AFFAIRE : N° RG 20/02611
N° Portalis DBVC-V-B7E-GUIJ
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LISIEUX en date du 12 Novembre 2020 RG n° F 19/00140
COUR D'APPEL DE CAEN
1ère chambre sociale
ARRÊT DU 13 AVRIL 2023
APPELANTE :
Madame [F] [D]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me David LEGRAIN, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
S.A.S. STEFANO TOSELLI agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Jérémie PAJEOT, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me Olivier GABON, avocat au barreau de VERSAILLES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur
Mme PONCET, Conseiller,
Mme VINOT, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 02 février 2023
GREFFIER : Mme ALAIN
ARRÊT prononcé publiquement contradictoirement le 13 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme GOULARD, greffier
Mme [D] a été engagée par la société StéphanoToselli en qualité d'assistante de direction (catégorie Cadre Coefficient 300) par contrat à durée indéterminée à effet du 1er février 2013 en qualité d'assistante de direction, statut cadre, puis par avenant à effet du 1er octobre 2015 est devenue assistante commerciale et marketing. La relation contractuelle a été précédée d'un contrat à durée déterminée à compter du 13 août 2012 ;
Par lettre du 1er mars 2019, elle a été convoquée à un entretien fixé du 8 mars suivant et a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée du 15 mars 2019 ;
Se plaignant de la légitimité de la rupture de son contrat et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits tant pour l'exécution que pour la rupture du contrat, elle a saisi le 17 juin 2019 le conseil de prud'hommes de Lisieux lequel par jugement rendu le 12 novembre 2020 a :
- dit le licenciement fondé ;
- condamné la société Stéphano Toselli à payer à Mme [D] la somme de 5000 € brut au titre de la prime d'objectifs 2018 outre les congés payés afférents de 500 €, celle de 3048.33 € à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement ;
- débouté Mme [D] de ses autres demandes ;
- condamné la société Stéphano Toselli à payer à une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société Stéphano Toselli aux dépens ;
Par déclaration au greffe du 3 décembre 2020, Mme [D] a formé appel de cette décision ;
Par arrêt de déféré du 22 septembre 2022, la cour a notamment dit irrecevables les conclusions de Mme [D] du 25 octobre 2021 ainsi que les pièces n°34 à 40 communiquées à cette même date:
Ainsi, seules les conclusions remises au greffe le 25 février 2021 et les pièces n°1 à 33 seront prises en compte ;
Par conclusions remises au greffe le 25 février 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, Mme [D] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ses dispositions relatives à la prime d'objectifs 2018 et aux indemnités de procédure ;
- l'infirmer pour le surplus, et statuant à nouveau,
- dire et juger dénué de toute cause réelle et sérieuse le licenciement
- condamner, en conséquence, la société StéphanoToselli à lui payer les sommes suivantes :
- 37.430,66 € bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,
- 3.743,07 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 14.143,65 € bruts à titre de contrepartie en repos non pris,
- 1.414,37 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 1.308,01 € bruts à titre rappel de prime d'ancienneté,
- 130,80 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 1.751,96 € bruts à titre de rappel de salaire de majoration de travail le dimanche,
- 175,20 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 692,25 € bruts à titre de rappel de salaire de majoration de travail les jours fériés,
- 69,25 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 1.757,20 € à titre de rappel de complément d'indemnité légale de licenciement,
- 3.231,23 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,
- 22.600,00 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 2.500,00 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- ordonner à la société StéphanoToselli de lui remettre un bulletin de paie et une attestation PÔLE EMPLOI, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document
