AFFAIRE : N° RG 20/01483
N° Portalis DBVC-V-B7E-GSFE
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CAEN en date du 07 Juillet 2020 RG n° 18/00549
COUR D'APPEL DE CAEN
1ère chambre sociale
ARRÊT DU 17 MAI 2023
APPELANTE :
S.A.S. TRANSPORTS GAUTIER NORMANDIE
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Xavier ONRAED, avocat au barreau de CAEN, substitué par Me Elodie STIERLEN, avocat au barreau de RENNES
INTIME :
Monsieur [Z] [S]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Sophie CONDAMINE, avocat au barreau de CAEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur
Mme PONCET, Conseiller,
Mme VINOT, Conseiller,
DÉBATS : A l'audience publique du 02 mars 2023
GREFFIER : Mme GOULARD
ARRÊT prononcé publiquement le 17 mai 2023 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme GOULARD, greffier
Selon contrat de travail à durée déterminée à effet du 15 juillet 2003, puis à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2006, M. [Z] [S] a été engagé par la société Transport Gautier Normandie (TGN) en qualité de conducteur-agent d'entretien, puis responsable technique (groupe 1), la convention collective nationale des transports routiers étant applicable ;
A compter d'un avenant à effet du 1er mai 2017, il a occupé la fonction de responsable technique, groupe 3 coefficient 150 annexe 1 de la convention collective, sur la base d'une durée hebdomadaire de travail de 39 heures et d'un salaire de 2601.68€ brut intégrant la majoration des heures supplémentaires soit 4 heures hebdomadaires (17.33 heures par mois) ;
Se plaignant de n'avoir pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos en suite des heures supplémentaires effectuées et sollicitant la réparation de son préjudice, M. [S] a saisi le 17 octobre 2018 le conseil de prud'hommes de Caen lequel par jugement rendu en formation de départage le 7 juillet 2020 a :
- dit que le contingent annuel d'heures supplémentaires applicable à la catégorie des personnels sédentaires, dont relève M. [S], est de 130 heures ;
- déclaré recevables les demandes de M. [S] portant sur la contrepartie obligatoire en repos au titre de l'année 2015 et des années suivantes ;
- condamné la société TGN à payer à M. [S] la somme de 5238.04€ brut au titre de la contrepartie obligatoire en repos outre celle de 523.80 € de congés payés afférents ;
- débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts ;
- débouté M. [S] de sa demande de prime exceptionnelle ;
- ordonné à la société TGN de lui remettre un bulletin de salaire rectifié ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la société TGN à payer à M. [S] la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société TGN aux dépens ;
Par déclaration au greffe du 3 août 2020, la société TGN a formé appel de cette décision ;
A la suite du mémoire du 2 novembre 2020 de la société TGN demandant à la cour de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité, par arrêt du 25 novembre 2021, la cour a :
- déclaré recevable la question prioritaire de constitutionnalité ;
- dit n'y avoir lieu à transmettre à la cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité suivante « les dispositions de l'article 2B de la loi du 17 janvier 2003 sont elles conformes aux articles 4 et 16 da déclaration des droits de l'homme et du citoyen et au 8ème alinéa du préambule de la constitution de 1946 s'agissant de la participation des travailleurs à la détermination collective de leurs conditions de travail, au regard des circonstances nouvelles issues de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail ;
- dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer à l'examen du recours introduit dans l'instance opposant la société TGN à M. [S] » ;
Par conclusions n°3 remises au greffe le 13 février 2023 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, la société TGN demande à la cour de :
- réformer le jugement en ce qu'il a fixé le contingent à 130 heures et en ce qu'il a condamné la société à lui payer diverses sommes à ce titre et une indemnité de procédure ;
- statuant à nouveau,
- à titre principal, dire que le contingent annuel d'heures supplémentaires applicable s'élève à 220 heures ;
- à titre subsidiaire, dire que les décomptes des indemnités sollicitées sont erronés et pour partie prescrits (à hauteur de 8764 € au titre de la prescription) ;
