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13/04/2023 | FRANCE | N°21/00877

France | France, Cour d'appel de Caen, 1ère chambre sociale, 13 avril 2023, 21/00877


AFFAIRE : N° RG 21/00877

N° Portalis DBVC-V-B7F-GW6D

 Code Aff. :



ARRET N°



C.P





ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 15 Mars 2021 - RG n° 19/00655









COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 13 AVRIL 2023





APPELANTE :



Madame [U] [P]

[Adresse 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022021003865 du 08/07/2021 accordée par le bureau

d'aide juridictionnelle de CAEN)



Représentée par Me Claire VOIVENEL, substitué par Me DURAND, avocats au barreau de CAEN



INTIMEES :



AGS-CGEA DE ROUEN

[Adresse 3]



S.A.R.L. ACPE RENOV,...

AFFAIRE : N° RG 21/00877

N° Portalis DBVC-V-B7F-GW6D

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAEN en date du 15 Mars 2021 - RG n° 19/00655

COUR D'APPEL DE CAEN

1ère chambre sociale

ARRET DU 13 AVRIL 2023

APPELANTE :

Madame [U] [P]

[Adresse 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 141180022021003865 du 08/07/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CAEN)

Représentée par Me Claire VOIVENEL, substitué par Me DURAND, avocats au barreau de CAEN

INTIMEES :

AGS-CGEA DE ROUEN

[Adresse 3]

S.A.R.L. ACPE RENOV, représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

Non représentés

DEBATS : A l'audience publique du 13 février 2023, tenue par Mme VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d'instruire l'affaire lequel a, les parties ne s'y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller, rédacteur

ARRET réputé contradictoire prononcé publiquement le 13 avril 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme GOULARD, greffier

Mme [P] a été embauchée à compter du 15 octobre 2018 en qualité de téléprospectrice par la société ACPE Renov.

Elle a été en arrêt de travail à compter du 26 avril 2019 et licenciée pour faute grave le 30 août 2019.

Le 26 décembre 2019, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Caen aux fins d'obtenir paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour harcèlement sexuel, voir dire le licenciement nul et obtenir diverses indemnités à ce titre.

Par jugement du 15 mars 2021 le conseil de prud'hommes de Caen a :

- débouté Mme [P] de sa demande d'indemnité pour harcèlement moral et de sa demande d'indemnité pour harcèlement sexuel

- dit que licenciement pour faute grave n'est pas fondé

- condamné la société ACPE Reno à verser à Mme [P] les sommes de :

- 1 284 euros à titre d'indemnité de préavis

- 128,40 euros à titre de congés payés afférents

- 320 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 1 284 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- ordonné à la société ACPE Renov de remettre à Mme [P] un bulletin de salaire, un reçu pour solde de tout compte, une attestation pôle emploi rectifiés

- dit qu'il sera alloué à Maître Voivenel la somme de 1 100 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1981 sur l'aide juridictionnelle

- débouté la société ACPE Renov de sa demande reconventionnelle

- condamné la société ACPE Renov aux dépens.

Mme [P] a interjeté appel de ce jugement, en celles de ses dispositions l'ayant déboutée de ses demandes d'indemnités pour harcèlement moral et pour harcèlement sexuel et dit n'y avoir lieu à astreinte pour la remise de pièces.

Par jugement du 6 avril 2022 une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société ACPVE Renov puis par jugement du 25 mai 2022 une procédure de liquidation judiciaire, Maître Lize étant désigné en qualité de liquidateur.

Maître Lize a été assigné en cette qualité par acte du 18 novembre 2022 contenant signification des conclusions d'appel du 15 novembre 2022 et n'a pas constitué avocat.

L'AGS CGEA de Rouen a été assignée par acte du 23 novembre 2022 contenant signification des conclusions d'appelante et n'a pas constitué avocat.

Pour l'exposé des moyens de Mme [P], il est renvoyé à ses conclusions du 15 novembre 2022.

Mme [P] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'indemnités pour harcèlement moral et harcèlement sexuel et d'astreinte pour la remise de documents

- dire le licenciement nul et fixer au passif une créance de 7 700 euros pour licenciement nul

- fixer au passif une indemnité à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral de 8 000 euros et une indemnité à titre de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel de 8 000 euros

- condamner Maître Lize à lui remettre une attestation pôle emploi, un bulletin de salaire, un recçu pour solde de tout compte, un certificat de travail rectifiés sous astreinte

- condamner Maître Lize à verser à Maître Voivenel une indemnité de 4 000 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1981 sur l'aide juridictionnelle

- déclarer la décision opposable à l'AGS CGEA.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 janvier 2023.

SUR CE

1) Sur le harcèlement moral

Mme [P] expose que durant l'exécution du contrat de travail M. [G], gérant, n'a eu de cesse d'avoir un comportement déplacé, dévalorisant, humiliant (remarques désobligeantes, dénigrement).

Elle fait valoir la correspondance qu'elle a adressée le 13 juin 2019 à son employeur pour se plaindre des faits et les échanges par mails avec ce dernier, deux témoignages et un certificat médical.

Les échanges par mail entre Mme [P] et M. [G] concernent des déductions de salaires contestées, des demandes d'attestations de salaire et de rectification de bulletins de salaire.