- fixer la moyenne des 3 derniers mois de salaire reconstitué à la somme de 5.014,32 €,
- condamner la société StéphanoToselli à supporter les entiers dépens de l'instance ;
Par conclusions remises au greffe le 25 mai 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société Stéphano Toselli demande à la cour de :
- confirmer le jugement sauf en ses dispositions relatives à la prime sur objectifs 2018 et congés payés afférents, aux dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière, aux intérêts et aux indemnités de procédure ;
- y ajoutant
- débouter Mme [D] de ses demandes cumulées d'indemnités pour irrégularité de la procédure de licenciement et d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- débouter Mme [D] de ses demandes visant à obtenir des indemnités nettes de CSG et de CRDS ;
- la débouter de l'ensemble de ses fins et prétentions ;
- condamner Mme [D] à payer à la société StéphanoToselli la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance ;
MOTIFS
I - Sur la convention de forfait
Le contrat de travail à effet du 1er février 2013 vise l'accord collectif du 22 décembre 1999, et mentionne que Mme [D] est soumise au type d'horaire prévu par cet accord pour sa catégorie, soit l'article 6 modalité 7 de l'accord ;
La salariée estime que ces mentions ne peuvent constituer un forfait annuel en jours opposable au salarié, qu'elle n'a bénéficié d'aucun suivi de sa charge de travail, qu'elle peut revendiquer les dispositions supplétives de la convention collective nationale des produits alimentaires puisque l'accord d'entreprise ne prévoit aucun suivi, qu'elle n'a pas bénéficié de ces dispositions ;
L'employeur considère qu'elle a bien accepté en signant son contrat de travail le principe d'une durée de travail soumise au principe du forfait annuel en jours, (217 jours), ce forfait n'a jamais été dépassé, que par ailleurs les dispositions de la convention collective ne sont que supplétives si bien que seul l'accord de 1999 a vocation à s'appliquer et qu'il s'est bien assuré des amplitudes de travail par un décompte mensuel fourni par la salariée et par les entretiens réguliers ;
L'accord d'entreprise du 1er décembre 1999 « sur la réduction et l'aménagement du temps de travail » produit aux débats prévoit dans son article 6 (modalité pour les cadres, hors cadres dirigeants) « une modalité 7 Réduction du temps de travail effectif avec principe de jours de récupération, le personne l concerné étant les personnes à statut cadre, hors cadres dirigeants, un temps de travail équivalent à 35h sera considéré comme atteint avec plafonnement des jours travaillés par an à 217 jours fériés ». L'article 7 de l'accord relatif au relevé des heures de travail mentionne que « seuls les cadres visés par la modalité 7 ne sont pas soumis à ce décompte journalier et hebdomadaire, seuls devront apparaître pour eux les jours travaillés ou non » ;
A supposer que la convention individuelle de forfait telle que résultant de la seule référence dans le contrat de travail à l'accord d'entreprise soit valable, il sera relevé que cet accord d'entreprise ne prévoit aucune modalité selon lesquelles l'employeur assure l'évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié, et selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que l'organisation du travail dans l'entreprise ;
S'agissant d'un accord antérieur au 9 août 2016, l'employeur peut démontrer qu'il s'est conformé aux dispositions de l'article L3121-65 , les dispositions supplétives invoquées par le salarié résultant de l'article 6 de l'accord du 13 décembre 2017 ayant été étendues par arrêté du 15 février 2019 publié le 21 février 2019 soit postérieurement aux périodes de 2016 à 2019 visées dans sa demande en paiement au titre des heures supplémentaires ne sont pas applicables ;
L'employeur produit un document sans en tête intitulé « suivi des jours travaillés Cdres cible 218 jours » comportant un tableau au nom de [D] et qui décompte pour les années 2016, 2017 à 2018 les jours travaillés mois par mois pour aboutir à 215 jours en 2016, 209.5 jours en 2017 et 215 jours en 2018, et indique que ce décompte mensuel a été fourni par la salariée, ce que celle-ci conteste ;