- à titre infiniment subsidiaire, dire que M. [S] est seulement bien fondé à demande une allocation en repos et non indemnitaire dans la mesure où le contrat de travail n'est pas rompu ;
- à titre infiniment subsidiaire, dire que les sommes octroyées présentent un caractère indemnitaire
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [S] de ses autres demandes ;
- en tout état de cause,
- débouter M. [S] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [S] à lui payer une somme de 350 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. [S] aux dépens ;
Par conclusions n° 2 remises au greffe le 27 décembre 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel, M. [S] demande à la cour de :
- confirmer le jugement sauf en ses dispositions ayant limité le montant de l'indemnité allouée au titre de la contrepartie obligatoire en repos et des congés payés afférents, rejeté la demande indemnitaire et la demande de rappel de prime exceptionnelle ;
- statuant à nouveau, condamner la société TGN à lui payer :
- 13 398.34 € nets au titre de la contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel conventionnel (décompte arrêté au 31/12/2021) ;
- 1339.83€ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente (décompte arrêté du 31/12/2021) ;
- 5000 € nets à titre de dommages et intérêts indemnisant le préjudice subi du fait du défaut d'information et de mise en 'uvre de la contrepartie obligatoire en repos, s'analysant au surplus en un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur ;
- 8400 € à titre de rappel sur prime exceptionnelle arrêté au 31/12/2019 ;
- en tout état de cause
- condamner la société TGN à lui payer une somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
- condamner la société TGN à lui remettre des bulletins de salaire rectifiés et conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 75 € à compter d'un délai de 8 jours suivant le jugement à intervenir ;
La demande par M. [S] de la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 15 février 2013 a été rejetée et ses conclusions n°4 notifiées le 24 février 2023 déclarées irrecevables ;
En cours de délibéré et à la demande de la cour, M. [S] a indiqué que son contrat de travail était rompu depuis le 3 juin 2022 ;
L'employeur a confirmé ce point et indiqué qu'il a bénéficié d'un paiement au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;
Toutefois, la demande de la cour étant limitée aux ruptures éventuelles des contrats, ce dernier point ne sera pas pris en compte ;
MOTIFS
I - Sur la contrepartie obligatoire en repos
L'article L3121-30 du code du travail prévoit une contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel,
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Celle-ci comporte le montant d'une indemnité calculée comme si le salarié avait pris son repos, auquel s'ajoute le montant de l'indemnité de congés payés afférents.
- Sur le contingent annuel applicable
L'employeur critique le contingent annuel de 130 heures fondé sur l'article 12 de la convention collective des transports, estimant que ces dispositions ne sont plus applicables, puisqu'elles ont été conclues dans le cadre de l'ordonnance du 16 janvier 1982 et n'avaient pour objectif que de fixer le contingent au-delà duquel l'employeur devait solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail pour la réalisation d'heures supplémentaires, et non le contingent permettant de générer des repos compensateurs, lequel à l'époque était réglementairement fixé. Il rappelle que la loi du 17 janvier 2003 a donné pour la première fois la possibilité de déroger par accord collectif au seuil réglementaire susceptible d'ouvrir un droit à repos compensateur, et qu'aucun nouvel accord collectif n'a été négocié à ce titre de l'article L212-6 du code du travail ;
Le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement ou à défaut par convention ou accord de branche, et en l'absence d'accord le contingent applicable est celui fixé par l'article D3121-24 du code du travail, soit 220 heures par an ;
L'article 12 des clauses communes de la convention collective des transports prévoit :
« 1. Dispositions générales
La durée du travail effectif dans les entreprises visées par la présente convention est régie par la législation en vigueur (ordonnance du 16 janvier 1982 et textes subséquents et décret n° 83-40 du 26 janvier 1983).
