soutiennent les Établissements Motin frères, la lettre officielle du 5 octobre 2017 constitue une réponse à la mise en demeure adressée le 29 septembre précédent par la société Bougrel Lecacheur, se borne à reprocher à celle-ci de ne pas avoir contacté son vendeur plutôt que la société Jacques Lebaudy et affirme que si le tracteur lui avait été confié elle lui aurait prêté gratuitement un tracteur de remplacement pour s'opposer aux demandes relatives aux frais de location d'un tracteur de remplacement, sans formuler d'offre à ce titre.

Le jugement entrepris sera donc infirmé et, la cour statuant à nouveau, les Établissements Motin frères seront condamnés à payer à la société Bougrel Lecacheur les sommes de 19.173,24 euros HT au titre des frais de remplacement de la boîte de vitesse et de 59.894 euros HT au titre des frais de location d'un tracteur de remplacement pour la période du 15 avril 2017 au 11 mai 2021.

3. Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront infirmées.

Les Établissements Motin frères, qui succombent, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise judiciaire, déboutés de leur demande d'indemnité de procédure et condamnés à payer à la société Bougrel Lecacheur la somme de 3.000 euros et à la société Jacques Lebaudy celle de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Déclare irrecevable l'intervention forcée en cause d'appel de la société Jacques Lebaudy ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne les Établissements Motin frères à payer à la société Bougrel Lecacheur les sommes de 19.173,24 euros HT au titre des frais de remplacement de la boîte de vitesse et de 59.894 euros HT au titre des frais de location d'un tracteur de remplacement pour la période du 15 avril 2017 au 11 mai 2021 ;

Rejette les demandes formées par la société Bougrel Lecacheur au titre des frais de location d'un tracteur de remplacement pour la période postérieure au 11 mai 2021 ;

Y ajoutant,

Condamne les Établissements Motin frères aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise judiciaire, qui pourront être recouvrés directement par la SELARL Pieuchot & associés selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamne les Établissements Motin frères à payer à la société Bougrel Lecacheur la somme de 3.000 euros et à la société Jacques Lebaudy celle de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les Établissements Motin frères de leur demande d'indemnité de procédure.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00167
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;20.00167 ?
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