Il se réfère également aux entretiens individuels produits par la salariée et réalisés le 3 mars 2014, le 3 juin 2015, le 11 mai 2016 et le 22 juin 2016, lesquels n'évoquent à aucun moment la charge de travail, l'organisation du travail et l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et sa rémunération. Le fait que la salariée ait indiqué en 2018 apprécier « les challenges et l'autonomie dont elle dispose pour organiser ses tâches » est insuffisant ;
Dès lors, faute de justifier s'être conformé aux modalités de suivi prescrites par l'article L3121-65, la convention de forfait est inopposable à la salariée ;
Celle-ci peut donc prétendre au paiement des heures supplémentaires éventuellement réalisées ;
II - Sur les heures supplémentaires
La salariée réclame des heures supplémentaires pour la période de mars 2016, 2017, 2018 et février 2019 ;
Elle produit aux débats :
- des agendas des années 2016, 2017, 2018 et 2019 avec pour chaque semaine les heures effectuées et pour chaque jour l'horaire de début et de fin de journée de travail et distinguant les périodes de congés;
- des copies d'envoi de courriels avec des horaires et la mention d'évènements professionnels particuliers sur certaines périodes (par exemple voyage en Chine en septembre 2016, à Bratislava en janvier 2017, en Chine à nouveau en avril 2017) ;
-un décompte des heures réclamées distinguant leur nombre, le taux horaire à 25% et à 50%, et le montant des repos compensateurs ;
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, peu important, s'agissant des agendas, qu'ils aient été établis pour les besoins de la procédure, ou peu important que la salariée ne se soit jamais plainte d'une surcharge de travail, ce qui en tout état de cause faux puisqu'elle produit un courriel du 18 décembre 2018 adressé à son employeur dans lequel elle se plaint de sa charge de travail ;
L'employeur invoque une inadéquation entre les heures mentionnées et le décompte produit, ce qui ne résulte pas de l'analyse des pièces produites. Ainsi pour la semaine du 14 au 18 mars 2016, la salariée indique avoir fait 37h31 (agenda) et c'est ce chiffre qui figure dans son décompte, il en est de même pour toutes les semaines critiquées par l'employeur dans ses conclusions ;
Concernant les périodes de déplacement, l'employeur conteste les horaires mentionnés mais ne produit aucun élément établissant que la salariée aurait fait des heures moindres ou que les heures mentionnées n'étaient pas justifiées par l'accomplissement de ses tâches ;
Enfin, l'employeur fait état de la prescription pour la période antérieure au 19 juin 2016 mais le dispositif de ses conclusions ne mentionne aucune prétention tendant à l'irrecevabilité de la demande en paiement pour cette période, la cour n'est donc saisi d'aucune demande en ce sens ;
Il convient dès lors de faire droit à la demande et de lui allouer, au vu de son décompte, la somme de 37 430.66 € brute pour les heures supplémentaires effectuées en 2016 (à compter de mars), 2017, 2018 et 2019 (jusqu'au 28 février 2019), outre celle de 3743.07 € au titre des congés payés afférents ;
III - Sur les repos compensateurs
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Celle-ci comporte le montant d'une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos, auquel s'ajoute le montant de l'indemnité de congés payés afférents ;
En l'occurrence, l'employeur ne soutient ni n'établit que la salariée a été en mesure de former une demande de repos compensateur ;
Il ne conteste pas davantage y compris subsidiairement le montant de la demande réclamée à ce titre ;
Il convient de faire droit à la demande, soit une somme de 15 558.02 € correspondant à l'indemnité pour 14 143.65 € et aux congés payés afférents de 1413.37 € ;
IV - Sur le rappel pour majoration des heures travaillées le dimanche et les jours fériés
Concernant les heures travaillées le dimanche, la salariée demande la majoration de 50% prévue par la convention collective des produits alimentaires et produit un tableau détaillant le dimanche travaillé et les heures effectuées, soit 17 dimanches entre le 10 avril 2016 et le 3 juin 2018 ;
L'employeur critique l'amplitude des horaires de travail supérieure à 11 heures (pause déjeuner non déduite) ce qui est selon lui peu crédible ;