2. Heures supplémentaires et contingent
a) Conformément à cette législation, la durée légale du travail effectif du personnel est fixée à 39 heures par semaine. Cette durée peut toutefois être augmentée par le recours aux heures supplémentaires dans les limites fixées par la réglementation en vigueur. Les heures de travail ainsi effectuées au-delà de la durée légale sont majorées de 25 % pour les heures de la 40e à la 47e et de 50 % au-delà de la 47e.
b) En application de l'article L. 212-6 du code du travail, le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspection du travail est fixé, par période de 12 mois, à compter du 1er janvier 1983 à :
- 195 heures pour le personnel roulant " voyageurs ", " marchandises " et " déménagement " ;
- 130 heures pour les autres catégories de personnel. »
L'article L212-6 du code du travail issu de l'ordonnance du 16 janvier 1982 rappelait que le contingent annuel d'heures supplémentaires pouvant être effectué après information de l'inspecteur du travail pouvait être modifié par une convention ou un accord collectif étendu (le contingent réglementaire étant de 130 heures), et c'est sur ce contingent que l'article 12 s'est nécessairement prononcé. A ce titre, l'employeur ne saurait, au motif que les 130 heures correspondaient également au contingent réglementaire, conclure à une absence de négociation des partenaires sociaux. En effet, l'article 12 prévoit deux régimes distincts (pour le personnel roulant et le personnel sédentaire) et ne se limite pas, pour le personnel sédentaire, à un renvoi au contingent légal ;
Toutefois, si la loi 2003-47 du 17 janvier 2003 a désormais prévu que le contingent réglementaire s'applique non seulement pour la saisine de l'inspecteur du travail mais également pour le déclenchement des droits à repos compensateur obligatoire, il ne saurait en être déduit, comme le soutient également l'employeur, qu'une nouvelle disposition conventionnelle était nécessaire pour déroger au seuil réglementaire à prendre en compte pour ouvrir droit au repos compensateur et qu'à défaut le seuil réglementaire de 220 heures était applicable ;
En effet, l'article 2B de la loi du 17 janvier 2003 dispose que « les contingents conventionnels d'heures supplémentaires négociés en application du deuxième alinéa de l'article L212-6 du code du travail, antérieurement à la date de publication de la présente loi reçoivent plein effet en matière d'ouverture du droit à repos compensateur obligatoire, dans la limite du contingent réglementaire prévu au premier alinéa du même article » ;
Cet article 2B n'est pas contrairement à ce que soutient l'employeur contraire à la constitution en ce qu'il confère des effets aux dispositions de l'article 12 que leurs signataires ne pouvaient leur attacher au moment de leur conclusion. En effet, ainsi que le rappelle la cour en refusant dans son arrêt du 25 novembre 2021 de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité posée par l'employeur, le conseil constitutionnel dans sa décision du 13 janvier 2003, estimé qu'une telle disposition, en ce qu'elle améliore la situation des salariés concernés au regard du droit au repos ne porte pas une atteinte inconstitutionnelle à l'économie des contrats légalement conclus ;
Par ailleurs, l'employeur ne saurait soutenir que l'article 2B ne peut avoir donné effet « à toutes les références conventionnelles quelle que soit la date à laquelle les partenaires ont pu négocier ce point », s'appuyant sur l'article 16 de cette même loi, lequel a « sécurisé » uniquement les accords signés sur le fondement de la loi de 1998 et de celle de 2000, alors même que d'une part l'article 2B vise les accords antérieurs à la publication de la loi, ce qui constitue une limite dans le temps, et d'autre part que l'article 16 invoqué est inclus dans les dispositions relatives au développement de l'emploi (titre III de la loi) alors que l'article 2B est inclus dans celles relatives au temps de travail (titre II de la loi), l'article 16 n'est donc pas applicable au présent litige qui concerne le temps de travail ;
Enfin, la loi 2008-789 du 20 août 2008 a privilégié l'accord collectif, ou à défaut l'accord de branche pour fixer le contingent, la fixation réglementaire (220 heures depuis 2004) ne s'appliquant qu'à défaut d'accord. Pour autant, l'employeur ne saurait en déduire que le seuil réglementaire s'applique en l'absence de dérogation voulue par les partenaires sociaux, alors même que, ainsi que le rappelle la cour dans l'arrêt du 25 novembre 2021, le conseil constitutionnel dans sa décision du 7 août 2008 a censuré les dispositions de la loi du 2008 qui considéraient que les conventions et accords antérieurs relatifs aux heures supplémentaires et à leur compensation en repos resteraient en vigueur que jusqu'au 31 décembre 2009 ;
Dès lors, la loi du 20 août 2008 n'a pas d'incidence sur l'article 12 de la convention collective ;
- Sur la reconnaissance par l'employeur d'un contingent annuel de 130 heures pour le personnel sédentaire
La note produite par le salarié relative au contingent annuel d'heures supplémentaires pour les sédentaires et qui évoque un contingent de 130 heures par an n'est cependant pas de nature à établir que l'employeur a reconnu un tel contingent applicable. En effet, il n'est pas possible d'établir que cette note non datée, qui comporte la mention STG qui est celle du groupe et non de la société TGN, émane de l'employeur.