En réponse aux mails de réclamation rédigés en termes parfaitement corrects, M. [G] a répondu le 8 mai 2019 qu'il souhaitait interpeller Mme [P] sur la confidentialité qui la lie 'puisque des personnes extérieures et néfastes à la société sont informées de tout ce qui se passe dans la société', le 13 juin 2019 "vos propos déterminent bien l'ambition que vous avez envers la société. Vous avez bien attendu que votre période d'essai soit terminée pour pouvoir vous dévoiler !! On voit les heures travaillées et les absences. Veuillez prendre connaissance de mon rapprochement auprès des services d'inspection de la CPAM pour vérifier votre état de santé !!! trop d'arrêt répété' et le 13 juin plus tard en réponse à un mail de Mme [P] exposant là encore en termes posés tous les faits qu'elle considère comme du harcèlement moral et du harcèlement sexuel 'vu vos propos diffamatoires à mon égard j'annule tous mes rv demain pour porter plainte à votre encontre pour propos diffamatoires et j'en avertis mon avocat et tous les salariés de la société !'.

Quant à la demande de rupture conventionnelle adressée le 13 juin 2019 par Mme [P] elle a été suivie d'un refus le 29 juillet et d'une convocation à entretien préalable le 20 août puis d'un licenciement pour faute grave au sujet duquel les premiers juges ont jugé que l'employeur était défaillant dans la preuve d'un comportement fautif.

Par ordonnance de référé du 18 février 2020 l'employeur a été condamné à remettre à Mme [P] les bulletins de salaire de mai à août 2019, le juge ayant relevé que l'absence de remise de bulletins corrects n'était pas contestée.

M. [D], poseur, atteste que M. [G] a eu des paroles déplacées, qu'à plusieurs reprises il a dit 'que Mme [P] était une anorexique et que cela était la cause de ses arrêts maladie ainsi que celle-ci n'assumait son poste correctement lui reproché à longueur de temps qu'elle ne gérait pas les rendez-vous auprès des clients jusqu'au point lorsqu'elle venait habillé élégamment 'elle mérite sa pétée', ce qui est incroyable de la façon d'agir en tant qu'employeur'.

Mme [I] atteste avoir travaillé sur le même lieu que M. [G] qui lors d'une pause où ils parlaient de choses et d'autres, a dévié sur le sujet de Mme [P] en disant qu'elle était instable, qu'il ne recevait pas ses arrêts, que le 7 mai 2019 avec sa conjointe ils ont insinué que Mme [P] ne rapportait pas d'argent à la société, qu'elle était de plus une profiteuse du système, M. [G] allant en outre jusqu'à lui reprocher à elle que Mme [P] venait lui parler lors de ses pauses.

Un certificat du docteur [C] fait état d'un suivi de Mme [P] à compter de début 2019 pour un syndrome dépressif majeur et du récit par celle-ci de difficultés au travail

Si le témoignage de Mme [I] ne rapporte aucun fait directement constaté entre M. [G] et sa salariée mais uniquement des propos généraux tenus par M. [G] à une personne non salariée de l'entreprise, celui de M. [D] contient le récit de paroles déplacées et d'une critique des arrêts de travail que confirment les termes utilisés par M. [G] dans ses réponses aux demandes de Mme [P] dont la légitimité a été reconnue.

La preuve d'une dégradation de l'état de santé étant par ailleurs rapportée, il sera jugé que ces éléments laissent présumer un harcèlement moral.

Et, en l'absence de justification de ce que le comportement de l'employeur aurait eu un légitime fondement, le harcèlement moral sera reconnu.

Il a causé un préjudice à Mme [P] qui sera évalué à 3 500 euros.

En revanche Mme [P] ne saurait solliciter qu'il s'en déduise la nullité du licenciement et l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement nul d'un montant de 7 000 euros dès lors que sa déclaration d'appel ne porte que sur les chefs ci-dessus précisés et que la cour n'est donc saisie d'aucun appel à l'encontre des dispositions du jugement ayant dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et accordé 1 284 euros de dommages et intérêts à ce titre.

2) Sur le harcèlement sexuel

Mme [P] évoque la visionnage de vidéos pornographiques que lui aurait imposé M. [G] mais elle ne fait état à cet égard que de ses propres lettres adressées à l'employeur à l'exclusion de tout autre élément.

Quant aux propos tenus par M. [G] la seule attestation de M. [D] rédigée dans les termes susvisés ne suffit pas à établir la réalité de propos répétés à connotation sexuelle adressés directement à Mme [P] de sorte qu'aucun harcèlement sexuel n'est présumé et que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

En l'absence d'allégation de circonstances le justifiant il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte la remise de pièces ordonnée par les premiers juges.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme le jugement entrepris en celle de ses dispositions ayant débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel et dit n'y avoir lieu à astreinte.

Infirme le jugement en celle de ses dispositions ayant débouté Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

Et statuant à nouveau sur ce chef infirmé,

Fixe la créance de Mme [P] à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral au passif de la liquidation judiciaire de la société ACPVE Renov à la somme de 3 500 euros.

Dit l'AGS CGEA de Rouen tenue à garantie dans la limite des plafonds applicables.

Fixe la créance de Maître Voivenel au titre des articles 37 et 75 de la loi sur l'aide juridictionnelle au passif de la liquidation judiciaire de la société ACPVE Renov à la somme de 2 000 euros.

Fixe les dépens de l'instance d'appel au passif de la liquidation judiciaire de la société ACPVE Renov.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

E. GOULARD L. DELAHAYE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Caen
Formation : 1ère chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00877
Date de la décision : 13/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-13;21.00877 ?
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