Mais outre qu'il ne produit aucun élément de nature à contester le tableau produit par la salariée, l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que la salariée ait été en mesure de prendre ces jours là une pause déjeuner d'une heure ;
Il convient de faire droit à sa demande dont le quantum n'est pas subsidiairement discuté, et de lui allouer une somme de 1751.96 €, outre la somme de 175.20 € au titre des congés payés afférents ;
Concernant les heures travaillées les jours fériés, la salariée demande l'indemnisation d'une part du 1er mai 2017 soit une indemnité égale au montant du salaire prévue par l'article L3133-6 du code du travail et d'autre part celle prévue par la convention collective pour deux jours fériés (17 avril et 8 mai 2017) pour lesquels elle n'a pas bénéficié du repos compensateur prévu ;
Elle indique dans ses conclusions les horaires de travail de ces trois journées ;
L'employeur critique l'amplitude des horaires de travail supérieure à 11 heures (pause déjeuner non déduite) ce qui est selon lui peu crédible ;
Mais outre qu'il ne produit aucun élément de nature à contester le tableau produit par la salariée, l'employeur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que la salariée ait été en mesure de prendre ces jours là une pause déjeuner d'une heure, d'autant que la salariée indique qu'elle a déduit 40 minutes pour sa pause déjeuner ;
Il convient de faire droit à sa demande dont le quantum n'est pas subsidiairement discuté, et de lui allouer une somme de 692.25€, outre la somme de 69.25 € au titre des congés payés afférents ;
V - Sur le rappel de primes sur objectifs pour 2018
Le contrat de travail mentionne une rémunération brute mensuelle de 2500 € et ne prévoit aucune rémunération variable ;
La salariée n'invoque aucune disposition conventionnelle et se fonde sur un usage de l'employeur, sur le fait qu'elle a perçu cette prime depuis 2016 et de ses excellentes évaluations, et demande la même somme que celle perçue en 2017 ;
L'employeur ne conteste pas être redevable de la prime d'objectif pour l'année 2018 sollicitant que la prime réclamée soit fixée à 4006 € brut correspondant à la moyenne des trois dernières primes versées ;
Au vu des bulletins de salaire, la salariée a perçu une prime sur objectifs de 3833 € en 2016 pour l'année 2015, 5000 € en 2017 pour l'année 2016 et 3185 € en 2018 pour l'année 2017 ;
Au vu des lettres d'accompagnement du paiement de la prime produites aux débats, celle-ci est fixée selon que les objectifs de résultat de l'année écoulée aient été ou non atteints ;
L'employeur ne produit aux débats aucun élément établissant si ces objectifs ont été atteints en 2018. Pour autant, la salariée ne produit aucun élément pouvant établir que dans cette hypothèse il devrait lui être versé la prime la plus élevée. Il convient en conséquence de lui allouer une prime correspondant à la moyenne des primes perçues soit une somme de 4006 € outre celle de 400.60 € au titre des congés payés afférents ;
VI - Sur le rappel de primes d'ancienneté
La salariée se fonde sur la convention collective pour réclamer un rappel de prime d'ancienneté prenant en compte les majorations pour heures supplémentaires ;
L'employeur demande au dispositif de ses conclusions le rejet de cette demande mais ne développe aucun moyen pour s'y opposer ;
Il convient en conséquence d'y faire droit et de lui allouer une somme de 1308.01 € outre celle de 130.80 € au titre des congés payés afférents ;
VII - Sur la rupture du contrat de travail
- Sur le bien fondé du licenciement
La lettre de licenciement est motivée comme suit :
« (') nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier en raison de votre refus de modification de vos conditions de travail.
En effet en date du 15 février 2919, je vous ai informé de la réorganisation du service commercial et de la nouvelle répartition des dossiers. Vous avez réagi d'une façon négative, indisciplinée, voire infantile et peu professionnelle.
J'ai souhaité vous expliquer l'organisation envisagée lors d'un nouvel entretien le 28 février 2019, au cours duquel vous avez catégoriquement refusé la modification de votre périmètre d'action.