- Sur la caducité de l'article 12
L'employeur, se fondant sur les articles 1186 et 1187 du code civil, fait valoir que l'article 12 est devenu caduc car ses dispositions ont fixé un contingent d'heures supplémentaires au regard de la règle applicable qui était celle de l'autorisation de l'inspecteur du travail, que cette autorisation ayant disparu en 2008, l'article 12 a perdu de son objet ;
L'article 1186 du code civil dispose qu'un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît. Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparait, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie » ;
Ainsi qu'il a été relevé ci-avant, l'article 12 de la convention collective a été négocié en application de l'article L212-6 du code du travail dans sa rédaction en vigueur le 1er février 1982, permettant la détermination par voie conventionnelle du contingent annuel d'heures supplémentaires pouvant être effectuées après information de l'inspecteur du travail ;
S'il est vrai que l'autorisation de l'inspection du travail a disparu en 2008, pour autant le contingent d'heures supplémentaires continue à s'appliquer pour le déclenchement des droits à repos compensateur obligatoire (devenu contrepartie obligatoire en repos), le salarié soulignant justement qu'un seul et unique contingent a toujours été prévu pour rendre nécessaire l'autorisation de l'inspection du travail ou pour ouvrir un droit à repos. Par ailleurs, la loi de 2003 a expressément
prévu que les contingents négociés en application de l'article L212-6 plein effet en matière d'ouverture du droit à repos compensateur obligatoire, et la loi de 2008 n'a pas eu d'incidence sur ces accords ;
Enfin l'accord ne contient aucune disposition prévoyant qu'il cesserait de s'appliquer en cas de modification ou d'évolution de la législation visée ;
Dès lors, la suppression de l'autorisation de l'inspection du travail n'est pas de nature à rendre impossible l'application de l'accord ;
De ce qui vient d'être exposé, le contingent d'heures supplémentaires est donc de 130 heures pour le personnel sédentaire, le jugement étant confirmé sur ce point ;
- Sur la prescription
Les demandes tendant au versement de sommes qui auraient dû être payées au titre du repos compensateur sont soumises à la prescription applicable aux actions en paiement du salaire. Depuis la loi du 14 juin 2013, ce délai de prescription est de 3 ans ;
A défaut de saisine de la juridiction prud'homale dans les trois années suivant le 16 juin 2013, les dispositions transitoires ne sont pas applicables, en sorte que l'action en paiement de créances de salaire nées sous l'empire de la loi ancienne se trouve prescrite ;
Dès lors, le délai de prescription applicable est de 3 ans et le salarié ne peut pas invoquer le bénéfice des dispositions transitoires en soutenant que la prescription de 5 ans n'était pas expirée ;
Le délai de prescription ne peut courir qu'à compter du jour où le salarié a eu connaissance de ses droits, en l'occurrence, comme l'a relevé le premier juge, à l'expiration de la période annuelle de décompte des heures supplémentaires, soit le 31 décembre. Dès lors pour l'année 2015, les droits du salarié sont nés le 31 décembre 2015 ;
Le salarié invoque la reconnaissance par la direction lors d'une réunion de comité de groupe du 18 octobre 2017 de son droit au repos et que cette reconnaissance a interrompu le délai de prescription et constitue le point de départ, si bien que si la cour retient une prescription de 3 ans, il peut prétendre aux indemnités dues au 31 décembre 2014 ;
Si les comptes rendus des réunions des instances représentatives de la société TGN (en 2017 et 2018) établissent qu'une consultation a été faite pour la mise en place du COR (contrepartie obligatoire en repos), et qu'il est mentionné que lors de la réunion du comité de groupe du 18 octobre 2017, l'employeur a présenté les principes d'alimentation du COR et le traitement qui serait appliqué pour solder les années passées, il résulte toutefois de ces pièces que l'employeur a indiqué appliquer un contingent annuel de 220 heures. Dès lors les déclarations du 18 octobre 2017 ne peuvent constituer une reconnaissance des droits du salarié en matière de contrepartie obligatoire en repos calculée sur la base d'un contingent de 130 heures ;
Le salarié ne peut donc prétendre aux indemnités antérieures à l'année 2015 ;
- Sur les décomptes d'heures supplémentaires
L'employeur fait valoir que le salarié était rémunéré sur une base forfaitaire de 169 heures incluant 17h33 d'heures supplémentaires, ces heures ne constituant toutefois pas toutes du temps de travail effectif, et indique qu'il a déduit des heures supplémentaires rémunérées et pour chaque mois les évènements d'absence non assimilés à du temps de travail effectif ;
Le salarié rappelle que la contrepartie obligatoire en repos est assise sur les heures supplémentaires retenues comme telles par l'employeur, rémunérées de manière majorée et effectuées au-delà du contingent, et indique qu'il a procédé à son calcul à partir des heures supplémentaires mentionnées sur les bulletins de salaire ;
Le présent litige n'est pas de déterminer les heures supplémentaires effectuées par le salarié, mais de prendre en compte les heures supplémentaires qui lui ont été réglées pour déterminer si une contrepartie obligatoire en repos est due ;
A ce titre le salarié prend en compte les heures supplémentaires mentionnées sur ses bulletins de salaire, ce qui suppose que l'employeur a nécessairement vérifié que ces heures correspondaient à un travail effectif ;
Au demeurant et en tout état de cause, il sera observé :
- que les bulletins de salaire (notamment en 2015) mentionnent pour la période retenue des heures supplémentaires payées avec la majoration légale, ainsi, contrairement à ce que soutient l'employeur, les heures supplémentaires n'étaient pas systématiquement réglées en application de la base forfaitaire de 169 heures applicable à compter du 1er mai 2017, puisque des heures supplémentaires étaient réglées au salarié avant cette date.
- que dans ses nouveaux décomptes, l'employeur a déduit des jours d'absence mois par mois et a déduit les heures correspondant à ces absences des heures supplémentaires figurant sur les bulletins de salaire. Or, les bulletins sur lesquels s'est fondé le salarié pour comptabiliser les heures supplémentaires effectuées mentionnent déjà les absences du salarié, ce qui revient comme l'a à juste titre rappelé le premier juge, à déduire deux fois les absences comptabilisées ;
Ces décomptes ne seront donc pas retenus ;
- Sur la prise en compte de la régularisation opérée par l'employeur
Il résulte du compte rendu de la réunion du comité d'entreprise du 25 octobre 2018 que l'employeur a informé et consulté le comité d'entreprise sur la mise en 'uvre du COR (contrepartie obligatoire en repos), et ce sur la base d'un contingent annuel de 220 heures pour le personnel sédentaire, et a informé le salarié qu'il ne pouvait prétendre à aucun droit à contrepartie en repos ;
L'employeur ne sollicite d'ailleurs aucune régularisation à ce titre ;
- Sur la rupture du contrat de travail
L'employeur soutient que le contrat de travail étant toujours en cours, le salarié est en mesure de bénéficier du repos sous forme d'un crédit d'heures portées au compteur existant, que le salarié ne peut donc en application de l'article D3121-14 du code du travail bénéficier d'une indemnité ;
Toutefois, ce moyen, à le supposer fondé, est inopérant puisque le contrat de travail est rompu depuis le 3 juin 2022 ;
Au vu de ce qui précède et des décomptes produits (qui ne sont pas autrement contestés y compris subsidiairement), il convient en conséquence d'allouer à M. [S] qui n'a pas été en mesure du fait de son employeur de prendre son droit à repos, une indemnité en réparation du préjudice subi calculée comme si le salarié avait pris son repos, auquel s'ajoute le montant de l'indemnité de congés payés afférents, soit une somme de 8909.74€ (2015 à 2021 inclus) outre celle de 890.97 € de congés payés afférents, soit une indemnité totale de 9800.71 € ;