L'ajout, le retrait ou la modification des tâches confiées au salarié relèvent du pouvoir de direction de l'employeur, et constituent une simple modification des conditions de travail. Votre refus constitue un acte d'insubordination. Aussi, nous vous confirmons procéder à votre licenciement pour cause réelle et sérieuse » ;
La salariée considère en se livrant à une comparaison de la fiche de poste transmise le 25 février 2019 et de sa fiche de poste (assistante commerciale marketing export) que l'employeur a procédé à une modification de son contrat de travail par une redéfinition totale de la nature des tâches qui lui étaient alors confiées, que par ailleurs, l'employeur avait une nouvelle fiche de poste qu'il a refusé de lui transmettre, qu'en outre la modification envisagée était au stade de l'ébauche, et il ne peut lui être reproché de ne pas avoir accepté une réorganisation qui n'avait pas encore été tentée, observant qu'elle n'avait reçu aucune mise en demeure ;
L'employeur rappelle la modification unilatérale des tâches relève de son pouvoir de direction, observant que les tâches que la salariée prétend avoir perdu ne figuraient pas dans sa fiche de poste initiale, contestant que l'entretien n'ait été qu'une négociation ou qu'il aurait refusé de lui transmettre une nouvelle fiche de poste, et soulignant que l'évolution de son poste n'affectait ni le lieu de travail, ni sa qualification et ni son salaire ;
L'employeur peut confier au salarié des tâches différentes de celles exercées précédemment dès lors qu'elles correspondent à sa qualification, sauf changement de fonctions substantiels ;
Il résulte des pièces produites que par lettre du 16 mai 2018, l'employeur a informé la salariée de la nécessité de réorganiser le service commercial pour maintenir la compétitivité de l'entreprise, pouvant conduire à la suppression de deux postes d'assistantes de direction statut cadre, et par lettre du 17 mai 2018 de la création d'un poste d'assistante commerciale Export statut employé, sollicitant sa position pour le 1er juin suivant, puis par lettre du 31 mai 2018 a apporté les précisions suivantes : Poste : assistante commerciale Export, catégorie employé, coefficient 195 et salaire mensuel brut de 3048.33 € et a laissé à la salarié un délai jusqu'au 18 juin suivant ;
Dans une lettre du 1er mars 2019, l'employeur évoque un entretien le 15 février 2019 durant lequel il lui a présenté la future organisation qu'il souhaitait mettre en place en axant son poste d'assistante commerciale sur l'Europe du sud, l'Allemagne et les clients Hard Discount, et indique que la salariée a dit ne pas être intéressée. Il évoque également une réunion le 28 février suivant durant laquelle il a confirmé son souhait d'aménagement du service et indique que la salariée l'a catégoriquement rejetée et refusée ;
Il convient au préalable d'observer que la salariée ne soutient pas que le réaménagement de son poste implique une modification de sa qualification (alors même que la lettre du 17 mai 2018 évoque un statut employé) ou de sa rémunération, la fiche de poste correspondant au nouveau poste d'assistante commerciale Allemagne et Europe du Sud et coordonnatrice de projets ne précisant pas le statut.
Mais sans même qu'il soit utile d'analyser la modification des tâches confiées à la salariée, il suffit d'observer que l'insubordination reprochée à la salariée dans la lettre de licenciement ne résulte d'aucun élément ou pièce ;
En effet, le fait qu'elle ait réagi « d'une façon négative, indisciplinée, voire infantile et peu professionnelle », tel que le mentionne la lettre de licenciement n'est pas étayé par l'employeur et encore moins fondé par des pièces ;
Par ailleurs, même si la salariée ne conteste pas avoir émis un avis négatif lors de l'échange intervenu avec l'employeur, il n'est cependant pas établi qu'elle aurait refusé finalement de prendre ce nouveau poste, ce qui ne lui a jamais officiellement été demandé. En outre, il n'est pas non plus établi que l'échange ait porté sur un projet définitif de réorganisation du service commercial, à tout le moins concernant le poste qui serait attribué à la salariée, le courriel du 25 février 2019 des services de ressources humaines de la société qui a transmis à la salariée sa fiche de poste lui précisant qu'il ne s'agissait que d'une ébauche ;
Dès lors, l'opposition de la salariée à un nouveau poste qui n'était pas encore totalement défini, sans qu'il soit établi que les circonstances dans lesquelles cette opposition a été donnée caractérise une insubordination, n'a aucun caractère fautif.