La somme allouée ayant un caractère indemnitaire, le jugement sera réformé en ce qu'il a alloué une somme brute ;
II- Sur les dommages et intérêts
Le salarié reproche à l'employeur l'absence totale d'information et de mise en 'uvre des dispositions légales relatives à la contrepartie obligatoire en repos, et que cette abstention conduit à méconnaitre l'obligation de sécurité en interdisant au salarié de bénéficier de l'ensemble des temps de repos ;
L'employeur fait valoir que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un préjudice, en particulier concernant la méconnaissance de l'obligation de sécurité, il ne justifie pas d'un état de santé dégradé ou d'un état de souffrance lié à un nombre de jours de repos insuffisant ;
Le salarié n'a pas du fait de l'employeur été en mesure de prendre les repos qui lui étaient dues, et ce pendant plusieurs années, ce qui a occasionné une atteinte à sa santé et à sa sécurité qui sera réparée par des dommages et intérêts d'un montant de 2000 €. Le jugement étant infirmé sur ce point.
III - Sur le rappel de prime exceptionnelle
Les bulletins de salaire démontrent que le salarié a perçu une prime exceptionnelle de 300 € par mois de juillet 2015 au mois de juillet 2017. Cette prime n'est pas prévue dans le contrat de travail ;
Il résulte d'un échange de courriels produits aux débats que l'employeur a accordé cette prime au salarié afin de « compenser la charge de travail et les responsabilités supplémentaires liées à l'encadrement de la maintenance des véhicules chez Sodinor », et que le salarié a été à nouveau affecté à temps plein sur TGN à compter du 1er juin 2017 ;
Dès lors, le salarié ne peut revendiquer l'existence d'un usage de l'employeur alors qu'il résulte de ces éléments que le versement de cette prime dont seul M. [S] a bénéficié était destiné à « compenser » une charge supplémentaire, et dont il n'est pas contesté qu'elle ait pris fin ;
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande ;
Les dispositions du jugement relatives aux dépens seront confirmées ;
La société TGN qui perd le procès sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. En équité, elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 600 € pour les frais de première instance et d'appel à M. [S] ;
La remise des documents demandés sera ordonnée sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte en l'absence d'allégation de circonstances le justifiant ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement rendu le 7 juillet 2020 par le conseil de prud'hommes de Caen sauf sur le montant de l'indemnité allouée, sauf en ce qu'il a dit que cette indemnité était une somme brute, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts et sur l'indemnité de procédure ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ,
Condamne la société Transport Gautier Normandie (TGN) à payer à M. [S] la somme de 9800.71 € à titre d'indemnité (contrepartie obligatoire en repos) ;
Condamne la société Transport Gautier Normandie (TGN) à payer à M. [S] M. [S] la somme de 2000 € à titre de dommages et intérêts ;
Ordonne à la société Transport Gautier Normandie (TGN) de remettre à M. [S] des bulletins de salaire complémentaires (à raison d'un bulletin par année) conformes au présent arrêt, ce dans le délai d'un mois à compter de sa signification, sans qu'il soit besoin d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
Condamne la société Transport Gautier Normandie (TGN) à lui payer la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d'appel ;
La déboute de sa demande aux mêmes fins ;
Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne la société Transport Gautier Normandie (TGN) aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
E. GOULARD L. DELAHAYE