Le licenciement est donc par infirmation du jugement sans cause réelle et sérieuse ;
En application des dispositions de l'article L1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre, au vu de son ancienneté de 6 années complètes et de la taille de l'entreprise, à une indemnité comprise entre 3 et 7 mois de salaire brut (soit 3231.23 € x 7 au maximum de 22 618.61€) ;
En considération de sa situation particulière et eu égard notamment à son âge, à l'ancienneté de ses services, à sa formation et à ses capacités à retrouver un nouvel emploi, la salariée justifiant avoir été indemnisé par Pôle Emploi depuis le mois le 15 juillet 2019 jusqu'au 3 février 2020 et avoir candidaté pour une formation à l'IAE de [Localité 4], la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer, la réparation qui lui est due à la somme de 20 000 € ;
La CSG et la CRDS s'imputent sur les sommes allouées à titre de dommages et intérêts, pour autant que ces sommes excèdent le seuil fixé par la loi. Il n'y a pas lieu en conséquence de préciser comme le demande la salariée et ce que conteste l'employeur une condamnation « net de CSG CRDS », ces dernières n'étant pas nécessairement dus sur ces sommes et, en toute hypothèse, pas pour leur totalité ;
- Sur le non-respect de la procédure de licenciement
L'entretien préalable ne peut pas avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation au salarié de la lettre recommandée de convocation ou de sa remise en main propre ;
En l'espèce, la convocation à l'entretien préalable fixé au 8 mars 2019 a été réceptionnée par la salariée le 2 mars précédent. Dès lors, c'est à juste titre qu'elle soutient que le délai de 5 jours ouvrables entre le 3 mars (le jour de la remise en comptant pas) et le jour de l'entretien n'a pas été respecté ;
Toutefois, l'employeur observe exactement qu'en application de l'article L1235-2 du code du travail, lorsque le licenciement est à la fois sans cause réelle et sérieuse et irrégulier en la forme, ce qui est le cas en l'espèce, la salariée perçoit uniquement l'indemnité prévue pour le défaut de cause réelle et sérieuse ;
Il convient par infirmation du jugement de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière ;
- Sur le complément d'indemnité légale de licenciement
La salariée justifie sa demande en prenant en compte pour le calcul de l'indemnité le rappel de salaire pour les heures supplémentaires.
La cour ayant fait droit à sa demande de rappel d'heures supplémentaires, il convient de faire droit à sa demande, soit une somme de 1757.20 €, le décompte qu'elle produit n'étant pas y compris subsidiairement discuté par l'employeur ;
VIII - Sur les autres demandes
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées ;
En cause d'appel, la société Stéphano Toselli qui perd le procès sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. En équité, elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 1500 € à Mme [D] ;
En dépit des développements contenus dans ses écritures, le dispositif des conclusions de la salariée ne contient aucune demande au titre de la rectification de son solde de tout compte ou de remise des documents de fin de contrat ;
La remise des bulletins de paie demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant ;
La salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Infirme le jugement rendu le 12 novembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Lisieux sauf en ses dispositions relatives aux dépens et aux indemnités de procédure ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;
Dit la cour non saisie d'une prétention fondée sur la prescription du rappel de salaire pour les heures supplémentaires ;
Dit inopposable la convention de forfait ;
Dit la procédure de licenciement irrégulière ;
Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société StéphanoToselli à payer à Mme [D] les sommes suivantes :
- 37.430,66 € bruts à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,
- 3.743,07 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 15 558.02 € à titre de contrepartie en repos non pris,
- 1.308,01 € bruts à titre rappel de prime d'ancienneté,
- 130,80 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 1.751,96 € bruts à titre de rappel de salaire de majoration de travail le dimanche,
- 175,20 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 692,25 € bruts à titre de rappel de salaire de majoration de travail les jours fériés,
- 69,25 € bruts à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
- 4006 € au titre de la prime d'objectifs pour 2018, outre celle de 400.60 € au titre des congés payés afférents,
- 1757,20 € à titre de rappel de complément d'indemnité légale de licenciement,
- 20 000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute Mme [D] de ses autres demandes ;
Ordonne à la société Stéphano Toselli de remettre à Mme [D] des bulletins de salaire complémentaires (à raison d'un bulletin par année) conformes au présent arrêt, ce dans le délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
Condamne la société StéphanoToselli à payer à Mme [D] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La déboute de sa demande aux mêmes fins ;
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêt au taux légal à compter de l'avis de réception de la convocation de l'employeur devant le conseil de prud'hommes ;
Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;
Dit que les intérêts se capitaliseront quand ils seront dus pour une année entière ;
Condamne la société StéphanoToselli à rembourser à l'antenne pôle emploi concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de trois mois de prestations ;
Condamne la société StéphanoToselli aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD L. DELAHAYE